Invité
Invité
Plusieurs mois se sont écoulés depuis que je suis sortie de prison. J'ai pris la tête du clan dans les terres du nord, après avoir tué mon frère. Cette nouvelle tâche a accaparé beaucoup de mon temps et j'ai dû abandonner mes comptoirs à Melorn, d'autant plus que la dizaine d'années que j'ai passé en prison à quelque peu erodé mon commerce dans la cité-état.
Lorsque je suis revenu, à la demande de Jaina, j'ai décidé de reprendre les choses en main. Elle gère la maison de jeu, mes contacts avec les pirates se sont effilochés lors de mon incarcération mais je dois pouvoir remettre les pieds dans le milieu.
Le bâtiment qui me servait de comptoir est condamné et bien qu'il m'appartienne encore, personne ne s'y est établi à part quelques vagabonds que j'ai chassé à coup de pied dans le cul.
J'ai arraché les planches qui étaient clouées aux fenêtres, laissant la lumière rentrer. Une immonde odeur de renfermé flotte dans l'air. Ça va prendre du temps mais je dois nettoyer ce merdier. J'ai donc payé quelques individus afin de m'aider à dégager tout ce qui ne tenait plus débout.
A la nuit tombée, le comptoir est vide, bien que l'extérieur il fasse toujours penser à un bâtiment abandonné.
J'ai acheté une table, quelques chaises, une bougie illumine la pièce principale d'une lueur chiche. Je bourre le foyer de ma pipe de tabac et l'allume pour tirer quelques longues bouffées. La fumée autour de moi s'épaissit et je me plonge dans mes réflexions, dans ce grand bâtiment vide autrefois si animé. Des commerçants et des truands venaient régulièrement me demander des vivres, des produits de luxe que les pirates avaient pillés et racheté une bouchée de pain pour les revendre au plus cher sur les marchés de Melorn.
Je pourrais reprendre mes contacts avec les pirates ? Recommencer à faire du recel ? Non, les autorités vont surveiller ça. Mais par contre, je peux monter un bordel. Ce quartier de la ville n'en a pas, mais il me faut juste trouver un moyen de contacter la pègre locale afin de négocier un accord pour qu'elle me laisse en paix.
Lorsque je suis revenu, à la demande de Jaina, j'ai décidé de reprendre les choses en main. Elle gère la maison de jeu, mes contacts avec les pirates se sont effilochés lors de mon incarcération mais je dois pouvoir remettre les pieds dans le milieu.
Le bâtiment qui me servait de comptoir est condamné et bien qu'il m'appartienne encore, personne ne s'y est établi à part quelques vagabonds que j'ai chassé à coup de pied dans le cul.
J'ai arraché les planches qui étaient clouées aux fenêtres, laissant la lumière rentrer. Une immonde odeur de renfermé flotte dans l'air. Ça va prendre du temps mais je dois nettoyer ce merdier. J'ai donc payé quelques individus afin de m'aider à dégager tout ce qui ne tenait plus débout.
A la nuit tombée, le comptoir est vide, bien que l'extérieur il fasse toujours penser à un bâtiment abandonné.
J'ai acheté une table, quelques chaises, une bougie illumine la pièce principale d'une lueur chiche. Je bourre le foyer de ma pipe de tabac et l'allume pour tirer quelques longues bouffées. La fumée autour de moi s'épaissit et je me plonge dans mes réflexions, dans ce grand bâtiment vide autrefois si animé. Des commerçants et des truands venaient régulièrement me demander des vivres, des produits de luxe que les pirates avaient pillés et racheté une bouchée de pain pour les revendre au plus cher sur les marchés de Melorn.
Je pourrais reprendre mes contacts avec les pirates ? Recommencer à faire du recel ? Non, les autorités vont surveiller ça. Mais par contre, je peux monter un bordel. Ce quartier de la ville n'en a pas, mais il me faut juste trouver un moyen de contacter la pègre locale afin de négocier un accord pour qu'elle me laisse en paix.
Dans un grincement sonore, la porte fut lentement repoussée. Dans l'encadrement, la silhouette d'un gigantesque personnage se dessina alors. Lorsque l'énigmatique individu fit un pas à l'intérieur, il laissa pénétrer avec lui un courant d'air glacé qui se répandit aussitôt dans toute la pièce avant de s'éteindre. C'était étrange, car le temps ne semblait pourtant pas si inhospitalier, à première vue. L'étranger s'abaissa légèrement pour entrer et lorsqu'il apparut enfin à la lumière de l'endroit, ce furent d'abord ses cornes immenses puis enfin son masque carnin qui se révélèrent. L'Ogre du Blizzard, revenu de son périple, arpentait donc à nouveau les sentiers du Nord. Derrière le masque écarlate que recouvrait une fine pellicule de givre, le monstre issu du froid s'exprima alors de sa voix caverneuse, dont le ton semblait curieusement enjoué :
"Il est bon de te revoir, le Gris."
