Ambition perverse et curiosité malsaine. Voilà ce qui amène l'éphèbe à la peau pâle et aux longs cheveux immaculés dans les régions sauvages du nord encore bien trop méconnues si ce n'est des locaux. Des barbares et des paysans illettrés pour la plupart, rien qui ne susciterait réellement son intérêt. Faut dire que le nord du Sekai est terriblement ennuyeux en dehors de Melorn. La cité rayonne de toute sa splendeur comme une étoile au milieu de la nuit noire. Pourtant, c'est en son âme et conscience qu'il s'aventure aujourd'hui loin des remparts de la Cité-État. Guidé par cette soif insatiable de connaissance et son obsession démesurée pour le pouvoir sous toutes ses formes, c'est dans les ténèbres insondables qu'il part chercher les réponses à ses questions. S'il a déjà un pied dans les tréfonds sinistres du Néant, il ne lui reste plus qu'à s'y abandonner complètement pour pouvoir amorcer sa renaissance.

Voilà plusieurs années qu'il a déjà entamé son voyage initiatique à travers le Sekai. Sillonner le monde pour parfaire sa maîtrise de la magie, pour voir, pour apprendre. Quitter son petit confort et faire des rencontres bien que toutes ne soient pas bonnes à partager. Et si son voyage l'amène généralement le plus loin possible de la cité elfique, certaines rumeurs entendu dans des hameaux ici et là, lui ont rapidement fait changer ses plans au sujet de sa prochaine destination. Le jeune garçon d'une famille aurait mystérieusement disparu l'hiver dernier. Tout comme le vieillard du village d'à côté qui avait pris la route pour rendre visite à sa nièce. Rien d'alarmant, simplement des cas isolés. Le nord est une région sauvage et sa faune relativement agressive à l'approche des premières neiges. Il est mention de bêtes sauvages mais pas uniquement. On parle de véritables monstres à l'apparence humaine qui sévissent dans la région une fois la nuit tombée. Des informations à prendre avec des pincettes évidemment et potentiellement à mettre sur un abus d'alcool ou une paranoïa collective. Néanmoins, c'est amplement suffisant pour convaincre l'elfe vagabond d'aller mettre son nez là où il ne devrait sûrement pas.

Eliëndir est arrivé aux abords de Préliah en fin d'après-midi, sur le dos de sa jument à la robe brune. Celle-ci transporte ses quelques affaires dans de lourdes besaces de cuir, il y a même une épée en acier elfique rangée dans son fourreau à portée de main. Qui a dit qu'un mage ne savait pas manier une lame ? Profitant d'un flanc de colline, il a une vue parfaitement dégagée sur le sinistre petit village que les nuages semblent constamment protéger des rayons du Soleil. Bien sûr, il ne peut passer à côté du vaste manoir lugubre à l'épicentre même des habitations. Au moins, il sait dans quelle direction il doit aller. L'été est déjà bien installé sur le Sekai, l'air est doux et malgré tout il y a ici un léger vent glacé à vous en donner des frissons dans le dos. Comme si une force supérieure cherchait à le dissuader de s'approcher plus près de ce village maudit. Il est particulièrement confus à ce moment précis, son instinct lui hurle de faire demi-tour et pourtant il est intimement convaincu qu'il est là pour une bonne raison. Hors de question de fuir son destion, il compte bien découvrir ce qui se cache dans ce lieu.

L'elfe atteint finalement le village juste avant la tombée de la nuit. Sa monture étant exténuée du voyage, il est trop tard pour faire machine arrière. Il va devoir passer la nuit quelque part dans ce paysage bien morose. Il déambule dans le village au rythme des sabots qui frappent contre le sol à chacun de ses pas. Curieux, un véritable silence de mort s'est installé depuis son entrée dans le village. Est-ce que cela a vraiment un rapport avec sa présence non désirée ou est-ce simplement l'ambiance naturelle de ce cimetière pour les vivants ? Autant dire qu'Eliëndir dénote sensiblement du paysage dans sa tunique de voyage claire et légère. De quoi le laisser parfaitement libre de ses mouvements sans étouffer pendant qu'il fait de la route. Naturellement, il rayonne de par sa présence. Au milieu de ce village, Eliëndir est comme une rose qu'on aurait délicatement déposé sur un tas de fumier puant.

Tenue:

Plus il s'enfonce dans la région, plus sa jument semble agitée. Fascinant de constater l'instinct phénoménal que peuvent avoir certains animaux face à certaines situations. Eliëndir peut sentir sa méfiance grandissante, alors il se penche en avant en venant calmement caresser l'encolure de l'animal d'une main bienveillante. Murmurant quelques mots dans sa langue natale, il s'exprime en elfique.

« Je sais, ma belle. Tout va bien se passer. »

De prime abord, on pourrait croire que l'elfe est complètement perdu et qu'il se contente de repérer à l'aveugle. Ce qui, pour être honnête, est absolument vrai. Plus tôt sur la colline, il a noté la présence d'un grand manoir et c'est exactement ce bâtiment qu'il cherche. Pourquoi celui-là en particulier ? Une intuition. Puisqu'il ne trouve pas âme qui vive susceptible de lui indiquer le chemin, il fait avec les moyens du bord. Et il se débrouille plutôt bien puisqu'il arrive enfin à destination. Le gigantesque manoir l'est encore plus maintenant qu'il l'a en face de lui. Une architecture aussi impressionnante qu'elle est glauque, la demeure du seigneur local peut-être ? Il va bientôt le découvrir.

CENDRES