13 Avril de l’an 5
Courage, République

Tard dans la soirée, le soleil commençait à doucement se coucher, disparaissant derrière cette masse de nuages naissante vers l’horizon, des nuages adoptant une magnifique couleur rosée, symbole d’un crépuscule haut en couleur. La distance qui séparait la villa d’Arès Wessex à sa plage privée était très courte, quelques centaines de mètres à tout casser mais, une forêt de chênes semblait s'étendre, marquant une séparation naturelle pleine de verdure, tout simplement magnifique. Et puis, cela ne gênait pas forcément le Maire de Courage, qui avait fait construire un immense bain privé dans son jardin, afin de pouvoir prendre du bon temps, lors des jours de forte chaleur. La bâtisse, d’un blanc immaculé, était entretenue chaque année, pour toujours briller de mille feux, que ce soit sous l’ardent du Soleil ou, sous la délicatesse de la Lune. Les fleurs dessinant bon nombre de motifs, éparpillées sur l’intégralité de son domaine, montraient déjà une forte coloration, jonglant entre le jaune, le rouge, le bleu, le violet et, bien entendu, leurs différentes nuances, offrant un magnifique spectacle à quiconque posait les yeux dessus.

Arès lui, fils bâtard de Nuvian Wessex, se prélassait tranquillement dans le salon de son imposante demeure. Malgré l’avancée dans le printemps, le Maire prit soin d’allumer un feu dans sa cheminée, afin de se réchauffer, tandis qu’il lisait paisiblement des ouvrages récupérés dans la bibliothèque de sa mère, neuve année en arrière. Ce n’était rien de bien intéressant, simplement des livres fantaisiste Reikois, expliquant comment Tensai Draknys, premier empereur de la Dynastie éponyme, avait réussi à mettre à mal un Titan et, avait fondé la ville d’Ikusa, qui était aujourd’hui la capitale du Reike. Comme il s’en doutait, ce n’était que des sauvages, bons à mettre en cage. Les reikois, tout comme les shoumeïens ou les hybrides, n’étaient pas spécialement sa tasse de thé mais, parfois, il y avait des exceptions.
Notons Kieran Ryven, chez les Limiers, une personne qu’il appréciait particulièrement pour sa joie de vivre et sa bonne compagnie, malgré ses origines. Klak-Klak, le petit dragonnet du Razkaal qui était un hybride, même si plus particulier. Cela n’empêchait pas Arès d’éprouver une certaine affection pour lui. Enfin, Léonora, une jeune femme qui, d’après ce qu’il savait, avait des origines shoumeïenne. Cela n’empêchait en rien le fait qu’elle était d’une compagnie agréable. Enfin, ces trois-là avaient un point commun non négligeable, ils étaient tous républicains.

La lecture d’Arès fut dès lors interrompue par des frappes sur la porte de bois massif permettant l’accès à son salon. Le regard océanique du fasciste se déroba alors du brasier dansant dans la cheminée, pour se reporter en direction de la source de cette onde sonore. Il ne savait pas réellement qui osait le déranger à une heure pareille mais, il avait déjà une petite idée. Du moins, il espérait que ce soit cette idée. Sa voix résonna alors dans l’intégralité de la pièce, indiquant à la personne se trouvant de l’autre côté de la porte de pénétrer dans le salon du bâtard elfique.
Hélios Blazewhril fit son entrée, de retour de Justice. Il était l’un des Protecteurs d’Ébène à la solde d’Arès et, sans doute l’un des plus efficaces, étant dans la ligne de mire du Maire pour un jour, devenir le chef de cette Milice. Il était vêtu d’une armure d’un noir complet, comportant quelques traits bleutés et surtout, une cape ornée de fourrures sur les épaules, dont le blason Blaiddyd était dessiné dans le dos. Un geste d’Arès, puis Hélios vint se poser délicatement sur l’un des sièges composant le salon de la demeure. Arès se vautra dans son assise, prêt à écouter son soldat, tout en le jaugeant du regard.

