Cheveux de feu et regard de braise. Ce sont les deux choses dont les gens se souviennent quand ils évoquent le physique de la jeune femme. Un joli minois et un corps svelte parachèvent un tableau qui laisse rarement indifférent. Elle ne manquait d’ailleurs pas de prétendants dans son petit village, mais elle s’est détournée du rôle tout tracé de femme au foyer pour se mettre au service des Astres et de leurs Enfants.

Ses yeux semblent habités par des flammes à l’intensité troublante, tels deux rubis scintillant au milieu d’un visage d’albâtre aux traits fins et délicats. Sa chevelure est de la même couleur, flamboyante cascade qui retombe jusqu’à milieu de son dos et qui dissimule le tatouage attestant de son appartenance à l'empire du Reike qui orne discrètement sa nuque. Un second tatouage, beaucoup plus récent, couvre la quasi-totalité de son dos, représentant deux dragons face à face qui encadrent le Soleil et la Lune. Elle porte des vêtements à dominante rouge, majoritairement des robes longues qu’elle agrémente volontiers de châles et de manteaux lorsque le froid se fait trop mordant. Elle aime porter des bijoux, bracelets, colliers, bagues et le rubis est, sans surprise, sa pierre fétiche.

Elle n’en reste pas moins une jeune femme simple élevée à la dure dans les étendues désertiques du Reike profond.

Des Astres elle a hérité l’indomptable et intransigeante flamboyance du Soleil Conquérant. Oratrice exaltée, la force de sa foi se fait pamphlet brûlant lorsqu’elle évoque les Enfants Célestes. La patience n’est pas son point fort pour qui ne cède pas devant ses convictions extrémistes et ceux qui la connaissent savent que son courroux est un incendie impossible à éteindre. Mais elle est surtout animée d’une foi absolue et d’un zèle aveugle envers ses croyances, convaincue que le salut du monde repose entre les mains des seuls vrais croyants. Son statut de Prima Stella et la dévotion des autres Stellaires envers sa personne ont achevé d’en faire une fanatique forcenée ne reculant devant rien pour imposer ses idées. En cela elle est infiniment dangereuse pour les fidèles étrangers, mais aussi pour tous ceux qui prônent une forme de tolérance au sein même de la religion Shierak car, dans sa vision du monde, il n’existe qu’une seule et unique vraie foi.

La sienne.

Je suis née au sein d’une humble famille paysanne du Reike comme il en existe tant, dernière d’une fratrie de trois enfants. Mes parents ont toujours travaillé la terre aride de leur ferme avec un dévouement sans failles pour nourrir notre famille. La puissance d’une nation ne se mesure pas uniquement à la force de ses armées, mais aussi à la détermination de ceux qui s’échinent jour après jour pour travailler ses terres et lui offrir des enfants sains et robustes. La foi est le ciment qui nous unit tous face à l’adversité, le Shierak le temple qui nous accueille et nous rend plus fort.

Mes parents vénèrent les astres comme la plupart des reikois, surtout ceux des campagnes qui puisent dans cette croyance la force nécessaire pour affronter les affres d’une vie rude et parfois trop courte. Ils vénèrent le Soleil, car sans lui il n’y a pas de cultures qui nous permet de nous nourrir, car sans lui il n’y a pas de vie, tout simplement. Ils vénèrent la Lune dont la lumière blanche brise les ombres de la nuit et ils ont appris à cultiver avec elle, pour rendre leurs fruits et leurs légumes plus nourrissants. Elle nous rappelle aussi que la vie est un cycle qui se répète inlassablement, que tout à un début, la naissance, et une fin, la mort, et elle guide l’âme de nos défunts au firmament pour qu’ils deviennent autant de nouvelles étoiles veillant sur nous.

