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Noble de La République
Hélénaïs de Casteille
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Hélénaïs faisait les cent pas au milieu de son bureau, l’air grave. Cela faisait plusieurs jours maintenant qu’elle avait délaissé son domaine, où elle avait également abandonné son amant, au profit de sa petite maison de ville dans le centre de Liberty. Pratique pour bien des raisons, son logement avait néanmoins été dévasté lors de la dernière bataille et c’était la première fois qu’elle y retournait depuis qu’elle était venue estimer les dégâts plusieurs mois auparavant. Contre toutes attentes, les travaux avaient été assez rapides et même s’il restait encore des traces du carnage, ce n’était quelques vestiges et souvenirs douloureux qu’elle ne pouvait, de toute façon, pas voir.
— Monsieur Dosian, commença-t-elle d’une voix neutre, — Si je vous ai fait venir aujourd’hui c’est parce que… Je… Euh… J’ai besoin de savoir ce que Zelevas… Ce qu’il… Ses sourcils bruns se froncèrent au moment où ses lèvres se pincèrent. — Bon dieu ! Pourquoi rien n’est jamais simple avec les hommes ! Pesta-t-elle en tournant les talons pour arpenter la pièce dans l’autre sens.
— Je ne suis pas certaine que ce soit une très bonne entrée en matière. Commenta Emérée, d’un air pince sans rire, tout en s’efforçant de finir un point en croix qui lui donnait du fil à retordre depuis des heures.
— Je ne suis pas douée pour mentir, c’est ainsi !
— Vous l’êtes quand ça vous arrange. Contra la jeune femme. — Quand il s’agit de mentir à un limier pour LUI sauver les fesses, ça n’a pas l’air de vous poser le moindre problème.
Hélénaïs cessa de marche l’espace d’un instant avant de lever les yeux vers le ciel.
— Et qu’aurais-je dû faire d’après toi ? Elle entendit Emérée reprendre son souffle, prête à répondre, mais la devança. — Il est hors de question que je vende Abraham à la République, nous avons déjà eut cette discussion. C’est d’ailleurs pourquoi nous sommes ici je te signale.
— La raison pour laquelle vous m’avez forcé à être ici. Rectifia-t-elle.
— Tu aurais préféré que je te laisse avec lui au domaine, peut-être ? Lança la maîtresse de maison avec un air goguenard.
Le grommellement qui lui parvint lui signifia qu’elle avait gagné cette escarmouche verbale et elle ne put s’empêcher d’afficher un petit air satisfait avant de se diriger vers son bureau où trônaient encore et toujours d’épaisses liasses de papiers. La plupart était en braille et entièrement destinés à la jeune femme mais il y avait aussi des notes ; celles d’Emérée étaient reconnaissables aux cursives soignées et délicates lorsque celle d’Hélénaïs étaient plus… artistiques, écrites seulement grâce à sa mémoire musculaire et pas franchement très droites. Ça n'avait pas d’importance, personne sauf Emérée ne la lisait de toute façon. Ce qui en avait en revanche, c’était le bout de parchemin qu’elle attrapa avant d’aller s’installer sur le canapé.
— Je ne peux pas me permettre de faire d’erreur. S’il vient à avoir le moindre soupçon, je détruirais tout ce que nous nous acharnons à conserver. Et elle ne parlait pas là de leur relation, il y avait bien plus en jeu que cela. Leurs vies par exemple. — Cet officier est à peu près la seule personne dont nous ayons connaissance et qui ait un lien autant avec Zelevas qu’avec Abraham. Si je veux espérer l’amnistie…
— C’est votre seule piste, je sais. La coupa sa compagne avec une moue dédaigneuse.
Hélénaïs soupira au moment où la porte s’ouvrait sur l’un des rares domestiques encore à son service.
— Mesdames, votre invité est arrivé.
Les deux femmes se figèrent d’une manière étrangement similaire et se levèrent pour quitter la pièce. Elles longèrent un corridor où les tableaux avaient été retirés, le temps d’être restaurés, laissant sur les murs des traces pâles à leurs emplacements puis elles passèrent devant les cuisines dont il émanait un fumet agréable qui fit gronder l’estomac facétieux d’Hélénaïs et bifurquèrent enfin sur la droite pour atterrir dans le grand salon. Activant son senseur et toujours armée de sa canne de bois noir, la jeune De Casteille fut la première à entrer. Sa magie capta immédiatement la présence de l’homme dans son salon et elle se fendit d’un sourire chaleureux.
— Officier Dosian, je suis ravie que vous ayez accepté mon invitation. Je sais que ce n’est pas très… conventionnel mais je préférais discuter ici plutôt qu’au sénat. S’avançant vers lui, elle contourna deux canapés qui se faisaient face et l’invita d’un geste à prendre place. Emérée, silencieuse mais l'œil acéré se plaça juste derrière elle, prête à la toucher, à lui prêter ses yeux si le besoin s’en faisait sentir. — Mais vous comprendrez que le sujet dont je souhaite vous entretenir est suffisamment délicat pour que je préfère que cela reste entre nous. Elle releva le menton, comme pour se donner du courage, ce qui eut pour effet de faire rouler quelques boucles blanches sur ses épaules. — J’aimerais que vous me parliez de Zelevas. Je sais que vous avez travaillé pour lui et je sais ce que cela vous a coûté. J’ai eu accès à quelques rapports également, mais ce n’est rien comparé à ce que vous pourrez m’en dire. La chaleur de son sourire sembla vaciller mais elle se reprit avant qu’’elle ne disparaisse. — C’était un homme qui comptait pour moi et j’ai besoin de savoir la vérité. Elle se tut l’espace d’un instant pour lui et dit finalement : — Puis-je compter sur vous, officier ?
— Monsieur Dosian, commença-t-elle d’une voix neutre, — Si je vous ai fait venir aujourd’hui c’est parce que… Je… Euh… J’ai besoin de savoir ce que Zelevas… Ce qu’il… Ses sourcils bruns se froncèrent au moment où ses lèvres se pincèrent. — Bon dieu ! Pourquoi rien n’est jamais simple avec les hommes ! Pesta-t-elle en tournant les talons pour arpenter la pièce dans l’autre sens.
— Je ne suis pas certaine que ce soit une très bonne entrée en matière. Commenta Emérée, d’un air pince sans rire, tout en s’efforçant de finir un point en croix qui lui donnait du fil à retordre depuis des heures.
— Je ne suis pas douée pour mentir, c’est ainsi !
— Vous l’êtes quand ça vous arrange. Contra la jeune femme. — Quand il s’agit de mentir à un limier pour LUI sauver les fesses, ça n’a pas l’air de vous poser le moindre problème.
Hélénaïs cessa de marche l’espace d’un instant avant de lever les yeux vers le ciel.
— Et qu’aurais-je dû faire d’après toi ? Elle entendit Emérée reprendre son souffle, prête à répondre, mais la devança. — Il est hors de question que je vende Abraham à la République, nous avons déjà eut cette discussion. C’est d’ailleurs pourquoi nous sommes ici je te signale.
— La raison pour laquelle vous m’avez forcé à être ici. Rectifia-t-elle.
— Tu aurais préféré que je te laisse avec lui au domaine, peut-être ? Lança la maîtresse de maison avec un air goguenard.
Le grommellement qui lui parvint lui signifia qu’elle avait gagné cette escarmouche verbale et elle ne put s’empêcher d’afficher un petit air satisfait avant de se diriger vers son bureau où trônaient encore et toujours d’épaisses liasses de papiers. La plupart était en braille et entièrement destinés à la jeune femme mais il y avait aussi des notes ; celles d’Emérée étaient reconnaissables aux cursives soignées et délicates lorsque celle d’Hélénaïs étaient plus… artistiques, écrites seulement grâce à sa mémoire musculaire et pas franchement très droites. Ça n'avait pas d’importance, personne sauf Emérée ne la lisait de toute façon. Ce qui en avait en revanche, c’était le bout de parchemin qu’elle attrapa avant d’aller s’installer sur le canapé.
— Je ne peux pas me permettre de faire d’erreur. S’il vient à avoir le moindre soupçon, je détruirais tout ce que nous nous acharnons à conserver. Et elle ne parlait pas là de leur relation, il y avait bien plus en jeu que cela. Leurs vies par exemple. — Cet officier est à peu près la seule personne dont nous ayons connaissance et qui ait un lien autant avec Zelevas qu’avec Abraham. Si je veux espérer l’amnistie…
— C’est votre seule piste, je sais. La coupa sa compagne avec une moue dédaigneuse.
Hélénaïs soupira au moment où la porte s’ouvrait sur l’un des rares domestiques encore à son service.
— Mesdames, votre invité est arrivé.
Les deux femmes se figèrent d’une manière étrangement similaire et se levèrent pour quitter la pièce. Elles longèrent un corridor où les tableaux avaient été retirés, le temps d’être restaurés, laissant sur les murs des traces pâles à leurs emplacements puis elles passèrent devant les cuisines dont il émanait un fumet agréable qui fit gronder l’estomac facétieux d’Hélénaïs et bifurquèrent enfin sur la droite pour atterrir dans le grand salon. Activant son senseur et toujours armée de sa canne de bois noir, la jeune De Casteille fut la première à entrer. Sa magie capta immédiatement la présence de l’homme dans son salon et elle se fendit d’un sourire chaleureux.
— Officier Dosian, je suis ravie que vous ayez accepté mon invitation. Je sais que ce n’est pas très… conventionnel mais je préférais discuter ici plutôt qu’au sénat. S’avançant vers lui, elle contourna deux canapés qui se faisaient face et l’invita d’un geste à prendre place. Emérée, silencieuse mais l'œil acéré se plaça juste derrière elle, prête à la toucher, à lui prêter ses yeux si le besoin s’en faisait sentir. — Mais vous comprendrez que le sujet dont je souhaite vous entretenir est suffisamment délicat pour que je préfère que cela reste entre nous. Elle releva le menton, comme pour se donner du courage, ce qui eut pour effet de faire rouler quelques boucles blanches sur ses épaules. — J’aimerais que vous me parliez de Zelevas. Je sais que vous avez travaillé pour lui et je sais ce que cela vous a coûté. J’ai eu accès à quelques rapports également, mais ce n’est rien comparé à ce que vous pourrez m’en dire. La chaleur de son sourire sembla vaciller mais elle se reprit avant qu’’elle ne disparaisse. — C’était un homme qui comptait pour moi et j’ai besoin de savoir la vérité. Elle se tut l’espace d’un instant pour lui et dit finalement : — Puis-je compter sur vous, officier ?
Citoyen de La République
Pancrace Dosian
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En théorie, les Officiers Républicains n’ont aucun compte à rendre aux Sénateurs, aux Juges au-delà de l’application stricte de la loi, voire même au Vice-Président et au Président en personne.