Le géant posa sa main sur son masque, qu'il vint décrocher ensuite pour révéler sa gueule au moins tout aussi effrayante que l'accessoire censée la dissimuler. Malgré les nouvelles cicatrices qui parsemaient son faciès horrible, il restait aisément reconnaissable. Le surnom du propriétaire des lieux devait sans doute sonner quelques cloches, car les voyageurs et autres commerçants de passage ne s'adressaient pas à lui de la sorte. Kahl l'Oni n'était pas de ceux-là, malheureusement, et lorsqu'il pointait le bout de son horrible museau, il amenait généralement avec lui des ennuis dont la plupart se passaient bien. Il n'avait pas nommé le lycanthrope de la sorte par hasard, en vérité, car les deux personnages pourtant si différents l'un de l'autre possédaient quelques expériences en commun.
L'incarcération, en premier lieu, mais l'un ne s'en était pas tiré comme le second. C'était un détail. Ce qui les avait rassemblé autrefois était surtout l'appât du gain plutôt que les idéaux, et c'était sur ces liens de nature purement commerciale que Kahl avait traîné sa colossale carcasse jusqu'à la Cité-Etat. Lors de leurs grandes années, les deux guerriers du Nord s'étaient occasionnellement croisés dans le cadre de divers échanges. Bien que nomades et survivalistes dans l'âme, les membres des tribus essuyaient couramment des pertes dues aux intempéries, aux conflits, mais surtout à la faim tenaillante qu'une chasse souvent trop maigre ne parvenait pas à apaiser. L'humidité de la neige ne faisait pas non plus de cadeaux aux armements qui, inexorablement, venaient à décrépir.
Lorsqu'ils se trouvaient au pied du mur, ces combattants pourtant adeptes du vol et des batailles se retrouvaient parfois contraints d'opérer aux antipodes de leur mode de vie criminel et, dans ces cas de figure, ils faisaient appel à divers fournisseurs pour se munir d'équipements et de vivres. C'était là que le Gris entrait en jeu, car il avait toujours disposé d'une multitude de ressources "tombées du chariot" et ne se montrait que peu regardant concernant les origines de la monnaie qu'il recevait lors des échanges. Qu'il soit issu du travail, de la guerre ou bien du pillage, l'or avait toujours la même odeur, après tout.
Humant l'air avec insistance comme pour capter des souvenirs d'antan à travers les senteurs du bois massif, l'oni inspectait les lieux avec une surprise certaine car, si le loup n'avait jamais décoré cette échoppe avec un luxe qui aurait risqué d'attirer l'attention, force était de constater que l'ensemble était devenu bien plus minimaliste qu'auparavant. Le grand commerçant qu'il était jadis avait donc perdu de sa superbe ? Que lui était-il arrivé ?
Après avoir refermé la porte derrière lui, Kahl s'avança à pas lourds jusqu'au comptoir où se tenait le marchand. Sur son épaule, un paquetage militaire encrassé et passablement décousu bringuebalait allègrement. Lorsque l'Ogre parvint au niveau de son vis-à-vis, il le dévisagea un instant dans un silence de mort puis empoigna la bretelle de son sac, qu'il vint poser sans ménagement dans un fracas bruyant. Cela fait, il enfonça sa paluche griffue à l'intérieur du contenant et vint en extraire une bouteille qui sonnait pleine et qui, par ailleurs, était constituée d'un verre fumé qui en masquait légèrement l'intérieur.
L'Ogre déposa cette offrande sur le meuble mais ne la relâcha pas immédiatement. Il riva son regard sur la bouteille et laissa la magie du froid affluer en lui. Petit à petit, une fine couche glacée vint rendre le verre plus opaque qu'il ne l'était déjà, mais le liquide enfermé à l'entière ne changea quant à lui pas d'état. Lorsque son petit tour fut conclu, le colosse relâcha finalement son étreinte polaire et pointa d'un index humide le bouchon, avant de reprendre la parole :
"Souffle d'Ombragon. Servi à basse température pour davantage de saveur. Lorsque je te rends visite, je ne me fous pas de ta gueule. M'accompagneras-tu le temps d'un verre, ou deux, ou dix ?"