Le blondinet ancra son unique prunelle d’azur dans le regard de son interlocuteur, puis porta l’une de ses mains devant sa bouche, tout en se raclant la gorge. Dans son pourpoint, il plongea une main, sortant une enveloppe vide, comportant le cachet de la famille de Hengebach, preuve que sa mission avait été accomplie avec succès. Il l’épia quelques secondes, avant de finalement la tendre à Arès, laissant un bref sourire s’emparer de son expression faciale. Le Maire s’empressa de l’analyser, puis se confirma à lui-même que c’était le bon cachet.
« Monsieur le Maire, comme vous pouvez le voir, la lettre a été remise en main propre à Dame de Hengebach, comme vous me l’avez demandé. Je dois vous avouer avoir pris quelque temps avant de trouver sa demeure, tant la ville de Justice m’est totalement inconnue. Enfin, elle a pu me confirmer qu’elle viendrait à Courage pour l’inauguration du Musée et, qu’elle acceptait votre invitation, le matin même du 20 Avril de cette année. Une calèche l’attendra à l’entrée de la ville pour la conduire directement ici-même. » Expliqua Hélios, tout en observant son chef, qui lui, épiait plus en détail la lettre.

D’un geste sec, Arès jeta la lettre cachetée par Léonora dans le brasier, animant davantage les flammes qui dansaient de joie par l’acquisition de ce nouveau carburant. Il observait les flammes consumer entièrement la lettre, avant de finalement reporter son attention sur Hélios, qui se tenait toujours là, alors que sa mission était d’ores et déjà terminée.
« Un problème ? » Demanda le Maire, d’une voix tranchante et froide.

Le Blazewhril hocha calmement la tête, de haut en bas, avant de se racler de nouveau la gorge. Avait-il peur ? Oui, en même temps, son interlocuteur n’était pas réputé pour sa douceur ou son sens de la compréhension.
« Eh bien… C'est-à-dire que… Comment dire… Lorsque j’étais à Justice, j’ai entendu une conversation et je… Enfin… Vous savez… » Marmonna le Protecteur.

« Parle ! » Ordonna Arès. Le ton employé fit sursauter son interlocuteur, qui se leva immédiatement.

« J’ai entendu dire qu’il y avait des convois à Justice, en provenance de Courage, qui transportaient des matières illicites et... » Argumenta le blondinet, relevant fièrement le menton. Arès se pencha en avant, décollant son dos du dossier de son assise, puis tapa du poing sur la table se trouvant devant lui.

« Disparaît ! » Cracha-t-il.


20 Avril de l’an 5
Courage, République

Le Soleil continuait son avancée dans le ciel azur en cette douce matinée printanière du mois d’Avril. Arès Wessex lui, était dans le hall d’entrée de sa villa, finissant ces quelques préparatifs pour la réception de ce soir, ayant lieu au Musée du Courage. Alors qu’il n’eût pas le temps de se préparer convenablement, ne portant qu’une simple chemise bleue et, un pantalon noir, le voilà surpris par les claquements des fers de chevaux, ainsi que les clapotements de roue de bois sur le parvis de sa demeure. Non, il n’avait pas oublié la venue de Dame Léonora, simplement, il ne pensait pas la recevoir de sitôt. Enfin, peu importe, il était présentable en toute circonstance de toute façon. Le sourire aux lèvres, Arès réajusta le col de sa chemise, puis déposa les documents qu’il avait en main, dans les bras de sa servante. Il lui lança un bref regard, accompagné d’une expression faciale tout ce qu’il y avait de plus sérieuse.
« Allez donc déposer cela sur mon bureau et, prévenez le personnel de cuisine, qu’ils commencent à préparer le nécessaire pour satisfaire la moindre demande de mon invité. » Ordonna le Maire, tandis que sa servante continuait de l’observer avec attention. « Allons, arrêtez de me regarder comme ça et faites ce que je vous dis ! Je ne vous paie pas simplement pour que vous me dévoriez du regard ! » S’exclama-t-il, la voix portante.