Dans la pratique, on devient rarement Sénateur sans avoir un carnet d’adresses bien fourni, et la possibilité de rendre des services à tout un tas de personnages très puissants de la vie républicaine. Et qui dit rendre service, dit aussi demander des trucs. Les commissaires et les préfets sont évidemment pas insensibles à ces potentialités, surtout quand on arrive à un stade où la montée en grade se fait plus vraiment automatiquement, au forceps de l’ancienneté, ou juste en étant au bon endroit au bon moment.
Nan, faut que quelqu’un de tout là-haut dise très fort ‘’Il est bien, lui, on le prend.’’
C’est pas pour rien que je me suis retrouvé à magouiller avec Zelevas alors que j’étais que capitaine : déjà, ça payait rudement bien. Et, ensuite, c’était le début des bons contacts. Je pouvais pas savoir que ça partirait autant en couilles à force. Y’a rien d’inhabituel à vouloir couler les voisins et les rivaux, à faire le ménage à la SSG ou la Banque des Chaînes, ou parmi le petit personnel de Sénateurs qui prennent pas les bonnes décisions, après tout. C’est le jeu, et faut s’assurer d’avoir la meilleure main pour gagner.
J’aurais dû me douter que ça devenait un peu gros pour moi quand il a commencé à sortir des monstres du placard.
Mais bref, quand Casteille me demande poliment de radiner ma couenne, c’est-à-dire me convoque directement dans son manoir, j’comprends bien que si le message est gentiment formulé, vaut mieux que je trouve une bonne excuse si j’veux m’esquiver. Et j’ai pas trouvé. Le mieux, c’est que j’me fonde dans la masse informe des autres officiers républicains, en espérant qu’elle vienne pas me chier dans les bottes comme Rockraven l’a fait : je tabasse Mortifère, je participe brillamment à son arrestation, et en récompense, on me repasse simple officier. Y’a pas de justice.
Ou, plutôt, ils habitent la leur.
Le visage neutre, j’me laisse introduire dans le salon de la demeure des Casteille à Liberty. Il faut quelques minutes supplémentaires, sous le regard vigilant d’un majordome qui s’assure que je salisse pas les meubles, pour que la maîtresse de maison arrive avec son assistante et sa canne noire. Vrai qu’elle est notoirement aveugle, elle. Pas que ce soit absolument bloquant quand on peut apprendre des magies qui permettent dee contourner le problème en améliorant ses autres sens, voire en en développant des nouveaux. Et c’est pas pasqu’elle, elle y voit queutchi, que l’autre à côté est dans la même situation et pourrait pas aller lui raconter des trucs.
Ça rend pas la demande qui suit moins surprenante pour autant, et j’peux pas m’empêcher d’écarquiller les yeux et de lever les sourcils. Ça, c’est pas grave.
« Bien sûr, je peux tout vous dire sauf ce qui est classifié et auquel vous avez peut-être déjà accès. Je sais pas exactement ce qui a été passé sous scellé malheureusement, donc je resterai vague... »
Mensonges, évidemment : je vais certainement pas dire la vérité tant que je sais pas sur quel pied danser. J’aurais dû creuser les liens entre les Casteille et les Elusie avant. Mais comment j’aurais pu savoir qu’on reviendrait me parler de lui six mois après ? J’ai laissé tout ça derrière moi, normalement. J’me passe la main dans les cheveux pour essayer de remettre mes idées en place et trouver quoi raconter. Le plus simple, c’est de commencer par ce que tout le monde sait, et qui est ressorti lors de son procès. Des platitudes, mais qui suffisent à démarrer le portrait du Vieux Lion.
« D’Elusie était un homme très... investi. En tout cas, il avait une vision... »
P’tet pas la meilleure chose à dire à une aveugle.
« ... Une trajectoire vers laquelle il voulait guider la République, que j’me ratttrape. J’crois qu’il avait un gros passif avec Mirelda Goldheart, ça expliquerait ce qui s’est passé à la Maison-Bleue... Je sais pas trop ce qui lui est venu en tête à ce moment-là. Apparemment, c’était pas prémédité, mais on le saura jamais, je suppose ? »
J’me racle la gorge. Même pas on m’a servi un verre d’eau pour que je joue la montre et que j’me donne le temps de la réflexion.
« Après, vous le connaissiez sûrement mieux que moi, Sénatrice. Moi, je me contentais de suivre les ordres qu’il me donnait. Ordres qui flirtaient souvent avec la légalité, comme il est ressorti lors de, euh... enfin bref. »
J’aimerais autant éviter qu’on me trouve des nouveaux griefs : y’a plus rien en-dessous d’Officier, mais y’a encore mille façons de me pourrir la vie, dont me coller au trou, suspendre ma solde, ou me filer des travaux d’intérêt général. Finalement, la priorité, c’est de s’assurer de ce qu’elle veut que je lui raconte. S’il faut souiller sa mémoire, pas de souci, j’ai de quoi faire. A l’inverse, s’il faut lui construire un panthéon imaginaire, j’trouverai forcément aussi, quitte à tomber dans les classiques qu’on balance quand un collègue part à la retraite.
Bon, là, c’était une retraite un peu forcée, certes.
« Je sais pas trop du coup sur quels aspects vous voudriez que je mette l’accent ? »
Là, retourner l’interrogatoire.
Noble de La République
Hélénaïs de Casteille
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Hélénaïs avait l’impression de faire de la danse, pieds nus, sur des charbons ardents. Ce genre de manœuvres n’étaient pas dans sa nature, pas plus que le fait de tromper et de manigancer. Si ça n’avait tenu qu’à elle, elle aurait été franche avec Dosian, lui aurait dit que leur entrevue n’avait vocation qu’à une chose : obtenir l’amnistie d’Abraham. Mais l’avouer reviendrait à la condamner elle, lui et tout le reste de sa maisonnée. D’abord parce que pour le commun des mortels Abraham était Mortifère, il était l’assassin de la présidente, une créature sans foi ni loi, juste bonne à tuer. Elle aussi l’avait cru avant de le retrouver dans son bureau complètement désoeuvré. Mais elle savait que tout le monde n’était pas prêt à écouter, ni à comprendre, encore moins un officier qui avait perdu sa place à cause de lui. Peut-être même l’avait-il suffisamment cotoyé pour lui donner des informations pertinentes qui lui seraient utiles pour atteindre son but. A moins qu’elle ne prenne un chemin bien moins vertueux en cherchant à faire plier Falconi autrement que par la voie légale. Cette idée la fit grimacer alors qu’elle venait de germer dans son esprit. Pourtant, plutôt que de la repousser comme elle l’avait toujours fait, elle l’a rangea dans un recoin de son esprit : “au cas ou”.
Pancrace était méfiant, il n’y avait même pas besoin d’une paire d’yeux pour s’en rendre compte et le contraire aurait, de toute façon, était étonnant. Hélénaïs ne fit aucun commentaire et l’écouta seulement avec une attention polie jusqu’à qu’il ne ponctue son laïus par une question. Alors elle leva légèrement la tête vers la jeune femme qui se tenait toujours derrière elle et dit :
- Emérée, va demander aux cuisines de nous apporter quelque chose à boire. Comme d’habitude pour moi, puis s’adressant à son invité : - Vous prendrez bien quelque chose ?
Après qu’il eut répondu, la jeune shoumeïenne s'éclipsa en silence, non sans lancer l’un de ses habituels regards suspicieux à l’officier. Hélénaïs attendit que le bruit des pas s’éloigne pour reprendre.
- Probablement un peu tous. Dit-elle dans un sourire. - Je connaissais effectivement Zelevas depuis l’enfance, il était une sorte d’oncle grincheux qui n’a pas lésiné sur les moyens pour m’aider à parvenir là où j’en suis aujourd’hui. Et pour ça, je ne l’en remercierai jamais assez.
Sans lui, peut-être n’aurait-elle jamais pu accéder au poste de sénatrice qu’on lui avait plusieurs fois refusé à cause de la maladie mais qu’elle avait, finalement, réussi à obtenir.
- Pour autant, je sais qu’il n’était pas un homme tendre, ni aussi bon que je me plais à l’imaginer. Mais je sais aussi que les rapports à son sujet ne racontent pas tout et plutôt que de me fier à des bouts de papier dont je ne suis pas certaine de la véracité, je préférais me fier à vous. Non pas que vous ne puissiez pas mentir, au contraire, mais parce que je crois que vous n’en tireriez aucun intérêt. Et puis, je suis presque certaine que je n’ai pas accès à l’intégralité de l’affaire concernant le sénateur. Même mon statut de politicienne à ses limites.
Ses mains se joignirent sur ses genoux avant qu’elle ne poursuive.
- Cette entrevue n’a rien d’officiel et quoi qu’il se dise je n’ai pas d'intérêt à agir contre vous. A vrai dire, c’est même le contraire. Tout ce que je veux, c’est votre vérité. Pas celle des rapports, ni celle qu’on vous a demandé de donner. La votre.
Hélénaïs n’était pas certaine de tirer de lui ce qu’elle cherchait, pas plus qu’elle ne soit convaincu qu’il n’allait pas lui mentir ou la trahir mais il fallait bien qu’elle commence quelques part et il n’y avait, de toute façon, aucune option qui soit exempt de tout risque. Pancrace était seulement la plus prometteuse.
- J’ai bien compris que vous ne saviez pas grand chose de plus que nous autre au sujet du meurtre de Mirelda et je dois dire que ce sujet, je l’ai suffisamment étudié pour ne pas avoir besoin d’y revenir. Je m’intéresserais plutôt à la période durant laquelle vous avez travaillez pour lui. Je crois que vous effectuiez des… missions pour Zelevas. C’est une question peut-être idiote mais… Avez vous connu Mortifère ? Il y eut un silence puis elle reprit : - Et par connaître, je ne parle pas de connaître son nom comme étant le criminel le plus recherché de la République. Je vous demande si vous l’avez fréquenté.
Au même moment, Emérée apparut à l’angle du couloir, les bras chargés d’un plateau rempli de boissons et d’encas.
Pancrace était méfiant, il n’y avait même pas besoin d’une paire d’yeux pour s’en rendre compte et le contraire aurait, de toute façon, était étonnant. Hélénaïs ne fit aucun commentaire et l’écouta seulement avec une attention polie jusqu’à qu’il ne ponctue son laïus par une question. Alors elle leva légèrement la tête vers la jeune femme qui se tenait toujours derrière elle et dit :
- Emérée, va demander aux cuisines de nous apporter quelque chose à boire. Comme d’habitude pour moi, puis s’adressant à son invité : - Vous prendrez bien quelque chose ?
Après qu’il eut répondu, la jeune shoumeïenne s'éclipsa en silence, non sans lancer l’un de ses habituels regards suspicieux à l’officier. Hélénaïs attendit que le bruit des pas s’éloigne pour reprendre.