Comme eux je crois en les astres, mais pas que…

J’avais 17 ans lorsque les rumeurs de la victoire de Tensai Ryssen ont atteint nos lointaines contrées. La politique et les guerres ne sont pour les petites gens que des événements lointains qui se font fléau lorsque leurs terres sont ravagées par les armées en marche. Et l’émergence d’un nouvel empereur ne change rien à la croissance des cultures. Pourtant d’autres rumeurs ont suivi qui ont reçu un écho beaucoup plus favorable en moi. Certains pensaient que Tensai Ryssen était l’incarnation du Soleil Conquérant et que son mariage avec la blanche Ayshara Draknys scellerait l’union entre l’ancien et le nouveau monde. J’étais surexcitée par cette simple idée et la force de ma conviction a réussi à persuader mes parents de dépenser leurs maigres économies pour me permette de me rendre en la lointaine Ikusa pour assister à la Cérémonie. Moi qui n’avais jamais quitté mon village natal, j’ai vécu ce périple comme un pèlerinage sacré rejoignant la cohorte de ceux qui voulaient, comme moi, voir de leurs yeux les nouveaux époux.

Je n’ai jamais connu une telle ferveur de toute ma vie, une exaltation insensée proche du fanatisme religieux qui s’est emparée de la foule rassemblée pour l’occasion. Se mouvoir dans les rues pour avoir la chance de les voir s’est mué en lutte et j’ai cru plusieurs fois mourir étouffée par les mouvements de foule erratiques. D’eux je n’ai vu qu’une seule chose, deux lumières brillantes bien visibles malgré la clarté de cette belle journée de printemps. Lui, à la lueur chaude et flamboyante, elle, à la lueur timide et pourtant si éblouissante de blancheur. Et j’ai su, j’ai su en cet instant que tout était vrai. J’ai su qu’ils étaient les enfants du Soleil et de la Lune, envoyés sur Terre pour nous guider dans la pratique de notre foi et nous protéger des Faux Dieux.

Je suis rentrée chez moi, épuisée mais émerveillée, portée par une foi nouvelle qui ne cessait de croître en moi, comme un torrent furieux alimenté par la fonte des neiges. Mes parents ne m’ont pas reconnu, la jeune fille effacée et timide était devenue une oratrice aux discours enflammés et aux idées radicales. Mais je crois que ce qui les a le plus blessé c’est mon refus de suivre la voie qu’il m’avait tracé, à savoir me marier pour enfanter comme toute bonne paysanne reikoise le ferait.

Pourtant les choses ne furent pas si simples qu’il y parait, ma voix se heurtait à celles des plus modérés de notre religion pour qui nos nouveaux dirigeants n’étaient rien d’autres que des humains comme tous les autres. Malgré tout quelques fidèles étaient captivés par mon enthousiasme inébranlable et ma ferveur flamboyante. Peu à peu, cette idée se répandait dans les villages voisins, portés par d’autres que j’avais inspiré par la force de mes convictions.

Cette mouvance aurait pu rester mineure comme tant d’autres qui naissait et mourrait régulièrement au sein de la religion Shierak. Mais les événements qui déchirèrent le Seikai en décidèrent autrement. Le premier d’entre eux fut cette flèche qui frappa notre reine en plein cœur. Elle aurait dû mourir, mais elle prouva aux yeux du monde qu’elle était bien plus qu’une jolie femme effacée et faible éclipsée par la flamboyance solaire de son mari. Cela ne fit que renforcer mes certitudes, elle était bien fille de la lune.

Mais c’est la suite qui permit à notre mouvance, nommée depuis peu Culte des Enfants Célestes, de croître dans des proportions inimaginables. Les titans, ces Faux Dieux, attaquèrent le Sekai dans une vaine démonstration de puissance pour tenter de rassurer leurs fidèles. Mais l’Empire se dressa sur leur route et les titans courbèrent l’échine devant la puissance divine des Enfants Célestes. L’un d’eux, Kazgoth le forgeron, fut même abattu par l’Empereur et l’Impératrice. Galvanisés par ses succès, ma parole et celle de mes fidèles se répandit telle une traînée de poudre nourrit par le terreau fertile de la victoire. Les Enfants Célestes nous avaient montré la voie à suivre en intervenant hors des frontières du Reike pour apporter la paix par la force des armes.

La religion Shierak qui nous unit tous ne devait plus vivre repliée sur elle-même. Il est maintenant de notre devoir de porter la vraie foi dans tout le Reike mais aussi au-delà.

L’Empereur est le Soleil, l’Impératrice est la Lune, et nous, Stellaires, nous sommes leurs Étoiles. Et je suis le première d'entre elles...  


Mes deux frères aînés sont morts sous les murs de Mael durant la conquête. Parfois ils me manquent et pourtant je ne ressens aucune tristesse face à cette perte car ils ont donné leur vie pour servir notre cause.

Je suis fière de leur sacrifice et je suis certaine que la Lune a accueilli leurs âmes près d’elle dans les cieux. Lorsque je lève le regard vers le ciel sans nuages d’une nuit étoilée, je sais qu’ils sont là quelque part…



La foi transcende notre condition d’être humain. Elle nous donne la force d’affronter des privations et des souffrances insensées. Ma foi en les Astres et les Enfants Célestes a forgé mon âme et mon cœur d’un acier indestructible. Ma vie n’est rien en regard de la mission qui m’a été confiée, mener les apostats sur le chemin de la rédemption et confier les hérétiques au feu divin.

L’homme en face de moi me défie du regard et je peux lire dans les yeux la détermination que lui confère ses propres croyances. Il est comme moi un zélote inflexible au service de quelque chose qui dépasse notre simple condition d’être mortel. Mais sa croyance diffère de la mienne et en cela il est un hérétique aux yeux de la vraie foi.

- Tu vénères des Faux Dieux et le peuple t’a jugé coupable de blasphèmes et d’hérésie.

Un rugissement s’élève de la foule rassemblée en contrebas. Des gens simples, des paysans reikois qui se reposent sur leurs croyances pour les guider dans leur vie misérable, des esprits crédules et exaltés qui ont prononcé une sentence de mort à l’encontre de cet homme qui rejette l’ascendance des Dragons.

Il proteste mais ses paroles ne me touchent pas, elles ne m’affectent pas car je sais que mes actes sont légitimés par ma foi en la lune pleine qui nous éclaire de sa blancheur blafarde.

Je lève le visage vers le ciel, vers elle, et des larmes de joies coulent sur mes joues. Je le sens, le pouvoir du feu divin qui coule dans mes veines, ce pouvoir qui m’a été conféré par les astres pour accomplir la mission divine qu’ils m’ont confié. De mes mains nues s’élèvent des flammes éblouissantes à la blancheur immaculée tandis que mon regard de braise se pose sur le condamné. Ma voix s’élève, crépitante comme un feu rageur et destructeur.

- Je libère ton âme impie de son enveloppe mortelle pour qu’elle s’élève vers les cieux.

Les flammes s’animent, venant embrasser les fagots qui constituent le bûcher.

- La Lune te jugera et ton âme sera consumée par le feu purificateur du Soleil Flamboyant.

Le feu commence à lécher ses jambes nues et je vois une panique venue du fond des âges s’inviter dans son regard alors que des suppliques misérables s’échappent enfin d’entre ses lèvres. Le mépris s’invite alors sur mon visage d’albâtre devant cet aveu de faiblesse. Sa foi chancelante ne résiste pas à la morsure vicieuse des flammes, preuve s’il en est qu’elle ne repose sur rien de divin.

Je me recule d’un pas, tandis que les flammes se font brasier incandescent, étouffant les cris du supplicié dans leur crépitement intense.

Shierak : La religion d'Amelia.

Prophétie de la Lune et du Soleil : Avant la création du Culte des Enfants Célestes, Amelia embrassait les théories de ce courant religieux. Elle s'en est détachée depuis que le Culte  s'est radicalisé, prônant notamment  une chasse implacable contre les hérétiques.

Lutte contre les titans : Les titans sont de Faux Dieux qu'il faut tout simplement éradiquer de la surface du Sekaï.

Suprémacisme impérial : Le couple impérial est vénéré par le Culte en tant qu'Enfants Célestes. De fait Amelia soutient ardemment ce mouvement qui doit permettre d'implanter la vraie foi sur l'ensemble du monde.