L'Ogre était certes un barbare réputé pour sa sauvagerie, mais il avait cependant le goût des bonnes choses. La provenance dudit breuvage, en revanche, gagnait à ne pas être connue.
Invité
Invité
Quand la porte s'ouvre sur la silhouette massive, je me contente de lever les yeux vers elle, tirant toujours une longue bouffée de tabac de ma pipe. L'odeur m'est vaguement familière, mais tout comme beaucoup des effluves qui me sont arrivées aux narines depuis que j'ai mis les pieds à Melorn.
Je reste immobile, les muscles bandés à l'extrême car de prime abord, je ne me dis pas que c'est une visite de courtoisie.
La première chose qui me vient à l'esprit c'est : merde ! Ils ont fait vite !
A l'instant où je vois cette masse se découper dans l'encadrement de la porte, je pense que mes rivaux ont déjà remarqué et ont envoyé quelqu'un pour se débarrasser de moi.
Mais je reste calme, prêt à bondir et à défendre chèrement ma fourrure.
Cependant, l'étranger brise le silence et me donne mon surnom. Sa voix, bien que éraillée, sonne un peu plus familière à mes oreilles. Je fais changer de coin à ma pipe, le bruit du bois contre mes dents se fait doucement entendre.
"On est fermé à cette heure-ci."
Mais l'inconnu s'avance et sa démarche me revient, il entre dans la lumière de la bougie et je reconnaît immédiatement l'oni avec lequel j'ai longtemps commercé, fournissant sa bande de pillards en armes, équipements et vivres. La lumière se fait dans mon esprit en même temps que son visage mal dégrossis entre dans la lumière de la petite flamme dansante.
"Khal ? Qu'est ce que tu fais ici ?"
Son air surpris me laisse entendre qu'il n'était pas au courant de mon incarcération et de la ruine de mon affaire florissante. Il pose une bouteille sur le comptoir et faisant usage de sa magie, je la vois se couvrir de givre.
"Je ne dis jamais non quand il s'agit de boire quelques verres avec un ancien partenaire."
Et je me penche pour ramasser deux gobelets en étain miraculeusement rescapés du bâtiment de décrépis. J'enfonce mon index et mon pouce pour les pincer et les poser sur le comptoir en bois usé devant nous.
Je prends la bouteille glacé entre mes doigts et en fais sauter le bouchon dans un "plop" sonore.
"Je dois bien l'avouer, j'aime ce bruit."
Je remplis les deux verres et pose la bouteille, sur la marque humide qu'elle a déjà laissé sur le bois.
Prenant un des récipients par- dessus, mes doigts en cloche, je le dépose devant l'oni et empoigne mon propre verre pour trinquer avec lui.
"Alors ? Dis moi ce qui t'amène dans mon échoppe ? Ça fait plus de dix ans qu'elle est fermée, je pensais que tu étais au courant."
Je porte alors le verre à mes lèvres et le goût de l'alcool se mélange à celui du métal.
Qu'est ce qui peut bien amener Khal ici ? En général, il venait avec quelques-uns de ses hommes, rarement seul. Et son ignorance de ma fermeture indique qu'il s'est passé quelque chose dans sa vie qui l'a quelque peu bouleversé, tout comme les événements dans la mienne.
Je reste immobile, les muscles bandés à l'extrême car de prime abord, je ne me dis pas que c'est une visite de courtoisie.
La première chose qui me vient à l'esprit c'est : merde ! Ils ont fait vite !
A l'instant où je vois cette masse se découper dans l'encadrement de la porte, je pense que mes rivaux ont déjà remarqué et ont envoyé quelqu'un pour se débarrasser de moi.
Mais je reste calme, prêt à bondir et à défendre chèrement ma fourrure.
Cependant, l'étranger brise le silence et me donne mon surnom. Sa voix, bien que éraillée, sonne un peu plus familière à mes oreilles. Je fais changer de coin à ma pipe, le bruit du bois contre mes dents se fait doucement entendre.
"On est fermé à cette heure-ci."
Mais l'inconnu s'avance et sa démarche me revient, il entre dans la lumière de la bougie et je reconnaît immédiatement l'oni avec lequel j'ai longtemps commercé, fournissant sa bande de pillards en armes, équipements et vivres. La lumière se fait dans mon esprit en même temps que son visage mal dégrossis entre dans la lumière de la petite flamme dansante.