- Probablement un peu tous. Dit-elle dans un sourire. - Je connaissais effectivement Zelevas depuis l’enfance, il était une sorte d’oncle grincheux qui n’a pas lésiné sur les moyens pour m’aider à parvenir là où j’en suis aujourd’hui. Et pour ça, je ne l’en remercierai jamais assez.
Sans lui, peut-être n’aurait-elle jamais pu accéder au poste de sénatrice qu’on lui avait plusieurs fois refusé à cause de la maladie mais qu’elle avait, finalement, réussi à obtenir.
- Pour autant, je sais qu’il n’était pas un homme tendre, ni aussi bon que je me plais à l’imaginer. Mais je sais aussi que les rapports à son sujet ne racontent pas tout et plutôt que de me fier à des bouts de papier dont je ne suis pas certaine de la véracité, je préférais me fier à vous. Non pas que vous ne puissiez pas mentir, au contraire, mais parce que je crois que vous n’en tireriez aucun intérêt. Et puis, je suis presque certaine que je n’ai pas accès à l’intégralité de l’affaire concernant le sénateur. Même mon statut de politicienne à ses limites.
Ses mains se joignirent sur ses genoux avant qu’elle ne poursuive.
- Cette entrevue n’a rien d’officiel et quoi qu’il se dise je n’ai pas d'intérêt à agir contre vous. A vrai dire, c’est même le contraire. Tout ce que je veux, c’est votre vérité. Pas celle des rapports, ni celle qu’on vous a demandé de donner. La votre.
Hélénaïs n’était pas certaine de tirer de lui ce qu’elle cherchait, pas plus qu’elle ne soit convaincu qu’il n’allait pas lui mentir ou la trahir mais il fallait bien qu’elle commence quelques part et il n’y avait, de toute façon, aucune option qui soit exempt de tout risque. Pancrace était seulement la plus prometteuse.
- J’ai bien compris que vous ne saviez pas grand chose de plus que nous autre au sujet du meurtre de Mirelda et je dois dire que ce sujet, je l’ai suffisamment étudié pour ne pas avoir besoin d’y revenir. Je m’intéresserais plutôt à la période durant laquelle vous avez travaillez pour lui. Je crois que vous effectuiez des… missions pour Zelevas. C’est une question peut-être idiote mais… Avez vous connu Mortifère ? Il y eut un silence puis elle reprit : - Et par connaître, je ne parle pas de connaître son nom comme étant le criminel le plus recherché de la République. Je vous demande si vous l’avez fréquenté.
Au même moment, Emérée apparut à l’angle du couloir, les bras chargés d’un plateau rempli de boissons et d’encas.
Citoyen de La République
Pancrace Dosian
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« Du vin, s’il vous plaît. Rouge ? »
Quitte à être convoqué chez les de Casteille, autant en profiter pour goûter un peu la production locale. Ça serait tragique qu’on me serve un picrate anonyme, mais on sait jamais. Enfin, j’suppose que quitte à demander des trucs de façon officieuse, c’est pas pour ensuite faire preuve de radinerie au moment où faut m’aider à m’humecter la gorge. Difficile de pas noter l’ironie à me retrouver moi-même dans le rôle de l’informateur à qui on graisse la patte pour lui tirer deux ou trois phrases un peu sybillines et progresser dans l’enquête.
J’me demande si elle a réussi à mettre la main sur son majordome et assistant, que j’avais vu pas mal de fois. Ça peut être un bon élément à refiler, ça : comme ça, je m’en lave les mains. D’un autre côté, j’l’imagine pas être passée à côté de ça : c’est quand même l’ombre de Zelevas, ça serait gros qu’elle l’ait jamais vu ou qu’elle le connaisse pas.
Concentration, pour pas prendre une autre rétrogradation.
Pasque malgré toutes les assurances qu’elle essaie de me communiquer avec ses yeux vitreux, sa mine honnête et son air plein de bonne volonté, ça reste une riche politicarde. Du coup, ce qui me prend par surprise, c’est la question sur Mortifère. J’me demande si elle sait que j’suis à l’origine du rapport qui a validé son utilisation en contexte réel. Normalement, ça devrait être écrit en rouge foncé sur le parchemin des rapports sur moi, ou en tout cas, c’est ce que je ferais à leur place, pasque ça fait partie des trucs qu’on m’a reproché. Mais bon, j’y peux rien s’il s’était pas trop mal comporté pendant notre sortie, puis que c’était pas notre faute que ça tourne mal.
J’veux dire, tout est pas forcément à jeter. D’ailleurs, même sur Zelevas, on n’a pas tout foutu à la poubelle : moi, j’ai gardé son or.
« Euh, oui, oui, je l’ai connu... »
C’est pas un secret, mais je vois pas trop où ça mène. P’tet qu’en regardant son oeuvre, Casteille espère comprendre son objectif. Ça serait pas déconnant. Le fil de mes pensées est momentanément interrompu par le retour de la servante, qui me sert mon rouge. J’fais pas de chichis à goûter comme un esthète, et j’prends directement une gorgée pour temporiser et me rafraîchir. Mortifère, donc. Abraham, comme il s’appelait avant.
« J’ai envie de dire que c’était pas un mauvais bougre, la première fois. Taciturne, renfermé. Un peu colérique, peut-être ? Ancien militaire, il me semble. Les blessures qu’il a subi à un moment ou à un autre l’ont conduit à accepter de servir d’expérience. »
J’fais la grimace, j’reprends une gorgée. J’suppose que si je me faisais arracher les deux bras, moi aussi, j’envisagerais sérieusement de passer par de l’expérimentation un peu bizarre. C’est juste qu’il lui est pas arrivé que ça : le visage, les épaules, le nez...
« La vérité, c’est que ça l’a rendu dangereux, trop pour ce que son esprit était capable de supporter. »
Les enfants, faut pas leur donner des épées et des poignards, sinon ils se blessent. Ben Mortifère, c’est un peu pareil : l’empathie d’une pince-monseigneur, les scrupules d’une hyène, et la puissance suffisante pour détruire une petite montagne. C’est pas forcément le genre de mélange qu’on a envie de voir dans les mains de n’importe qui. Et on l’a vu : quand Zelevas il a agité son outil, feu la présidente est morte, la vice-présidente a disparu suite à l’attaque de l’Avatar de Kaiyo, et on a récupéré un taulier du post, Falconi.
« On a fait une mission ensemble, celle qui a servi de test. Globalement, y’avait pas grand-chose à dire ni rien de secret, là. J’ai fourni des conclusions qui ont servi à la validation du projet Palladium. On a parlé à bâtons rompus, mais rien de spécial. »
J’me creuse la tête pour essayer de me souvenir de quoi on a bien dû causer. J’crois que c’était pas trop l’ambiance : il était sacrément moche, fallait le mettre en valeur sur ordre de d’Elusie, et c’est ce qu’on s’était attelé à faire.
« Y’avait vraiment une volonté de bien faire. Il voulait sincèrement réussir la mission qui était la sienne. C’est un peu comme Zelevas, finalement. On dit que l’enfer est pavé de bonnes intentions. »
Y’en a un qui y a fini, en enfer, d’ailleurs : le Razkaal, pour avoir visité une fois, j’me dis que j’le souhaite pas à grand-monde. C’est le prix à payer quand on devient trop puissant et trop dangereux, mais rien que repenser à ce qui a été infligé à la sorcière de l’Assemblée, j’ai des frissons.
« Après, est-ce que Mortifère portait juste les idéaux de Zelevas ou est-ce qu’il y croyait vraiment, j’en sais rien. Le Vieux Lion parlait bien, sa réputation de tribun sortait pas de nulle part. P’tet qu’il avait su convaincre Mortifère. Tout ce que je peux dire, c’est que le fait qu’il soit maintenant dans la nature, ça a quelque chose de terrifiant. »
J’repense à Sixte qui s’est effondrée chez moi, et l’affrontement qui a suivi. J’ai eu le dessus, de pas beaucoup. Et ‘’l’enquête’’ que j’ai menée ensuite pour le compte de Zelevas a évidemment été bâclée de la plus belle des manières : j’allais pas me mettre la main dessus, après tout.
« Colérique, menaçant, et très puissant. Ça serait pas improbable pour lui de se venger, mais je suppose que ça a été pris en compte. »
Tant qu’il me tombe pas dessus, en tout cas...
Noble de La République
Hélénaïs de Casteille
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Hélénaïs arborait son éternel sourire patient alors qu’Emérée disposait les boissons à l’un et à l’autre avant de rebrousser chemin pour retourner aux cuisines. Sa maîtresse avait pensé qu’il serait plus confortable pour Pancrace de s'épancher s’il n’y avait d’autres témoins qu’elle. Elle l’avait donc subtilement congédier et bien que l’idée déplue -comme toujours- à Emérée, elle s’y plia sans broncher, les laissant seuls tous les deux.
L’histoire que lui offrit Pancrace ne lui était pas inconnue, elle l’avait entendue des lèvres mêmes de celui qui l’avait vécu. Mais sous cet angle, la réalité était affligeante. Hélénaïs se souvenait sans peine des grands discours de son amant, de la glorieuse façon dont il décrivait son parcours, la manière presque frénétique dont il vantait ses pouvoirs. Elle ne l’avait jamais jugé pour cela, et même aujourd’hui, elle avait toujours foi en lui et en ce qui résidait par delà le fer et la magie. Toutefois, ce que Dosian lui contait, l’homme dont il lui parlait, celui-là d'une certaine façon lui faisait peur. C’était le même qui s’était glissé dans leur lit après avoir passé des jours en ville, le même qui faisait crisser ses griffes contre les lavabos en marbre blanc pour les nettoyer du sang de ses victimes. Mais c’était aussi cet homme qui avait renoncé à être ce pour quoi il avait été créé et lui qui croyait en elle. Elle aurait aimé que quelqu’un d'autre puisse voir en lui ce qu’elle voyait, et y croire avec autant de franchise. Dosian, néanmoins, n’était pas le bon candidat. Lui ne verrait que la facette horrible de ce qu’il était et c’était exactement ce qu’il lui fallait. Hélénaïs avait besoin d’un regard neuf et qui ne serait pas empreint d’empathie ni pour Zelevas, ni pour Abraham.
— Sur quel genre de mission peut-on envoyer un officier républicain et… Une créature pareille ? Encore plus dans l’idée de valider un projet. Demanda-t-elle en grimaçant non pas à l’idée d’un aussi étrange duo mais bien parce que qualifier son compagnon de "créature", même pour donner le change, la rendait malade.
Se penchant vers l’avant, les doigts de la jeune femme passèrent lentement sur la table devant elle avant de trouver l’angle du plateau puis sur son verre qu’elle porta à sa bouche pour le reposer ensuite, toujours avec précaution.
