- Palais Rey, Ikusa -

Tagar voyait les choses en grand maintenant, non seulement il avait participé à redressé l'économie d'après-guerre, mais en plus il envisageait d'établir pour de bon le Reike au Shoumeï. Si seulement la baronne de Boktor était présente, Zaïn assisterai à un combat légendaire entre Tagar et Myriem, cela pimenterai un peu plus la journée. il était prêt à parier qu'en entendant cela, Myriem de Boktor se serait jetée toute griffes dehors sur Tagar Reys sans la moindre hésitation. En tout cas, si ces deux amis de Zaïn venaient à se battre, il miserai sur Tagar pour le simple fait que c'était un homme, quoiqu'il n'avait jamais vu Myriem se battre... Elle devait surement cacher de sacrée ressources.

Zaïn s'extirpa difficilement cette vision d'un duel entre Tagar et Myriem pour mieux se concentrer sur la discussion politique qu'il menait avec le Coeur.

- Ce serait en effet plus simple pour creuser des canaux maritimes... mais aussi pour le simple bénéfice de régler la question du Shoumeï qui reste en suspends... Il s'arrêta net dans sa phrase pour ajouter, ingénument : ça me fait penser qu'il faudra des seigneurs pour diriger ces terres, je peux en faire partie ? En face, Arkady lui rit au nez.

Mais Zaïn était tout à fait sérieux malgré sa face d'idiot qu'il avait à l'instant, du chocolat autour de la bouche. On aurait dit un enfant, après avoir eu son chocolat, qui demandait une seconde sucrerie à ses parents. Mais il était tout à fait sérieux. De tout temps, dès que le Reike faisait l'acquisition de nouvelles contrées, ils y envoyaient des conquérants qui s'y installaient afin d'asseoir la souveraineté du Royaume. De nouveaux postes seraient à pourvoir, et connaissant Tagar, il n'allait surement pas sélectionner des aristocrates avides de pouvoir qui n'avaient aucune connaissance en politique. Il suffisait qu'il donne à Zaïn une ville maritime, et avec quelques bons conseillers, il serait capable de bâtir une véritable ville commerciale sans grande difficulté. Il en était certain, en plus il avait une âme de leader né.

- Eh c'est sérieux, il va vous falloir des gens à envoyer sur ces nouvelles terres pour les administrer. Ajouta-t-il face au silence de Tagar.

- Palais Rey, Ikusa -

Tout ça commençait à se profiler pour le mieux, Zaïn appréciant de plus en plus la tournure que prenait cet échange. Mais il était vrai que sa remarque était loin d'être impertinente, si l'on se basait sur la méritocratie, Zaïn était tout désigné pour un titre à responsabilité. Il s'était toujours battu pour obtenir une position confortable au sein de la société d'Ikusa, et malgré toutes les chances qui étaient contre lui, il s'était extirpé de la pauvreté dans les règle de l'art et ne faisait que prospérer depuis. Ce ne serait qu'un juste retour des choses que le Reike le compte dans les pionniers du nouveau Shoumeï reikois.

Tagar ne manqua pas l'opportunité de faire un compliment à sa sœur, il est vrai qu'à par ses cernes noires - camouflées avec son maquillage - elle était d'une beauté remarquable. L'hybride était loin d'être élue Miss Reike de l'année, mais avait au moins la beauté prérequis pour y participer, c'est pourquoi con frère comprenait parfaitement le béguin de Tagar à son égard, et cette dernière le lui rendit d'un sourire authentique. Zaïn rebondit sur les dernière paroles de son ami.

- C'est vrai ça, ce ne serait que justice de me confier des responsabilités. J'ai dynamisé le quartier du marché à l'aide de mon arène, et même si elle n'est point vaste, de nombreux travailleurs du peuple trouvent un divertissement à la fin de leur dure journée de travail grâce à moi. Sans parler des quelques notables qui viennent y parier. J'ai de bonnes relations avec certains d'entre eux, comme Rettesech Vir Ginne, capitaine du port d'Ikusa, l'officier Phavi Rhaertsaldo, gouverneur d'un territoire du nord, mais encore le Comte de Barner ou Yuanarr Vimmifson, dont je parlais tantôt, pour n'en citer que quelques uns, sans t'oublier toi bien sûr. Outre cela, je participe activement à l'essor du commerce maritime de l'Empire, et même si je ne suis pas un gros armateur, je suis relativement influant au sein de la communauté marchande de la capitale... Il fut coupé par sa sœur.

- Et sans oublier que tu participes activement au financement des maisons closes d'Ikusa. Intervint Arkady, un sourire narquois en coin.

- C'est même pas vrai ! Je ne les finance même plus, ces demoiselles des maisons closes apprécient tellement ma présence qu'elles ne me facturent plus. Rétorqua-t-il non sans une certaine fierté.

En face, Arkady leva les yeux au ciel.

- Enfin bref, autant dire que j'ai rempli mon devoir de reikois. Il avait également complété son service militaire comme tout un chacun.

- Palais Rey, Ikusa -

Il fallait croire qu'Arkady voulait vraiment le malheur de son frère par moments ! Ces derniers temps ses plaisanteries fondaient dans des traits acerbes frôlant la provocation vindicative. Pourtant elle avait toujours été très proche de son frère, rigolant avec Zaïn sans problème, le soutenant dans tout ce qu'il faisait, appréciant les même choses et ayant la même vision du monde. Mais depuis qu'elle était revenue de la République, c'était comme si elle devenait de plus en plus froide avec son frère, elle soufflait le chaud et le froid, badinant avec lui une minute avant de lui planter un surin entre les côtes la minute d'après.

Et ce qu'elle venait de faire à l'instant c'était d'enfoncer le couteau jusqu'à la garde dans l'abdomen de son frère. Ce dernier avait tant bien que mal maquillé sa surprise en retombant sur ses pattes en le prenant comme une plaisanterie, mais elle n'allait certainement pas s'en sortir à bon compte après le repas. Jusqu'à présent il mettait la mauvaise humeur de sa sœur sur le compte de la fatigue, mais là c'était de la pure méchanceté. Heureusement que Tagar était compréhensif, Zaïn rebondit alors sur la remarque silencieuse de son ami.

- Disons plutôt que ce sont de bonnes amies, étant donné qu'il n'y a aucun échange monétaire, il faut bien prendre un peu de bon temps après tout. Mais à ce sujet, il est important de rappeler que la notion de légalité est toute relative à la position qu'on occupe. Tiens, il parait justement qu'un seigneur de Kyouji se faisait servir des steaks de Behemoth aux dîners. Vu la rareté de la bête, consommer sa viande n'a rien de bien légal, et pourtant un seigneur y a droit...

Assis à la chaise d'à côté se tenait Stefan Kennen, l'ami de Zaïn et Lieutenant du Vanguard, jusqu'à présent il n'échangeait qu'avec les matelots, ne se mêlant pas de la discussion des trois amis, mais cette fois-ci, et sans relever les regard de son assiette, il commenta :

- Ce n'est qu'une rumeur.

- Les rumeurs font l'histoire, beaucoup d'entre elles sont devenues des Légendes. Répliqua savamment l'hybride.

Quelques jours plus tôt Stefan et Zaïn avaient eu une discussion sur cette fameuse rumeur que Stefan estimait fumeuse.

- Palais Rey, Ikusa -

Zaïn écouta Tagar avec grande attention, les deux amis n'avaient pas la même vision du monde, mais les conseils de Tagar étaient d'une richesse que Zaïn ne pouvait ignorer. Il se demanda alors si Tagar était un homme droit et intègre sur toute la ligne, il devait forcément avoir un défaut quelque part dans cet océan de perfection. La question lui échappa.

- Mais n'as-tu donc jamais fauté, Tagar ? Toi qui est si jovial, patient, persévérant et rusé mais aussi très compétent, as-tu forgé ce palmarès dans le temps ou es-tu né ainsi ?

Il ne regrettait pas d'avoir posé sa question, peut-être son ami allait-il dévoiler sa philosophie cachée ou une doctrine secrète qui lui permet de rester si constant dans ses réactions et son tempérament. Zaïn, de son côté était très peu patient, impulsif et moins intelligent que son ami. Et s'il était débrouillard, confiant et jovial, cela ne suffirait clairement pas à faire de lui un seigneur, la situation qu'ils venaient de vivre le prouvait parfaitement par ses écarts à l'étiquette qu'il ne pouvait réfréner. Il n'était pas très enclin à se plier aux règles s'il n'avait pas une carotte à gagner en contrepartie, et c'était justement le problème que Tagar soulevait.

- Palais Rey, Ikusa -

Tagar se livra donc - modérément bien sûr, il y avait des oreilles indiscrètes qui écoutaient, il tût donc les détails sur son enfance - et dévoila qu'il n'était pas infaillible comme tout mortel. Et même s'il arborait à présent une personnalité remarquable, il signifia à ceux qui l'écoutaient qu'il avait commis des erreurs par les passé mai qu'il retenait les leçons, en partie grâce à son père. Arkady et Zaïn auraient aimés pouvoir en dire autant, mais ils n'avaient jamais connus leur père, ayant été élevés tant bien que mal par leur mère. Zaïn fit la moue.

- Il faut dire que ce combat que tu as mené était remarquable mais le coup que tu as pris est la faute à pas de chance. Tout le monde te déclarait vainqueur sans cette inattention de fin. Ta maitrise de la magie était impressionnante je dois dire, mais une arme aurait été idéale pour toi... Enfin, si tu maitrise l'escrime. Il paraissait que tout noble qui se respecte maniait l'épée.

Zaïn aurait bien donné son avis sur la question, mais il préférait attendre la réponse de son ami. L'hybride ne voyant les épées que comme des cure-dents un peu trop encombrants.

- Palais Reys, Ikusa -

Zaïn avait remarqué le fourreau de son ami et était curieux que Tagar en parle, il observa l'ouvrage de la lame avec intérêt, c'était une bel objet d'art semblant plus fait pour l'apparat que pour le combat, mais non moins fonctionnel comme le précisa son propriétaire. De son côté, Zaïn l'observait par curiosité, n'étant pas nécessairement attiré par l'art de l'escrime, voyant ça comme un hobby, rien de plus. Zaïn sourit à son ami, le remerciant de la confiance qu'il lui portait, avant que Tagar ne lui renvoie la question.

- Demander à un combattant pourquoi il a choisi tel art martial est comme demander à un musicien pourquoi il a choisi tel instrument. Les arts martiaux et la musique partagent les mêmes principes. Ils sont faits d'accords complexes et de rares mélodies. Il s'étonnait lui même de sa métaphore parfaite.

- De façon plus prosaïque, le pugilat est employé dans la plupart des arènes reikoises, j'ai donc appris à me battre selon cette doctrine. Mais depuis je me suis intéressé aux autres arts martiaux plus complexes, je maitrise le pugilat reikois, la lutte nordique, la boxe républicaine et le Tao.

- C'est surtout parce que t'aime cogner. Commenta Arkady.

- Pas seulement, c'est surtout parce que le combat à main nue est déployable à tout instant, contrairement à l'escrime, si tu n'as pas ton épée sur toi je te souhaite bonne chance. Les maitres dans l'art du combat à l'épée et au bouclier ne dorment pas avec une épée et un bouclier sous l'oreiller. De mon côté, les arts martiaux ne me quittent pas. Et toc ! Avait-il eu envie d'ajouter.

