Clairement pas résolu à se laisser crever ici, elle n’a pourtant plus la force de remonter. Ses muscles sont épuisés et courbaturés, d’autant plus que l’oxygène pour les alimenter s’est tari. Coup de chance pour Rowena, Dactyle et trop faible et réagit trop tard lorsqu’elle sent quelque chose la saisir par le col, évitant donc à la sirène de subir l’assaut de sa hache de bûcheron. Elle d’autant plus surprise par l’air s’infiltre douloureusement jusqu'à ses poumons que par les lèvres qui viennent de se plaquer sur les siennes.

Honnêtement, elle n’est plus à ça près. D’autant que ça fait déjà un bon moment qu’elle ne pige plus rien à ce qui se passe. Elle sait juste qu’elle se noie, et que ça ne lui plait pas. Du tout. Le précieux, et vital, oxygène, en aussi faible quantité soit il, électrise ses muscles et son cerveau. Lui permettant de regagner à peine assez de lucidité pour ouvrir les yeux. Et combiné au mystérieux phénomène qui semble l’attirer vers la surface, suffit à réveiller son instinct de survie. On lui a déjà mâché une partie du travail, elle n’avait plus qu'à continuer à s’accrocher, pour quelques mètres seulement. Elle rassemble ses forces, et nage aussi vite qu’elle le peu vers la lumière, littéralement. Non mais heureusement que le soleil existe, au moins un repère fiable dans cette immense étendue de vide et de sales bêtes. Ignorant les formes sombres sur son passage ( mieux valait ne pas trop se poser de question. ). La louve lessivée finit par crever la surface de l’onde, dans un souffle salvateur. Elle s’accroche immédiatement au premier truc flottant qu’elle trouve. Un bout de …barque ? Depuis quand ce rafiot était-il en miette ?   A présent en train de cracher ses tripes, accroché à un bout de barque comme une huître à son rocher. La Bête faisait peine à voir, ses cheveux brun habituellement attachés en arrière, lachés et plaqués sur visage horrifié, le corps secoué de tremblements entre deux quintes de toux alors qu’elle essaie de reprendre son souffle, ses prunelles jaunes exorbitées, sondant la surface. Pour assister à un spectacle pour le moins surprenant.  A savoir Une sirène d’une blancheur étincelante  faire  du rodéo sur un requin noir enragé. Ignorant la moitié des évènements, et le cerveau retourné , seule deux choses traverse son esprit paniqué. C’est donc à ça que ressemble l'au-delà ? …si oui… Comment on fait pour s’en aller ?

Bon, au moins la crise était passée. Ainsi, après avoir craché au moins un demi poumon et deux litres de flotte, Dactyle arrivait enfin à respirer à peu près normalement. Douloureusement certes, mais régulièrement… tout comme les battements de son cœur qui avait atteint un rythme aussi stable que pouvait l’être celui de quelqu’un qui aurait frôlé la noyade.

D’ailleurs, les effets de l'adrénaline commençaient à s’estomper, révélant un certain nombre de lésions sur son corps endoloris et réveillant la douleur jusque là très secondaire de son bras. Elle était littéralement lessivée, dans tous les sens du terme. Enfin, de multiples contusions, probablement la promesse de bonnes courbatures le lendemain, et un avant bras en sang. Le bilan était plutôt conséquent pour une simple sortie pêche. Mais bon, rien de mortel. Les Spectres avaient déjà vu bien pire. Et puis surtout.. sauver les pêcheurs c’est bien, mais faire leur travail ce serait pas mal aussi. avec cette pagaille ont peut dire qu’ils n’avaient pas beaucoup avancé. Il serait grand temps de s’y remettre. Scrutant toujours la surface de l’eau à la recherche de l’aileron qui avait affolé les pêcheurs, Dactyle finit par y distinguer son reflet. AH, oui quand même, elle a effectivement connu de jours meilleurs.. L’eau, le sel, les cernes et le sang ne faisaient pas bon ménage. Elle plonge une main dans l’onde avec méfiance, avant se la passer sur le visage, au grand soulagement des pêcheurs.  Elle laisse échapper un nouveau soupir, alors qu’elle rabat ses cheveux en arrière, avec une grâce proche du néant, et de laisser ses yeux jaunes fatigués s’arrêter sur son bras. La manche toujours maculée de liquide carmin. Serrant les dents, elle remonte sa manche avec précaution, révélant la preuve du crime, une trace de morsure évidente, nette et d’une profondeur non négligeable. Hale espèce de sale …Gnnnn  Mais c’est qu’il mordait fort le saligaud. Enfin, malgré la douleur gênante mais supportable qui pulsait dans son avant bras, elle survivrait. Mais la blessure méritait tout de même d’être nettoyée et soignée… heureusement, elle avait pris soin d’embarquer un kit de premier secours dans son sac, abandonné sur la berge.  Manquait plus qu’a y retourner.. alors qu’elle s’apprêtait à donner l’ordre aux deux marins de se rendre un peu utile et de ramer. Elle fut interpellée par une voix, bien connue et autrement plus agaçante qu’elle était déformée par la différence de densité entre l’eau et l’air.

Aussi agacée qu’elle soit, Dactyle se penche vers l’eau, s’accoudant au rebord de la barque, le regard inquisiteur. Ergh.. et dire qu’elle s'était inquiétée et qu’elle avait même plongé pour le repêcher et voilà que le démon semblait respirer sous l’eau et en parfaite santé. Mais comment ?

- Oh Hale, un vrai poisson dans l’eau !  Tu as l’air en forme dis donc.  feignant la surprise avec une irone débordante, son sourire laisse soudainement place à un air on en peut  plus blasé. C’est marrant, on peut pas en dire autant de mon avant bras.

Passablement très agacée et toujours pas très sereine, elle ne trouve rien de mieux qu’une raillerie bien sentie. C’est qu’elle a la rancune tenace.

Elle sent pourtant la main du requin du dimanche s'accrocher au rebord de la barque, mais ne lui accorde pas un regard. Trop occupé à retrousser sa manche avec une application exemplaire. Et à une main, la tâche s’avérait plus complexe que prévu. Et lorsqu’elle daigne finalement adresser un regard au poisson rouge qui la fixe avec de grands yeux circonspects, elle manque de se jeter à l’eau pour le noyer, volontairement cette fois. Non mais c’est qu’iel a l’air de rien piper en plus ! Mais quel boulet, pourquoi Rowena avait crû bon de le recruter déjà ? Et puis  Comment ça si elle avait besoin d’un bain ? Dactyle se crispe visiblement à la mention d’un bain, toujours dégoulinante d’eau, de sel et de sang, elle s'immobilise, toujours une main sur sa manche ensanglantée, laissant couler un regard excédé en direction d’Halewyn. La bonne blague.


La suite de mot qu’aligne le spectre marin finit d’achever ce qu’il reste du cerveau de la lycanthrope. Entre le vent, les vagues, les couinements de pêcheurs traumatisés, la douleur de son avant bras, j’en passe et des meilleurs, elle n’avait juste, pas le courage de débattre. Elle en retient néanmoins quelques informations utiles, enfin, moins absurdes que le reste. Comment Halewyn avait pu être exposé au venin de l’aboleth, bonne question.. toujours est il qu’effectivement, un voulant le sortir de l’eau, elle l’aurait probablement étouffé. La réaction dudit Spectre gagnait ainsi en légitimité, enfin, ça restait … douloureux. Elle avait laissé une information cruciale lui échapper, cela ne devait pas se reproduire. Et dire qu’elle avait sauté à l’eau pour rien. Sa colère laisse ainsi place un dépit manifeste, alors qu’elle adresse un signe las au Spectre rouge, pour lui indiquer qu’elle a compris, au moins l’essentiel.. et se contente de marmonner

- Ouais ouais, tu sais quoi, c'est ok. On a qu’a dire qu’on est quitte. de toute façon iel ne l'entendra probablement pas.

Sur ces mots de réconciliation rondement menés, elle se  laisse retomber dans la barque, sur le dos, en étoile de mer, et laisse échapper un long soupir. Alors que cette dernière retourne vers le rivage.  Il leur restait encore tellement de travail..et elle était à présent la seule à pouvoir respirer à la surface, par les Astres la journée allait être longue.