"Khal ? Qu'est ce que tu fais ici ?"
Son air surpris me laisse entendre qu'il n'était pas au courant de mon incarcération et de la ruine de mon affaire florissante. Il pose une bouteille sur le comptoir et faisant usage de sa magie, je la vois se couvrir de givre.
"Je ne dis jamais non quand il s'agit de boire quelques verres avec un ancien partenaire."
Et je me penche pour ramasser deux gobelets en étain miraculeusement rescapés du bâtiment de décrépis. J'enfonce mon index et mon pouce pour les pincer et les poser sur le comptoir en bois usé devant nous.
Je prends la bouteille glacé entre mes doigts et en fais sauter le bouchon dans un "plop" sonore.
"Je dois bien l'avouer, j'aime ce bruit."
Je remplis les deux verres et pose la bouteille, sur la marque humide qu'elle a déjà laissé sur le bois.
Prenant un des récipients par- dessus, mes doigts en cloche, je le dépose devant l'oni et empoigne mon propre verre pour trinquer avec lui.
"Alors ? Dis moi ce qui t'amène dans mon échoppe ? Ça fait plus de dix ans qu'elle est fermée, je pensais que tu étais au courant."
Je porte alors le verre à mes lèvres et le goût de l'alcool se mélange à celui du métal.
Qu'est ce qui peut bien amener Khal ici ? En général, il venait avec quelques-uns de ses hommes, rarement seul. Et son ignorance de ma fermeture indique qu'il s'est passé quelque chose dans sa vie qui l'a quelque peu bouleversé, tout comme les événements dans la mienne.
Satisfait par l'acceptation de son offre, l'Oni vint trinquer avec enthousiasme avec son vis-à-vis qui ne semblait pas particulièrement troublé par la présence de l'Ogre. A vrai dire, Rionor était fait d'un bois suffisamment dur pour accueillir un monstre d'un tel calibre sans sourciller pour autant. Etrangement, Kahl n'avait d'ailleurs jamais tenté de se montrer intimidant en la présence de ce dernier, en premier lieu du fait de la puissance qu'était capable de déployer l'homme se trouvant face à lui, mais également car ce dernier proposait jadis les meilleures offres du marché.
Lorsque le Gris demanda à son désormais compagnon de beuverie de s'expliquer quant aux raisons de sa visite inattendue, le sourire du concerné vint s'affaiblir légèrement pour enfin s'évanouir dans une expression de parfaite neutralité. Portant le verre à sa gueule, il engloutit une bonne portion du liquide simultanément glacé et brûlant tout en se remémorant les erreurs dramatiques qui l'avaient mené à se retrouver à nouveau seul, vagabondant jusqu'aux terres du froid et revenant ainsi à son point de départ. Sans une once de joie, il annonça alors :
"Notre... expédition sur le territoire des Républicains s'est soldée par un cuisant échec. Les autres ont été décimés, il ne reste plus que moi."
Il y avait beaucoup à dire, mais tout ce qui impliquait sa propre défaite ne bénéficiait que rarement d'explications détaillées. Loin d'être assujetti à des émotions telles que la tristesse ou le remord, l'Ogre accusait le coup par une forme de colère qu'il valait mieux ne pas attiser. Il préférait donc éviter d'expliquer la situation dans son ensemble. L'annonce de la fermeture de la boutique ne troubla pas le géant outre mesure, il avait déjà compris que tel était le cas en jetant un coup d'oeil à l'état des lieux. Offrant un air interrogateur au Gris, l'Ogre enchaîna alors :
"J'espère que la fermeture de cette échoppe ne se traduit pas par un arrêt complet de tes services. J'ai besoin d'un coup de main."
Et pas qu'un peu, d'ailleurs. Après le coup d'éclat dont l'Ogre s'était rendu responsable en compagnie de Nargulg, les forces de l'ordre Républicaines risquaient de ne pas le lâcher. Kahl ne savait rien des attributions des Limiers et encore moins de leur juridiction mais il osait supposer que ces derniers ne s'encombraient pas nécessairement de soucis de frontières lorsqu'ils effectuaient leurs interventions. Ils avaient peut être même déjà suivi sa trace, à bien y songer. A cette pensée, le colosse accorda un regard vif vers la porte menant vers l'extérieur, s'attendant subitement à voir débarquer tout une meute de Limiers enragés. Cette sombre idée écartée, il reprit d'un air grave :
"La Prison du Razkaal, j'y ai passé un moment."