— Mais… Dieu qu’il était difficile de mentir, même par omission. — Ils ont finalement fait de l’homme, une machine. Mais à quel point ? C’est ce que je me demande. Je n’ai pas accès aux informations concernant les opérations de Mortifère. Et même lui, en personne, ne lui avait pas livré plus de détails que nécessaire. — Il a été créé pour servir la république n’est-ce pas ? Il ne se vengerait pas sur l’un ou l’une de ses représentants ? Qu’il s’agisse des forces de l’ordre qui ont été envoyés pour l’arrêter, qui ont enquêtés sur son compte ou qui lui ont causé du tort ? A-t-on dénombré plus de morts parmi les rangs des officiers depuis qu'il s'est échappé ? Demanda-t-elle, l'air curieux et ironiquement, elle l'était.
Elle marqua un bref arrêt le temps de le laisser réfléchir.
— Est-ce que vous pensez qu’ils ont pu le défaire de son libre arbitre durant cette période ? Après tout, l’assassinnat de Mirelda était, si je ne m’abuse, un ordre direct des deux plus hautes autorités de la République après la présidente. Et de ce que j’ai compris, Mortifère a été façonné pour obéir.
Après quoi, Hélénaïs se tut et prit une nouvelle gorgée avant de venir picorer quelques mets.
— Il y a néanmoins quelque chose, dans cette affaire, qui me laisse dubitative. Les coïncidences. Ses lèvres se pincèrent comme si elle était contrariée ou qu’elle hésitait à divulguer ce qu’elle s’apprêtait à faire. — Vous n’êtes pas sans savoir que Zelevas et Falconi étaient tous deux de grands amis. Un secret de polichinelle. — Vous n’avez jamais trouvé ça étrange que l’un ait tué la présidente et que l’autre ait pris sa place ?
Prendre un air désinvolte, afficher un sourire soupçonneux, toutes ces choses seyait bien mal à son visage habitué à se froisser de soucis plus que de joie ces derniers temps, mais jamais la fourberie n’y avait eu sa place et elle détestait cela. C’était cependant le chemin qu’elle avait décidé d’emprunter et elle s’y tiendrait, peu importe le prix à payer.
L’histoire que lui offrit Pancrace ne lui était pas inconnue, elle l’avait entendue des lèvres mêmes de celui qui l’avait vécu. Mais sous cet angle, la réalité était affligeante. Hélénaïs se souvenait sans peine des grands discours de son amant, de la glorieuse façon dont il décrivait son parcours, la manière presque frénétique dont il vantait ses pouvoirs. Elle ne l’avait jamais jugé pour cela, et même aujourd’hui, elle avait toujours foi en lui et en ce qui résidait par delà le fer et la magie. Toutefois, ce que Dosian lui contait, l’homme dont il lui parlait, celui-là d'une certaine façon lui faisait peur. C’était le même qui s’était glissé dans leur lit après avoir passé des jours en ville, le même qui faisait crisser ses griffes contre les lavabos en marbre blanc pour les nettoyer du sang de ses victimes. Mais c’était aussi cet homme qui avait renoncé à être ce pour quoi il avait été créé et lui qui croyait en elle. Elle aurait aimé que quelqu’un d'autre puisse voir en lui ce qu’elle voyait, et y croire avec autant de franchise. Dosian, néanmoins, n’était pas le bon candidat. Lui ne verrait que la facette horrible de ce qu’il était et c’était exactement ce qu’il lui fallait. Hélénaïs avait besoin d’un regard neuf et qui ne serait pas empreint d’empathie ni pour Zelevas, ni pour Abraham.
— Sur quel genre de mission peut-on envoyer un officier républicain et… Une créature pareille ? Encore plus dans l’idée de valider un projet. Demanda-t-elle en grimaçant non pas à l’idée d’un aussi étrange duo mais bien parce que qualifier son compagnon de "créature", même pour donner le change, la rendait malade.
Se penchant vers l’avant, les doigts de la jeune femme passèrent lentement sur la table devant elle avant de trouver l’angle du plateau puis sur son verre qu’elle porta à sa bouche pour le reposer ensuite, toujours avec précaution.
— Mais… Dieu qu’il était difficile de mentir, même par omission. — Ils ont finalement fait de l’homme, une machine. Mais à quel point ? C’est ce que je me demande. Je n’ai pas accès aux informations concernant les opérations de Mortifère. Et même lui, en personne, ne lui avait pas livré plus de détails que nécessaire. — Il a été créé pour servir la république n’est-ce pas ? Il ne se vengerait pas sur l’un ou l’une de ses représentants ? Qu’il s’agisse des forces de l’ordre qui ont été envoyés pour l’arrêter, qui ont enquêtés sur son compte ou qui lui ont causé du tort ? A-t-on dénombré plus de morts parmi les rangs des officiers depuis qu'il s'est échappé ? Demanda-t-elle, l'air curieux et ironiquement, elle l'était.
Elle marqua un bref arrêt le temps de le laisser réfléchir.
— Est-ce que vous pensez qu’ils ont pu le défaire de son libre arbitre durant cette période ? Après tout, l’assassinnat de Mirelda était, si je ne m’abuse, un ordre direct des deux plus hautes autorités de la République après la présidente. Et de ce que j’ai compris, Mortifère a été façonné pour obéir.
Après quoi, Hélénaïs se tut et prit une nouvelle gorgée avant de venir picorer quelques mets.
— Il y a néanmoins quelque chose, dans cette affaire, qui me laisse dubitative. Les coïncidences. Ses lèvres se pincèrent comme si elle était contrariée ou qu’elle hésitait à divulguer ce qu’elle s’apprêtait à faire. — Vous n’êtes pas sans savoir que Zelevas et Falconi étaient tous deux de grands amis. Un secret de polichinelle. — Vous n’avez jamais trouvé ça étrange que l’un ait tué la présidente et que l’autre ait pris sa place ?
Prendre un air désinvolte, afficher un sourire soupçonneux, toutes ces choses seyait bien mal à son visage habitué à se froisser de soucis plus que de joie ces derniers temps, mais jamais la fourberie n’y avait eu sa place et elle détestait cela. C’était cependant le chemin qu’elle avait décidé d’emprunter et elle s’y tiendrait, peu importe le prix à payer.
Citoyen de La République
Pancrace Dosian
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J’ai vaguement l’impression qu’on se perd sur le sujet de Mortifère alors qu’on devait initialement parler de Zelevas. A bien y réfléchir, ça me dérange pas du tout, et j’espère que Casteille s’en rend pas vraiment compte de son côté : Mortifère, tout le monde est d’accord pour dire qu’il est dangereux et menaçant, il est pas un des ennemis publics de la République pour rien, et toutes les informations le concernant sont en réalité plus ou moins déjà connues et couchées dans des parchemins. Qu’elle y ait pas accès, moi, j’y peux pas grand-chose, surtout qu’on m’a jamais dit de plus jamais en causer à quiconque.
Alors que Zelevas, y’a toujours le risque qu’il ait fait une connerie de plus qu’on ajoutera à son procès par coutumace, et que j’tombe à nouveau avec lui. S’il avait été moins nul ou moins fou, n’empêche, je serais toujours capitaine...
« Comme je disais, c’était une mission-test, un peu pour qu’il prouve qu’il était l’avenir de la République, qu’il était parfaitement sous contrôle et que y’avait aucun risque pour ses compatriotes. Après, quel était l’objectif derrière, si c’était faire la guerre aux Titans, au Reike, ou aux criminels, malheureusement, faudrait demander à Zelevas lui-même. »
J’reprends une gorgée de vin. L’est bon. Le visage de Casteille est vachement expressif, et j’me demande comment ça se fait, et si y’a un rapport avec sa cécité. Genre comme si, en voyant pas le visage des autres, elle cache naturellement moins les émotions sur le sien. Marrant. Puis j’me reconcentre.
« Là, fallait faire une mission de maintien de l’ordre classique. Donc j’ai pris Mortifère, et on est allé traîner un peu dans les quartiers mal-famés des faubourgs de Liberty. Pas grand-chose à en dire, hein ? C’est juste des coins où faut éviter d’aller si on connaît pas, ou qu’on n’est pas sûr de sa force. Nous, on l’était plutôt. Même côté Officiers Républicains, on privilégie d’y aller avec une escouade entière. Dix hommes. »
Certes, c’est pour pas se faire buter. Mais c’est aussi pour pas qu’ils aient des idées, les criminels et autres rebuts de la société : ils ont moins la tentation de nous attaquer si on est en nombre, et on peut patrouiller et intervenir de façon un peu plus sereine.
« Enfin bref, on a essayé de s’assurer que l’endroit était sûr, puis de faire un peu de flagrant-délit. On sait jamais, mais y’a des endroits où ça enfreint la loi avec tellement de naturel que même la présence des forces de l’ordre suffit pas à les faire cacher un peu leur vice. Tout ça pour dire qu’on tombe sur un vieux chef de gang qu’on va pour appréhender, puis ses renforts arrivent. On se fait prendre par surprise par une jeune femme à la force surhumaine pendant que ses alliés nous canardent des fenêtre des bâtiments proches. »
Les souvenirs sont un peu vagues, mais pourtant, j’ai l’impression d’avoir tellement raconté cette histoire que j’suis persuadé maintenant de ce qui s’est réellement passé.
« Dans le chaos de l’embuscade, Mortifère a buté la nana, et on s’est enfui bon an mal an en utilisant la téléportation. Après un coup de main d’un toubib du commissariat le plus proche, on est reparti en quête d’un fait d’arme. On a trouvé un indic’... C’est des civils ou des criminels qui nous donnent des informations en échange de remises de peine, de menus avantages ou de primes, je sais pas si vous savez... Bon, cet indic’ semblait filer un mauvais cotton, plus vouloir entrer en contact avec les officiers, alors même que l’activité d’un gang qui lui était proche prenait de l’envergure. »
C’était un orc, de mémoire. Il avait fait le malin un certain temps, mais ça s’était calmé quand Mortifère s’était occupé de lui.
« On l’a appréhendé, ramené au commissariat, et j’ai rédigé le rapport de la journée. Je suppose que c’est ce rapport qui a servi de base aux auditions validant le Projet Palladium et, partant de là, l’existence de Zelevas. »
Nouvelle gorgée, pour m’humecter la gorge.
« Je tiens à signaler que ces faits ont fait l’objet de beaucoup d’interrogations suite à l’assassinat de la Présidente Mirelda, qu’il a été démontré que je n’ai pas produit de faux en écriture et que le rapport, je cite, bien qu’écrit dans un ton complaisant, ne contient ni mensonges ni exagérations. Ce n’est pas pour ça que j’ai été... hm... rétrogradé de capitaine à simple officier républicain, que j’termine d’un ton précautionneux. »
Puis le sujet bascule sur comment Abraham est devenu Mortifère.
« Une arme, je sais pas. Il était nerveux pendant la patrouile de test, comme j’disais. Beaucoup plus dur et terne quand on est venu l’arrêter avec Zelevas, mais c’est probablement dû à la culpabilité, ou alors la confiance qu’il avait en son maître, qui pourrait le sortir facilement de là. Puis y’a eu la fin, la confrontation avec Zelevas... »
Mes pensées repartent à cette journée fatidique dans le vieux manoir. Y’avait une couille dans le potage, et tout le monde a pu être là pour le voir.
