Il n’est pas rare que des étudiants ou des étrangers espèrent recevoir du soutien pour intégrer Magic, Neera n’est donc pas tellement surprise du comportement de Tagar. Malheureusement pour lui, elle ne peut lui accorder un traitement de faveur. Au mieux pourra-t-elle faire un rapport positif à son égard, mais c’est tout. De toute façon, son intégration se fera sans mal puisqu’il a la richesse nécessaire pour payer ses frais d’entrée, la professeure n’a donc pas vraiment d’inquiétude à son sujet. Et vu ses aptitudes élémentaires, il a les capacités pour trouver sa place à l’Université.

La conversation s’arrête le temps que les deux mages sortent de l’auberge, puis Tagar lui explique qu’il y a deux types de fauteurs de troubles à Ikusa. Apparemment, certains sont mécontents du régime, au point qu’ils ont osé perpétrer un complot lors d’un tournoi. Puis, il y a les cultistes qui veulent venger la mort de Kazgoth. Neera se retient de dire que leur colère est tout à fait normale, puisque que les Reikois se sont quand même attaqués à une déité qui a façonné la création. Quand on reçoit un culte depuis des siècles, voire des millénaires, il est évident que la religion s’ancre dans les mœurs d’une partie de la population et que celle-ci s’attache à leurs dieux.

- Je pense que vous avez les capacités de vous défendre, fait honnêtement Neera. Je crois que c’est plutôt votre tempérament qui jouerait en votre défaveur, car vous semblez préférer la discussion et la diplomatie à la force brute. Or, si vos adversaires rêvent de vous trancher la gorge… ça ne vous aidera pas beaucoup. En ce sens, avoir votre garde rapprochée est peut-être une bonne chose. La sang-mêlée s'arrête un instant avant de reprendre. Cela étant dit, il est clair que s’en prendre aux ministres d’un pays serait la meilleure chose à faire pour affaiblir l’Empire. Cela vaut aussi pour la République. Mais d’autre part, Shoumeï a été profondément touchée par la manifestation des Titans. Sancta et Bénédictus n’en sont qu’un exemple. Le peuple est désorganisé et affaibli. C’est la manifestation de ce Nouvel Ordre qui pourrait peut-être prendre de l’ampleur avec le temps. Mais il y a beaucoup de groupuscules, qui naissent et qui meurent comme la braise. Il faut voir s’il arrive à se maintenir ou s’il ne va pas se déliter par lui-même. Je suppose que ça dépendra de ses dirigeants, mais aussi de la foi et de la volonté des fidèles. Peut-être faudra-il voir aussi quelle sera la réaction de vos souverains.

Pour ce qui la concerne, elle suppose que Tensaï verra d’un mauvais œil ce groupe de croyants dirigé par un Haut-Prêtre. Est-ce qu’il mènera une offensive contre eux, pour affaiblir la foi dans les Divins ? Neera l’ignore, elle n’est pas sûre de vouloir le savoir. Mais d’un point de vue stratégique, ce serait une bonne cible à abattre pour empêcher que naisse une véritable foi populaire.

La Républicaine écoute ensuite Tagar lui dire qu’il a travaillé toute sa vie au Palais et elle estime rapidement qu’il doit être un grand habitué des lieux. Elle ne s’offusque pas vraiment quand il refuse de dire son avis sur l’enfant d’Ayshara, la Tornade ne saurait elle-même pas quoi dire si elle était une employée de l’Impératrice et qu’elle devait par conséquent servir un dragon. Elle est quand même un brin curieuse de savoir comment cette créature va évoluer. Si sa longévité continue, elle aura peut-être l’occasion de le voir grandir et l’élémentaliste se demande un instant si la croissance du draconide ne va pas poser problème au couple royal. Enfin, peu importe au fond. Ce n’est pas son problème, et elle ne s’en plaint pas.

Neera écoute finalement Tagar lui décrire le palais, et elle s’imagine un instant les jardins luxuriants de la demeure impériale. Apparemment, il n’y en avait pas qu’un et ces jolis espaces de verdure devaient assurément apporter une touche de fraîcheur à cet immense bâtiment. Une fois à l’intérieur, néanmoins, on changeait de décor. La lumière se raréfiait, peut-être à cause des petites fenêtres qu’on avait créées pour ne pas que le siège du gouvernement devienne un four ardent. Puis, il y faisait plus froid et plus frais, car l’épaisseur des murs empêchaient l’air torride du désert à imposer sa loi. La demi-titan avait bien envie de voir les vitraux dont lui parlait Tagar, mais elle se demandait aussi si les couloirs ne seraient pas un peu étouffants pour elle qui préférait être à l’air libre.

