Une mercenaire de compagnie [Ellie ; Thylie]

La mission était délicate. Dame Goldheart avait été claire : quelqu’un avait fait une grosse bêtise et ç’était à moi de faire ce qui devait être fait. Le problème, c’était que la personne savait ces deux choses là, et elle n’était pas du menu fretin. Je devais donc, en plus d’être discrète, être particulièrement prudente. Dame Goldheart était d’accord avec moi, j’avais besoin d’une escorte. Une escorte discrète aussi mais puissante, qui me permettrai de m’en sortir lors de l’embuscade qui allait inévitablement se refermer sur moi lorsque j’allais tenter d’accomplir mon méfait. Il me fallait une personne maximum pour ne pas attirer l’attention ; quelqu’un qui ne poserait pas de questions, qui ne révélerai rien à qui que ce soit et qui m’aiderait à survivre contre de nombreux hommes. Quelqu’un… un peu comme elle.
J’étais devant le panneau d’affichage où se trouvaient les offres aux mercenaires de Liberty et de ses alentours, et habillée moi-même en mercenaire avec une capuche sur la tête je faisait semblant de lire les annonces de loin mais en réalité je faisait du repérage. Devant moi se trouvait une personne cornue à la peau blanche, une personne très atypique donc, qu’elle soit onie ou drakyn. Elle devait ainsi être à moitié humaine. Je voyais à sa ceinture une épée et à sa main un genre de sceptre, elle ne devait pas être à son coup d’essai. Je voyais également qu’elle ne venait pas d’ici.
Si j’analysais bien la situation, j’étais en présence de quelqu’un qui avait de la valeur au combat, mais qui serait souvent rabaissée par les siens au vu de la couleur de sa peau. Avec un peu de chance, elle chercherait ainsi continuellement à prouver sa valeur. Si je la traitais avec respect, elle accepterait probablement de m’accompagner dans ma mission périlleuse, contre de l’argent, bien sûr. L’important était qu’elle ne me trahisse pas dans une mission qui devait être secrète. Mais pour ça, je ne pouvais qu’espérer.
Je m’approchai donc d’elle et, comme nous étions seules, je pus ouvrir la conversation à voix basse.

—Tu sembles être tout à fait la personne dont j’ai besoin. Nous partirions immédiatement pour un voyage de plusieurs jours pour aller nous battre contre des mercenaires, et tu serais grassement payée à notre retour. Ça te convient ?

Il était assez rare que mes pas me mènent jusque sur le territoire de la République et c'était la première fois que je mettais les pieds à Liberty. La fin de la guerre contre les titans m'avait laissé démunie. J'avais tout perdu, X'o m'avait tout enlevé, plus de clan, plus de foyer, je m'étais alors réfugiée dans la lutte pour repousser les titans histoire de donner un sens à ma vie. Jusqu'à ce qu'elle s'arrête officiellement, me laissant un arrière-goût amer dans la bouche...

Alors j'étais devenue mercenaire, une épée à louer pour des missions d'escorte ou de protection la plupart du temps. Cela m'évitait d'avoir à réfléchir sur mon avenir, me donnant à chaque fois un nouveau but, une nouvelle mission et je parcourrai le Sekai au gré de mes engagements.

Il y a dans toutes les villes des endroits comme celui-là, la plupart du temps près d'une taverne plus ou moins bien famée. Des endroits où les mercenaires proposent leurs services et où des employeurs viennent chercher discrètement chaussure à leur pied. Parfois nous retrouvons des visages connus, d'autres mercenaires avec qui nous avons collaboré, une forme d'amitié se crée de temps en temps, utile lorsqu'un commanditaire veut recruter plusieurs personnes. Certains se constituent même en compagnie structurée, devenant de véritables petites troupes. Pour ma part, je suis une "indépendante", préférant les missions en solo histoire d'éviter de trop m'attacher à quelqu'un.

Je la remarque assez rapidement malgré sa tentative de passer inaperçue, le visage dissimulée sous une épaisse capuche. Mes sens sont surdéveloppés et son odeur heurte mes narines car elle est inhabituelle malgré le parfum qui tente de la dissimuler. Elle ne sent pas comme les autres, pas d'odeur forte de sueur, juste un parfum délicat bien différents de celui des vivants mêlé à celui, métallique, du sang. Je me crispe légèrement alors qu'elle s'approche vers moi et engage la conversation sans prendre le temps d'un salut quelconque.

Elle est franche et directe, semblant vouloir se débarrasser rapidement d'une tâche qui semble être une épreuve pour elle, ce qui signifie qu'elle n'est pas habituée à jouer les commanditaires. J'observe rapidement alentours pour vérifier qu'elle est effectivement seule avant de reporter mon attention sur elle.

Elle est plutôt petite, fine et gracile. Finalement ce n'est pas forcément étonnant qu'elle cherche la protection d'une personne telle que moi. Elle semble aussi pressée, sa mission doit être d'importance et urgente ce qui lui laisse peu de temps pour faire son choix.

L'argent n'est pas le moteur de ma motivation. A vrai dire je me contente de peu, dormant la plupart du temps à la belle étoile, chassant pour subvenir à mes besoins. Je ne comprends d'ailleurs pas l'adoration que les autres portent à ces petites choses brillantes qu'ils appellent "pièces" et pour lesquelles ils sont prêts à tout pour en obtenir le plus possible. La plupart du temps c'est la nature de la mission qui m'intéresse, mais il faut dire que la jeune femme est bien évasive à ce sujet. En temps normal j'aurai surement refusé, mais sa personne m'intrigue, éveillant ma curiosité.

Je l'invite alors à entrer dans la taverne, histoire qu'elle puisse m'offrir à boire.

- Allons à l'intérieur si tu veux bien. J'aime savoir contre qui je dois me battre si cela s'avère indispensable.

- Allons à l'intérieur si tu veux bien, répondit-elle, me prenant au dépourvu. J'aime savoir contre qui je dois me battre si cela s'avère indispensable.

Une mercenaire qui posait des questions ? Voilà qui ne me plaisait pas trop. Je devais rester prudente, mais je pouvais probablement la convaincre de me suivre. Je la suivis donc à l’intérieur de l’auberge et commanda deux bières, que je payais moi-même comme le voulait la coutume entre employeur et mercenaire.
Une fois servies et installées à une table je la regardait un peu plus en détail. Avais-je vraiment fait le bon choix ?

—Je ne peux pas t’en dire beaucoup, c’est une mission top secrète. Ce que je peux te dire c’est que je dois remettre les points sur les « i » avec quelqu’un et cette personne m’attend de pied ferme.

J’espérais avec cette phrase en avoir dit juste assez pour la convaincre sans trop en dévoiler. elle impliquait que la personne en question avait causé du tort à moi ou aux miens, ce qui allait dans mon sens et était la pure vérité. Il valait peut-être mieux qu’elle croie à une vengeance qu’à un règlement de comptes. La différence entre les deux était que le deuxième, c’était pour l’argent. Et c’était effectivement une question d’argent.
Maintenant qu’elle pouvais mieux me dévisager, elle verrait sûrement mon teint pâle, malgré que j’aie gardé ma capuche pour ne pas être reconnue. Je ne m’inquiétais pas pour mon vampirisme : à moins qu’elle n’ait un odorat sur-développé, elle ne pourrais pas deviner que j’étais une vampire. Je m’inquiétais plus pour mes vêtements. J’étais habillée en mercenaire mais avec mes vieux vêtements d’entraînement à l’épée agrémentés d’autres vêtement de mercenaire neufs. Si elle s’apercevait que ceux-cis étaient neufs, elle devinerait que je n’étais pas vraiment mercenaire.

Pour être franche c’est exactement ce que je souhaitais, que l’on puisse passer un peu plus de temps ensemble pour me permettre de l’évaluer un peu plus précisément.

Bon point pour elle, elle offre à boire avant de me répondre en donnant un peu plus de détail sur la teneur de la mission. A priori une manœuvre d’intimidation en vue de remettre quelqu’un à sa place, ce qui convient parfaitement à mes capacités. J’imagine d’ailleurs qu’elle ne m’a pas abordée complètement au hasard.

Mais finalement ce qui m’intéresse vraiment ce n’est pas la mission, mais bien elle.

Je bois ma bière d’un seul trait avant de m’essuyer la bouche du revers de ma manche. Son subterfuge aurait peut-être pu fonctionner, mais pas avec moi, mes sens sont bien trop développés pour qu’elle puisse me rouler dans la farine aussi aisément. Mais ce qui l’a trahi vraiment, c’est son odeur, une odeur que j’ai déjà rencontré auprès d’une certaine liche, une odeur que ne possède pas les vivants. Mais à la différence de Morndrizel, je peux percevoir le parfum métallique du sang qui se dégage d’elle. Et ça m’intrigue.

Je me laisse aller en arrière en croisant les bras tout en continuant à la détailler de mon regard charbonneux. Elle est plutôt mignonne de ce que je peux voir de son visage sous sa capuche, pas bien grande ni très épaisse.

Si cette femme est une mercenaire, alors moi je suis l’impératrice du Reike. Au-delà de ses vêtements, ses mains sont bien trop propres et fines pour appartenir à une mercenaire et ses manières mesurées n’ont rien à voir avec celles d’un soudard.

Ce qui signifie qu’elle me ment.

La prudence voudrait que je refuse ce contrat, mais je suis une curieuse invétérée et si cette femme a pris tant de soin pour essayer de dissimuler sa véritable identité cela signifie que son affaire doit être sérieuse.

Je me penche de nouveau vers elle, un léger sourire sur mes lèvres.

- Vendu.

Je lui tends la main pour sceller notre accord.

Je remarquai qu’elle buvait sa bière d’un seul trait, ce qui était un manquement de manières assez perturbant, mais d’autant plus perturbant, elle me toisait et me scrutait du regard, ce qui me mis mal à l’aise et me fit détourner les yeux.
Un sourire illumina mon visage quand elle accepta ma proposition, le sourire que j’avais l’habitude d’afficher et qui avait l’avantage de cacher mes dents.
Je lui serrai la main et me leva, car nous devions partir immédiatement.

—Très bien, je te propose donc de me suivre.

Je l’emmenai à la sortie nord de la ville et nous partîmes sur les routes en direction de Courage, où s’accomplirait ma mission. Bien sûr nous allions à pieds, c’était beaucoup plus discret ainsi, même si ça allait doubler le temps du voyage.
Pendant que nous marchions, nous avions tout le temps de discuter ; aussi pris-je la parole, espérant qu’elle serait plus bavarde que jusque là.

—Pardonne-moi mes questions mais je vais avoir besoin de connaître des compétences pour établir un plan d’action. Veux-tu bien me les décrire ?

Je profitais de ma question pour la regarder à mon tour. Elle n’avait pas une démarche discrète, mais plutôt puissante et élancée. Ses vêtements à elle avaient la trace de l’usure, et elle était probablement rompue au combat. J’avais bien choisi.

— Et puis, c’est toujours agréable de savoir avec qui on travaille ; tu as une histoire à raconter sur toi-même ?

Je doutais qu’elle ferait un bon repas : elle se défendrait probablement trop bien pour en valoir la peine. Mais j’avais pris l’habitude de chercher à connaître les gens pour savoir si iels deviendraient mes proies.
Bien sûr si elle me posais des questions en retour, je lui répondrai qu’elle pourrait poser toutes les questions qu’elle voudrait à notre retour.

Je garde sa main un peu trop longtemps dans la mienne, une main froide qui confirme en partie mes soupçons. Mais je ne laisse rien paraître pour l’instant, me contentant de la suivre alors qu’elle quitte l’établissement.

Elle est très pressée en tout cas, ce qui montre encore une fois l’urgence de sa mission. Heureusement mon paquetage est déjà prêt et je voyage léger. Nous prenons la route de Courage à pied et il faut que je ralentisse mon rythme car mes longues jambes me donnent un net avantage sur la petite vampire.

Il ne lui faut pas longtemps pour briser le silence et elle m’interroge sur mes compétences, ce qui est relativement logique. Connaître sa partenaire est indispensable pour être efficace en cas de situations délicates à affronter. Et j’ai vraiment l’impression que notre périple ne sera pas une promenade de santé.

- Je sais me battre, mais je pense que tu t’en étais rendu compte. J’ai combattu aux côtés des Reikois pour repousser les sbires des titans.

J’accélère alors légèrement pour me planter devant elle, plongeant mon regard charbonneux dans le sien.

- Mais j’ai d’autres talents.

Un léger sourire en coin.

Je pose un doigt sur mon nez.

- Mon odorat est bien plus développé que la moyenne.

Avant de montrer mon oreille droite.

- Tout comme mon ouïe. Sans compter ma vue.

J’avance un peu plus prêt comme pour humer son parfum.

- Je n’entends pas ton cœur battre et ton odeur est très inhabituelle, très différente de celle des vivants.

Je recule légèrement en croisant les bras sur ma poitrine.

- Tu as raison, la confiance est importante pour que nous fassions du bon travail ensemble. Alors si tu veux bien pour que nous puissions sereinement continuer cette mission, j’aimerai savoir qui se cache vraiment derrière ce costume de mercenaire.

Je fis une moue appréciative quand la mercenaire cornue annonça qu’elle avait combattu les sbires des titans, puis je m’arrêtais, la laissant se planter devant moi.

- Mon odorat est bien plus développé que la moyenne.

Merde.

- Je n’entends pas ton cœur battre et ton odeur est très inhabituelle, très différente de celle des vivants.

Re-merde.

- Tu as raison, la confiance est importante pour que nous fassions du bon travail ensemble. Alors si tu veux bien pour que nous puissions sereinement continuer cette mission, j’aimerai savoir qui se cache vraiment derrière ce costume de mercenaire.

J’étais tombée sur quelqu’un d’assez futé pour comprendre qu’il y avait anguille sous roche et elle me posait des questions. Je n’avais pas vraiment le temps de trouver quelqu’un d’autre et si elle était ainsi futée, elle pourrait trouver ma cible et lui poser des questions à lui, ce qui la tournerait contre moi. Je donc pas d’autre choix que de répondre.

—Très bien, mais ce que je vais te dire doit rester entre toi et moi. Ai-je ta parole ?

Je pris une grande inspiration quand elle eut confirmé et me lançai :

— Je suis une vampire. La plupart du temps je boit le sang d’animaux mais il m’arrive de tuer des humains pour me nourrir, quand ceux-cis seraient mieux morts. Cela comprend les gens qui font du mal aux autres et les gens qui ont une vie horrible. Tout ce que je peux te dire sur mon métier est que je suis une sorte de majordome. Mais bien entendu je sais me battre et j’effectue des missions dans l’ombre pour la personne qui m’emploie. C’est tout ce que je peux te dire. Acceptes-tu de continuer la mission avec moi ?

Si elle n’acceptait pas, je devrais probablement continuer seule : Nous n’étions pas loin de la ville mais nous avions déjà perdu beaucoup de temps.

J’avais vu juste, le joli minois me cache des choses et à priori elle n’a pas envie que ses secrets s’ébruitent. J’imagine que si elle n’avait pas été dans le besoin elle m’aurait planté là, mais apparemment sa mission ne peut pas attendre et elle n’a personne d’autre que moi sous la main.

—Très bien, mais ce que je vais te dire doit rester entre toi et moi. Ai-je ta parole ?

J’acquiesce d’un simple mouvement de la tête, l’écoutant avec attention.

Un vampire, ce qui explique beaucoup de choses, son cœur qui ne bat pas, l’odeur diffuse du sang que je peux percevoir derrière son parfum et sa peau vraiment très pâle. Elle s’empresse de préciser qu’elle choisit soigneusement ses proies pour se nourrir, j’imagine pour me rassurer sur le fait qu’elle ne va pas me planter ses crocs dans le cou lorsque je serai endormie.

Quant à son métier, majordome au service d’une personne qui doit être de haut-rang. Finalement cela ne diffère pas vraiment du métier de mercenaire, excepté qu’elle est employée à temps plein.

- Acceptes-tu de continuer la mission avec moi ?

Je l’observe un instant, comme si je pesais le pour et le contre. A vrai dire j’en profite surtout pour la détailler plus intensément à l’aube de ses nouveaux éléments avant de répondre.

- Ça me va.

Puis-je reprends la route comme si de rien n’était, attendant qu’elle me rejoigne pour lui parler de nouveau.

- Moi aussi j’ai tué, j’ai tué des créatures contre-nature, des créatures mortes qui ne devraient pas exister, animées par la magie du titan X’o.

De l’amertume dans la voix.

- Et maintenant je suis mercenaire, louant mon épée au service de ceux qui en ont besoin.

Un haussement d’épaules suivi d’un long soupir.

- Je suis plus forte et plus résistante que la moyenne et…

Je lève une main avant de claquer des doigts, générant une petite flamme.

- …je connais quelques petits tours.

Un sourire en coin et j’ouvre ma main, la flamme disparaissant aussi vite qu’elle est apparue.

- Et toi ? Qu’est-ce que tu sais faire ? Les majordomes çà ne se bat pas vraiment d’habitude.

Elle me jaugea un instant.

- Ça me va. Répondit-elle enfin.

Elle reprit sa marche et je dû presser le pas pour la rejoindre.

- Moi aussi j’ai tué, reprit-elle, j’ai tué des créatures contre-nature, des créatures mortes qui ne devraient pas exister, animées par la magie du titan X’o.

Elle crachait presque ces derniers mots.

- Et maintenant je suis mercenaire, louant mon épée au service de ceux qui en ont besoin.

Je hochais la tête.

- Je suis plus forte et plus résistante que la moyenne et…

Claquant des doigts, elle fit apparaître une flamme dans le creux de sa main.

- …je connais quelques petits tours.

La flamme s’éteignit et son regard se tourna vers moi.

- Et toi ? Qu’est-ce que tu sais faire ? Les majordomes çà ne se bat pas vraiment d’habitude.

—Et moi, j’ai appris à me battre pour pouvoir protéger mes employeurs. Crois-le ou non, ça a déjà servi. Plusieurs fois. Et ça me permet notamment d’effectuer des missions dans l’ombre comme aujourd’hui.

Je ne voulais pas étaler mes pouvoirs mais il fallait qu’elle me fasse confiance, je devais donc prendre le risque de lui révéler mes points forts.

—Je suis plus rapide que la moyenne, et plus précise aussi. C’est ça qui fait la majorité du travail quand il s’agit de me battre. Et moi aussi je connais des tours.

Je créai de longs amoncellements d’eau qui serpentèrent depuis mon corps jusque dans ma main pour former une boule unie. Ce petit tour me demandait beaucoup de concentration mais je réussit à l’exécuter correctement.

—Maintenant, repris-je, il nous faut mettre au point une stratégie de bataille. Tu es forte et solide, je suis rapide et agile. Tu pourrais donc tenter d’attirer l’attention sur toi et pendant que les ennemis sont ainsi concentrés, je les élimine en te tournant autour. C’est basique comme stratégie mais sans te connaître mieux, je doute de pouvoir créer plus efficace. Comment envisages-tu notre rencontre avec ma cible ? As-tu des suggestions ?

Finesse contre force brute, feu contre eau, on peut difficilement faire plus opposé que notre improbable duo. Nous verrons si cela se traduit par une complémentarité efficace ou non.

Je souris en coin en lui répondant.

- Habituellement eau et feu ne font pas vraiment bon ménage. Espérons que cela ne soit pas le cas entre nous.

Je la regarde bizarrement lorsqu’elle me parle de stratégie de bataille.

Pour seule réponse je dégaine l’épée de mon père dans un main et le sceptre de ma mère dans l’autre. L’épée est une arme lourde, à la lame massive faite pour écraser plus que pour trancher. Le genre à briser des os, provoquant des hémorragies internes et fatales. Quant à mon sceptre, il n’est pas juste là pour faire joli, lui aussi et lourd et massif, tout aussi utile pour fracasser des crânes. Des armes à l’image de mon style de combat, brutal et sans aucune subtilité.

Je lâche donc comme s’il s’agissait d’une évidence.

- Je rentre dans le tas et toi tu fais tes petits tours si ça te chante.

Un sourire en coin alors que je range mes armes à ma ceinture.

- Mais il vaudrait mieux pour ta cible qu’elle se tienne à carreaux non ?

Je la regarde un peu plus intensément.

- Tu n’as pas l’intention de le tuer sans discuter ?

Je stoppe brutalement pour lui faire face.

- Je suis une combattante, pas un assassin. S’il faut te défendre je le ferai, mais j’ai certain…

J’agite une main devant son joli minois.

- …principe même si j’ai parfois l’air d’une brute.

Je mets mes poings sur mes hanches pour la jauger.

- Alors j’aimerai que tu m’en dises plus sur cette fameuse cible et sur les mercenaires que nous allons devoir affronter.

Elle me regarda bizarrement avant de dégainer son épée et son sceptre, puis déclara sans retenue :

- Je rentre dans le tas et toi tu fais tes petits tours si ça te chante.

Elle rengaina ses armes.

- Mais il vaudrait mieux pour ta cible qu’elle se tienne à carreaux non ?

Elle tourna un regard dur vers moi.

- Tu n’as pas l’intention de le tuer sans discuter ?

S’arrêtant brutalement, elle me fit face avec une posture un peu menaçante.

- Je suis une combattante, pas un assassin. S’il faut te défendre je le ferai, mais j’ai certain… principe même si j’ai parfois l’air d’une brute.

Elle mit ses poings sur ses hanches.

- Alors j’aimerai que tu m’en dises plus sur cette fameuse cible et sur les mercenaires que nous allons devoir affronter.

Je pris le temps de rassembler mes idées. Il ne fallait pas que je la fâche. Je ne comptais effectivement pas « le tuer sans discuter », mais il avait fait une grosse bêtise, et je devais satisfaire madame Goldheart.

—Les mercenaires, je commençais avec eux pour gagner du temps, ils seront employés par ma cible pour le protéger. Si il y en a. à vrai dire, je ne sais même pas de quel pied il m’attend.

Je pris une profonde inspiration.

—Tout ce que je peux te dire, c’est que ma « cible » a envoyé continuellement des lettres enflammées à mon employeuse, et que celle-ci en a marre. Je dois donc Remettre les points sur les « i » avec cette personne, et si elle a compris les messages codés que lui a envoyé mon employeuse, elle sait que je ne viens pas pour négocier un mariage. Tu l’auras compris, je vais tenter de l’intimider. Méchamment. Et si il ne veut pas comprendre, je vais devoir le neutraliser. J’ai pour l’instant quelques idées de comment je vais pouvoir procéder, mais je vais continuer à réfléchir.

Je ne m’attendais pas à ce que notre duo soit aussi dissemblable. A priori nos points forts sont bien différents, je suis puissante, elle est agile, je maîtrise la magie du feu, elle celle de l’eau. Difficile de trouver là-dedans une quelconque synergie évidente. J’écoute donc avec attention le semblant de tactique qu’elle élabore, une moue dubitative s’inscrivant sur mon visage lorsqu’elle me demande mon avis.

- Donc si je te suis bien, tu veux que je me jette dans le tas pour attirer leur attention pendant que tu profites de la diversion.

Ce qui signifie que je devrai prendre des risques et potentiellement être blessée. J’imagine que cette perspective découragerait la plupart des candidats. Pourtant j’éclate de rire en lui donnant une tape amicale sur le dos.

- Ça me convient. De toute manière la subtilité n’a jamais été mon fort. Et puis d’ailleurs, mon rôle est de te protéger après tout, alors c’est normal que je fasse rempart de mon corps.

Un clin d’œil complice.

- En tout cas, j’ai adoré ton petit tour avec l’eau, mais si tu pouvais éviter d’éteindre ma flamme quand on en aura besoin.

J’éclate de rire avant de m’écarter d’elle pour reprendre notre route d’un pas vif.

- Tu penses qu’ils seront combien ? Ils auront des pouvoirs ?

Je suis forte et puissante, mais j’ai comme le sentiment que la personne que l’on doit punir n’est pas n’importe qui.

- Et tant que j’y suis, tu as prévu que l’on dorme où ? Personnellement j’ai l’habitude de camper à la belle étoile. Mais je ne dis pas non à un lit dans une bonne auberge sur la route.

Je la détaille de nouveau de haut en bas. Son accoutrement de mercenaire n’arrive pas à cacher des manières sans nulle doute raffinées.

- J’imagine que tu es habituée à un certain confort.

Finalement elle accepta ma mission et mon plan, ce qui fut un soulagement, non sans éclater de rire et me taper amicalement dans le dos au passage. Ça lui allait de se mettre en danger, tant mieux. Reprenant la route, elle me demanda combien je pensait qu’ils seraient et si ils auraient des pouvoirs. Avant que je ne puisse répondre elle enchaîna avec le sujet de dormir sous un toit ou non.

–Tu n’as pas tort, je suis habituée à un certain confort. C’est pourquoi nous allons dormir dans une auberge sur la route. En tant que responsable de ma sécurité, tu dormiras dans la même chambre que moi.

Et puis, il fallait que je m’attire sa sympathie, donc je lui payait le confort. Ça pouvait paraître risqué de se montrer comme ça, mais si on découvrais un groupe de deux personnes cheminant vers courage et qui essayait d’être discrets, ça ne passerait pas inaperçu. Il valait donc mieux ne pas se montrer discrets et faire semblant d’être des mercenaires voyageurs.

–Et d’expérience, ils seront entre trois et huit, suivant l’avarice et la confiance de ma cible. Les mercenaires avec pouvoirs sont plus chers donc on peut s’attendre à ce qu’il y en ait un ou deux.

Nous marchâmes ainsi toute la journée et le soir venu, nous arrivâmes en vue d’une auberge au bord de la route.

–Assieds-toi à une table et commande, je te rejoins plus tard, lui déclarais-je sur un ton ordonnateur.

Je ne voulais pas qu’elle pose de question et c’était le seul ton que j’avais trouvé pour cela. J’espérais qu’elle ne m’en voudrais pas. Je me montrerais plus sympathique dans la soirée.
Je partis ainsi chasser, passant en super vitesse dès que je me trouvais hors de vue de la route, et après avoir dévoré figurativement un chevreuil – nue à part pour mes bottes pour ne pas avoir à nettoyer mes vêtements, et après avoir pris le temps de correctement nettoyer toute trace de sang sur moi – je revins entrer dans l’auberge, cherchant la mercenaire du regard.

Madame est habituée à un certain confort. Je me retiens de rire surtout lorsqu’elle indique que je pourrai dormir dans sa chambre puisque je suis responsable de sa sécurité. Moi qui suis habituée à partager des dortoirs avec des militaires mal dégrossis cela ne me dérange par le moins du monde. Au moins je n’aurai pas à repousser d’éventuelles mains baladeuses.

La suite du voyage est assez monotone. Clairement nous n’appartenons pas au même monde et les sujets de conversation communs sont assez limités. Malgré tout sa présence n’est pas désagréable et, malgré son physique plutôt fluet, je dois avouer qu’elle marche d’un bon pas et sans se plaindre. Tant mieux, protéger une chochotte n’a jamais été mon rôle préféré.

Nous arrivons enfin à l’auberge tant désirée. Un de ces relais étape qui borde la route entre Liberty et Courage. Mais je n’ai pas vraiment le temps de m’installer que ma « cliente » m’abandonne utilisant un ton autoritaire qui ne me plait qu’à moitié. Puis elle s’éclipse sans même attendre une réponse, visiblement pressée de sortir. Je m’assieds donc à une table en soupirant, légèrement agacée d’être traitée de la sorte.

Une charmante serveuse se présente alors. Puisque je suis seule pour choisir et bien autant en profiter non ?

- Il me faudrait une chambre double pour la nuit.

Un sourire étire mes lèvres.

- La meilleure qu’il vous reste.

Ça lui apprendra à me laisser décider seule.

- Ah oui, et je voudrai que vous prépariez un bain bien chaud.

Le genre de luxe que je n’ai vraiment pas l’habitude de me payer.

- Mais avant…

Mon regard charbonneux navigue dans la salle.

- Deux portions de votre ragoût. Il a l’air délicieux et j’ai une faim de loup. Je prendrai aussi un pichet de bière.

Deux doigts qui se lèvent.

- Non deux !

Un geste vague en direction de la porte.

- C’est mon amie qui paie, elle ne devrait pas trop tarder.

Je me laisse aller dans ma chaise visiblement très satisfaite. Le repas arrive rapidement et le fumet du ragoût me donne l’eau à la bouche. Les deux portions sont généreuses, ce qui est indispensable pour satisfaire l’appétit d’une onie affamée de cent kilos. Quant aux bières, elles sont vite bues, tout comme les deux jumelles qui prennent rapidement la suite me plongeant dans une espèce d’euphorie salvatrice après une longue journée de route.

Lorsque la vampire revient, mes yeux sont brillants et je me lève pour l’accueillir.

- J’ai réservé une chambre.

Je lâche un clin d’œil complice.

- Et un bon bain. Il faudra juste que tu ailles payer tout ça.

Ma main qui montre les deux assiettes et les quatre pichets. J’espère qu’elle ne m’en voudra pas trop d’avoir fait des folies…

Je la trouvai assise confortablement dans une chaise et elle se leva quand elle me vit approcher.

- J’ai réservé une chambre, dit-elle avec un clin d’œil dont je ne compris pas le sens. Et un bon bain. Il faudra juste que tu ailles payer tout ça.

Elle désigna deux assiettes bien garnies, toutes les deux de son côté et quatre pichets de bière !

— Deux assiettes pour toi toute seule ? M’exclamai-je, abasourdie par la quantité qu’elle comptait manger. D’accord, ajoutai-je, alors je vais rien dire pour cette fois mais la prochaine fois, tu paieras tes consommations non indispensables avec ton propre argent, d’accord ? Si tu me coûtes trop cher, ça va me retomber dessus, ‘faut pas l’oublier ça.

J’espérais ne pas l’avoir froissée. J’allai payer, me commandant une petite assiette pour moi et revint avec une petite grimace à propos du prix.

— Bon, mangeons pendant que c’est chaud.

Je doutais de pouvoir tout manger, même avec une assiette faiblement garnie, ayant déjà l’estomac bien rempli de sang de chevreuil ; mais je me forcerais un peu pour éviter d’être découverte.
Je devais avouer que c’était bon, mais je pris mon temps pour manger, sans me rendre compte que j’usais de manières qui n’allaient pas avec mon déguisement.
Pendant ce temps je l’observais, elle et ses manières grotesques. Son joli nez, ses yeux brillants, ses mains guerrières. Elle vidait déjà le troisième pichet de bière ; ainsi se permettait-elle de boire en mission ? J’avais soudainement des doutes quand à mon choix de l’avoir engagée.

— Elle te plaît la bière d’ici ?

Il fallait que je sois discrète pour lui demander si elle comptais être sobre ou pas pendant la partie importante de la mission. Hélas je ne trouvai rien de plus discret que :

— Sois tout de même prudente avec l’alcool, il ne faudrait pas que tu me blesse en essayant de me protéger.

J’affichais tout de même un sourire ; je voulais qu’elle reste à l’aise. Si elle se montrait trop laxiste envers elle-même, je la recadrerai en temps voulu.
En attendant nous finîmes de manger et une jolie servante nous montra la direction de notre chambre dans laquelle se trouvait un bain rempli d’une eau bien chaude. Puisque le bain était prêt je me dis que j’allais en profiter quand la mercenaire aurait fini de se décrasser, quitte à demander de reverser un peu d’eau chaude dedans. Le bain était derrière un paravent, aussi pouvais-je lui laisser toute l’intimité dont elle avait besoin. De mon côté je me déshabillais pour me mettre en tenue plus confortable, et attendit qu’elle ait fini.