« Mortifère a dit qu’il avait perdu la mémoire et ses sentiments. Il avait pas l’air de se souvenir d’avoir tué la présidente. Ils ont parlé d’une opération ou je sais pas quoi, comme quoi soit-disant ce serait pas sa faute. Puis... le reste est connu. Il s’est enfui, Zelevas a été capturé. Il a dit qu’il lui restait beaucoup à faire, mais on n’a pas de nouvelles depuis. Mais les forces de l’ordre mettent tout en oeuvre avec le SCAR, les Limiers et les Effraies pour le retrouver, ne vous inquiétez pas, que j’la rassure. »
Enfin, à ma connaissance, l’ordre en cours en interne chez les OR, c’est que si on le voit, on ne l’approche pas et on remonte l’information le plus vite possible à la hiérarchie. Pasque c’est pas l’officier moyen qui va parvenir à l’arrêter, même avec sept ans d’études.
Quand le sujet revient sur Falconi et Zelevas, j’suis surpris par la tangente brusquement prise.
« Euh non ? J’me suis jamais posé la question. Falconi Genova était le dernier président avec Mirelda Goldheart, il était le mieux placé pour revenir aux affaires dans une période tendue, donc c’est vrai que ça se goupillait plutôt bien. Puis Zelevas avait pas vraiment la fibre du sacrifice, hein... Sacrifier les autres, ça allait, mais lui-même, il fallait quand même sacrément le motiver. »
J’ai toujours en travers de la gorge le premier grand discours qu’il m’a fait. C’est sûr que l’emballage était joli, que c’était bien raconté, mais à la fin, il me demandait de crever pour un idéal. Très peu pour moi, et il l’a vite compris, donc nos rapports sont devenus beaucoup plus sains.
Et profitables.
Noble de La République
Hélénaïs de Casteille
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Même si elle n’en laissait rien paraître, la peine de la condition d’Abraham se lisait sur ses traits, sur son sourire vacillant et dans l'opacité de ses yeux noisettes. Ces histoires, encore une fois, elle les avait déjà entendu ou lu dans les rapport. Sortie de la bouche de Pancrace elles lui semblaient plus réelles mais aussi plus humaines d’une certaine façon et ça n’avait rien de réconfortant. Hélénaïs entendait encore son amant lui répéter maintes et maintes fois que Zelevas n’y était pour rien, qu’il avait fait ce choix en son âme et conscience. Tout en elle lui criait qu’il avait tort, que ce choix était celui d’un autre et que ses actions découlaient de la violence, de la manipulation et de la peur. Toutes ces choses qu’il avait suffisamment craint pour vouloir s’y soustraire, toutes ces choses qu’il nierait pour lui arguer encore et toujours qu’il ne regrettait pas son choix. Un dialogue de sourd, sans fin, le serpent qui se mord la queue sans jamais s’arrêter. Au moins, désormais elle en savait un peu plus sur le cheminement qui avait mené Abraham à Mortifère. La validation dont il avait fait l’objet, à la manière d’un rat de laboratoire, la débectait et elle dû fermer brièvement les yeux en inspirant pour masquer la nausée qui l’avait prise. Un jour, elle lui demanderait de tout lui raconter, jusqu’au plus sordide des détails. Mais pas encore, elle n’était pas prête.
Bientôt, le sujet revint à ce soir où il s’était échappé et où Zelevas avait été capturé. Un soir dont elle avait ignoré l’existence jusqu’à ce que les journaux n’en fassent étalages, que la nouvelle lui parviennent jusqu’au domaine qu’elle avait regagné plusieurs jours auparavant. Puis elle avait reçu le testament à son attention, Abraham avait débarqué chez elle et sa vie avait été entièrement chamboulée. Maintenant elle en était là, réduite à flirter avec la légalité en espérant ne pas se faire prendre, jouant à des jeux pour lesquels elle n’avait jamais été douée.
— Oh je ne doute pas de nos institutions, le rassura-t-elle poliment quoique ses paroles manquaient de conviction. Et pour cause, elle espérait bien que la République se montrerait bien en deçà de ce qu’elle lui connaissait.
“Merde.” Ne put-elle s’empêcher de penser lorsque Pancrace rebondit sur la personnalité de son vieil ami. Tel qu’elle l’avait connu, l’imaginer se sacrifier pour autrui n’était pas invraisemblable. Aux yeux de l’officier, le tableau était on ne peut plus différent.
— Vous n’avez pas tort, pourtant il s’est sacrifié pour la République. Peut-être malgré lui. Soupira-t-elle calmement. Mais elle se demanda si du point de vue du jeune homme, tout cela ne serait pas simplement une tentative de prise de pouvoir ratée. Probablement. Rien ne l’empêchait de tenter de semer le doute mais Dieux! qu’elle n’était pas faites pour cela. — Mettons que vous aillez raison, que Zelevas soit un calculateur, qui n’avait aucun intérêt à se sacrifier. Pourquoi aurait-il pris le risque de faire tuer Mirelda ? Il savait mieux que personne que la justice Républicaine ne lui ferait pas de cadeau et que malgré toute l’efficacité de Mortifère, il serait aisément identifié. Tout comme le fait qu’il ne serait pas capable de le protéger des forces de l’ordre. Un acte aussi extrême, sans contrepartie ? Ça ne colle pas.
Un plateau d'échec, voilà ce qu'était en train de devenir sa vie. Un jeu grandeur nature ou le prix à payé était presque trop grand, ou les pions étaient des gens, des amis, des ennemis, elle-même. Laissant croire à un calme qu’elle ne ressentait aucunement, elle se pencha pour récupérer son verre et en boire une longue gorgée qui manqua de le vider complètement puis elle reprit d’une voix où elle forçait la sècheresse.
— Falconi et Zelevas étaient proches, très proches même. Ce n’est pas un hasard si les élections ont été aussi expéditives. Et s’ils avaient passé un accord ? Zelevas se débarrassait de la présidente, Falconi accédait au pouvoir, et tout le monde y gagnait… sauf bien sûr Mirelda Goldheart. Vous n’avez jamais entendu parler d’arrangements entre eux ? Des discussions ou des bruits de couloir ?
De nouveau, elle s’interrompit quelques instants.
— Si Zelevas ne tirait rien de cet acte, pourquoi l’aurait-il fait ? Et Falconi… Croyez-vous qu’un homme aussi ambitieux soit d’une nature à attendre patiemment que son heure de gloire lui revienne sans agir ? Vous savez aussi bien que moi le genre de revers que cache notre gouvernement. Des couteaux dans le dos, voilà la vérité et il en a toujours été ainsi. Hélas.
Une nouvelle gorgée et Hélénaïs reposa son verre vide sur la table avant de reprendre d’une voix plus douce.
— Je ne dis pas que c’est une certitude. Mais s’ils étaient si bons amis, pourquoi Falconi n’a rien fait pour adoucir la peine de Zelevas ? Le Razkaal… Il était dépourvu d’une quelconque magie, une prison commune aurait suffit à l’emprisonner. Le Razkaal était une condamnation à mort, cruelle qui plus est. Et puis qui écoute les prisonniers du Razkaal, ils sont fous, n’est-ce pas ? C'était arrangeant, en attendant la mort.
Pour la première fois de sa vie, la jeune De Casteille détestait celle qu’elle était. Elle méprisait la vilénie qu’elle sentait danser sur sa langue mais elle refusa de la réfréner, pas tant qu’elle n’aurait pas atteint son but.
Bientôt, le sujet revint à ce soir où il s’était échappé et où Zelevas avait été capturé. Un soir dont elle avait ignoré l’existence jusqu’à ce que les journaux n’en fassent étalages, que la nouvelle lui parviennent jusqu’au domaine qu’elle avait regagné plusieurs jours auparavant. Puis elle avait reçu le testament à son attention, Abraham avait débarqué chez elle et sa vie avait été entièrement chamboulée. Maintenant elle en était là, réduite à flirter avec la légalité en espérant ne pas se faire prendre, jouant à des jeux pour lesquels elle n’avait jamais été douée.
— Oh je ne doute pas de nos institutions, le rassura-t-elle poliment quoique ses paroles manquaient de conviction. Et pour cause, elle espérait bien que la République se montrerait bien en deçà de ce qu’elle lui connaissait.
“Merde.” Ne put-elle s’empêcher de penser lorsque Pancrace rebondit sur la personnalité de son vieil ami. Tel qu’elle l’avait connu, l’imaginer se sacrifier pour autrui n’était pas invraisemblable. Aux yeux de l’officier, le tableau était on ne peut plus différent.
— Vous n’avez pas tort, pourtant il s’est sacrifié pour la République. Peut-être malgré lui. Soupira-t-elle calmement. Mais elle se demanda si du point de vue du jeune homme, tout cela ne serait pas simplement une tentative de prise de pouvoir ratée. Probablement. Rien ne l’empêchait de tenter de semer le doute mais Dieux! qu’elle n’était pas faites pour cela. — Mettons que vous aillez raison, que Zelevas soit un calculateur, qui n’avait aucun intérêt à se sacrifier. Pourquoi aurait-il pris le risque de faire tuer Mirelda ? Il savait mieux que personne que la justice Républicaine ne lui ferait pas de cadeau et que malgré toute l’efficacité de Mortifère, il serait aisément identifié. Tout comme le fait qu’il ne serait pas capable de le protéger des forces de l’ordre. Un acte aussi extrême, sans contrepartie ? Ça ne colle pas.
Un plateau d'échec, voilà ce qu'était en train de devenir sa vie. Un jeu grandeur nature ou le prix à payé était presque trop grand, ou les pions étaient des gens, des amis, des ennemis, elle-même. Laissant croire à un calme qu’elle ne ressentait aucunement, elle se pencha pour récupérer son verre et en boire une longue gorgée qui manqua de le vider complètement puis elle reprit d’une voix où elle forçait la sècheresse.
— Falconi et Zelevas étaient proches, très proches même. Ce n’est pas un hasard si les élections ont été aussi expéditives. Et s’ils avaient passé un accord ? Zelevas se débarrassait de la présidente, Falconi accédait au pouvoir, et tout le monde y gagnait… sauf bien sûr Mirelda Goldheart. Vous n’avez jamais entendu parler d’arrangements entre eux ? Des discussions ou des bruits de couloir ?
De nouveau, elle s’interrompit quelques instants.
— Si Zelevas ne tirait rien de cet acte, pourquoi l’aurait-il fait ? Et Falconi… Croyez-vous qu’un homme aussi ambitieux soit d’une nature à attendre patiemment que son heure de gloire lui revienne sans agir ? Vous savez aussi bien que moi le genre de revers que cache notre gouvernement. Des couteaux dans le dos, voilà la vérité et il en a toujours été ainsi. Hélas.
Une nouvelle gorgée et Hélénaïs reposa son verre vide sur la table avant de reprendre d’une voix plus douce.
— Je ne dis pas que c’est une certitude. Mais s’ils étaient si bons amis, pourquoi Falconi n’a rien fait pour adoucir la peine de Zelevas ? Le Razkaal… Il était dépourvu d’une quelconque magie, une prison commune aurait suffit à l’emprisonner. Le Razkaal était une condamnation à mort, cruelle qui plus est. Et puis qui écoute les prisonniers du Razkaal, ils sont fous, n’est-ce pas ? C'était arrangeant, en attendant la mort.
Pour la première fois de sa vie, la jeune De Casteille détestait celle qu’elle était. Elle méprisait la vilénie qu’elle sentait danser sur sa langue mais elle refusa de la réfréner, pas tant qu’elle n’aurait pas atteint son but.
Citoyen de La République
Pancrace Dosian
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Je hausse les épaules. Bien malin celui qui sait ce qui se cachait dans la cabosse du vieux Fraterniatas. Pour s’être accroché si longtemps en politique et avoir tenu des postes prestigieux, devait pas y avoir que des choses évidentes au-delà d’un attrait évident pour le pouvoir, et la certitude qu’il était le mieux placé pour l’utiliser correctement. J’pourrais dire la même chose de Mirelda, d’ailleurs, et même de Falconi. Et encore, ça, c’est ceux qui réussissent le mieux, mais toute la joyeuse bande des sénateurs, préfets et autres ministres, c’est bien la même chose.
Soif de pouvoir, ego surdimensionné : un cocktail qui donnerait presqu’envie de rien leur filer par principe. Mais faut bien que quelqu’un sy colle, j’suppose.
« P’tet qu’il pensait qu’il se ferait pas chopper, qu’il était sûr de son sentiment d’impunité. Après tout, il était avec Exousia, qu’on a jamais retrouvée par la suite. Entre la vice-présidente et le contrôle du projet Palladium, il a pu se sentir pousser des ailes et se dire que le chaos de l’attaque de l’Assemblée serait le meilleur moyen de s’ouvrir la route vers le pouvoir ou à l’influence de Koraki. Elle aussi, elle complètement craqué, typiquement. Une élection anticipée le donnait peut-être gagnant. »
J’fais tourner le liquide dans mon verre, les yeux dans le vague.
« Puis Mortifère s’est illustré dans la bataille contre l’Avatar de Kaiyo, devant la Maison-Bleue. C’est des histoires qui se répandent vite, ça. Auréolé de gloire, il aurait été un soutien de taille pour une course à la présidence. Si Zelevas comptait là-dessus... Puis vous savez à quel point c’est dur d’obtenir l’autorisation d’interroger un sénateur. C’est pour ça que seul Mortifère a eu l’opération spéciale. On n’aurait jamais dû pouvoir remonter jusqu’à d’Elusie, j’imagine. »
En tout cas, si c’était le calcul qui avait été fait, il n’avait pas été payant : Goldheart s’était souvenu qu’il était de la famille de Mirelda, et avait tenu à faire la lumière sur les circonstances troublantes de sa mort. A ce petit jeu, c’était celui qui s’en était le mieux sorti. Il était en vie, et vice-président, probablement en lice pour les prochaines élections d’ailleurs. Mais même si on leur demandait maintenant, est-ce qu’ils seraient même capables de répondre sans mentir ? C’est que ça devient une sale habitude, puis une façon de vivre, à force, quand chacun de ses actes devient une représentation théâtrale reprise dans l’Hebdo et que tous les républicains consultent, apprennent. Et on se retrouve avec des rumeurs pas possibles, des histoires qui entachent des réputations et des types qui disparaissent du jour au lendemain, complètement disgraciés.
Enfin, recasés par les potos dans des placards dorés, plutôt, mais loin de l’oeil du public.
« Je sais pas, comme je disais, je vois pas Zelevas se sacrifier pour quiconque. Il avait une haute opinion de la République, mais aussi et surtout de lui-même. Après, justifiée ou pas, c’est un autre débat, mais je le vois pas faire ça. D’un autre côté, on n’avait pas vraiment une relation d’égal à égal, y’avait peu de chances que j’assiste à ce pan de sa personnalité, hein. J’étais qu’un exécutant. »
Donc faut pas me demander des trucs trop compliqués ni de me mouiller de façon un peu bizarre, si possible. Et plus ça va, plus j’ai l’impression que Casteille cherche des ficelles auxquelles se raccrocher, pour soutenir son poids, ou en tout cas la masse de l’idée qu’elle se fait de Zelevas : ça se voit que dans sa tête, c’était un genre de génie qui pensait à tout, avait plusieurs coups d’avance sur tout le monde, et un grand plan génial qui allait sauver la République. Pour le moment, j’pense qu’il est davantage préoccupé par le fait de savoir sauver ses orteils des rats qui hantent le Razkaal, m’est avis.
L’enjeu est moindre à l’échelle du pays, mais tout aussi important, hé ?
« Oui, c’est sûr qu’on n’imagine pas Falconi attendre dans son coin que le temps passe, mais pourtant, il a disparu des folliculaires pendant toute la présidence Goldheart. Il a eu raison, puisque le revoilà aux manettes. Après, de là à dire qu’il faisait rien, c’est difficile à dire. J’suis pas dans le secret des grands de ce monde, mais les affaires ont continué à rouler, j’dirais. »
J’ferme ma bouche brusquement. C’pas le moment de laisser échapper que j’ai croisé Cécilia Falconi dans les bas-fonds, en train de trafiquer des drogues originales pour faire entrer un peu d’argent dans les caisses de la famille. En plus, rien n’indique que c’était au service de son vieux : ça se trouve, elle était dans son coin à faire ses affaires et tenter de survivre. Surtout qu’elle était censée être déjà morte. J’jette un regard méfiant envers mon verre. Rester prudent. Boucler mon claque-merde.
J’reprends rapidement la parole pour pas qu’on s’attarde là-dessus.
« Parfois, on a des amis qui déconnent, et alors il faut bien sévir, surtout quand on est au sommet de l’état. Déjà nous à l’office, on est dans cette situation, alors j’imagine pas. En plus, le procès a été public, Liberty était en ruines et sous l’eau, il fallait bien intervenir pour montrer que la République châtie ceux qui piétinent ses lois et ses principes. Quant au Razkaal... Bon, c’est raide, c’est vrai, surtout pour lui, mais d’un autre côté, pour un crime aussi odieux, faut bien marquer le coup, non ? Et c’est p’tet même faire preuve de clémence que d’être sûr qu’il y passe rapidement plutôt que passer dix, quinze ou vingt ans dans une prison insalubre plus... normale. »
J’ai un frisson en me rappelant de la prison haute-sécurité de la République. Les murs eux-mêmes y suintent la malveillance, ses habitants sont pas vraiment des parangons de sympathie et même là, tu peux avoir un titan qui vient te mettre un coup de pression et te filer son agenda pour l’année à venir. Autant dire que j’espère bien ne plus jamais y foutre les panards.
« Après, je connais pas du tout le président et pas si bien Zelevas, ça se trouve, ils avaient vraiment un plan comme ça... Mais comme Falconi ne sortait plus de chez lui, il faudrait vérifier les communications de Zelevas, s’il n’a pas tout brûlé. Ça doit être dans son coffre, ou son cryptex, ou... »
Nouveau haussement d’épaules. Si ça parle vraiment de renverser Goldheart et qu’il a gardé des preuves, c’est vraiment qu’il était pas aussi intelligent qu’on le dit. D’un autre côté, il a gardé la bague de Mirelda. On fait tous des erreurs. Certaines sont juste plus coûteuses que d’autres.
Noble de La République
Hélénaïs de Casteille
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Hélénaïs pataugeait. Elle se raccrochait aux branches comme un singe sans bras. Mais ne s’était pas encore complètement cassé la figure. Une prouesse suffisamment notable pour que l’on daigne l’a remarquer mais qui commençait sérieusement à nouer les muscles de sa nuque délicate. Heureusement son sourire, lui, était toujours aussi détendu. Ou du moins, il en avait toujours l’air. Et avoir l’air, c’était tout ce qui comptait aujourd’hui. Tant qu’il ne voyait pas en elle une menace ou quoi que ce soit qui l’aurait amené à se méfier, alors tout irait pour le mieux. Evidemment, elle avait bien conscience que le sujet abordé et ses mots étaient largement accusateurs mais n’était-ce pas le lot de tous les sénateurs ? A toujours fouiner là où ils ne doivent pas ? A vouloir se doubler les uns les autres ? La jeune femme n’avait pas pour réputation d’être un adversaire féroce, c’était même tout le contraire.
Elle écouta Pancrace avec le même intérêt que depuis qu’il était entré dans la pièce, dû se faire violence pour s’empêcher de tiquer à certains de ses mots mais les nota, soigneusement, dans un recoin de son esprit. Peu à peu les questions se bousculèrent sur ses lèvres sans pour autant les franchir. Se taire, c’était tout ce qu’elle devait faire. Interroger oui, mais c’était surtout les réponses qu’elle devait écouter et pas seulement les mots. Dans ce genre de situation, ses yeux lui manquaient cruellement et l'analyse qui allait de paire. Emérée était heureusement là et elle était maligne. Suffisamment pour revenir aux côtés de sa maîtresse sans son autorisation, mais les mains pleines.
— J’apporte ce que vous avez demandé, ma dame. Dit-elle sans un regard pour Pancrace.
“Et qu’est-ce que j’ai demandé ?” S’interrogea Hélénaïs dans l’esprit de la jeune femme.
— Domaine De Casteille, trois ans d’âge. Le même que nous avons servi à monsieur.
— Je te remercie. Dit-elle, tout en posant furtivement la main sur celle d’Emérée. Cette dernière n’essaya en rien de lui dissimuler ses intentions, bien au contraire.
“Les Hommes ont souvent la langue bien pendue lorsqu’ils boivent. Celui-là n'est pas différent.” Put-elle y lire. Hélénaïs se contenta de ciller en la libérant et Emérée ne demanda pas son reste. Elle quitta la pièce aussi silencieusement qu’auparavant.
— Je vous en prie, faites à votre aise. Je ne peux vous servir moi-même.
Elle attendit que son verre soit également rempli pour le récupérer. Pourtant, elle ne but pas. L’alcool était souvent un bon ami dans les situations de stress mais celle-ci lui demandait de garder l’esprit aussi limpide que possible.
— Il n’empêche que tout cela est bizarre. Zelevas à toujours aimé la République, il n’a jamais voulu la trahir. Pas plus que Mortifère n’aurait pu désobéir à un ordre direct de sa part ou de celle de Koraki. Il m’est étrange d’imaginer ces deux là associés, ils aiment le pouvoir autant l’un que l’autre. Leurs intérêts seraient forcément entrés en conflit à un moment ou à un autre. Falconi qui s’est terré durant tout ce temps pour attendre son heure ? N’avez vous pas l’impression d’avoir loupé quelque chose ?