- Est-ce que les salles sont grandes ? C’est que je n’aime pas trop les espaces clos, avoue honnêtement la maîtresse de la foudre, donc quitte à visiter le palais un jour, je préférerais sans doute les grandes salles du palais. Mais j’adorerais voir vos salons, qui doivent avoir de remarquables tapisseries, ainsi que vos vitraux. Vos jardins, j’en suis sûre, doivent être splendides, et je serai ravie de voir en quoi ils diffèrent de ceux de la République.

La jeune femme achève tout juste de parler que le palais finit par se découvrir à leur yeux et la magicienne laisse échapper un sifflement admiratif.

- Je suis déjà venue à Ikusa, j’ai déjà aperçu le palais, comme je vous l’ai dit, mais il n’en reste pas moins magnifique. Une lueur espiègle apparaît ensuite sur son regard. Si je ne le savais pas sous haute garde, je m’envolerai bien sur le toit pour avoir une somptueuse vue sur toute la capitale.

Elle ne compte pas le faire, bien sûr, parce qu’il y a certainement des gardes en factions qui veillent à ce que des mages ou des gens mal intentionnés n’infiltrent d’une quelconque façon la résidence royale. Il suffit d’avoir un senseur de talent pour repérer tous les intrus.

- Et donc, lance l’enseignante d’une voix joviale, dans quelle partie du palais travaillez-vous ?

Elle attend qu’elle réponde, puis reprend la parole.

- En tout cas, je vous remercie de m’avoir tenue compagnie. C’était un véritable plaisir de vous rencontre, Monsieur Reys, fait-elle en s’inclinant légèrement devant le ministre du Reike.

Quand Tagar lui révèle qu’il a rencontré le chef du Nouvel Ordre, Seagan, la Tornade ne cache pas spécialement son intérêt. Au contraire du Reikois, elle ne l’a jamais vu, cet Haut-Prêtre, elle se demande donc ce que peut bien penser le ministre des Finances. Apparemment, il y a un avant et un après, puisque l’homme en question semble avoir été très sympathique autrefois, et ne l’est plus maintenant. L’avis de Tagar est si net qu’il le juge bon à enfermer. Soit. C’est… radical, mais cela lui donne une bonne opinion de ce que pense le mage. Peut-être prendra-t-elle son avis en compte si elle est amenée un jour à rencontrer des personnalités du Nouvel Ordre.

Pour l’heure, Neera laisse le sujet tomber, et elle est ravie d’apprendre que les salles du palais sont immenses. En ce qui concerne les proportions de la salle du trône, c’est normal que cette dernière soit très grande, elle a quand même une fonction de prestige, et elle se doit d’accueillir toute la haute société de l’Empire. D’autre part, il est aussi logique que les autres salles soient moins majestueuses, et plus pratiques, ne serait-ce que pour retenir la chaleur des grandes pièces à vivre lors des nuits froides du désert. En tous les cas, Tagar a un bon talent d’orateur, puisqu’il continue à lui décrire la pièce où ont lieu les audiences royales. Cela lui donnerait bien envie de voir ces fameux vitraux, qui racontent le passé des Draknys. Ce serait sans nul doute intéressant

Quand le ministre lui déclare que son bureau est au centre, Neera hoche la tête avec un sourire. Être le Cœur et faire partie des plus proches collaborateurs du couple impérial ne doit pas être de tout repos, surtout s’il est constamment requis par ses pairs. Mais il a choisi sa propre voie, et l’enseignante ne doute pas qu’il soit qualifié pour mener ses projets à bien.

Lorsqu’enfin, Tagar lui dit qu’il ne manquera pas de passer la voir s’il passe aux alentours de Magic, la Républicaine montre vite son assentiment.

- En effet, n’hésitez pas, je vous recevrai avec plaisir. Peut-être pourriez-vous-même faire une démonstration de votre maîtrise du métal, qu’en pensez-vous ? Quoi qu’il en soit, je vous remercie pour vos explications, elles ont été très riches en enseignements. Nous nous reverrons peut-être prochainement, si les Divins le veulent bien.

Sur ces entrefaites, Neera le salue et prend congé. Elle ne va pas partir immédiatement d’Ikusa, car elle doit passer dire bonjour à l’une ou l’autre connaissance qui réside à la capitale. Demain, elle fera des emplettes pour ses collègues… Et puis, il sera déjà temps de revenir à Liberty, mais cette perspective ne la dérange pas. Rien ne vaut jamais son petit chez-soi.