Si on se souvenait toujours du jour où l'on pénétrait dans les cellules froides de cette maudite prison, il était rare cependant de pouvoir se vanter d'en avoir vu la fin autrement que par la mort. Malheureusement, les quelques chanceux qui parvenaient à réaliser cet exploit subissaient alors une vie de conflits sans fin, car les Limiers ne connaissaient pas le repos. Une bonne partie de l'influence du Razkaal reposait justement sur sa réputation d'ultime sanction, un enfer carcéral redouté même par les Titans. Alors, lorsqu'on y échappait, notre existe terminait bien souvent de façon plutôt tragique. Dans des circonstances aussi terribles, même les monstres avaient besoin de se trouver quelques amis.
"Je m'en suis tiré, par miracle. Maintenant, je suis traqué et je le serai probablement pour toujours. J'ai besoin d'informations, d'équipement de survie, tout ce qui peut me permettre de me tirer à bon compte de ce mauvais pas. Puisque le reste de ma bande s'est fait décimer, j'ai plus aucun contact. A part toi, bien évidemment."
Les iris noirs se plongèrent une fois encore dans ceux du Gris.
Lorsque le Gris demanda à son désormais compagnon de beuverie de s'expliquer quant aux raisons de sa visite inattendue, le sourire du concerné vint s'affaiblir légèrement pour enfin s'évanouir dans une expression de parfaite neutralité. Portant le verre à sa gueule, il engloutit une bonne portion du liquide simultanément glacé et brûlant tout en se remémorant les erreurs dramatiques qui l'avaient mené à se retrouver à nouveau seul, vagabondant jusqu'aux terres du froid et revenant ainsi à son point de départ. Sans une once de joie, il annonça alors :
"Notre... expédition sur le territoire des Républicains s'est soldée par un cuisant échec. Les autres ont été décimés, il ne reste plus que moi."
Il y avait beaucoup à dire, mais tout ce qui impliquait sa propre défaite ne bénéficiait que rarement d'explications détaillées. Loin d'être assujetti à des émotions telles que la tristesse ou le remord, l'Ogre accusait le coup par une forme de colère qu'il valait mieux ne pas attiser. Il préférait donc éviter d'expliquer la situation dans son ensemble. L'annonce de la fermeture de la boutique ne troubla pas le géant outre mesure, il avait déjà compris que tel était le cas en jetant un coup d'oeil à l'état des lieux. Offrant un air interrogateur au Gris, l'Ogre enchaîna alors :
"J'espère que la fermeture de cette échoppe ne se traduit pas par un arrêt complet de tes services. J'ai besoin d'un coup de main."
Et pas qu'un peu, d'ailleurs. Après le coup d'éclat dont l'Ogre s'était rendu responsable en compagnie de Nargulg, les forces de l'ordre Républicaines risquaient de ne pas le lâcher. Kahl ne savait rien des attributions des Limiers et encore moins de leur juridiction mais il osait supposer que ces derniers ne s'encombraient pas nécessairement de soucis de frontières lorsqu'ils effectuaient leurs interventions. Ils avaient peut être même déjà suivi sa trace, à bien y songer. A cette pensée, le colosse accorda un regard vif vers la porte menant vers l'extérieur, s'attendant subitement à voir débarquer tout une meute de Limiers enragés. Cette sombre idée écartée, il reprit d'un air grave :
"La Prison du Razkaal, j'y ai passé un moment."
Si on se souvenait toujours du jour où l'on pénétrait dans les cellules froides de cette maudite prison, il était rare cependant de pouvoir se vanter d'en avoir vu la fin autrement que par la mort. Malheureusement, les quelques chanceux qui parvenaient à réaliser cet exploit subissaient alors une vie de conflits sans fin, car les Limiers ne connaissaient pas le repos. Une bonne partie de l'influence du Razkaal reposait justement sur sa réputation d'ultime sanction, un enfer carcéral redouté même par les Titans. Alors, lorsqu'on y échappait, notre existe terminait bien souvent de façon plutôt tragique. Dans des circonstances aussi terribles, même les monstres avaient besoin de se trouver quelques amis.
"Je m'en suis tiré, par miracle. Maintenant, je suis traqué et je le serai probablement pour toujours. J'ai besoin d'informations, d'équipement de survie, tout ce qui peut me permettre de me tirer à bon compte de ce mauvais pas. Puisque le reste de ma bande s'est fait décimer, j'ai plus aucun contact. A part toi, bien évidemment."
Les iris noirs se plongèrent une fois encore dans ceux du Gris.
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum