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  • Mar 14 Mai - 17:02
    Quand il la questionna, Siame cilla à plusieurs reprises, contemplant le tableau qu’il dépeignait désormais devant elle. Loin d’y percevoir la moindre agressivité, elle comprenait là que le reikois avait l'amabilité de la prévenir : si elle le croyait dupe, elle se trompait et l’Ange songea que c’était bon signe. Elle nota soigneusement l’aura dont il s’auréolait : cet espèce de mélange de menaces et de mise en garde, comme si elle avait dû s’en effrayer. L’humain se montrait malin – comme ceux de sa race savait l’être – et tout ça n’avait que pour effet d’éveiller ses petites envies de révolte. Le visage de l’Ange s’illumina d’un plaisir séditieux, tandis qu’elle lui opposa le sourire aussi fin que peu subtil du chat qui s’apprête à jouer avec une souris. Oh, c'est-à-dire qu’un rire chaleureux n’avait pas tardé à venir démentir le simulacre sévère de l’officier. C’est en silence qu’elle l’écouta lui révéler les similitudes de leur histoire, comprenant que les souvenirs douloureux qu’ils partageaient avaient alors joué en sa faveur. Elle lorgna sur ses mains tandis qu’il repoussa son bol, tirant son tabouret pour s’approcher d’elle, et lorsqu’il s’empara des chaînes – ô terribles chaînes ! – liant encore ses poings, elle lui laissa gracieusement. À ses mots, elle eut un battement de cils approbateur.

    Il caresse le métal entre ses doigts – presque indifféremment – et Siame ne peut s’empêcher de se demander s’il voit en elles l’étuve réconfortante de vieilles amies. Il faut qu’il continue d’en révéler un peu plus sur lui pour qu’elle finisse par comprendre : ce ne sont pas réellement les chaînes qui les rassemblent, mais des réminiscences bien plus lourdes à porter que l’acier—à commencer par celle de choisir de sacrifier les autres plutôt que soi-même. Que, plus que les chaînes, c’est d’apaiser la soif furieuse d’un autre sans pouvoir prétendre satisfaire la sienne—à devoir se contenter de l’asphyxier. Tout ça, c’est écrit de leur sang, gravé dans leur os. Tout ça, c'est l'ombre qui passe alors dans son regard. Plus elle l’écoutait, plus elle semblait comprendre le véritable poison qui s'insinuait dans ses veines—éructait de sa peau. Elle aime le rire qui lui échappe, hausse brièvement les sourcils tandis qu’elle cajole vicieusement sa réaction d’un sourire. Il n’avait aucune complaisance pour ce qu’il était, ni pour ce qu’il croyait comprendre d’elle. Il n’a pas la prétention de se hasarder sur ce chemin-là, et ça, quelque part, ça rachetait presque le fait qu’il ne soit qu’un mortel. Presque. Mais lui avouer, c’est une pensée trop énorme, pour laquelle l’Ange n’est pas encore prête. Il la regarde et les mots menacent de jaillir de ses lèvres : alors cesse donc de te mentir et ne laisse personne d’autre que toi-même venir te sauver, sans qu’elle soit capable de dire s’il lui sont adressés à lui, ou à elle—quand elle sait pertinemment qu’elle préférait brûler en enfer plutôt que laisser quiconque la sauver, comme si quelque chose en elle abjurait toute forme de fragilité.

    La liberté, ce n’est qu’une façon de plus de s’enfermer. C’est une obsession, jamais une guérison. Ce n’est rien de plus qu’un sentiment à expérimenter par moment, par grande bouffée. Mais à courir après, on finit simplement par s’y enchaîner. Le Sekai n’était pas supposé être une prison, quand ma Maîtresse m’a envoyé ici. Il était supposé être une Maison, pleine de fenêtres ouvertes à tous les vents. Je t’assure, j’ai fouillé chacun des coins et des recoins de ce Monde, et la liberté ? La véritable Liberté ? Je ne l’ai jamais trouvé nulle par : pas même dans le cœur des Hommes. Elle avait haussé nonchalamment les épaules, comme si elle n'éprouvait pas chacun des mots. Avec le recul, je suppose que c’est ce qu’il se passe, lorsqu’on se sent suffoquer : on éprouve le besoin de tout réduire en cendres.

    Et la vérité ? La vérité, c’est que Siame troquerait sa liberté, accepterait n’importe quelle prison pour peu qu’elle…—Il y eut un cliquetis syncopé, puis, le doux frottement du métal contre sa peau. Elle ne regarde pas les mains de l’homme quand il le fait, mais ses yeux, dans lesquels elle plonge les siens. L’acier tomba lourdement sur la terre battue quand il libéra ses poignets éprouvés par le poids des chaînes. Immédiatement, l’Ange se sentit beaucoup plus légère, comme si des vastes ailes – désireuses de liberté ? – confinées entre ses côtes avaient enfin réussi à s’échapper.

    Subitement, juste avant qu’il ne s’écarte, elle s’était saisie de ses poignets à lui. Le premier un peu brusquement, le second avec plus d’indulgence, mais pas moins de vigueur. Qu’il ne lui vienne pas l’idée de se dérober. Elle observa longuement ses paumes calleuses et laissa ses doigts éprouver les boursouflures des cicatrices qui soulignaient ses mains et sa peau encore chaude de ses cauchemars—que l’Ange semble lire et découvrir l’espace d’un instant. Les images fusent dans son esprit, et elle voit le Monde et sa nuit à travers ses yeux à lui. Sa bouche reste immobile, inflexible, mais son corps entier, lui, sourit. Elle garde le silence, car certains silences sont plus féconds que bien des mots. Elle s’explique tout à coup mieux l’ombragement de ses yeux et découvre le canon qu’il braque sur lui-même, ce pouvoir à peine arpenté, et cette liberté fallacieuse : celle que l’on promet sans en comprendre qu’il peut tout aussi bien s’agir du plus dangereux des abîmes—aussi éblouissant qu’il est facile de s’y noyer.

    Puis, elle les porte ses poignets à sa bouche, et ses lèvres posèrent lentement, – mais sans hésitation, sans prendre la peine de s’inquiéter s’il s’en offusquera –, sur chacun d’entre eux—offrant à chacune de ses cicatrices un baiser chaste, pur, à peine effleuré, malgré la douleur de ses lèvres et le sang qui les trempe. Le premier est un merci, le second—une bénédiction. La même qu’elle accordait autrefois à la naissance aux nouveaux-nés – ceux qui avaient eu la chance de naître sans laideur – qu’elle avait aidé à mettre au Monde, tandis qu’elle embrassait précieusement leur petit front.

    L’Ange le libéra de sa prise avant de se redresser, retrouvant alors cette morgue céleste qui collait immanquablement à la gueule : le menton haut, inébranlable—pour lui rappeler ce qu’elle était, bien qu’elle n’a l’air de rien, dans sa dégaine actuelle. Elle le jauge un instant et considère la possibilité de se lever et de partir ; déclarer alors victoire. Finalement, rien de tout ça ne se passe. Elle repousse l’idée à la lisière de sa conscience et ses yeux se posent la nourriture au fond de son bol. Sans un mot, dans une relâche inattendue – presque paresseuse – et comme une invitée bien élevée, elle en prit une bouchée, sans appétit.

    Je ne te mentirais pas. Je hais l’idée que l’on puisse partager la même douleur. Elle marque une pause et déglutit péniblement dans le silence qui s’ensuit. Je hais entendre mes mots dans ta bouche – cette bouche trop humaine, et qu’ils viennent de ce cœur – ce cœur trop éphémère.

    Ses yeux se durcissent, comme si elle refusait d’accepter que quiconque puisse partager ses maux. L’idée de se laisser aller à sa vulnérabilité la séduit uniquement lorsqu’elle est seule—celle que l’on puisse la voir comme une petite chose fragile, brisée et sanglotante, lui donne envie de tout saccager sur son passage. La honte lui remonte dans la gorge comme une bile acide, suivie très vite par rage blanche, mue par les années  : pour elle, pour sa Maîtresse, pour les autres. Pour lui aussi, peut-être. L’Ange n’était pas certaine de comment recevoir ses confessions, son sens de l’empathie avait toujours été un peu aride, un peu brutal : elle qui n’avait jamais pu se résoudre à la peur, cet état indubitablement inhérent à la condition humaine. Et peut-être aurait-elle dû naître homme, plutôt que femme : car toute rébellion devant le comportement doux et complaisant attribué au sexe faible ne pouvait qu’être phallique.

    Mais il y a des choses que même moi, je ne peux pas nier. La grandeur d’une Âme ne se mesure pas aux nombres d’années passées à fouler cette terre, ni à celles qui lui restent à vivre. Et contre toute attente, elle semble le penser sincèrement. Que comptes-tu faire maintenant que tu es libre de tes choix ? Son expression s’adoucit. Siame a un froncement de nez fripon. Pardon, j’oubliais. D’abord, je mange, puis tu panses mes plaies. Ensuite, nous parlerons du reste, lui dit-elle, narquoise, l’air de signifier qu’elle avait compris qu’elle n’obtiendrait rien de lui en refusant de coopérer.


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  • Mer 15 Mai - 19:31
    Un sourire peut bien cacher des choses.

    Il peut se cacher dans le frémissement du coin de bouche d’un père qui peine à cacher sa fierté à voir son enfant réussir tout ce qu’il entreprend. Il s’exprime avec fracas et avec lumière sur le visage d’une jeune femme qui entends pour la première fois l’Aimé lui avouer ce qu’elle a toujours voulu entendre dans sa bouche. Il est discret et fin, aiguisé comme une lame, quand il décore sobrement le visage d’un noble qui récolte enfin le fruit de ses plans. Il est courageux, dans le visage d’un frère qui calme les larmes chargées de suie et de cendres après la chute des portes d’argent. Il est fou, grimaçant sur la face du loup de sable et de bronze, qui force les portes d’un temple lointain pour éponger sa soif dans le sang et les cris.

    Et parfois, comme en ce moment même, il est terrifiant, quand il se dessine dans les abîmes d’un monde qu’il ne connaît pas et qu’il ne pourra jamais connaître en cause de sa mortalité et de sa nature éphémère comparée à l’infinité du temps et de la création. Quand il est sur les lèvres de la fille des titans, qui ne l’observe plus comme un Homme, mais comme une proie. Un malheureux qui a eu la malchance d’attirer sur lui le regard de quelque chose qui le dépasse infiniment, qui a eu la malchance d’être un peu trop intéressant.

    Pour une fois dans sa vie, la peur glace son sang.

    Et si elle n’avait pas été diminuée par cinq millénaires enfermés dans une prison marmoréenne ? Quelques instants auparavant, il était persuadé qu’il lui suffirait d’un seul coup pour la fendre de l’épaule jusqu’aux reins, mais là, quand elle le regarde avec cet air de chat qui veut jouer avec sa souris, une peur animale le prends. Peur qu’il dompte aussitôt, qui disparait aussi vite que son simulacre de sévérité, qui se meurs aussi vite que l’éclair d’horreur passé sur le visage de l’ange ne s’estompe pour qu’à nouveau, les deux âmes puissent parler, la seule liberté qui leurs reste vraiment.

    Puis, les chaînes se brisent, l’acier tombe et dans ce geste brusque, elle l’attrape de ses mains qui lui semblent froides tant le contact avec ses poignets encore rosis par le processus de régénération qui mets ses nerfs à vif. La douleur fuse un instant dans son bras et lui arrache un tremblement de lèvres, seule expression de souffrance qu’il s’autorise. Puis, l’autre main vient prendre son autre poignet, avec plus de douceur, de tendresse dont il la pensait bien incapable. Et elle reste là, observant, muette, comme une statue qui se fige dans le temps. Perdue, peut-être, dans la contemplation de choses que lui ne voit pas. Il l’observe, sans se douter que, elle, elle sonde ses souvenirs. Le corps reste immobile, pourtant un changement presque imperceptible se fait, peut-être que l’épaule ne s’affaisse que d’un millimètre, peut être que la pupille se relâche ou peut-être est-ce simplement ce que lui souhaite voir sans réellement le savoir ? Mais le fait accompli est là, elle s’adoucit et même si elle doit se sentir mise à nue tant elle pense que son corps la trahit, lui ne voit rien de plus qu’un infime changement dans le langage de son corps.

    La fille des titans s’avance, la chaise qui aurait dû grincer sous le mouvement ne fait pas le moindre bruit, le tissu de ses vêtements se plie sans le moindre son et, avec une chasteté religieuse, il la regarde avancer ses lèvres noircies sur son poignet et les décorer de deux baisers qui sont aussi douloureux pour lui qu’ils sont doux et sincère pour elle. Mais la douleur ne fait que passer, et dans ce silence qui s’installe, il incline doucement le visage en réponse. Un bref mouvement de tête pour la remercier de ce qu’il pense être des remerciements, voir une bénédiction.

    - La douleur se moque bien de l’éternel et de l’éphémère, Hrakkina. Disait-il sans sourire, lui, donner des leçons à elle ? Un ange ? Elle ne se quantifie pas, on peut l’aimer ou la craindre, mais elle est là. Notre plus fidèle compagne. Non, ce n'était encore qu'une simple conversation.

    Il levait doucement sa main à son poignet qu’elle avait embrassé, touchant la peau rosacée qui retrouvait lentement sa teinte brûlée par le soleil. Passant la pulpe de ses doigts sur cette peau, abrasive comme la fureur du désert.

    - Aussi similaires soient-elles, ma douleur et la tienne sont bien différentes.Je ne t’insulterais pas avec de la pitié ou de la compassion. Après tout, que sont une trentaine de battements de cœur en comparaison avec une vie qui en compte déjà des millions ?

    Le luteni, non, Tulkas marque un petit temps d’arrêt. Reposant son dos contre le dossier de son siège pour lever la tête vers la canopée de tissus qui protège ses « quartiers » rudimentaires, se perdant un instant dans ses pensées. Laissant à nouveau un silence s’installer pour la laisser manger tandis que lui, se perdait dans des réflexions étranges. C’était rare pour lui, de se montrer vulnérable, d’ouvrir un instant le huis de la forteresse de sa volonté. Pourtant, il avait confié bien des choses à l’ange et elle avait eu le courage de glisser sa gorge d’elle-même entre ses doigts. Il aurait pu la briser, serrer un peu les doigts autours de son cou gracile pour briser sa nuque, la tordre et l’arracher. Revenir avec la tête d’une fille des titans l’aurait auréolé de gloire et pourtant il était bien incapable de lever la main même pour caresser du bout des doigts le fantasme du passage à l’acte. Non, comme elle chassait certaines pensées aux frontières de sa conscience, il brûlait les siennes dans les flammes de son esprit. Sa poitrine se gonfla sous une inspiration lente, puis, baissant les yeux, il l’observa à nouveau en l’entendant… Le complimenter ?

    - Je ne pense pas être en mesure de jauger la grandeur de mon âme, Hrakkina. Répondit-il avec l’ombre d’un sourire, touché par le sous-texte qu’il pensait lire, flatté dans sa plus grande faiblesse : son égo. Qui sait, quand je serais vieux et mourant tu pourras venir, image figée dans le temps de cette douleur qui a fait de moi l’homme que je suis, je te conterais alors ma vie, et tu pourras alors juger de la valeur de mon existence, aussi éphémère fut-elle.

    Et sur ces mots, l’homme se leva, fis quelque pas dans le sol terreux pour la contourner et sortir la tête de la tente, signalant à un garde qu’il devait s’approcher, lui ordonna d’aller chercher des bandages et des onguents. Qu’on lui livra assez rapidement. Rien de bien fantastique, entendons-nous là-dessus. Tout au plus des tissus de lin propre, du coton effilé pour éponger, un cataplasme à base de plantes médicinales et de quoi faire des sutures. Toutes des choses qu’il avait appris à utiliser, aux débuts de sa carrière de gladiateurs puis, de soldat.

    Revenant prendre place face à elle, il eut un petit rire et lui avoua.

    - Tu n’as presque pas touché le plat, je ne vais pas te gaver comme une oie. Disait-il comme pour lui autoriser de ne pas finir son assiette, puis il rapprocha à nouveau son assise de la sienne en posant les affaires sur la table. Bien, montres moi tes bras et ton visage.

    Disait-il en venant à son tour saisir les poignets désormais libres de l’Ange pour l’ausculter. Nettoyant les petites coupures qu’il décelait ici et là à sa peau, armé d’un linge et d’eau claire, il chassait la crasse avant de tout simplement la protéger d’une petite noix de cataplasme. C’était courant, chez ceux qui avaient saigné dans le sable de l’arène, de traiter les blessures des autres. C’était presque rituel, un étrange reflet de ces deux baisers qu’elle avait apporté à ses poignets quelques instants auparavant.

    C’est ainsi que lui, la remerciait de sa sincérité et de la confiance presque aveugle, voir suicidaire, qu’elle lui avait accordée. Oh, ce n’était pas aussi doux et maternel, c’était plus brute, plus rugueux et pourtant tendre.

    Il dégageait de ses doigts les cheveux crasseux qui tombaient sur le visage de l’ange, crêpus par du sang coagulé qu’il ne se risqua même pas à enlever. D’un geste, il lui glissa les mèches revêches derrière le contour de l’oreille, pour observer l’affreux tableaux que dépeignait son visage tuméfié. L’homme se pencha, lava son linge à l’eau claire, pour venir ensuite s’occuper du visage. Ça n’avait rien d’agréable, c’était même probablement douloureux et pourtant, elle ne réagissait pas. Immobile qu’elle était, docile, à souffrir en silence. Comme si elle ne s’autorisait même pas, dans cette conversation étrange qu’ils avaient, faites d’actes et de mots, à ne laisser ne serait-ce qu’un témoin de ce qu’elle considérait comme une faiblesse.

    Celle d’être fait de chair et de sang.


    Puis, sans un mot, il présenta une aiguille à suture au regard de l’ange, qui acquiesça d’un simple mouvement de tête. S’approchant, il pressa la tête de l’épingle contre sa pommette, traversa sa chair en lui arrachant une larme plus noire que rouge et la sorti de l’autre côté de la plaie. Tira sur l’épingle pour faire passer le fil avant d’a nouveau piquer, encore et encore, jusqu’à refermer la plaie avec habileté, qu’il vint nettoyer à l’eau claire avant de la recouvrir de ce cataplasme apaisant.

    Elle n’avait pas bougé, pendant tout le calvaire. L’espace d’un instant, Tulkas contempla son œuvre, réprimant le frisson d’horreur qui le prit en imaginant ce qu’elle avait dû traverser pour ignorer la douleur d’une suture. Puis, il finit par incliner la tête, sans un mot. Laissant le silence régner dans ce moment intime qu’ils s’étaient offerts l’un à l’autre, pour enfin le laisser mourir en prononçant quelques mots.

    - Tu m’as demandé ce que je comptais faire, moi qui suis libre de mes choix. Commençait-il. Je vais déjà honorer la promesse que j’ai faite à une lionne vêtue d’une peau de mouton. J’entends étendre ma protection, du moins, jusqu’à Maël.

    Il se leva, ensuite, pour la regarder autant que pour dégourdir ses jambes qui lui semblaient si raides.

    - Mes hommes ont leurs ordres, nous lèverons le camp à l’aube. Je ne peux t’offrir beaucoup de confort, mais tu seras en sécurité. Dit-il, la traitant sans le dire non plus comme une prisonnière, mais comme une invitée. Je garderais le secret de notre conversation. Conclut-il.

    A aucun moment, il n’aborda la question qui pourtant aurait dû brûler les lèvres d’une créature aussi curieuse et avide d’informations que lui. Où étaient ses ailes ? Les dissimulait-elle par magie ou bien les avait-elle coupées ? Non, elle s’était déjà dangereusement exposée à lui, et lui, n’avait aucune intention de lui arracher par la force ce qu’elle pourrait lui donner de bonne volonté.

    Il passa son gambison, observa ses mains pour s’assurer qu’elles ne puaient plus la chair brûlée et se coiffa de ses doigts. Il avait un devoir de Luteni et une troupe à diriger.

    La journée fut marquée par le bruit des sabots qui labouraient la terre tandis que les patrouilles allaient et venaient du camp pour quadrilller la région qui les entourait, certaines patrouilles revenaient avec des têtes de divinistes capturés et passés par le fil de l’épée, la majorité d’entre elles revenaient bredouilles ou signalaient la présence de créatures dangereuses attirées par l’odeur du charnier. En soi, rien de bien exceptionnel.

    Ce n’est qu’à l’aube du second jour, vraiment, que le camp tout entier se mit en branle. Les esclaves libérés étaient entassés dans une cariole, comme au premier jour, libérés de leurs chaînes. Le convoi allait se mettre en branle, un cavalier apporta à l’ange une monture.

    La route vers Maël s’ouvrait à eux.
    Seuls quelques jours de chevauchée la séparaient désormais de la salvation.


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  • Dim 19 Mai - 18:01
    Ils sont tout, avait-elle rétorqué, quand il évoqua son existence éphémère. Et étrangement, à cet instant, elle eut le sentiment – fugace, écoeurant – que son propre cœur venait de partir en guerre contre lui-même dans le creux de sa poitrine. Elle avait refusé de le regarder, en le disant. Ils sont tout parce qu’ils sont bien plus rares. Bien plus précieux. Vraiment ? C’était elle, là ? L’Ange qui déconsidérait chaque Homme, préférant les relayer aux rangs d’animaux plutôt que d’accepter qu’elle puisse ne serait-ce que leur ressembler ? Fais en bon usage, avait-elle conclu, comme moyen de chasser la conversation.

    Quelque chose lui enflamme la gorge et elle se maudit en se voyant fléchir intérieurement. Il aurait pu, à n’importe quel moment, décider de la condamner—et l’Ange savait parfaitement qu’elle ne pourrait rien y faire. Et pourtant, il ne le fait pas. Il ne le fait pas, et elle sent ses sens s’apaiser, et pour ça, elle se hait presque autant qu’elle le hait. Il aurait dû la tuer, ici et maintenant. Lui briser le cou comme il se voyait le faire en songe, ou la foutre sur un bûcher et clamer sa victoire. Si elle avait été dans sa position, c’est ce qu’elle aurait fait—ou du moins, c’est ce qu’elle croyait. Contre toute attente, l’Ange ne broncha pas lorsque l’humain s’approcha pour panser ses plaies. Elle lui laissa ses poignets avec une docilité qui ne lui ressemblait pas. Siame cillait tranquillement, tandis que ses yeux suivaient ses gestes. On aurait dit qu’il inspectait une poupée, à la recherche des moindres fêlures dans la porcelaine. Siame l’observait attentivement, notait l’habitude qui se dégageait de lui à ce moment. Ce n’était pas la première fois qu’il faisait ça pour un autre. Un sourire ironique tordit ses lèvres, à le voir prendre tant de précautions, tandis qu’il essuyait le sang d’un linge propre.

    Outch, souffla-t-elle, dans un soupir indéfinissable. Qu’est-ce que vous êtes brusque, vous autres…

    S’agissait-il là d’un reproche ou d’une petite plaisanterie ? C’est vrai, elle se moquait un peu de lui, mais enfin, ce n’était pas la première, ni la dernière fois qu’elle abusait de quelques mesquineries inoffensives. Si ses gestes étaient bien un peu bourrus, certes, ils n’en restaient pas moins attentifs.

    C’est une maîtresse bien austère.

    Sa mâchoire se crispa douloureusement quand il s’attaqua à son visage, plantant l'aiguille dans la chair tuméfiée de sa joue, comme si cette compagne, dont ils parlaient, préférait se tenir discrète, attendre poliment – par bienséance, peut-être – à la bordure de son esprit. En vérité, Siame la sentait pulser si fort dans son crâne.

    La douleur, précisa-t-elle. Mais j’imagine qu’elle révèle chez chacun de nous – mortels comme immortels – des vérités cachées. Il s’agissait probablement là du meilleur des professeurs. J’aimerais pouvoir dire que je l'ai plus souvent embrassé par vertu que par masochisme, mais… Elle avait esquissé un sourire sans chercher à masquer son amusement, tandis qu’un voile humide apparaissait dans ses yeux—seule preuve qu’elle avait bel et bien mal. J’ai bien peur de ne pas être le modèle de sagesse que je devrais être après tout ce temps.

    À croire que les années ne l’avaient pas assagie, mais qu’elles l’avaient poussé dans des retranchements que l’Ange s’ignorait. Ne les eut-elle pas rejetés, qu’elle en serait peut-être ressortie grandie. Comme si le catalogue de ses déficiences avait été censé être brûlé il y a bien longtemps. Mais où était le fun là-dedans ? Sa voix prit alors une inflexion plus sérieuse. Plus lointaine, aussi.

    Je viendrais. Veiller à ton chevet, et t’accompagner vers le Royaume des Âmes, le jour venu. Je serais la même qu’aujourd’hui, et tu te souviendras de celui que tu étais à ce moment précis. Qui sait, peut-être que nous nous y recroiserions là-bas...

    Sur son visage, la chair se mélange aux fils—et la chose est laide, grossière, mais Siame ne s’en plaint pas. Elle n’avait jamais éprouvé la moindre fierté envers son apparence, comme si la chose ne lui appartenait pas. C’était le travail de sa maîtresse, mais cette enveloppe ne représentait rien de ce qu’elle était. Elle l’aimait peut-être lorsqu’elle se voyait dans un miroir, parce que le reflet qui lui était renvoyé était celui de sa sœur, mais du reste, elle ne s’y attardait jamais. Quand il eut terminé, elle le remercia d’un sourire sobre.

    Alors nous partons pour Maël ? C’était effectivement bien là qu’elle partait, mais elle n’avait pas espéré qu’il s’y rende aussi. Elle le regarda se lever sans le quitter des yeux. Je me satisfais de peu de confort. Protection et sécurité, c’est déjà bien plus que ce que je ne puisse demander.

    Et ses sourcils se froncèrent quand il lui promit de garder le secret. À cet instant, elle, se contenta de garder le silence. C’est imperceptible, pourtant, elle ne parvient à réprimer l’éclat d’un reproche tue, incrédule, qui voyage un instant dans ses prunelles. C’est un sursaut imperceptible, d’instincts qu’elle ne connaît que trop bien, qui lui tord le ventre. Il n’y avait là qu’une pensée viscérale, abreuvée par 5 000 d’une haine tue, enfermée.

    Quand Siame sortit de la tente, c’était non plus en prisonnière : mais en invitée. Pour être honnête, elle avait plutôt le sentiment d’être une petite fraude mais personne dans le campement n’était venu contredire l’ordre de leur officier. L’Ange avait eu le temps de se changer. On lui avait proposé une paire de bottes, usées, mais amplement suffisantes, et une tenue de cuir, salie—et elle aussi, amplement suffisante. Le tout avait probablement appartenu à l’un des hommes tombés la veille. Quand on vint pour lui tendre les brides d’une jument, elle fronça les sourcils.

    — Elle est facile, tu ne devrais pas avoir de difficultés avec elle, lui avait-on dit, tandis qu’on l’aidait à grimper sur sa selle.

    Je n’ai pas monté depuis… Une éternité.

    À vrai dire, elle n’avait jamais eu besoin de monter à cheval. Ses ailes lui avaient toujours suffi : plus vives, plus puissantes que n’importe quelle monture. C’était une drôle de chose, en tant qu’Ange pluri-millénaire de devoir admettre que vous étiez débutante à quoi que ce soit.

    Elle sentit les muscles de la jument s’activer entre ses cuisses, et quand celle-ci fit un premier pas, son corps manqua de rester sur place. Siame s’était rattrapée juste à temps, empoignant la crinière de sa monture, et un rire curieusement frais, étonnant pour elle, comme une chaleur fiévreuse qui ne demandait qu’à éclater au grand jour, lui avait échappé. Elle l’avait fait taire aussitôt, avant de se redresser dignement (malgré ses yeux encore rieurs), tandis qu’elle croisait le regard du Luteni qui venait de la rejoindre.

    Tu ne m’as pas donné ton nom, déclara-t-elle en enfonçant ses talons dans le flanc de la jument pour la mettre au pas.

    Ce n’était pas réellement un mensonge, pas vrai ? Après tout, il n’était pas supposé savoir qu’elle l’avait déjà demandé. Elle sentit le cuir dur de la selle taper sous ses fesses, et réalisa sans mal – dans une petite grimace – qu’à la fin de la journée, elle allait avoir sacrément mal au cul. Mais bon, tant qu’elle ne se rétamait pas lamentablement, elle survivrait. Autour d’eux, il semblait que le reste des soldats respectaient une certaine distance. Siame lança un regard en arrière, pour s’assurer que leur conversation n’était pas épiée. Ils n’étaient plus que tous les deux.

    Je me demande... Si lui faisait preuve d’une retenue honorable face à sa curiosité, l’Ange, elle, un peu moins. Elle plissa les yeux dans sa direction. Pourquoi ? Pourquoi gardes-tu mon secret ? J’imagine que ramener la tête de l’une des enfants des Titans te rapporterait gloire, terres, argent, ou (elle manqua de faire à nouveau appel à ses maîtres) les Dieux seuls savent ce que les Hommes désirent réellement de nos jours ? Tu n’as pas hésité un seul instant à brûler le campement de divinistes dans lequel tu m’as trouvé. Qu’est-ce que tu penses gagner en me laissant la vie sauve ? Ne te méprends pas, j’en suis infiniment reconnaissante. Mais je ne peux m’empêcher de songer que… Elle détourna le regard pour regarder l’horizon devant elle, avant de continuer en haussant les épaules. Dans ton cas, je n’aurais pas hésité.

    Était-ce seulement vrai ? Elle-même n’était pas certaine de réellement considérer les changements qui s’étaient opérés chez elle depuis qu’elle avait remis pied sur le Sekai. L’Ange semblait désormais un peu plus encline à la conversation, lorsqu’elle n’était pas tenue en bride.


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  • Lun 20 Mai - 15:08
    Certains voient le rire comme une maladie, et la plus crainte de toutes car elle est des plus contagieuse, remplissant le cœur des hommes d’une chaleur qui les rends plus malléable. Plus manipulables.

    C’est un aveu de l’âme, qui révèle aussi bien la candeur que la noirceur en fonction du moment où il décide de nous trahir en se révélant en pleins jours. Et tout comme Tulkas avait été trahi par son rire, révélant à la face du monde sa supercherie puis, avait révélé sa sympathie. Ici, c’était un masque qui tombait l’espace d’un instant, qu’il était probablement le seul ici à pouvoir apprécier à sa juste valeur, sans réellement comprendre l’émotion qu’elle révélait. Mais une chose était sûre.

    Elle en avait honte, ou du moins, se refusait de vivre pleinement la simple joie que d’être surprise par la force d’un cheval que l’on apprend à monter. Son visage s’était fermé, et à sa hauteur, il voyait le fantôme de ce rire pétiller de vie au fond de son regard. Comme la trace d’une humanité perdue qui avait tenté de remonter à la surface, pour que finalement la dignité ne reprenne le dessus. Se pouvait-il qu’une créature aussi ancienne que celle qui l’accompagnait pour une chevauchée dans les terres dévastées avait elle aussi été autrefois humaine ? Il ne savait pas quoi penser. Mais le corps, lui, décida de parler pour deux.

    Et un léger sourire déforma ses lèvres.

    - Zakina est douce, mais elle a son caractère. Dit-il posément. Tu apprendras à la connaître le temps du trajet. Elle répond aux ordres en Shierak.

    Passant la sangle de son heaume entre sa ceinture et son armure, il attacha la petite cordelette de cuir qui lui servait de mentonnière avant de tourner le buste vers l’arrière de la formation qui s’était préparée. Le luteni leva le menton vers le sargenti qui répondit en se tapant la poitrine du poing droits. Ils étaient parés.

    - Vidrogerat !

    Qu’il lança, « chevauchons » dans sa langue de barbares, avant non pas d’enfoncer ses talons dans les côtes de sa monture mais simplement en lâchant un « Hosh ! » aussi grave que guttural. La monture, reconnaissant l’ordre prononcé par son cavalier, s’élança au pas, suivant la longue route qui allait les mener à Maël, seule réelle forteresse du Reike dans la région.

    Auraient-ils eu moins de prises de guerres, n’auraient-ils pas sauvés les quelques esclaves qu’ils avaient libérés, les cavaliers se seraient élancés au galop à travers les terres maudites et dévastées du Shoumeï. Mais nécessité fait loi, et émancipateurs, il était impossible pour les soldats Reikois de laisser à leurs sorts les prisonniers des divinistes qu’ils avaient passé par le fil de l’épée il y a moins d’un jour. Drôle de nation, peuplée de bouchers, qui s’encombrait d’un rôle de libérateur depuis la montée au pouvoir de l’empereur et les lubies libératrices de l’impératrice. Enfin, qu’importe ce qu’il pensait de la chose, c’était ainsi.

    - Et tu ne m’as pas offert le tiens, Hrakkina. Avait-il répondu avec un amusement dans la voix. Tulkas, je m’appelle Tulkas.

    Non, il ignorait tout d’elle et lui aussi cachait ses secrets. Qu’il l’avait vue dans ses rêves, dans ses cauchemars. Que le simple fantasme né de l’impact qu’elle avait eu sur lui avait suffit à revigorer un feu lui dévorant les entrailles. Qu’il la craignait autant qu’elle le fascinait. Qu’il craignait de croiser son regard et d’y retrouver ce qui avait manqué de le consumer de l’intérieur. D’affronter cette dualité qui le rongeait lui et la rongeait, elle. Ce qu’ils étaient et ce qu’ils prétendaient être.

    De cette colère et de cette haine qu’elle éprouvait à son égard, tout en lui offrant la tendresse rugueuse de ses lèvres à la peau de ses poignets. De ce mépris et de ce dégoût pour sa nature humaine, tout ensuite en lui avouant à mi-mots la valeur et la rareté de son existence. De brûler le monde, tout en lui disant d’utiliser judicieusement le temps qui lui restait pour profiter de la beauté du Sekaï. Tout et son contraire, voilà ce qu’était l’ange, la sincérité et le mensonge, la chaleur et la glace. Une créature, faite d’ombres et de lumière, qui le fascinait. Se demandait si elle serait bel et bien là pour lui, d’ici dix, quinze, vingt ou trente ans. Pour l’accueillir

    - Pardon ?

    Les mots de la lionne le tirèrent de sa contemplation un instant. Il regarda par-dessus son épaule pour voir la distance qui les séparaient de ses hommes. Ils étaient assez loin.

    - Autrefois, c’est ce que j’aurais fait. Lui répondit-il sur un ton solennel après un temps de réflexion. Je serais rentré en héros, ta tête pendue à ma ceinture par tes cheveux, et d’une main sanglante, j’aurais rendu ta chevelure rouge en te présentant comme le trophée qui allait m’ouvrir les portes du pouvoir et de la gloire.

    A quoi bon mentir ? Elle le savait aussi bien qu’elle, peut-être mieux même, ô combien elle était un gibier rare pour les chiens de l’Empire. Dont la récompense pour la capture était suffisante pour vivre dans le luxe et le faste jusqu’à la fin de ses jours de mortels. Il enroula la sangle de son palefroi entre ses doigts, coupa la circulation en fermant le poing et continua. Garrotant la bête qui sommeillait en lui.

    - Je n’espère rien gagner. Et l’aveu était sincère. Et je suis bien trop arrogant pour croire que ma destinée n’est écrite par quiconque d’autre que moi. J’ai reçu l’ordre de poursuivre et passer par le fil de l’épée ceux que tu accompagnais et je ne regrette en rien le sang qui a coulé.

    Il inspira un instant, fixant un point dans le lointain avant de tourner la tête vers elle. Même si l'idée d'avoir fait couler le sang de femmes et d'enfants pour satisfaire la soif de vengeance d'un dragon noir.

    - Te contenterais-tu d’une réponse toute faite telle que : j’ai été charmé dès le premier regard ? Demandait-il avec une pointe d’humour avant de secouer la tête. Bien entendu que non.

    Ses épaules s’affaissèrent un instant et un soupir lui échappa. Sa main se referma sur sa bride un peu, coupant sa circulation avant de la libérer. Ses doigts picotèrent tandis que le sang affluait dans le membre garroté, comme si une légion d’insectes invisibles creusait des galeries dans les tendons et muscles de sa main.

    - Je ne sais pas vraiment pourquoi je garde ton secret. Avouait-il. Après tout… Je ne connais même pas ton nom. Il marqua un temps d’arrêt avant de continuer, penchant légèrement la tête dans sa direction. Et pourtant, l’idée de faire de toi un trophée qui m’ouvrirait les portes de la gloire ne m’avait pas traversé l’esprit avant que tu ne tentes de l’y semer. Pour à nouveau croiser son regard. Mais il y a cet écho entre nos âmes, comme si ta souffrance entrait en résonnance avec la mienne et m’aidait à mieux comprendre qui tu es. Tu n’es pas une inconnue, tu aurais pu le rester si tu n’avais ne m’avais pas défiée alors que les corps de nos victimes brûlaient dans mon dos.

    Il haussa les épaules un instant avant de simplement affirmer :

    - Je ne reviendrais pas sur ma parole, si c'est ce que tu crains. Dit-il. Je ne suis libre que de mes choix, et j’ai fait le miens. Cela dit tu as raison, je serais curieux de voir comment tu m’aurais traitée si la situation avait été inversée, si j’avais fini enchaîné à tes pieds, le corps et le visage en sang après une bataille.

    Tulkas l’observa avant de sourire un peu, sans jugement et sans haine. Comme s’il s’apprêtait à souligner un fait.

    - Tu m’aurais tué. Dit-il en ponctuant ce simple fait d’un rire, il trouvait cette situation théorique assez amusante en fin de compte. Enfin, a ton tour de satisfaire ma curiosité. Quel est ton nom, lionne blanche ?


    [Siame] Chevauchant un cheval noir... - Page 2 5CwAax9
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  • Sam 25 Mai - 15:58
    Un ravissement impudique avait étiré ses lèvres, lorsqu’il lui avait révélé son nom.

    Tulkas, répéta-t-elle, laisser les syllabes rouler dans sa bouche comme s’il s’agissait de la première fois qu’elle les prononçait.

    Elle le considéra en silence, tandis qu’il lui semblait perdu dans ses pensées, dont elle parvenait seulement à en deviner la teneur. L’Ange repensait à ses propres mots, à ses propres mensonges, qui n’avaient servi qu’à s’approcher un peu plus près de cette flamme qu’elle considérait avec une fascination jalouse—possessive même, pour ce pouvoir qu’elle ne pouvait s’empêcher d’envier. Oh les deux étaient beaux, là, rassemblés seuls face à leur destinée, dans une guerre qui les opposait irrémédiablement, alors qu’ils faisaient le “choix” d’ignorer ce que leur dictait pourtant leur allégeance. Que lui, faisait le choix de l’épargner, tandis qu’elle ne pouvait que se contenter de griffer les barreaux de la cage qu’était son propre corps et de l’en remercier.

    Siame détestait l’admettre, mais cet homme, il l’écrasait d’une noblesse qu’elle avait rarement vu ailleurs chez ceux de son espèce. D’une sorte d’authenticité qui lui était déroutante. Il ne mentait pas. Oh, oui, bien sûr, il était certainement perdu entre sa quête de l’Être et le Vouloir-Être, dans les méandres de son existence humaine : son âme écartelée, entre sa nature profonde et ses aspirations, comme une barque ballottée par les caprices de vents contraires. Une Âme imparfaite, ni belle, ni laide, qui, d’une certaine manière, la bouleversait. Dans son esprit étriqué et matrixé par sa Créatrice titanide, il n’y avait pas de gris. Il y avait blanc, noir ; Oui, non ; Beau, Laid. Sa peau frissonne, se crispe légèrement, comme si quelque chose menaçait d’aliéner sa véritable essence. L’existence de cet Homme, la sincérité dont il transpire, lui est désarmante. Car elle n’est pas feinte—réside précisément dans cette tension, cette lutte constante et invariablement douloureuse de l’acceptation de Soi et de l’aspiration à devenir plus, autre, mieux. Il est authentique non pas parce qu’il a trouvé la clé de l'énigme—pas parce qu’il a résolu cette dichotomie, mais parce qu’il la vit sans la masquer, incapable de renier les deux vents qui bousculent son être. Il les accepte avec une humilité et une dignité rare, qui jure avec celle de l’Ange. En cela, il était Grand. En cela, il était mieux qu’elle. En cela, il lui renvoyait à la gueule toutes ses propres défectuosités—les conjuguait dans une langue que l’Ange ne connaissait pas. Et l’envie, cette furieuse envie de █ ████ ███ █ █████ ████ ███ ██ ██████ █████ ████ ██,—lui revient, urgente, vaste, et Siame perçoit quelque chose en elle lutter et échouer à accomplir cette tâche pourtant Ô combien importante.

    Pardon ?

    Elle avait battu des cils, imperturbablement, tandis qu’elle aussi, s’arrachait à ses propres pensées. Le temps avait paru se dilater. Ses yeux se détournèrent de l’horizon pour le regarder sans détour, se demandant comme un Être aussi puissamment insignifiant dans la courbe du temps pouvait autant l’agiter. Un rictus ironique tordit ses lèvres quand il prit la peine de lui décrire avec précision ce qu’il lui aurait fait, s’il n’avait pas fait le choix de lui laisser la vie sauve.

    C’est fascinant, cette tendance qu’ont les mortels à vouloir dépouiller les autres de tout ce qui les compose. Quand ce ne sont pas mes ailes, c’est ma tête…

    Siame chercha son regard, sans être capable de le trouver. Le fuyait-il ? Ses yeux lorgnèrent sur la bride qui s’était enroulée autour de son poing—et si elle n’avait pas été si loin, si elle n’avait pas été si amoindrie, elle l’aurait probablement retirée… À côté de lui, elle se sentait un peu pyromane, éprouvait l’envie de gratter sur sa peau une allumette et de la jeter dans cette forêt qu’étaient ses pulsions destructrices et pourtant vitales—qu’il cherchait à museler. Quel gaspillage.

    Elle le regarda longuement, sans ciller. Le discours du petit soldat ne lui est pas inconnu. Car elle aussi, l’avait un jour été. Car ce qu’ils en pensaient n’avait aucune espèce d’importance dans ce Monde. Aussi dignes étaient-ils, ils n’étaient ni Dieu, ni Roi. Seulement des pions, qui se contentaient de jouer le jeu pour lequel leur bois avait été sculpté. La chose aurait provoqué fureur et indignation chez n’importe qui qui n’avait jamais eu à participer à la moindre guerre. Comment pouvait-on se pavaner de la sorte, avec la dernière des insolences et prétendre “je ne faisais que suivre les ordres” pour se laver les mains des crimes accomplis—et pour lesquels on tirait plus que de la fierté : de laquelle on tirait le sentiment d’avoir participé à quelque chose de plus grand que soi et peut-être même, le plaisir d’avoir libéré la “bête”... Avant de repousser tout ça, sous le tapis, une fois la guerre terminée. Non, ce discours-là—à vrai dire, elle aurait pu lui dégueuler peu ou prou le même : “j’ai suivi les ordres de mes Maîtres génocidaires, mais je ne regrette pas les horreurs que j’ai commises”.

    Mais à cet instant précis, les mots l’intéressent beaucoup moins que ce que son corps trahi.

    Je me suis trompée… Tu n’es pas vraiment un homme… commente-t-elle, un peu piquante sur les bords, tandis qu’il retourne finalement le regard dans sa direction. Elle lui rend, avant que ses prunelles de silex ne coule sur la bride qui le tient en main – et non l’inverse – dans un regard éloquent. Sa voix est un peu plus sèche, quand elle conclut : Tu es un gardien de prison.

    Elle a un sourire doucement moqueur à l’absurde et piteuse tentative de séduction—pardon : la petite “plaisanterie” – allons, tout de même, un peu de respect… – qu’il déblatéra, et à laquelle elle choisit de ne pas répondre. Ça aurait été les insulter tous les deux que de le faire. Ah, ça y est, la bête est retournée dans son panier, songe-t-elle alors qu’il relâche la bride de sa monture. Il continua sur sa lancée (corrigea sa lancée ?) et Siame l’écoutait désormais religieusement, intrigué par ce qu’il pouvait pousser un soldat pourtant si disposé à suivre les ordres, à faire une entorse à ses exigences. Elle ne le dirait pas de vive voix, mais au fond d’elle, l’Ange éprouvait une bien trop délicieuse – vicieuse, peut-être – réjouissance à le voir se trahir lui-même et par la même occasion, les siens… Il chevauchait, fièrement, l’armure blasonnée aux couleurs de sa nation, aux côtés de l’une de ces putains d’enfants de Titans. Qu’ils étaient bien partis, tous les deux, pas vrai ? Dans le creux de son ventre, papillonne l’envie de venir lui dérober plus encore. Siame pouvait se mentir autant qu’elle voulait, le corps, lui, ne mentait pas.

    Il lui fallut redresser ses épaules – une énième fois, depuis qu’ils avaient entamé cette chevauchée, et l’Ange pouvait sentir tous les muscles de son corps se crisper un peu plus à chaque minute – avant de lui répondre.

    Je ne pouvais pas supporter de l’entendre geindre plus longtemps, déclara-t-elle, l’air de rien – comme si cet événement n’avait définitivement pas été plus que ça – à propos de cet homme qu’il avait (qu’ils avaient ?) mené vers la mort.

    Elle opine du chef, reconnaissante, quand il lui fait savoir qu’il n’a pas prévu de revenir sur sa décision. L’Ange non plus ne cherche pas à cacher son amusement lorsqu’il lui fait part de son scénario et qu’il imagine ce qu’il se serait passé, si c’est elle, qui l’avait eu à sa merci…

    Autrefois… commença-t-elle avec un haussement nonchalant des épaules, sans l’ombre d’une risette sur ses lèvres, c’est ce que j’aurais fait. Son sourire s’élargit insensiblement, tandis qu’elle continuait, mesquine : Je serais rentrée en héroïne, ta tête pendue à ma ceinture par tes cheveux, et d’une main sanglante, j’aur…Oh par Aurya, avait-elle juré entre ses dents, alors que Zakina était venu l’interrompre en s’arrêtant brutalement pour se gaver de quelques marguerites juteuses—bénédiction des Dieux sous ses pas, dans une terre pourtant si peu fertile.

    Elle s’était sentie basculer en avant, et s’était rattrapée au dernier instant.

    Je déteste l’équitation, maugréa-t-elle en se redressant dignement (autant que l’on pouvait l’être, la gueule toute amochée), avant de se retourner vers Tulkas, s’octroyant alors la satisfaction vicieuse de ne pas répondre à sa question :

    J’aime quand tu m’appelles “Hrakkina”, déclara-t-elle, tandis que l’amusement courait sur son visage, comme si la petite correction qu’elle venait de recevoir n’avait eu aucun effet sur son impertinence. Et j’aime que tu ne regrettes rien. Elle parlait là de ses aveux, prenait la chose un peu plus au sérieux, désormais. Cette fois-ci, l’Ange ne le quittait plus des yeux. Tout ça me semble plus honnête, moins hypocrite. Sur ce sujet, je crois que tu as raison. J’aime mieux vivre avec l’idée que la main d’une divine justice peut s’abattre sur moi à tout moment, plutôt que chercher à y échapper – comme une évadée – pour… le restant de mes jours. Dans ses lèvres, cela veut dire : pour l’éternité. Quel immense échec que de renier ce que l’on est réellement et de jouer la carte de l’héroïsme de pacotille pour se convaincre qu’on est un peu mieux que les autres. Son expression avait pris une inflexion un peu plus morne. Alors que tout ça – tout ce qui se tapit dans le creux de nos Âmes, toute cette fureur que l’on cherche à refouler pour mille et une raison—on ne peut réellement l’exorciser sans y perdre un morceau de soi-même. C’est épuisant… pas vrai ?

    Depuis combien de temps fais-tu violence à tes instincts, Tulkas ?

    Elle n’avait pas prononcé les mots de vive-voix. S'ensuivit un long silence, incertain. Puis, L’Ange jeta à nouveau un regard en arrière, vers ses hommes, qui les suivaient toujours et plissa légèrement les paupières.

    Que penses-tu qu’ils se disent ?


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  • Sam 25 Mai - 22:09
    Un rire clair, gorgé de vie et de joie venait de briser le silence de l’officier. Zakina n’avait eu qu’à faire halte pour briser l’illusion d’autorité de sa cavalière sans-nom, désarçonnée par une vulgaire pâquerette, ridicule marguerite qui ici était comme la plus belle des roses. Cette rare tâche de couleur verte, blanche et jaune dans un paysage grisâtre et noir. Absent de toute vie, ravagé par la folie des hommes et l’orgueil des titans.

    Il s’était arrêté à cet instant, les mains doucement jointes sur le pommeau de sa selle pour la regarder se redresser, d’abord avec honte, puis avec cette fierté défiante qui la caractérisait. Les omoplates qui creusent le dos tandis qu’elle pressait de ses mains pour se redresser, le dos qui s’arquait et se redressait avec cette grâce qui effaçait presque la balafre boursouflée qui fendait son visage. Aurya, qu’elle avait dit, « La Parfaite » ou « Zheana » dans la langue du désert, « La Belle ». Il la regarda un instant, sentit les plis de son visage se détendre le temps d’un battement de cœur qui n’était pas tout à fait le sien. Tulkas aurait pu saisir l’instant, souligner le comique de la situation mais non, grâce offerte était rendue.

    Une dette de courtoisie, née il y a quelques instants seulement et déjà épongée. Et la fille des dieux maudits lui offrit un sourire, peut-être l’un des rares qui n’était pas écrasé sous le poids de millénaires de souffrances et d’endoctrinement. Peut-être que quelque part, en elle, se cachait là le véritable présent de Zheana. La beauté d’un sourire, la simplicité de l’humanité ? Ce sentiment, aussi beau que fugace, disparut tandis que le masque impassible de l’éternité repassait sur son visage. Quoi qu’elle aurait pu être si le temps avait été fait autrement, elle ne le serait probablement jamais. Tout comme lui ne serait probablement jamais ce qu’il aurait pu être si la vie n’avait pas été ce qu’elle était.

    Peut-être était-ce là, la source de la colère des dieux ? De leurs volontés de balayer la terre de leurs souffles vengeurs, de repartir à zéro, sur des bases saines.

    Peut-être, oui, peut-être. Mais ces réflexions allaient bien au-delà de ce que son esprit était capable d’appréhender, on intellectualise beaucoup de choses dans la vie. On cherche à donner du sens à ce qui parfois n’en a pas ou à défaut de pouvoir comprendre l’incompréhensible, on lui invente des intentions qui n’existent pas. Parfois, on cherche même à donner du sens à un simple rire.

    - Alors. Souffla-il d’une voix plus douce qu’à l’accoutumée. Pour moi, tu seras Hrakkina.

    L’affirmation était douce, après tout, quelle importance pouvait-on vraiment accorder à un nom ? On pouvait tirer de l’amour de celui que nos parents nous avaient donné, tirer de la fierté de celui que nos camarades nous offraient, détester celui qui nous collait à la peau comme des sangsues, qui réveillait aussi bien de vieilles blessures que de hontes. Un nom, c’est important, alors autant choisir ceux qu’on aime.

    Il l’écouta parler de cette fureur qu’elle ressentait elle aussi. De cette flamme trop chaude qui brûlait dans leurs entrailles et comme un chien qui dresse l’oreille en entendant la première syllabe de son prénom, la bête en lui se réveilla, et sa flamme lui faisait mal.

    C’était comme un feu qui vitrifiait l’intérieur de ses tripes, remontait dans son estomac et utilisait ses poumons comme un soufflet. Un feu qui autrefois guidait toutes ses décisions et dont il tentait de combler l’appétit en le gavant de luxure et de sang, un feu endormi par des années de stagnation au sommet de l’arène, jusqu’à ce que la main de rubis de celui dont il portait désormais les couleurs ne lui donne une chance de révéler son potentiel, de nourrir son feu sans se douter qu’un jour il le consumerait. Un feu qui écoutait attentivement les mots de l’ange, tandis que l’homme buvait ses paroles dans le silence.

    Son souffle, chauffé par le réveil de ces flammes, se condensait en une volute de buée qu’il suivit un instant du regard jusqu’à ce qu’il se dissipe dans l’air.

    - C’est épuisant, oui.

    Ce laconisme pouvait être surprenant alors que quelques instants auparavant, il riait et blaguait, brûlait d’une chaleur douce et confortable. Comme si ce simple moment de détente, qui lui semblait si étranger et lointain avait le goût du vertige et que face à un tel dépaysement, il ne savait pas vraiment quoi dire. Ou quoi faire.

    Puis, à son ultime question, il se détourna un instant de l’abîme pour tourner son visage vers ses frères d’armes qui chevauchaient à leur suite. Là-bas, plus loin. Ces hommes et femmes qui chevauchaient en petits groupes, respectant une formation passée encore et encore en revue. Un convoi militaire banal, ni plus, ni moins. Enfin, si l’on retirait la fille des titans et le banneret de l’équation. Les cavaliers de têtes les observaient, échangeaient des mots qu’il était bien incapable de comprendre à une pareille distance. Ils éveillaient la curiosité des voyeurs, ça allait de soi, la paire était atypique, leurs échanges encore plus. Voir Tulkas, si austère et sévère laisser tomber le masque d’officier pour révéler l’homme à une parfaite inconnue avait de quoi désarçonner, métaphoriquement, ses cavaliers.

    Certains d’entre eux appuyaient la semelle de leurs solerets contre leurs étriers pour déplier leurs jambes et prendre un peu de hauteur. Pour mieux voir ce qu’il pouvait se terrer dans l’ombre des arbres morts à l’écorce noire aussi bien que pour soulager leurs cul endoloris par le trot de leurs montures. Focalisant son attention sur eux un instant, il crut entendre quelques échanges de voix, qui parlaient de lui et d’elle, de leurs destinations ou de quoi serait fait le rata du soir et combien d’heures ils allaient encore chevaucher.

    Il resta un instant comme ça, à observer ses hommes qui, les uns après les autres, réalisèrent que l’officier les observait. Et la distance aidant, ils étaient bien incapables de deviner la nature de son humeur, son visage trop écrasé pour la distance pour ne pouvoir déceler autre chose que les deux billes ardentes qui étaient profondément enfoncées dans ses orbites et, comme des enfants pris la main dans le sac, ils finirent par se taire et à redoubler de vigilance tandis que Tulkas retourna enfin son attention sur elle.

    - Ils doivent être curieux de ce que nous nous disons. Répondit-il enfin après cette minute d’observation. Peut-être pensent-ils que je suis trop indulgent avec une prisonnière, peut-être parient-ils quelques dragons d’or sur la nature de notre relation. La soldatesque est parfois cruelle qu’elle peut être bête. Mais ça, je crois que tu le sais aussi bien que moi.

    Le chemin continuait face à eux, des routes de terre desséchées donnant sur des vastes champs de ruines, vestiges d’un empire éteint dans les flammes de la guerre. Il marqua un temps d’arrêt une fois sortis de ce bosquet aussi morne que les vastes plaines qui s’étendaient désormais sous leurs regards. Vitrifiées par la colère des titans, où l’herbe autrefois verte et gorgée d’eau avais été remplacée par des lames noires et des arbustes nus qui craquelaient quand le vent sifflait entre les doigts de leurs branches. Plus rien ne pouvait vivre ici, et pourtant, au loin, on pouvait voir les lumières des colonies Reikoises qui, envers et contre-tout, tentaient de conquérir ces terres hantées par le fantôme des Titans.

    D’autres se seraient arrêtés ici pour tenter de mettre l’accusée face à ses crimes, de lui dire encore et encore que ce tableau ne fût pas le choix des Hommes, mais bien celui des dieux. Que dans leurs folies destructrices, ils avaient poussé Zhaena elle-même à aller à l’encontre de ce qu’elle incarnait. Un acte d’une immonde laideur, fait de la plus belle main de la création. Sa fille n’avait pas besoin de leçons, ça, Tulkas le savait. Non, il observait ça pour lui, se demandant à quoi aurait pu ressembler cette région à son âge d’or. Bien avant sa naissance, cette terre de temples et de foi, devenu terre de tombeaux et de désespoir.

    - Était-ce aussi beau que ce que nous content nos livres ?

    Demanda-il tandis que le cortège continuait sa route en passant derrière-eux. Oh que oui, les soldats étaient curieux de ce qu’il pouvait bien se dire là à ce flanc de colline. Mais aucun d’eux n’était assez sot pour venir déranger sans raison l’officier cracheur de flammes sans une excellente raison. Il resta silencieux un instant, visiblement perdu dans le méandre de ses pensées, trop occupé qu’il était à imaginer ce à quoi avait pu ressembler le Shoumeï à son âge d’or, qu’il n’avait pas senti son esprit vagabonder. Et lui échapper.

    - C’est une lutte sans fin. Dit-il pour briser le silence paradoxal des sabots qui retournaient la terre. Parfois j’ai l’impression que la bête dort paisiblement dans la cage dont je suis le seul à avoir les clés, pour que je me sente balayé par sa chaleur étouffante quand elle se réveille et ne se débats.

    Sa main glisse le long de ses tassettes et viens se fermer sur son plastron. Parfois, le diable n’a besoin que d’entendre son nom pour sortir de la gueule de l’enfer. Mais il n’y’a pas d’agression, de crainte ou d’angoisse dans le geste, non. C’est comme s’il autorisait un instant l’abomination à sortir de sa poitrine, de découvrir l’air trop sec qui charriait l’odeur lointaines d’un cadavre et jeter un œil enragé sur le monde et qu’il tentait de la conforter d’une main aimante, posée à même son crâne.

    - Elle m’échappe, cette bête. Continuait-il. Et sans savoir pourquoi, je me jette à sa poursuite, je l’écrase en me jetant sur son dos et j’essaie de l’étrangler pour la calmer. Mais la bête est plus forte chaque jour, et récemment… J’ai l’impression que je dois lui donner mon bras en pâture pour qu’elle n’accepte de retourner dans sa cage.

    Ses doigts passent dans le pelage de flammes de ce monstre qu’il enferme dans son âme, cette fureur qui lui ordonne, lui aboie et lui hurle de prendre ce qu’il souhaite, de faire le monde sien dans les flammes d’une guerre sans fin dans laquelle gloire, richesse et puissance seraient siennes. « Un jour », qu’il semble lui souffler comme pour l’apaiser tandis que la chair de sa main ne fonde sous la chaleur de ces flammes qui s’ébrouent d’excitation à la promesse. Comme un enfant apprenant qu’on l’emmène là où tous les enfants rêvent d’aller.

    - Un jour, cette lutte… Il se reprends. Cette farce prendra fin, et la bête aura le dessus. Je ne sais pas pourquoi je lutte contre. Pour me grandir ? Pour devenir un héros adulé et aimé du peuple ? Je n'en sais rien. Confia-il avant d’ajouter. Je lutte probablement car c’est la seule chose que je sais faire. Ou peut-être que je crains trop la brûlure pour embrasser cette puissance et cette chaleur. Il marqua un temps. Ou simplement par peur de l'inconnu.

    Et à nouveau, la bête retournait dans sa cage, bien au chaud dans le temple de chair de ses entrailles pour retrouver une quiétude toute paradoxale. Comme si l’espace d’un instant, la bête était satisfaite.

    - Et toi, que refoules-tu ?


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  • Mer 29 Mai - 3:14
    Le regard de l’Ange – clair, alors tranchant comme une lame – avait imité celui de l’homme, devant le souffle chaud qui s’était évaporé devant eux. Il s’avoua, et Siame le dévorait alors des yeux, plus que jamais lorsqu’elle le sentait brûler. C’était fascinant de le voir réagir ainsi, et elle ne mesurait encore qu’à peine la conséquence des mots – le phénomène étrange qu’ils provoquaient – qu’elle venait distiller en lui, à petite dose. Son cœur se met à palpiter dans sa poitrine d’une joie malsaine. Elle sent les palpitations frénétiques remonter le long de fissure sur son visage, et grince un peu de dents sous la douleur.

    Lui aussi, possédait un pouvoir évident sur le reste de ses hommes, puisque, aussitôt, leur avait-il adressé un regard, que les échanges s’étaient tus pour laisser place à un silence de plomb. Siame avait la certitude que, tant qu’elle restait près de lui, personne ne viendrait l’emmerder. Quand il revint finalement à elle, se prêtant de bonne grâce à sa curiosité, elle l’écouta avec une patience angélique, sans pour autant chercher à cacher son amusement. Il était habitué à sentir le poids des regards sur lui, à ce qu’on l’observe comme une bête de foire. Siame aussi, à sa manière. Ils auraient probablement dû les ignorer, mais…

    Je croyais que j’étais une invitée, non plus une prisonnière ? Elle jeta à son tour un regard en arrière, et une moue déforma ses lèvres. Je ne les blâme pas... Un nouveau sourire, une pause. Ne crains-tu pas que cette décision ne t’attire les foudres de tes hommes ? Je crains que ce soit le cas pour moi. Ce n’est jamais bon de se faire remarquer de la sorte. Elle secoue la tête. Je pense qu’ils se disent que je t’ai corrompu. Que j’ai joué de sorcellerie ou de charme pour te faire fléchir. Quelque chose vient se loger dans sa gorge, quand elle le dit. Puis, sans sourire, une pause. Je ne les blâme pas non plus pour ça.


    La question qui avait suivi l’avait arraché à sa contemplation. Elle y avait d’abord répondu par un “hm ?” avant qu’une espèce de mélancolie ne s’empare d’elle. Son visage se fendit d’une petit sourire nostalgique au souvenir d’une autre vie—durant laquelle ces terres avaient été plus “belles” mais pas moins cruelles.

    Ça l’était…

    Elle lui parle alors de l’ancienne Shoumei, celle qu’elle a connue autrefois, avant la guerre : lui raconte les montagnes verdoyantes ; Célestia, tout près des nuages, éblouissante de vie et de lumière. Elle lui parle des rivières cristallines, des cascades argentées et des lacs miroitants. Des Cieux aussi, dans lesquels elle a un jour volé, ses ailes majestueuses ombrageant le sanctuaire divin. Siame raconte ses patrouilles, la douce caresse du soleil sur ses plumes, le chant des oiseaux, et le murmure du vent. Elle tait sa sœur—elle tait leur mission. Elle évoque les temples, chacun plus magnifique que le précédent. Les fresques dorées, les vitraux éblouissants contant les légendes des Titans. Elle parle du Temple d’Aurya, qui capturait les premiers rayons de l’aube comme il capturait la Beauté du Monde, baignant ses fidèles dans une lumière dorée. Elle lui décrit les cloches, leurs carillons portés par le vent jusqu’aux quatre coins de la région—et des fidèles, de leurs chants, de leurs voix alors unies par la prière, comme une offrande aux Divins. Elle tait les horreurs, les enfants à peine nés et déjà arrachés aux bras de leur mère—elle tait les vies qu’elle a volé aux Hommes, comme on prend la vie à du bétail. Pas parce qu’elle a honte, mais parce qu’il lui a demandé de lui conter le Beau, pas le Laid.

    Quand elle l’avait regardé à nouveau, il lui avait semblé perdu : ailleurs. Puis, il lui est revenu, comme si quelque chose venait alors de se résorber en lui. Le sujet change, un peu brutalement, et Siame comprend au fur et à mesure où il veut en venir et la réponse qu’il donne à une question qui n’a pas été véritablement posée. Il regardait l’horizon avec ses yeux graves et profonds, et Siame, l’observait tranquillement. Elle l’écoute parler de cette “bête”, silencieuse… Ou presque.

    Tu n’as pas à subir seul les barreaux de cette cage, Tulkas… Ni le poids de ces clés. Laisse-les moi, je les garderais pour toi. Tu n’auras plus à étrangler la bête, je te le promets. Laisse-moi l’aimer pour ce qu’elle est et pour tout ce qu’elle n’est pas. Laisse-moi chasser la peur.

    Ses mots sont une caresse, sa voix un souffle dans le creux de son crâne. Il aurait pu tout aussi bien l’ignorer, s’il l’avait décidé. Comme elle pouvait prétendre n’avoir jamais prononcé la chose. Il ne fallait pas lui en vouloir, pas pour ça. Elle perçoit la chaleur qui s’échappe à nouveau de lui, le cuir tiédi de son plastron. Ses paupières s’alourdissent de volupté à l’idée du pouvoir qui pulse là-dessous, tandis qu’elle sourit avec la jubilation vicieuse du missionnaire devant un converti. C’est un sourire qui lui ressemble tellement—un mélange impitoyable d’imprudence (dieu qu’elle en était bourrée) et de dangerosité (pour la sienne, à lui ; pour la sienne, à elle). C’était jouissif, de sentir ses résistances céder, une à une, comme d’un lent effeuillage, de prendre le temps de l’observer et de percevoir la manière dont ses mots actionnaient tout un tas de mécanismes qu’elle découvrait alors chez lui. Une petite voix – dans son crâne à elle – vient lui susurrer : prudence, prudence, patience—quand elle se sent l’envie de recommencer, de ne pas se contenir et d’y planter les crocs de tout son saoul. Prudence, prudence, patience…

    Siame arque un sourcil, à sa question.

    Je… L’interrogation la prend de court. Elle referme les lèvres, dans un souffle absorbé.

    Que lui dire ? Qu’elle refoule toute forme de vulnérabilité—cette confirmation absurde de son humanité qu’elle ne peut consciencieusement accepter ? Qu’elle est prête à s’arracher ce satané cœur – ce fruit empoisonné, cette viande avariée, qui n’avait le droit que d’être une pierre – et l’abandonner dans la lave d’un volcan, comme elle le fait dans ses Rêves, pour peu qu’elle n’ait pas à démontrer la moindre émotion ? Que chaque douceur est, dans son vocabulaire, synonyme de faiblesse, la perspective horrible de s’abandonner et de regretter ? Qu’elle a le sentiment de savoir beaucoup trop et à la fois si peu sur le Monde ? Qu’elle préfère subir la haine, la rage et la volonté furieuse que d’avoir à affronter la moindre indulgence ? Que l’hostilité lui plaisait—car elle était plus simple à manœuvrer que la sincérité ? Que c’est son humanité qu'elle enferme dans sa cage, et que les clés, elle souhaiterait les balancer dans l’océan, les perdre à jamais ? Que si elle ne prend pas peur lorsqu’on la menace, qu’elle prend peur à l’idée qu’on puisse lui découvrir la moindre part de fragilité ? Que l’idée même la fait hurler d’agonie ? Siame sent une chaleur étouffante montrer en elle, comme du vin rebelle. Son visage se referme. Dans son esprit, le Monde devient noir, comme une pièce dans laquelle on vient de refermer tous les volets. Dans son dos, ses cicatrices la démangent.

    C’est ça, qu’elle refoule.

    Je crois que tes hommes apprécieraient une pause. Moi aussi, je l’avoue…

    Ses mains viennent se caler sur le bas de son dos, et elle presse, avant d'échapper un long soupir, un peu exagéré pour signifier son inconfort. Ce n’est pas tout à fait feint, en réalité, ses cuisses brûlent et son dos s'affaisse un peu plus à chaque kilomètre parcouru.

    Mael ne va pas s’envoler… Et moi non plus, c’est promis. Un petit ravissement ironique vient tirer ses lèvres.

    Le soleil est haut dans le ciel, quand elle le demande. C’est évident, elle ne parlera plus pour le moment.


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  • Jeu 30 Mai - 22:10
    Elle lui parle, de ce temps que… Des deux, elle est la seule qui puisse le connaître. Il l’écoute, avec une attention toute particulière quand elle décrit des plaines verdoyantes aujourd’hui réduites à des terres dévastées vitrifiées par la puissance des dieux qui, dans la ruade destructrice de leurs rages, s’en étaient d’abord pris à ceux qui les aimaient plus que tout.

    Il connaissait les terres qu’elle décrivait avec cette lourdeur sur l’âme et cette grisaille qui teintait les souvenirs. Et même à travers le voile d’une nostalgie aussi puissante qu’elle n’est douloureuse pour lui, sans réellement comprendre pourquoi, il peut imaginer la terre riche et généreuse avec ceux qui la foulent, un Eden offert par les dieux aux plus méritants. Et pourtant… Quelque chose le dérange, dans le tableau qu’elle décrit, il n’y’a que le Beau, que la perfection même. Pas la moindre route boueuse perdue dans les champs après une pluie d’été, pas la moindre créature tapie dans les ombres de ces montagnes verdoyantes, pas la moindre caverne qui ne défigure le flanc d’une falaise.

    Tout est parfait, dans ce souvenir qu’elle lui partage de ce monde qu’elle avait autrefois connu, qui était aux antipodes de ce qu’il était devenu. Elle, l’ange pétrifiée, figée dans le temps et qui endosse la robe du martyr, à qui on avais volé tout, jusqu’aux ailes, qui conte à lui, l’éphémère, la gloire d’antan. Est-ce le temps qui efface les imperfections de ses souvenirs ? Se concentre elle uniquement sur ce qu’il y avait de beaux ici ? Refuse-t-elle de lui parler de la noirceur aveuglante de la lumière de Célestia ? Des enfants malformés nés de pas de chance qu’on jetait des falaises, des familles entombées avec leurs patriarches, des femmes se jetant sur le bûcher pour satisfaire la faim de mort du Faucheur ? Des hospices où se propageaient la maladie autant que la guérison ? De ces armées entières dédiées à la mère des batailles qui s’élançaient dans des croisades vers le reste du continent pour purger les « erreurs » de leurs maîtres ? Cette terre était-elle vraiment si belle ? Ou bien la Lionne se mentait-elle ?

    Des milliers de questions lui brûlent les lèvres, et pourtant, seul un :

    - Merci.

    Parvient à lui échapper quand elle lui retourne une boutade qui lui arrache un sourire qu’il peine à réprimer. Effectivement, elle ne s’envolerais pas ou du moins… Pas littéralement. Elle se frotte à nouveau le bas du dos en grognant, se dérobant à sa question, soupirant exagérément. Il n’est pas dupe un instant, car même si elle dit vrais – tout dans son langage corporel trahis l’inconfort et la fatigue – elle n’hésite pas à lui mentir une fois de plus.

    Car à ses yeux, ce qu’elle refoule est tellement plus fort, plus profond et plus sombre que sa vulgaire bête affamée de destruction que l’idée même de lui donner la parole l’espace d’une phrase est assez pour la saper de toute sa force. Sapée, par un déni profond qu’il a la bonté de ne pas gratter du bout des ongles.

    - Je rêve d’un bain chaud.

    Dit-il dans un soupir en venant à son tour presser ses poings contre ses reins en se penchant en arrière sur sa selle, des heures qu’ils chevauchaient vers cette ville à partir de laquelle les deux se sépareraient. Il n’était pas fourbu, non. Rendu endurant par une vie brutale et violente, Tulkas n’était pas vraiment du genre à fatiguer aisément.

    Et, soudainement, il senti une caresse dans sa tête, une main chaude, à la peau marmoréenne et au bout des doigts noircis venant toucher son esprit avec une drôle de sensualité. Puis sa voix, ce soupir qui ne lui est pas vraiment destiné tout comme il ne semble pas directement dirigé vers la bête. Non, c’est étrange, l’esprit s’apaise et la créature s’ébroue et… Aussi délicatement qu’elle était venue, la sensation disparait et il l’observe.

    - Nous allons monter le campement, ça nous laissera du temps avant la tombée de la nuit.

    Il tourne la tête vers les lumières lointaines de la ville, proche et pourtant lointaine, puis vers ses hommes qui attendent un peu plus loin. D’une main, il fait pivoter son cheval et passe à hauteur de l’Ange qui se mure dans un silence lourd de sens. Le luteni l’observe, cherche son regard, le croise et hoche la tête, lui faisant signe de le suivre.

    La suite des événements est un brouhaha ordonné tandis qu’il reprend ses atours d’officiers et dirige sa troupe d’une main de maître. Vociférant ses ordres et motivant ses troupes tout en fustigeant les plus fatigués d’entre eux. Les hommes et femmes s’organisent pour trouver une position à flanc de falaise plus facilement défendable. De grands pans de tissus sont dépliés, les mâts sont plantés et les haubans tendant les doubles toits des tentes sont tendus et renforcés grâce à de robustes piquets martelés dans le sol. Des petites tranchées sont construites autour des tentes pour éviter tout glissement de boue. Auraient-ils étés plus nombreux que des murs de fortunes, faits de pieux de bois, auraient été érigés pour transformer en un temps record un campement de fortune en véritable forteresse.

    Mais nécessité faisait loi, et en deux heures à peine, le campement était monté, les chevaux fourbus par la chevauchée du jour buvaient à grandes gorgées l’eau claire dans les tonneaux de victuailles transformés en abreuvoirs de fortune.

    Les patrouilles s’organisaient, la garde aussi sans parler du rata que l’on préparait avec les victuailles sèches et les prises du massacre d’il y a quelques jours. Une machine bien huilée, qui asseyait à nouveau l’autorité du Luteni sur ses hommes. Un grand feu fut allumé et le quartier libre fut donné.

    Tulkas, lui, était resté à nouveau dans sa tente. Pour travailler autant que pour se reposer. Il avait ôté les manches de son gambison sans défaire les parties de son armure qui reposaient sur sa table de fortune contre laquelle il avait déplié une carte de la région. Il avait retroussé les manches de son sous-vêtement, une chemise de lin beige, jusqu’aux coudes et s’était penché sur la table en allumant, sans s’en rendre réellement compte, une bougie en la pinçant. Générant tout juste assez de chaleur pour que la cordelette gorgée de cire ne s’enflamme.

    S’armant d’un compas, il tenta de mesurer la position exacte de ses troupes. Oh non, il savait très bien où ils se trouvaient « approximativement », mais le perfectionniste en lui voulait comparer ses estimations avec le fait accompli. Et bien qu’il fût difficile de trouver des points de repères dans cette lande scarifiée, Tulkas parvint à estimer le temps de trajet restant, deux jours à rythme soutenu, un jour et une nuit au galop. Les montures n’y survivraient pas, peut-être qu’en coup-

    - Tu n’as pas à subir seul les barreaux de cette cage…

    Il redressa doucement la tête, pencha le visage sur le côté pour regarder discrètement par-dessus son épaule avant de se retourner.

    - Tu n’auras plus à étrangler la bête…

    Seul. Du moins, c’est ce qu’il pensait et pourtant… Il l’entendait. Sa main se lève, remonte sa joue pour venir planter ses griffes dans sa tête. La voix est douce et pourtant… Le volume lui vrille les tympans… Sifflent dans ses oreilles jusqu’à l’assourdir tandis qu’en lui, la bête se remue et lutte avec ses chaînes. Tordant ses poumons et écrasant son estomac.

    - Laisse-moi l’aimer pour ce qu’elle est et…

    La voix se fait plus douce, dans sa tête. Sous ses doigts, il peut sentir la crinière de la bête qui glisse entre ses mains. Il est seul, à son tour, dans un abyme qu’il ne comprend pas. Il ferme les yeux, laisse le poil courir sous sa main et viens tout doucement glisser l’avant-bras le long de la gorge de la créature, repose sa joue contre son encolure massive et…

    - Tiens.

    Dit-il en apportant son assiette à l’ange. Le rata semble plus savoureux qu’à la veille. Elle s’est éloignée du camp, bien entendu, sans non plus s’aventurer dans l’obscurité.

    - C’est meilleur que celui d’hier. Commenta-il en s’asseyant sur une souche à côté d’elle, observant l’obscurité. Tu sais, j’aurais aimé voir cette terre de mes propres yeux avant… La guerre. Puis, d’un sourire, il l’observa avec un air étrange. Merci, Hrakkina, de ne pas t’être envolée...

    L'espace d'un instant, une pulsion naît dans sa poitrine, remonte l'artère jusqu'à l'aisselle et descends la cascade de son bras. Un flot de mana, qu'il arrête en tendant le bras et en soufflant.

    - Je ne l'ai jamais connue aussi "vive", tu sais.


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  • Dim 2 Juin - 16:28
    Ce Shoumei – cette Terre qu’elle avait autrefois connue – l’avait-elle seulement plus aimé que le paysage dévasté qui se présentait désormais à elle ? Siame fut incapable de le dire. C’était peut-être là l’une des malédictions de la fille d’Aurya—d’être la représentation même de la Beauté, d’être en mesure de la voir, de l’évaluer, mais dans le fond : jamais capable de l’apprécier. On ne lui avait jamais trouvé une âme d’artiste : trop pragmatique, d’une intuition un peu trop bourrue, directe, pour se montrer véritablement sensible—son caractère en contradiction avec les traits émouvants dont sa maîtresse l’avait bénie. L’Art, de toute manière, était réservée aux humains, car il fallait bien être capable de démontrer un soupçon d’humanité pour éprouver le moindre sentiment devant une œuvre. Il fallait être définitivement humain pour être capable de voir la Beauté partout et surtout là où l’on s’y attendait le moins : dans la guerre, dans la douleur, dans une vie qu’on arrache ou dans des rêves brisés. À sa manière, Shoumei était belle, même aujourd’hui.

    À l’ombre d’un arbre mort, Siame reprenait un peu de couleurs. Le campement avait été monté rapidement, et elle avait donné un coup de main lorsqu’elle l’avait pu. Si le reste des soldats s’étaient ensuite rassemblés autour du grand feu, elle s’était éloignée sans chercher à se faire discrète. À vrai dire, elle avait prêté une attention toute particulière aux regards qui s’étaient levés dans sa direction, aux vigies, qui l’avaient observé faire, sans chercher à l’arrêter—respectant alors la protection de leur chef, dont l’Ange était désormais auréolée. Pourtant, elle savait bien qu’elle ne pourrait pas véritablement quitter le campement comme bon lui semblait. Qu’à une certaine limite, on viendrait lui faire savoir qu’il y avait des frontières à ne pas dépasser. Siame s’était arrêté lorsqu’elle avait perçu le regard attentif d’un jeune soldat – qui faisait alors les mille pas – s’affiner sur elle. Elle lui avait rendu, avant de s'asseoir près d’un arbre, faisant dos au camp. Elle aussi tentait d’évaluer la route restante jusqu’à Mael, de manière beaucoup plus approximative ; le regard perdu sur la végétation malade, mutante, qu’était le sol de cette terre ravagée. L’endroit était malsain : l'atmosphère noire, humide, vide à l’exception de quelques plantes tordues, d’os d’animaux, de chemins boueux ou ensanglantés, et de larmes qui furent jadis versées. Il faut se concentrer pour apercevoir les cadavres abandonnés de ci et là – car les morts ne vont nulle part d'eux-même – venus nourrir cette terre et désormais recouverts par la mousse et l’humus.

    Le soleil s’affaissait dans le ciel – qui lui, était toujours aussi beau, n’avait jamais changé depuis le premier jour où l’Ange avait mis pied sur le Sekai –, baignant le campement dans un orange terne, puis or, avant que le Monde ne se fasse dévorer par un miroir sanglant.

    Quand elle perçoit la présence dans son dos, l'Ange reste parfaitement immobile, comme l’oiseau qui attend pour s’envoler au dernier instant. (Elle ne l'avait pas fait.) Non, Siame lui sourit même, lorsqu’il lui tend son bol. "Merci". Elle ne fait pas le moindre commentaire sur le plat, car tout ça n’a aucune importance. Le confort ne l’avait jamais véritablement séduite. Cette fois-ci, l’Ange mange—car sait qu’elle aura besoin de force pour la suite du voyage, et qu’elle ne peut se contenter de vivre éternellement sur ses ressources. Quand il la remercie, elle échappe un rire, malgré elle, et le sourire sur ses lèvres se tord lentement. Pendant un moment, Siame ne dit rien. Elle laisse le silence figer la scène ; figer ce qu’elle sent alors remuer en elle. Elle la considère en silence, cette chose bête et absurde vers laquelle on voudrait la voir s’élancer, tandis qu’elle se contente de l’observer avec mépris, ricanant sans pitié. Oust. Elle avale péniblement sa bouchée et se retourne vers lui.

    Approche Tulkas. Elle l’invite à s’asseoir devant elle, repose son bol à côté, tend ses paumes à son intention, tandis qu'il se confie. Donne-moi tes mains.

    Elle n’attend pas qu’il le fasse de bonne grâce, une impudeur au fond des yeux, comme si elle n’avait pas l’intention de lui laisser le choix.

    Tu as vécu la plus grande partie de ta vie enchaîné ; on a toujours choisi pour toi quand il s’agissait de libérer la bête, et quand il était l’heure de l’enfermer. Ses doigts s’enroulent à nouveau autour de ses poignets comme un serpent noir et ses mots volent de sa bouche comme des caresses. Les chaînes sont froides, oppressantes, mais familières quand on les a toujours connues. Elle éprouve à nouveau chaque cicatrice, la peau rugueuse d’épreuves surmontées, et la pression de ses doigts s’intensifie, d’abord doucement. Leur réconfort est sinistre, mais pas moins véritable. La liberté, elle, peut s’avérer être d’une immensité vertigineuse. Et Siame serre. Plus fort. Elle est séduisante, chuchote des promesses de choix, de gloire et de grandeur, mais derrière se cache la furieuse tempête de l’incertitude. Plus fort, encore. Jusqu’à sentir tendons et nerfs rouler sous ses doigts. Jusqu’à sentir quelque chose se rebeller en lui, et que sa peau – à lui – se mette à brûler sa peau – à elle. Sa mâchoire se crispe et elle réprime la douleur. Avoir passé sa vie enchaîné, c’est avoir appris à survivre dans un monde aux contours bien définis ; un cadre bien défini, une structure, qui limite – oui – mais qui offre aussi une barrière à l’abîme. Parfois, mieux vaut le confort amer de l’esclavage que le vertige insoutenable de ne pas savoir où aller et quand y aller, Tulkas.

    Car dans la lumière crue de la liberté, il faut alors affronter la plus terrifiante des créatures : soi-même. Après tout, les mortels restaient des bêtes : ce n’était qu’enchaînés que l’on parvenait véritablement à les maîtriser.

    Elle ne retire pas ses mains quand les flammes s’échappent de ses poignets, et que la douleur traverse ses nerfs comme des milliers de petites aiguilles chauffées à blanc. Et si lui, avait tenté de se retirer à ce moment – pour peut-être l’épargner –, elle l’aurait agrippé davantage, lui aurait refusé toute échappatoire. La douleur ; Siame s’en fiche. Elle s’en est toujours fichu. Son regard s’assombrit. Peu lui importait de déclencher l’enfer, pour peu qu’elle obtienne ce qu’elle désirait. La chaleur est si intense qu’elle dévore quasi-instantanément sa peau—qui se contracte, se resserre sur elle-même. Des cloques se forment et explosent alors en bulles de souffrance. Mais Siame ne retire pas ses mains—elle continue de serrer. La peau de son visage se met alors à luire. L’odeur de la chair brûlée envahit ses narines et chaque seconde qui s’écoule est une torture. Pourtant, ses mains restent là. Sa volonté, elle, est un charbon qui refuse de brûler. Elle sangle toujours, jusqu’à que – finalement – les flammes vacillent, s’amoindrissent, et retournent se terrer dans leur antre. Alors, seulement, quand le feu est éteint, elle retire ses mains. Sur les bras de l’homme, la chair blanche – noircie – de l’Ange s’est mélangée comme de la cire à ses cicatrices dans une traînée gluante et grotesque.

    Son regard se pose sur ses paumes calcinées et de grosses larmes – sans le moindre sanglot – s’écrasent sur les nerfs exposés. Chaque mouvement de ses doigts est une agonie, mais l'Ange ne dit rien… Elle se contente d'observer.


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  • Mer 5 Juin - 17:31
    « Étrange… »


    Un mot lui parvient de l’abîme qui semble s’étendre dans sa vision périphérique. C’est un murmure dont la voix lui est familière, douce et chaude, qui porte avec elle l’odeur silicée du sable vitrifié par le soleil cruel du désert. Elle est étrange cette odeur, sèche et aride. Parfois, on se méprends à la comparer à celle, ferreuse, du sang. Une erreur d’étranger, dont les narines fragiles sont trop habituées à l’air plus clément et humide des terres tempérées de l’Empire.

    Le voile ténébreux qui s’agrippe à sa sclère, traverse sa cornée comme si de rien n’était et assombrissant ses iris continue son ascension lente jusqu’à sa pupille. Le monde se fait et se défait sous son regard tandis que les mains autrefois douces de celle qu’il avait choisi d’épargner deviennent d’abord des fers, puis des étaux qui plantent leurs griffes noircies dans sa chair dorée par le soleil. C’est à peine s’il sent l’armure de sa peau céder sous la pression et ses muscles s’inciser sous le chemin d’un ongle tranchant. Les nerfs et les synapses, alertés par l’intrusion devraient être en train d’inonder son corps, activant tous ses nocicepteurs pour crier « Alarme » ou « Danger ». Mais sans réellement qu’on ne puisse expliquer pourquoi, l’esprit de l’homme se ferme étrangement à la voix de son corps, tandis que la nuit ne tombe sur ses iris.

    Et depuis l’obscurité, la voix retentit à nouveau.


    « Elle nous veut du mal… »


    La voix semble venir de partout et de nulle part à la fois, il l’entend résonner dans ses tympans et gronder dans sa poitrine. Elle est dehors comme elle est dedans. Son cœur se mets à battre plus fort, plus vite, comme pour répondre à une menace inconnue. La magie afflue dans ses membres, gonflant ses muscles et ralentissant sa perception du temps. Elle souffle un grand coup sur les braises qui rougeoyaient paisiblement dans sa poitrine, jette du bois et de la paille dessus pour les rendre si chaudes qu’il a l’impression qu’elles vont percer sa chair et tomber sur le sol d’un instant à l’autre. Que ces pierres de haine et de flammes qui ravagent ses entrailles ne percent enfin la paroi de son estomac, brûlent ses muscles et fassent fondre sa peau en laissant un tunnel cautérisé dans sa chair.

    Son sang se mets à bouillir dans ses veines qui doublent de volume tandis que la rivière de son système sanguin ne se transforme en torrent. Ses muscles se gorgeant d’oxygène, de nutriment et d’un mana chaotique gonflent et durcissent, broyant lentement et douloureusement ses doigts, ses avant-bras, ses bras, ses côtes et ses jambes. Sa mâchoire se contracte avec tant de force qu’il a l’impression que ses dents se déchaussent et que ses yeux vont éclater sous la pression qui semble la plus forte au niveau de ses poignets.

    Et dans l’abîme naissent des lueurs, des escarbilles incandescentes… Si petites, si fragiles que l’humidité de son souffle suffirait, en temps normaux, à les éteindre et les condamner à retourner au néant. Mais ici, dans cette obscurité sans fin, elles sont brillantes comme des phares et l’aveuglent.

    « Elle nous veut du mal ! »

    La voix perd toute son humanité, devenant le rugissement lointain d’une bête enragée qui s’élance dans un assaut. La bête cavale, galope, retourne la terre de ses sabots et plante ses griffes dans la falaise pour pousser avec ses pattes arrière. Démente, folle de rage elle avance. Son pelage de flammes chasse les abîmes dans lesquelles il était perdu pour le condamner à un inferno où sa chair se couvre de cloques invisibles, se mets à bouillir et à gonfler. Comme si sa peau était faite dans un latex étrange que l’on gorgeait d’eau luisante, jusqu’à ce qu’elles éclatent et ne prennent feu au contact de la fournaise qui consumait désormais tout son corps.

    - Je vais mourir.

    Qu’il observe, sans se rendre compte que sa langue avait cuit dans sa bouche et frétillait comme un morceau de lard dans de l’huile brûlante. Cette révélation résonna dans sa tête sans l’assourdir, elle n’étouffait pas la douleur sans pour autant être rendue muette par cette dernière, ignorant que son crâne avait probablement explosé sous la pression de son cerveau porté à ébullition par ces flammes qu’il ne contrôlait pas. Une observation qui cet arrière-goût amer du souhait. Il essaya un instant de fermer ses paupières, pour se rendre compte que ces dernières avaient fondues et que de toute façon, elles n’avaient plus d’yeux à protéger… Tout au plus un liquide blanchâtre et laiteux qui faisait des bulles dans ses orbites noircis par les flammes qui le consumaient. Il tenta de gonfler sa poitrine pour rire. Mais il avait beau tenter, forcer, ses poumons carbonisés ne purent que s’effriter sous la tentative.

    Et bien assez vite, il ne restait de lui qu’un squelette abandonné dans les flammes de l’enfer. Dont les os blanchis luisirent un instant, chatoyant après le passage d’un pouvoir qui avais été bien trop grand pour sa chair cruellement humaine. La lumière quitta doucement ces os noircis, les flammes ayant consumé tout sur son passage avant de partir ravager d’autres terres. Ce pouvoir qui aurait dû être le sien l’avait mené à la perdition, à l’annihilation. Tout ça parce-que pendant un instant, il avait osé croire aux mensonges d’une femme bafouée et reniée par les hommes comme les dieux. Les flammes s’éteignirent et laissèrent le devant de la scène a cette obscurité qui ne l’émouvait plus. Prisonnier d’une statue de charbon et de cendres à l’effigie du destin final de tous les hommes, celui de la mort.

    Il crût sentir un instant le vent souffler entre ses os, sifflant dans les aspérités d’un squelette usé par des années de guerres, des os qui avaient été cassés, ressoudés et cassés tant et tant de fois. Jusqu’à ce que finalement, de poussière, il ne redevienne poussière.


    Trouvant la mort qui… En fin de compte, ne lui faisait plus si peur que ça.

    C’était donc ça, l’absence de vie ? Le néant auquel étaient destinées toutes les âmes de ce monde corrompu jusqu’à la moëlle ?


    Il ne ressentait plus rien, rien d’autre que la caresse de son esprit profondément endormi dans un petit monticule de cendres, ses genoux qui étaient parfois douloureux ne lui faisaient plus mal, cette étrange petite douleur dans son avant-bras et son estomac avaient disparus. Cette chaleur dévorante qui avait consumé tout, jusqu’à sa moëlle.


    Plus d’émotions, juste cette étincelle d’existence qui refusait de s’éteindre.
    Pas même un fantôme.
    A peine un iota de conscience.


    Il avait passé tant d’années à s’accrocher à tout, d’un maître à un autre, à sa servitude et à sa peur. Toujours à serrer et étrangler son esprit quand l’anesthésie de l’alcool et la chaleur d’une femme ne suffisait plus. A prendre une bouffée d’air libre et, dans sa peur, s’accrocher au fantôme du vampire qu’il voyait comme un père dans sa dépendance démente. Dont le titre de « Griffe » avait des résonnances de « Maître » dans sa bouche. Et même là, une petite partie, infinitésimale de lui refusait encore de lâcher pleinement la corde alors qu’une autre partie de lui se réjouissait de retourner enfin au néant.

    Une braise qui n’attendait qu’à mourir, logée entre les paumes de deux mains blanches aux bouts des doigts teints par un sang noir. C’était donc ça qu’elle voulait lui subtiliser ? Ce feu qu’il avait clamé n’être qu’à lui mais qu’il lui abandonnait aussi facilement ? Peut-être en valait-elle la peine, elle qui était immortelle… Elle qui avait été abandonné d’abord par les hommes, puis par sa propre mère… Est-ce que ce sacrifice de tout ce qu’il était et aurait pu être suffirait à lui redonner l’amour de la vie ? Peut-être que les graines qu’il semait aujourd’hui la pousseraient à prendre l’exemple sur l’enfant qui avais trahi ses parents. Peut-être oui. Et sans réellement comprendre pourquoi il voulait l’aider, il accepta de fermer les yeux, de laisser son feu s’éteindre pour la dernière fois…

    Un souffle vient raviver l’escarbille, il est frais, gorgé d’oxygène et le fait grandir à nouveau, l’escarbille se transforme en braise, puis en charbon ardent jusqu’à ce que des flammes ne grandissent. Ne fasse fondre sa chair, fassent apparaître des cloques qui explosent sous la chaleur, qui calcinent ses mains, tendent sa peau sur ses doigts qui se noircissent un peu plus. Et que dans les flammes, l’iota ne redevienne un gramme, que le gramme ne redevienne substance et que la substance redevienne enfin une conscience.

    Les ongles qui sont enfoncés dans sa peau et tiennent ses poignets jusqu’à venir arracher les nerfs à ses muscles sont toujours là. L’éclair de douleur remonte le long de son bras, lance dans son épaule et ne tende son cou. Que sous ce chemin électrique ne se dessine des os, des muscles et de la peau qui se tords dans le sillage de sa souffrance qui inonde alors enfin son esprit. Les flammes explosent, brûlant à contre-cœur les mains qui l’emprisonnent et ne fassent luire son regard dont les larmes deviennent des gerbes de feu. Son souffle incandescent s’échappe de ses naseaux avant qu’il ne serre les dents à s’en faire saigner les gencives. S’arrachant presque la langue avant qu’il ne parvienne enfin à s’échapper de Sa prise, à moins que ce ne soit Elle qui le libère.

    Il titube, reculant de deux pas, recroquevillé sur lui-même en ramenant ses mains contre son ventre. Son s’embrasant, se transformant en une torche vivante, il a envie de hurler, mais n’y parviens pas. Et après un instant… Il se rends compte que la souffrance a disparue. Il se redresse lentement pour observer ses mains qui brûlent.

    Il n’a plus mal. Non, il regarde simplement ce feu qui semble surgir de toutes les pores de sa peau sans faire bouillir l’eau de son corps. Il sent les flammes qui surgissent de son regard et le souffle incandescent qui s’échappe de son poumon, sans que ce dernier ne prenne feu. Il se passe la langue sur les dents pour venir goûter son sang, sans que ce dernier ne s’évapore à son contact. Il déglutit, sans être saisi par cette atroce nausée qui accompagnait chacun de ses instants. Il se pose les mains sur le ventre, sans que ce dernier ne lui fasse mal et enfin, il glisse ses iris incandescentes sur elle, sans que la pulsion ne lui vienne de lui arracher les yeux. Il fait un pas dans l’herbe mourante du Shoumeï, puis un autre, traçant un chemin de petits incendies qui se meurent dans son sillage pour la rejoindre. Elle, qui pleure sur ses mains brûlées et noircies.

    Sans un mot, il pose un genou au sol devant elle, pour venir glisser ses doigts à l’arrière de la nuque de l’ange dévoyée aux ailes tranchées. Ses mains remontent lentement le long de son cou gracile et à la place du chemin de cloques suppurantes que son toucher aurait du laisser, ne se trouve que sa peau vierge. Ses doigts se glissent dans la chevelure sale de la fille d’Aurya, la peignant de ses doigts sans que cette dernière ne prenne feu et ne la transforme en une torche flamboyante. Il se penche, lentement, pour venir poser son front contre le sien, sans que la proximité de langues de feu qui jaillissent de toutes les pores de sa peau ne la privent de la vue et ne fassent fondre le cartilage de son nez, gonfler ses lèvres et ne la défigurent définitivement.

    Le feu s’éteint alors tout doucement, les flammes se réduisent et trouvent refuge à l’intérieur de sa peau, pour qu’il ne reste plus que cette lueur chatoyante dans ses yeux qui semblent avoir pris définitivement la teinte des flammes. Il est là, à humer le parfum si particulier de la viande brûlée qui viens de ses mains.

    - Ce feu n’est qu’à moi, Hrakkina. Sa voix est calme, posée, presque douce. C’est mon fardeau… Merci de m’avoir montré combien tu l’aimes… J’apprendrais à chasser la peur… Et à l’aimer. L'espace d'un instant, une étrange pulsion naît dans sa poitrine, qu'il n'ose exprimer. Maintenant, laisse moi t'aider à ton tour.


    [Siame] Chevauchant un cheval noir... - Page 2 5CwAax9
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  • Jeu 6 Juin - 21:48


    Elle l’avait. Elle l’avait… Il était à elle, ce feu. Siame n’avait pas besoin de voir ce qu’il se passait à cet instant dans l’esprit torturé de l’homme pour le savoir. Son corps entier hurlait, se prenait de spasmes, dégueulait cette chose qui ne demandait qu’à se libérer de cette carcasse faite de chair—trop fragile, trop exiguë pour être en capacité de véritablement la contenir. Un pouvoir comme celui-ci n’avait de toute manière jamais été fait pour résider le corps d’un mortel. Ce feu volé—ce feu qui ne pouvait appartenir qu’aux Divins. Peut-être était-ce là la raison pour laquelle le sort l’avait mis sur son chemin, peut-être était-ce là la raison de leur rencontre. Qu’elle récupère ce qui se devait d’appartenir à ses Maîtres, ce qui se devait de lui appartenir à Elle. Puisqu’ils n’étaient plus là, c’était désormais son devoir : à cette Ange qui avait été modelée de chair et de sang—à qui Aurya avait donné sa Vie et sa Beauté ; À qui Lothab avait donné sa Foudre ; À qui Kazgoth avait donné sa Curiosité ; À qui Exia avait donné sa Volonté ; À qui Zeï avait donné le Mensonge ; À qui Puantrus avait donné son Vice ; À qui Kaiyo avait donné sa Jalousie ; À qui X’o-rath avait donné sa Haine.

    Ce n’était là que Justice. Car c’était ainsi : c’était ainsi que sa maîtresse lui avait dit.
    Ce qui avait un jour été volé aux Cieux devait être retourné.

    Elle l’avait vu reculer – tétanisé, stupéfait – avant qu’une lueur de lucidité ne réapparaisse dans son regard. Il retrouve la lumière, et Elle gagne. Il n’y a pas la moindre crainte, pas le moindre ébranlement sur sa jolie face d’ange quand la main solide – étrangement douce – du soldat s’égare dans sa nuque et se saisit de sa chevelure—qu’elle lui abandonne alors volontiers. Non, sur ses traits : seulement la certitude d’avoir triomphé. D’avoir séduit, d’avoir trompé ; persuadé ; envouté. Volé. Comme si tout ça, toute cette aventure, tous ces mots, n’avaient été qu’à la perspective de ce moment, où, enfin, il lui donnerait ce qu’elle demandait. Elle contemple avec une délicieuse suffisance ce qui vient à elle, comme une faveur, comme la satisfaction du bourreau qui voit le condamné marcher de lui-même à l’échafaud. Siame savoure jalousement cette vision telle une bouche avide. Il pose son front contre le sien et s’approche d’elle à la suggestion d’un baiser—comme si un simple baiser aurait pu lui suffire. C’est adorable... Et une toute autre chaleur la saisit sous les côtes : Elle, trop vicieuse—trop heureuse de le faire trahir les siens en le faisant tomber pour elle. Le ciel s’embrase de rouge et un sourire séditieux vient fleurir sur ses lèvres. Et l’envie, cette furieuse envie de tout lui arracher, tout lui prendre, de tout lui voler jusqu’à ne laisser de lui qu’une carcasse vide de sens,—lui revient, urgente, vaste, et Siame ne lutte plus.

    Lui, brûle si prêt, qu’elle croit que sa peau va éclater et se fendre sous la chaleur. Allez. Allez, un peu plus. Juste un peu plus, qu’elle puisse alors l’aspirer, le consumer tout entier. Son nez frôle le sien. À peine. Juste assez. Pas assez. Juste là. Un peu plus, qu’elle puisse l’engloutir, qu’il ne reste plus de lui que ce qu’elle dit qu’il reste de lui. Un vide. Un manque. Un rien—un rien si elle n’est pas là pour combler ce manque. Après tout, qu’il y avait-il de plus beau qu’une bête défaite par le manque ? Il respire. Cette odeur de cendres et de chair brûlée, mêlée. Elle le respire. Allez. Plus prêt. Qu’elle l'agrippe et qu’il ne reste plus qu’elle en lui : ici ; partout ; maintenant ; demain et à tout jamais. Oui, plus qu'une chose ne reste : agripper ce fruit, ce pouvoir, ce feu au bout de ces lèvres qui lui échappent. Et lui avouer. Lui avouer qu’elle lui a menti. Droit dans les yeux.

    “Ce feu n’est qu’à moi, Hrakkina.”

    Et là, sur la coupe de ses lèvres charnues, mordues, sa bouche retrouve son arrogance. À ce moment, l’impétuosité de son regard de silex transpercerait n’importe quelle Âme. Cette sombre gueule de con lui résiste. Encore. Refuse de lui complaire. Il a pour elle cette voix douce et ce regard grave : la nonchalance de celui qui s'auréole alors de la victoire. Celle d’avoir su résister. Il n’a alors à cet instant pas la moindre idée des envies de ravage que ça déchaîne en elle. Il pousse l’affront à lui proposer son aide – comme si cela l’excusait –, et Siame le maudit mille fois, de tous les noms, dans sa tête. Elle l’aurait mordue. Jusqu’au sang. Pour lui faire regretter sa volonté de maîtrise, cette illusion idiote, stupide, futile qu’il se donnait de garder le contrôle. Soudain, une hargne sans nom traverse son visage de poupée et une main impitoyable s'abat sur la bouche qui lui fait face. Tais toi. Tais toi. Tais toi. Ses mains l'auraient froissé tout entier. Et si la volonté de l’Ange est une avalanche, aussi froide qu’inévitable, ses doigts, eux, bouillonnent sur sa peau à lui ; le tumulte du feu qui l’a brûlé agitant encore sa chair. Pourtant, elle n’éprouve plus rien, chaque nerf désormais détruit. Ses ongles tracent capricieusement de longs sillons sur ses lèvres—sur cette bouche qu’elle agrippe alors pour se relever. Elle coule sur lui un regard raffermi de dédain, d’une audace éloquente. Sa main, – altière, bien moins douce que sa main à lui ne l’a été – abandonne sa bouche pour s’écraser dans ses cheveux sombres. Siame repousse sa tête en arrière tandis qu’elle vient défier l'éclat de ses prunelles forcies par le feu.

    Tu te trompes, Tulkas. Elle le dit d’une hauteur si superbe, qu’elle ne peut être qu’issue des Cieux. C’est à son tour de se rapprocher et de murmurer sur sa peau. Sa bouche se fait vicieuse, mauvaise. Au diable ce que tu crois. Au diable ce que tu penses être vrai. Cette nuit, toi et moi, nous allons réveiller ton Monde.

    Le silence retombe autour d’eux, comme un feu qui s’éteint. Des flocons de cendres grises dérivent quand Siame se détourne sèchement de lui et l’abandonne là, à son propre sort.

    L’Ange rejoint le campement, sans se retourner. Elle rappelle à son cœur de battre et à ses sens de respirer et rejoint le grand feu que l’on fait encore brûler. La plupart des soldats se trouvent encore là, malgré l’heure tardive. Quelques regards s'attardent sur la pâleur de sa peau, mais personne ne vient l’empêcher de s’asseoir sur les troncs qui servent alors de banc, dispersés tout autour. Ses yeux se perdent dans les flammes, songeurs, avant que la guérisseuse qu’elle a rencontrée la veille ne vienne considérer la place à côté d’elle.

    Je peux ?

    Siame la regarde, sans manifester la moindre émotion, et opine. Elle ne dit rien, n’a pas envie de parler.

    Tu devrais me laisser voir tes mains.

    Cette fois-ci, l’Ange ne refuse pas les soins, une toute nouvelle inflexion dans le regard. Sans contester, sans quitter le feu des yeux, elle tend ses mains à la guérisseuse, et en quelques secondes seulement, perçoit sa peau se tendre, douloureusement d’abord, pour venir se refermer. Une chaleur réconfortante, artificielle, s’empare alors d’elle, lui vient sans parenthèses et l’Ange la rejette. Une montée de consolation à laquelle elle refuse de succomber—qu’elle bat hors d’elle, jusqu’à que la moindre idée de douceur lui sorte du crâne. Elle récupère alors ses mains, un peu vivement, un peu sèchement.  

    Merci.

    La guérisseuse l’avait regardé un instant, curieusement, perplexe, avant de soupirer. Elle les avait bien vus tous les deux, plus tôt dans la journée, et tout à l’heure, à l’écart du campement. Tout le monde les avait vus. Mais tout ça, ce n’était pas ses affaires et elle se doutait que la blanche l’enverrait paître si elle avait le malheur de la questionner. Elle se contenta d’un claquement de langue, avant de la quitter et de la laisser à sa contemplation ; comme s’il se passait alors quelque chose dans les flammes qu’elle ne parvenait pas à voir. Siame lui adresse un dernier regard lorsqu’elle part enfin. Elle resta là jusqu'à tard dans la nuit. Jusqu’à que tous les soldats quittent un à un le brasier pour retrouver l’intimité de leur tente. Jusqu'à ce que le sommeil vienne alourdir leurs paupières.

    Devant elle, le feu se tord, comme un beau diable, sous la volonté de l’Ange, prêt à mordre quiconque s’approcherait de trop prêt. Il est vrai, Siame n’a pas de feu à elle. N’a pas de foudre à elle. Ni de vent, pas moins de glace. Mais ses Maîtres l’ont faite astucieuse, et si elle ne peut faire jaillir les flammes du bout de ses doigts, elle sait soumettre les éléments du Monde à ses envies. Le silence qui l’entoure se fait hostile.


    Dans la tente du Luteni, ils ne sont que tous les deux : ou presque. Elle n’est qu’une image aux contours estompés, assise sereinement au bord de sa couche. Elle l’observe attentivement et ses lèvres s’ouvrent dans un soupir caressant. Sa voix est claire, provocatrice ; elle est douce comme celle d’une amoureuse et gronde comme celle d’une mère.

    Tulkas. Réveille-toi. Viens voir. Elle se lève, sans émoi, et sa silhouette s’aventure entre les pans de toile. Elle s’arrête au dernier instant, lance un regard au-dessus de son épaule pour l’inviter à la suivre, et disparaît. Seule sa voix continue de résonner. Viens voir ce que nous avons fait.

    Dehors, le Monde brûle, se réveille et tout s’échappe en lambeaux de douleur. C’est arrivé si vite. Tout est arrivé trop vite. Les tentes se sont enflammées comme des allumettes, et les cris alarmés des Hommes s’estompent dans la nuit. On n'a rien vu venir. Les premiers cris résonnent dans la nuit noire. Les soldats reikois s’étranglent de rage, de peur, éclatent comme des cloques. On en avait vu s’écrouler au sol, tétanisés, raclant leur gorge enflammée, jappant comme des bêtes, tandis que d’autres invoquaient des marées pour éteindre le feu. Certains allaient s’en sortir. D’autres peut-être pas. Certains garderaient des brûlures, d’autres seraient soignés. Elle se surprend à éprouver une pointe de pitié pour eux, qu’elle chasse presque aussitôt. Ça n'avait pas d’importance. La seule chose qui comptait, c’était de lui prouver qu’il avait eu tort.

    Tu vois. Ce n’est pas ton feu… Sa voix prend alors une inflexion indéfinissable. Je décide quand il brûle. Je décide quand la bête s’éveille, et quand elle s’éteint. Je décide quand tu brûles, quand tu vis, et quand tu meurs. Regarde… Ses mots se confondent alors entre l’accusation et la félicité. Regarde comme le Monde brûle bien sous le feu de tes flammes. Tu as été brutal Tulkas… X’o-rath aurait été si fier de toi.

    Et Aurya aurait été tellement fière d’elle.

    L’Ange s’était retournée, une ultime fois, pour regarder le campement brûler dans la nuit, les flammes happant furieusement le ciel et les étoiles—gueulant à la lune et aux Cieux. Il n’y a plus la moindre honte pour étrangler sa gorge. Elle n’avait pas dit, que chaque nuit, elle rêvait de massacres et de carnage. Elle n’avait pas dit que chaque minute passée auprès de lui, éveillait un peu plus ses besoins de vengeance. Que chaque seconde passé à se sentir faiblir, à se laisser toucher par ses mots, ses regards et ses attentions agitait l’océan de contradictions dans lequel elle avait eu le malheur de naître : et que ces vagues-ci la consument de part en part. Que plus le temps avançait, plus elle les côtoyait, plus elle semblait se découvrir et plus ses certitudes lui devenaient floues. Et que tout ça la rendait folle. De rage, de haine, de dégoût pour elle-même. Non, Siame n’avait pas la permission d’évoluer à la même perspective que les Hommes. Elle refusait d’accepter cette part traîtresse d’elle-même. Ça ne pouvait qu’être…

    Blanc, noir. Beau, laid. Oui, non.
    Si ça ne pouvait être blanc, c’était noir. Si ça ne pouvait être beau, c’était laid. Si ça ne pouvait être oui, c’était non. Pour elle, tout ça n’avait jamais été une question de choix.

    Tu te souviens de ce que je t’ai dit, ce soir-là, Tulkas ? “Parait-il que les Morts ne reviennent que par amour ou par vengeance.” On ne revient jamais par amour. Elle en possédait la certitude : sa mère n’était jamais revenue. Mais la vengeance ? Elle traverse les âges. Siame le sait mieux que personne. C’est ce qui l’a fait tenir 5 000 ans. Nous nous reverrons...

    Il viendrait à elle.
    Et loin, la silhouette de l’Ange, juchée sur un cheval noir, avait fini par s’envoler dans la nuit.


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  • Sam 8 Juin - 13:27
    [Siame] Chevauchant un cheval noir... - Page 2 XmnSOg8


    Elle décide quand il brûle, elle décide quand la bête s’éveille.

    Elle parle avec la certitude qu’ont ceux qui ont vu la naissance des étoiles et la mort des montagnes. De celles et ceux qui, d’un miasme cosmique et d’une bouillie génitrice ont façonné le monde en y plantant des graines de cruauté. Graines, qui ont germé dans le cœur des hommes et dont les racines insidieuses s’étaient implantées jusque dans ses veines. Jusqu’à son cœur qu’elles enserraient comme du lierre arrimé à la pierre. Qui empoisonnaient son âme, nourrissaient le monstre qu’il ne voulait plus jamais être, mais qui redressait sa gueule, dressait ses oreilles en reconnaissant le parfum d’un oiseau aux ailes arrachées qui savait si bien chanter.

    Guidée par son chant, cette partie inconsciente de lui avais mis le feu au monde. Comme un limier rendu fou par la faim et rendu frénétique par l’odeur du sang, il avait mordu à la gorge ceux qui s’étaient approchés de lui pour tenter de l’arrêter. Le chant de l’oiseau avait réveillé un volcan, dont les gerbes de laves et de fumées toxiques et incandescentes avaient fait fondre l’acier sur la chair, cloquer la peau et exploser les yeux de ceux avec qui il avait voyagé des mois durant.

    Si perdu qu’il était dans un état manique né de sa libération, le monstre né du chant de l’oiseau sans ailes ne se rendit pas tout de suite compte qu’il était parti, en emportant une part du monstre dans son bec. Il avait erré dans le campement, comme une torche faite de chair et de flammes, perdue dans un cycle de destruction et de reconstruction, tournant en ronds entre les squelettes d’aciers des tentes dressées et la chair calcinée.

    Jusqu’à finalement s’asseoir au centre des restes de ce campement, sur un trône de cendres.

    - Pauvre imbécile.

    Avait soufflé une voix qui semblait venir de l’extérieur. Les jambes pliées contre son corps, les épaules ceintes du réconfort de ses propres mains, il plongea lentement la tête entre le croisement de ses bras pour se fermer du monde. Se condamnant lui-même au sort qui l’attendait.

    - Je sais ce que tu as fait, ce n’est pas ta faute.

    La flamme frétille, brûle, une cloque se forme sur son épaule, gonfle et s’affaisse en crépitant. La bête roule des épaules, le monstre cherche à s’enfouir dans son temple de cendres et de charbons ardents. A chasser cette voix qui tourne autour de son trône, qui s’impose à lui dans son royaume. Il ne veut pas l’entendre, lui et son chant de haine et de chaînes.

    - Elle est partie. Murmurait la voix à son oreille qu’il tentait de chasser d’un mouvement rageur de la tête. Il ne reste que moi.

    Une main abandonné la rondeur de son épaule, pour venir gratter à une gêne dans sa poitrine. Là, entre ses côtes et le soufflet de ses poumons manque quelque chose. Quelque chose qui n’y était pas avant, qui n’aurait jamais pu être là, qui n’avait pas sa place et dont il ne parvenait pas à défaire le contour. Quelque chose… Dessiné par dix ongles noirs.

    Ça le démangeait, ça lui faisait mal, le monstre s’arrachait la peau à grands lambeaux, agrippait les fibres de son muscle pectoral et les arrachaient à son sternum qu’il Martella de ses poings. Fouillant sa propre poitrine pour attraper le contour d’un vide qu’il ne comprenait pas. Le monstre s’arracha la trachée, broya ses poumons sous sa poigne jusqu’à ce que deux mains colossales viennent se glisser sous son trône pour le soulever.

    - Là. Tout va bien.

    Le souffle du géant se glisse entre ses cheveux, chassent les flammes un instant avant que ces dernières ne se ravivent, plus douces et plus calmes. Même là, le monstre à la poitrine ravagée se redresse face à son geôlier. Le regard plein de défi et de flammes, les mains couvertes d’un sang que même les langues de feus qui surgissent de sa peau ne parviennent pas à sublimer.  

    - Je sais ce que tu penses, vieil ami. Murmurait-il. Elle nous a pris quelque chose et nous a abandonné à cette terre brûlée. Ce n’est rien…

    Jointes, les mains se rapprochent de sa poitrine contre laquelle il presse lentement la flamme, comme une étreinte aimante.

    - Plus personne ne pourra te faire de mal.

    Le soupire du géant résonne en lui, la bête en flammes s’ébroua avant de poser le front contre le plastron du colosse et qu’enfin, il ne se fonde en lui. Se logeant quelque part entre ses poumons, là où devait battre un cœur noir.

    Tulkas était seul, abandonné par la fille d’Aurya et laissé seul avec les décombres d’une unité de cavalerie. Le squelette des tentes, les cadavres boursouflés des brûlés, les mourant brûlant et tressaillant, les chevaux couchés sur leurs flancs, les jambes tendues et le ventre distendu par le sang gazeux, prêts à exploser au moindre contact. Quelques soldats qui titubaient, s’arrachant les lambeaux de chair du visage, s’enlevant la chair brûlée par grosses poignées en hurlant, pas de douleur mais de désespoir. Les flammes étaient cruelles, mais pas dénuée d’une forme de pitié perverse. Les pires brûlures ne font pas mal, car elles emportent tout, même la douleur, dans le sillage rougeoyant.

    Le bruit lointain du rugissement de certaines créatures couvrit les pleurs des blessés. Il était le seul rescapé, il n’y aurait aucun survivant. Du moins, s’en était-il convaincu. S’approchant d’un homme qui leva des yeux rougis par les larmes sur son visage fermé.

    - Lu-

    Il n’eut pas même le temps de prononcer la seconde syllabe, une lame miséricordieuse… Non, une lame cruelle s’étant plantée dans son trapèze pour venir se figer dans sa poitrine. Du sang lui échappé de la bouche. Les mains jointes sur son épée, Tulkas tordit la poignée avant de retirer la lame rougie par le sang des frères. Deux, trois, cinq, six et… Dans un grognement, il plantait l’épée dans le dos du dernier survivant qui tentait de ramper jusqu’au refuge d’un chariot renversé. Se redressant, seul et sans cheval dans ces plaines, Tulkas leva son épée pour la poser sur son épaule et inspira un instant. Observant la lande morte qui s’étendait sous ses yeux et là-bas, à l’horizon, les lueurs de la civilisation.

    - Maël.

    Qu’il souffla avant d’entendre un bruit dans son dos. Celui de la terre qu’on frotte d’un bras.  Pivotant, il observa un corps brûlé, la tête presque sectionnée, dont le bras bougeait de façon erratique. Le visage figé dans une expression de terreur et d’incompréhension se crispa de quelques spasmes tandis que les lèvres articulèrent un mot muet.  


    « Tr- »

    Les lèvres se retroussant et les dents blanches s’exposant, le cadavre tenta d’articuler quelque chose.

    « Ah- »

    Un second son, deviné en voyant la bouche s’ouvrir et révéler une langue brûlée. Était-ce la vérité, un délire né du toucher de l’ange ou autre chose ? Il secoua la tête un instant avant de lever lentement la main devant lui, désignant le corps réanimé de sa paume… Avant d’hésiter un instant. Un vide dans sa poitrine, Elle lui avait bien volé quelque chose. Il ramena alors la paume à hauteur de sa poitrine, l’ouvrit sous son regard et inspira, jusqu’à ce que le feu de sa poitrine n’inonde les veines de son bras droit et ne fassent rougeoyer sa paume et que les flammes ne se manifestent et qu’un petit rire ne lui échappe.

    Là, dans les flammes de sa main, se trouvait le fantôme d’un oiseau aux ailes déployées. Comme s’il n’avait pas été le seul à être dépouillé par l’Autre. La main se leva, ses yeux se mirent à luire des flammes de sa haine et dans un torrent de destruction, il effaça les traces de Sa trahison.

    - Sur ça, au moins, tu as raison. La confession avait un air étrange, tandis qu'il regardait le brasier renaître et libérer ses camarades de l’étreinte de X’o-rath. Nous nous reverrons, Hrakkina.


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    - Ud rea, ud sura rea -
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