Probablement pas, parce qu’il n’y avait rien à louper. Hélénaïs n’était pas faite pour ce genre de jeux et si elle continuait sur sa lancée, elle finirait par trébucher et tout foutre en l’air. Au moins pouvait-elle se satisfaire d’avoir obtenu confirmation d’une chose ; les ordres avaient été donnés aussi bien par Zelevas que Exousia, Abraham n’aurait pas été en mesure de s’y soustraire quand bien même il l’aurait voulu et s’il l’avait fait, c’eut été considéré comme une défaillance. Il l’aurait chèrement payé sans aucun doute. Sa défense pourrait sans doute s’articuler autour de cela. Et peut-être Dosian pourrait-il témoigner malgré lui… Elle remisa son idée pour plus tard et poursuivit.
— Jouons franc jeu, officer. Elle lui sourit et fit tournoyer son verre. — Je crains les grands de ce monde autant que vous, mais certainement pas pour les mêmes raisons. Vous n’êtes pas sans connaître mon bord politique. Vous imaginez bien que la nomination de Falconi ne m’a pas réjouit, quoi que nous avons évité le pire. Néanmoins, je ne peux m’empêcher de m’interroger sur la manière dont cela est arrivé mais nous n’allons pas refaire notre précédente conversation, n’est pas ? Du bout des lèvres, elle vint avaler une fausse gorgée. — J’ai peur pour mon pays en ces temps troubles. Et je veux être prête à parer à toutes les éventualités. Pour se faire, j’ai besoin de posséder des cartes dans ma manche. Celles que vous pouvez me donner.
Hélénaïs laissa le tic-toc d’une horloge rythmer le silence dans la pièce.
— Je ne suis pas Zelevas, l’idée d’avoir des gens pour effectuer mes basses besognes ne m’intéresse pas. Sans compter qu’elle peinait déjà à dissimuler la présence d’Abraham ainsi qu’à garder le clapet fermé de certains domestiques. Ajouter un officier républicain dans l’équation ? Sans façon. — Mais vos yeux et vos oreilles, oui.
Lui laissant le temps d’accuser le coup mais aussi de réfléchir, elle fit à nouveau mine de boire.
— Nous savons tous les deux que si vous n’étiez pas dans le secret des grands comme vous dites, mais vous avez frayé avec eux. Vous avez évolué dans leur cercle, même si ce n’était qu’un temps et à moindre échelle. Un soupir. — J’ai besoin de leviers pour m’assurer que Falconi ne trahira pas la République comme l’a fait Mirelda ou, d’une certaine façon, Zelevas. Et je suis prête à offrir beaucoup.
Enfin, elle se tut. Son cœur battait dans ses tempes à un rythme endiablé, si bien qu’elle eut l’impression que Pancrace pouvait l’entendre malgré la distance qui les séparait. Son regard brillait d’inquiétude, mais restait irrémédiablement fixé dans la direction du jeune homme.
“Qu’on en finisse”Gémit-elle en son for intérieur.
Elle écouta Pancrace avec le même intérêt que depuis qu’il était entré dans la pièce, dû se faire violence pour s’empêcher de tiquer à certains de ses mots mais les nota, soigneusement, dans un recoin de son esprit. Peu à peu les questions se bousculèrent sur ses lèvres sans pour autant les franchir. Se taire, c’était tout ce qu’elle devait faire. Interroger oui, mais c’était surtout les réponses qu’elle devait écouter et pas seulement les mots. Dans ce genre de situation, ses yeux lui manquaient cruellement et l'analyse qui allait de paire. Emérée était heureusement là et elle était maligne. Suffisamment pour revenir aux côtés de sa maîtresse sans son autorisation, mais les mains pleines.
— J’apporte ce que vous avez demandé, ma dame. Dit-elle sans un regard pour Pancrace.
“Et qu’est-ce que j’ai demandé ?” S’interrogea Hélénaïs dans l’esprit de la jeune femme.
— Domaine De Casteille, trois ans d’âge. Le même que nous avons servi à monsieur.
— Je te remercie. Dit-elle, tout en posant furtivement la main sur celle d’Emérée. Cette dernière n’essaya en rien de lui dissimuler ses intentions, bien au contraire.
“Les Hommes ont souvent la langue bien pendue lorsqu’ils boivent. Celui-là n'est pas différent.” Put-elle y lire. Hélénaïs se contenta de ciller en la libérant et Emérée ne demanda pas son reste. Elle quitta la pièce aussi silencieusement qu’auparavant.
— Je vous en prie, faites à votre aise. Je ne peux vous servir moi-même.
Elle attendit que son verre soit également rempli pour le récupérer. Pourtant, elle ne but pas. L’alcool était souvent un bon ami dans les situations de stress mais celle-ci lui demandait de garder l’esprit aussi limpide que possible.
— Il n’empêche que tout cela est bizarre. Zelevas à toujours aimé la République, il n’a jamais voulu la trahir. Pas plus que Mortifère n’aurait pu désobéir à un ordre direct de sa part ou de celle de Koraki. Il m’est étrange d’imaginer ces deux là associés, ils aiment le pouvoir autant l’un que l’autre. Leurs intérêts seraient forcément entrés en conflit à un moment ou à un autre. Falconi qui s’est terré durant tout ce temps pour attendre son heure ? N’avez vous pas l’impression d’avoir loupé quelque chose ?
Probablement pas, parce qu’il n’y avait rien à louper. Hélénaïs n’était pas faite pour ce genre de jeux et si elle continuait sur sa lancée, elle finirait par trébucher et tout foutre en l’air. Au moins pouvait-elle se satisfaire d’avoir obtenu confirmation d’une chose ; les ordres avaient été donnés aussi bien par Zelevas que Exousia, Abraham n’aurait pas été en mesure de s’y soustraire quand bien même il l’aurait voulu et s’il l’avait fait, c’eut été considéré comme une défaillance. Il l’aurait chèrement payé sans aucun doute. Sa défense pourrait sans doute s’articuler autour de cela. Et peut-être Dosian pourrait-il témoigner malgré lui… Elle remisa son idée pour plus tard et poursuivit.
— Jouons franc jeu, officer. Elle lui sourit et fit tournoyer son verre. — Je crains les grands de ce monde autant que vous, mais certainement pas pour les mêmes raisons. Vous n’êtes pas sans connaître mon bord politique. Vous imaginez bien que la nomination de Falconi ne m’a pas réjouit, quoi que nous avons évité le pire. Néanmoins, je ne peux m’empêcher de m’interroger sur la manière dont cela est arrivé mais nous n’allons pas refaire notre précédente conversation, n’est pas ? Du bout des lèvres, elle vint avaler une fausse gorgée. — J’ai peur pour mon pays en ces temps troubles. Et je veux être prête à parer à toutes les éventualités. Pour se faire, j’ai besoin de posséder des cartes dans ma manche. Celles que vous pouvez me donner.
Hélénaïs laissa le tic-toc d’une horloge rythmer le silence dans la pièce.
— Je ne suis pas Zelevas, l’idée d’avoir des gens pour effectuer mes basses besognes ne m’intéresse pas. Sans compter qu’elle peinait déjà à dissimuler la présence d’Abraham ainsi qu’à garder le clapet fermé de certains domestiques. Ajouter un officier républicain dans l’équation ? Sans façon. — Mais vos yeux et vos oreilles, oui.
Lui laissant le temps d’accuser le coup mais aussi de réfléchir, elle fit à nouveau mine de boire.
— Nous savons tous les deux que si vous n’étiez pas dans le secret des grands comme vous dites, mais vous avez frayé avec eux. Vous avez évolué dans leur cercle, même si ce n’était qu’un temps et à moindre échelle. Un soupir. — J’ai besoin de leviers pour m’assurer que Falconi ne trahira pas la République comme l’a fait Mirelda ou, d’une certaine façon, Zelevas. Et je suis prête à offrir beaucoup.
Enfin, elle se tut. Son cœur battait dans ses tempes à un rythme endiablé, si bien qu’elle eut l’impression que Pancrace pouvait l’entendre malgré la distance qui les séparait. Son regard brillait d’inquiétude, mais restait irrémédiablement fixé dans la direction du jeune homme.
“Qu’on en finisse”Gémit-elle en son for intérieur.
Citoyen de La République
Pancrace Dosian
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Ce qui est bien avec les sénateurs et tous les gens de ce milieu, c’est qu’on meurt généralement pas de soif en leur compagnie. C’est qu’ils ont une certaine image à assurer, j’suppose. Alors, certes, Zelevas me faisait rester qu’assez longtemps pour descendre un verre, mais il a jamais mégoté sur la qualité de ce qu’il me faisait servir. Là, visiblement, c’est la même, et heureusement qu’en tant qu’Officier Républicain, on est bien entraîné, pasque j’compte bien profiter de l’opportunité pour continuer à goûter les crus de Casteille.
La servante, ou assistante, est déjà repartie vaquer à ses occupations, et c’est à moi qu’échoit la responsabilité de servir les verres. Ils sont tout petits, en plus, avec un pied super long. J’remplis à moitié celui d’Hélénaïs, comme ça avait été fait au début. J’veux pas qu’elle risque de renverser, après tout. Puis le mien, j’y vais jusqu’à ras-bord. Ça m’évitera de devoir recommencer dans dix minutes, comme ça. Puis j’suis plus adroit qu’une aveugle, hein. J’me prends une bonne rasade pour m’humecter la gorge.
Marrant, qu’elle s’entête à essayer de comprendre pourquoi Zelevas a fait tout ça. J’suppose que si t’adules quelqu’un et que tu te rends compte qu’il vient de faire une énorme connerie, t’essaies de capter ses motivations, c’est pareil quand Cinglé tabasse un type dans une ruelle et qu’on se retrouve à ramasser des ratiches sur dix mètres. A part qu’on n’a pas d’estime pour lui, j’veux dire.
« La soif de pouvoir, je sais pas, ça rend fou. Exousia, elle est aussi partie de rien pour finir vice-présidente, c’était p’tet pas assez pour elle. Ils auraient pu s’allier pour se répartir les postes importants. On peut pas dire qu’ils avaient totalement les mêmes opinions politiques, mais ils ont dû trouver des points d’accord. Genre, pour renforcer la République et son pouvoir militaire. Zelevas a fait le Projet Palladium et Mortifère, après tout. Puis l’ennemi de mon ennemi est mon ami, tout ça. Aucun des deux pouvait blairer Mirelda, m’est avis, ça faisait une bonne raison de s’unir. »
On peut pas dire qu’Exousia avait bonne réputation : tous les gens qui ont bossé avec ont dit qu’elle était insupportable, à insulter et se moquer et faire des commentaires désobligeants en permanence. Vraiment, à se demander comment elle a pu devenir Mairesse de Courage, puis vice-présidente ensuite. Enfin, si, je sais, j’avais voté pour, mais en même temps, c’était ça ou un Humaniste, donc c’était vite vu.