Surprise, la servante sursauta, tout en faisant tomber quelques documents qu’Arès lui avait gentiment donnés. Son regard fuyait, elle regardait ailleurs, tandis qu’elle en profita pour réajuster la position de ses lunettes.
« Pardonnez-moi, Monsieur Wessex. Je vais ramasser cela de ce pas et, prévenir le personnel de cuisine. » Répondit-elle, gênée. Puis elle ramassa les documents, avant d’exécuter la demande du maître des lieux. Arès la regarda de travers, avant de se mettre en marche vers la sortie.

Le Maire, après quelques pas, se retrouva à l’extérieur de sa modeste demeure, après avoir passé deux portes. Désormais les pieds sur le parvis de marbre, le regard océanique du bâtard elfique se dirigea directement en direction de la magnifique calèche, faite d’un bois aussi sombre que la nuit, sur lequel était détaillé le blason de la famille Blaiddyd, en rouge. Généralement, les personnes naviguant dans ce genre de voiture étaient soit, des hauts placés de la Mairie Couragéenne, soit des proches du Maire. Aujourd’hui, c’était une invitée de marque qui se présentait à sa demeure : Léonora de Hengebach. Une femme dont Arès avait fait la connaissance plus tôt, dans une arène de combat clandestin. Cocasse, n’est-ce pas ?
Quoi qu’il en soit, le Maire, accompagné d’Hélios, qui se trouvait toujours à ses côtés, descendait les marches de marbre, en direction de ladite calèche. Un magnifique sourire fendit son visage elfique, tandis que le cocher ouvrît la porte de la voiture, laissant l’opportunité à la Dame de descendre. Ce dernier accompagnait les mouvements de la brune, en l’aidant.

Quand le Maire arriva devant son invitée, il se contenta, dans un premier temps, de la jauger du regard, laissant ses prunelles océaniques se perdre dans les yeux clairs de l’ancienne shoumeïenne, devenue républicaine. Il lui fit un bref sourire, sans en faire trop, puis prit la parole en premier.
« Dame Léonora, je vous remercie d’avoir pris la peine d’accepter mon invitation et de venir jusqu’à moi. Comme vous le savez, le Musée du Courage, que j’espère pouvoir vous faire visiter, ouvre ses portes cet après-midi. J’espère également que vous avez fait bonne route depuis Justice. Je ne m’inquiète pas trop de la partie se trouvant entre les murs de la cité de Courage cependant. » Déclara Arès, tout en faisant quelques pas en arrière. Il tourna légèrement la tête en direction d’Hélios, puis lui fit un simple mouvement de haut en bas. Ce dernier lui rendit le même mouvement, puis parti en direction des jardins. Arès laissa le temps à son interlocutrice de répondre, puis il se retourna et, commença à marcher, avec Léonora à ses côtés.

En premier lieu, il l’emmena sous le kiosque gisant au centre de son jardin, permettant une vue imprenable sur une grande partie de ce dernier. Il s’agissait du même endroit que celui où il avait conclu un précieux contrat avec la Sénatrice de Casteille, devenue depuis, Ambassadrice de la République. Il tira une chaise puis, invita Léonora à prendre place, tandis qu’il alla s’installer face à elle. Un serviteur était présent et, il n’attendait qu’une seule chose, une demande du maître des lieux. Mais, ce dernier ne lui accorda aucune attention, il se contenta d’abord de laisser son regard océanique glisser dans les prunelles de l’ancienne shoumeïenne, accompagnées d’un bref sourire.
« Désirez-vous boire quelque chose, Dame Léonora ? Nous avons de tout ici et, plus particulièrement, un thé dont les feuilles ont été cueillies ici même. » Demanda Arès. Il attendit la réponse de son interlocutrice, puis indiqua à son interlocuteur de lui en faire venir deux, le plus rapidement possible.