- Palais Reys, Ikusa -

Tagar était encore dans le vrai et faisait preuve d'une immense modestie, n'hésitant pas à exposer sa faiblesse résidant dans sa réserve de mana qui se fatigue à la longue durant un combat. Mais même avec ça, la puissance qu'avait déployé Tagar à chaque fois que Zaïn l'avait vu à l'œuvre était impressionnante, il était clair que la mage était capable de grand exploits, tout comme Zaïn était redoutable au combat à main nue. Ceci-dit, Arkady fut un bref instant surprise que la discussion dérive sur elle, persuadé qu'elle était que les hommes ne la voyait que comme femme et non comme guerrière. Tagar était l'un des rares à s'intéresser à ce pan d'Arkady : sa combativité.

- La plupart des hommes pensent que la dague est la seule arme qu'une femme puisse porter...

- La dague, et la poison... Il s'empressa d'ajouter : Selon les préjugés d'antan bien sûr. ll sourit à Arkady. Heureusement le Reike incitait les femmes à se trouver une combativité, notamment au travers du service militaire.

- Mais je préfère la lance. Plus encombrant mais bien plus artistique que la dague.

- Tu l'as verrait à l'œuvre, quand elle parle d'art, c'est bien vrai ! Ajouta son frère à l'attention de Tagar.

- Je me débrouille on va dire. Conclu-t'elle en croisant les bras sur sa poitrine.

- Elle peut même atteindre une cible à plus de cinquante mètres ! Contrairement à un épéiste qui est limité en porté, vous en conviendrez messieurs. Les gardes hochèrent la tête.

- Un arc est plus idéal qu'une lance dans le domaine, mais oui, c'est vrai. Elle semblait s'être apaisée maintenant qu'une tasse de thé lui avait été servie juste avant cette discussion.

- Palais Reys, Ikusa -

Tagar était très entreprenant en cette journée, outre son aventure maritime, il envisageait une promotion sociale pour Zaïn, se proposait de recruter Arkady, et maintenant ils l'invitait à s'entrainer avec la garde impériale. Tagar n'était pas le genre d'aristocrate qui usait de son pouvoir uniquement pour lui-même mais l'employait à élever ceux qui l'entourent. C'était rare et fortement louable, il était normal qu'il ai tant d'amis et si peu d'ennemis, étant donné qu'il était fort profitable de le compter comme allié. Zaïn ne remercierait jamais assez les étoiles que Tagar ai été le contrôleur envoyé pour surveiller son commerce il y a des années de cela.

La jeune hybride, tant qu'à elle, acquiesça d'un signe de tête.

- Volontiers. Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort. Pour citer Johnny Halliday.

Son frère écarquilla les yeux :

- Ça alors ! Ça fait des années que je te propose de te battre dans l'arène avec mes guerriers et à chaque fois tu a refusée, et là tu accepte juste parce que c'est l'homme le plus beau du Reike qui te le propose ? Tu t'avilie ma chère. Il s'était exprimé sur le ton de la plaisanterie, comme toujours.

- Je t'ai toujours dis "non" pour m'entrainer dans ton arène parce ce que je ne ferai qu'une bouchée de tes fameux guerriers. Il se battent tous avec des armes courtes et tu sais très bien qu'une épée ou une masse ne peut rien contre une lance. Contre ma lance. Ajouta-t'elle.

- Alors entraine toi contre moi ! Il ne s'était jamais entrainé avec sa sœur, ce serait une première.

- Hors de question, tu met à terre des taureaux d'une pichenette, certainement pas ! Elle n'était pas folle non plus. De plus, ce que Tagar me propose sont de formateurs, pas des opposants. En me battant dans une arène je gagnerait en expérience mais ma technique resterait la même, ce que je veux c'est en apprendre de nouvelles.

- Tu marque un point. S'inclina-t'il.

- Une jour, un horaire, et je serai présente. Adressa-t'elle à Tagar.