L’offre tombe justement, et j’commençais à me dire que ça faisait bizarre, juste une discussion quand les rapports contiennent la majorité des informations utiles et nécessaires, et auxquelles il manque juste mon avis et ma perception des choses. D’un autre côté, avoir l’avis des sous-fifres sur leurs chefs, c’est toujours très intéressant : on le sait, quand on enquête, ça fait partie des pistes qu’on explore pour dresser le profil des gens, savoir comment ils sont vraiment. Reste que j’peux pas m’empêcher de me figer brièvement, avant de me décontracter. La dernière fois, ça s’est bien passé quelques mois, puis ensuite, mon employeur est allé trop loin, et ce que j’faisais pour lui est ressorti et avait pas vraiment la classe.
C’est comme ça qu’on se retrouve à descendre simple sous-fifre après avoir été capitaine.
Alors, certes, j’ai jamais été aussi riche que quand j’faisais des missions pour le Vieux Lion. Mais tout ça aurait pu tourner bien plus mal. Et j’suis quasiment sûr que Rockraven, hargneuse comme elle est avec son balais dans le cul enfoncé jusqu’à la nuque, elle continue à m’avoir à l’oeil. C’est la réputation qu’elle a, en plus d’acheter beaucoup de lingerie fine et de nuisettes. Alors, après, est-ce que tout est mérité ou pas, moi, j’en sais rien. Toujours est-il que si j’avais pas eu de bons états de service, notamment à Kaizoku et Liberty, impossible de savoir comment ça aurait tourné.
Depuis, j’me tiens à carreau.
Et mon coffre à la Banque des Chaînes, il se sent seul et il prend la poussière, malgré l’or qui lui tient chaud.
« Une offre intéressante. Et alléchante. »
J’commence prudemment, et mes yeux quittent mon verre de Casteille pour se poser sur la politicienne. Jouer franc-jeu, c’est quelque chose qu’ils font vaguement, quand ça les intéresse et qu’ils ont quelque chose à en tirer. Y’a pas de doute, elle se méfie de Falconi, l’aime pas des masses. Toute la conversation depuis le début tend vers cette direction, quand elle cherche un grand plan que lui et Zelevas auraient monté, des magouilles avec Mortifère et Koraki. Enfin, quand on est Humaniste, j’suppose qu’on biche pas de fou de voir un Conservateur revenir aux commandes juste après Mirelda. On doit se demander quand c’est que c’est son tour de faire joujou avec la République et de pouvoir implémenter ses riches idées, pasqu’on sait mieux que tout le monde.
Moi, c’est pareil quand les chefs donnent les trajets des patrouilles : je trouve que c’est de la merde et qu’on devrait m’écouter. Pas de raison qu’ils soient différents.
« Disons que mes contacts avec les hautes strates de la politiques se sont nettement amenuisés depuis la rétrogradation. Je suis plus capitaine, après tout, donc ma marge de manoeuvre n’est plus la même. »
J’ai comme l’impression que c’est pas tout à fait ce qui était attendu. J’reprends rapidement trois nouvelles gorgées, et mon verre est quasiment vide. Il reste juste un fond dans la bouteille, est-ce qu’il faudrait pas lui faire un sort avant que ça s’évapore et qu’on me foute dehors ? J’tends la main avant qu’une nouvelle pensée me vienne.
« Mais si j’trouve quelque chose lié à notre cher président, pas de doute, hein, je suis sûr qu’on pourra s’arranger pour... valoriser... ça à sa juste valeur. »
Genre qu’une membre de famille présumée morte vend de la drogue dans les Bougeoirs, par exemple, c’est sûrement quelque chose d’intéressant. Mais j’ai trop peur que ça remonte jusqu’à moi, toute cette histoire, et autant, m’embrouiller avec une politicienne, c’est emmerdant, autant chier dans les bottes de Falconi, c’est carrément complètement con. Donc j’fais mine de rien pour l’instant, j’remue le cul sur mon siège, et j’me demande quand est-ce qu’on pourra oublier toute cette histoire.
Le vin prend un sale goût, en tout cas, coincé entre deux poids lourds du Gouvernement.
Noble de La République
Hélénaïs de Casteille
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Lorsqu’il avait qualifié son offre d’intéressante, l’espoir idiot d’avoir gagné la partie avait commencé à s’insinuer en elle. Comme la lueur délicate d’une bougie. Qu’il avait mouché dans la foulée.
Tout n’est pas complètement perdu, songea Hélénaïs dans un sursaut d’esprit revanchard.
Au moins Pancrace ne l’avait pas envoyé paître, pas plus qu’il n’avait tenté de la menacer de révéler leur conversation. Mieux encore, il ne se doutait pas du manège qui se tramait sous son nez et des véritables enjeux qui la forçait à en venir à de telles extrémités. Loin d’être satisfaite du résultat de cette entrevue, elle s’estimait déjà heureuse que les choses n’aient pas tourné en sa défaveur. Si tel avait été le cas, elle n’aurait même pas su se présenter à nouveau devant Abraham sans éprouver de la honte. Pis encore, elle n’aurait supporté la déception de voir son idée tuée dans l'œuf. Elle lui avait promis de solutionner son problème, elle l’avait forcé à renoncer à ce pour quoi il avait été créé, il était impensable qu’elle échoue aussi lamentablement. Elle ne se le pardonnerait pas.
— Le pouvoir à toujours rendu fou même les meilleurs d’entre nous. Il est à double revers et il en a toujours été ainsi. Son air s’assombrit presque imperceptiblement et ses pensées filèrent auprès de Zelevas où qu’il soit, puis maudirent Exousia avant de s’attarder sur Falconi ainsi que Soren, nouvellement nommé vice président. Qu’allait-il advenir d’eux ? Le président avait déjà fait ses preuves, bien qu’Hélénaïs n’approuve que très partiellement celles-ci. Au moins avait-il le mérite de ne pas avoir ourdit un meurtre quelconque. Quoique la théorie qu’elle avait avancé à Pancrace n’était pas si bancale que ça. Néanmoins, elle était convaincue que si cela avait été le cas, Abraham l’aurait évoqué. A moins que cela aussi ait été ôté de sa mémoire. Quel calvaire !
— Si j’avais voulu d’un capitaine, monsieur Dosian, je ne me serais pas adressée à vous. Tout comme je me serais adressé à l’un de vos collègues dont les fréquentations sont douteuses mais le casier vierge si j’avais espéré m’offrir les même service que Zelevas vous à proposé. C’était vous que je voulais. Vous et votre expérience.
Ses lèvres carmines s’ouvrirent comme si elle s’apprêtait à ajouter quelque chose mais se ravisa au dernier moment, préférant les refermer sur son verre pour avaler une belle gorgée. La discussion touchait à sa fin, elle n’avait plus besoin de garder l’esprit clair. Elle n’en avait, à vrai dire, aucune envie.
— Et je ne doute pas que vous saurez me trouver en cas de besoin.
Hélénaïs attendit de l’entendre reposer son verre pour se lever de son divan. Dans un même mouvement, la porte derrière elle s’ouvrit, laissant entrer une Emérée toujours aussi stoïque.
— Bien, je ne vais pas vous retenir plus longtemps dans ce cas. Un nouveau sourire et elle inclina poliment la tête. — Merci pour votre temps, officier. Puis elle tourna les talons mais avant de franchir la porte qui renvoyait de son petit salon vers un long couloir, elle lança. — Je compte sur vous.
Avant de disparaître dans les entrailles de sa maison ; elle avait un cryptex à trouver.
Tout n’est pas complètement perdu, songea Hélénaïs dans un sursaut d’esprit revanchard.
Au moins Pancrace ne l’avait pas envoyé paître, pas plus qu’il n’avait tenté de la menacer de révéler leur conversation. Mieux encore, il ne se doutait pas du manège qui se tramait sous son nez et des véritables enjeux qui la forçait à en venir à de telles extrémités. Loin d’être satisfaite du résultat de cette entrevue, elle s’estimait déjà heureuse que les choses n’aient pas tourné en sa défaveur. Si tel avait été le cas, elle n’aurait même pas su se présenter à nouveau devant Abraham sans éprouver de la honte. Pis encore, elle n’aurait supporté la déception de voir son idée tuée dans l'œuf. Elle lui avait promis de solutionner son problème, elle l’avait forcé à renoncer à ce pour quoi il avait été créé, il était impensable qu’elle échoue aussi lamentablement. Elle ne se le pardonnerait pas.
— Le pouvoir à toujours rendu fou même les meilleurs d’entre nous. Il est à double revers et il en a toujours été ainsi. Son air s’assombrit presque imperceptiblement et ses pensées filèrent auprès de Zelevas où qu’il soit, puis maudirent Exousia avant de s’attarder sur Falconi ainsi que Soren, nouvellement nommé vice président. Qu’allait-il advenir d’eux ? Le président avait déjà fait ses preuves, bien qu’Hélénaïs n’approuve que très partiellement celles-ci. Au moins avait-il le mérite de ne pas avoir ourdit un meurtre quelconque. Quoique la théorie qu’elle avait avancé à Pancrace n’était pas si bancale que ça. Néanmoins, elle était convaincue que si cela avait été le cas, Abraham l’aurait évoqué. A moins que cela aussi ait été ôté de sa mémoire. Quel calvaire !
— Si j’avais voulu d’un capitaine, monsieur Dosian, je ne me serais pas adressée à vous. Tout comme je me serais adressé à l’un de vos collègues dont les fréquentations sont douteuses mais le casier vierge si j’avais espéré m’offrir les même service que Zelevas vous à proposé. C’était vous que je voulais. Vous et votre expérience.
Ses lèvres carmines s’ouvrirent comme si elle s’apprêtait à ajouter quelque chose mais se ravisa au dernier moment, préférant les refermer sur son verre pour avaler une belle gorgée. La discussion touchait à sa fin, elle n’avait plus besoin de garder l’esprit clair. Elle n’en avait, à vrai dire, aucune envie.
— Et je ne doute pas que vous saurez me trouver en cas de besoin.
Hélénaïs attendit de l’entendre reposer son verre pour se lever de son divan. Dans un même mouvement, la porte derrière elle s’ouvrit, laissant entrer une Emérée toujours aussi stoïque.
— Bien, je ne vais pas vous retenir plus longtemps dans ce cas. Un nouveau sourire et elle inclina poliment la tête. — Merci pour votre temps, officier. Puis elle tourna les talons mais avant de franchir la porte qui renvoyait de son petit salon vers un long couloir, elle lança. — Je compte sur vous.
Avant de disparaître dans les entrailles de sa maison ; elle avait un cryptex à trouver.
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