Leonora lisait une nouvelle fois l'invitation que l'homme en armure lui avait tendue une semaine plus tôt. Le papier vieilli, orné de l'écusson du maire de Courage, Wessex Arès. Elle connaissait à peine ce personnage influent de la ville, pas forcément réputé pour sa passion pour l'histoire et l'art. L'invitation était formelle, adressée spécifiquement à elle pour l'inauguration du musée qui ouvrait ses portes ce même jour.

Recevoir une telle invitation était une nouvelle occasion pour Leonora de faire des rencontres intéressantes qui pourraient enrichir son carnet mondain. Depuis l'attaque de Liberty et l'arrestation de Zelevas, ce genre d'opportunités s'étaient faites plus rares. La vie mondaine de Leonora, autrefois animée par une succession d'événements prestigieux et de conversations captivantes, avait été marquée par ces événements troublants. Les soirées brillantes et les réceptions étaient devenues des événements moins fréquents, pour ne pas dire inexistants. Finies les conversations qui tournaient souvent autour des récentes secousses politiques et des intrigues judiciaires plutôt que des sujets légers et frivoles qui dominé le monde social auquel elle n’appartenait pas mais qu’elle subissait parfois à la GAR.

Mais aujourd'hui, en tenant cette invitation entre ses mains, Leonora sentait le retour à la normalité mondaine. Elle espérait que cette inauguration du musée serait une occasion de renouer avec des cercles sociaux influents et de découvrir de nouvelles perspectives. Peut-être même pourrait-elle recueillir des détails sur les derniers développements à Courage, tout en ajoutant de nouvelles connaissances à son réseau. Elle prit une profonde inspiration, ajusta sa tenue qui n’en avait pas besoin avec soin. Cette soirée promettait d'être à la fois un retour aux plaisirs de la vie sociale et une opportunité de reprendre sa place parmi les cercles influents.

Jusqu'ici, tout semblait relativement ordinaire. Cependant, ce qui suscitait une intrigue particulière chez Leonora était la partie de l'invitation où elle était également attendue ce matin-là chez ce même Wessex Arès, issue d'une des plus grandes familles de la République. Pourquoi ce rendez-vous supplémentaire ? Les invitations personnelles de cette nature n'étaient pas courantes, surtout venant d'une personnalité tel que lui. Son esprit vif échafaudait déjà toutes sortes de scénarios possibles. Peut-être avait-il des projets ambitieux pour le musée qui nécessitaient son soutien? Ou peut-être voulait-il discuter de questions plus délicates liées à leur rencontre pas tout à fait commune ? Quoi qu'il en soit, Leonora savait que les Wessex étaient réputés pour leur influence et leur sens aigu des affaires. Elle se préparait déjà à la discussion qu’elle pourrait échanger avec le maire de Courage, essayant de lire entre les lignes et de saisir les subtilités de ce qui serait potentiellement une rencontre décisive pour son avenir.

Elle arriva enfin sur le lieu du rendez-vous. La demeure était exceptionnelle, reflétant la grandeur et le prestige associés aux grandes familles de la République. L'architecture imposante et les jardins soigneusement entretenus témoignaient du raffinement et du pouvoir de celui qui y vivait. Leonora remarqua immédiatement la présence de deux hommes qui l'attendaient. Le premier, imposant et distingué, avait une aura naturel qui ne laissait aucun doute sur son statut. Wessex Arès lui-même. À ses côtés se tenait un homme plus discret qui lui ouvrit la porte de la voiture sombre en lui proposant son aide en lui présentant une main gantée que Leonora ignora simplement. Elle descendit de la calèche avec toute la grâce et l'assurance et la froideur qui lui étaient propres. Son regard ne balaya pas l'élégance des lieux, malgré l'architecture et des jardins soignés. Elle le salua, inclinant légèrement la tête en signe de respect et de reconnaissance.

Monsieur Wessex, dit-elle d'une voix assurée mais respectueuse. Je vous remercie pour votre aimable invitation. C'est un honneur pour moi d'être ici aujourd'hui.

Son expression était empreinte de courtoisie et d'une certaine distance. Elle attendait de voir comment Arès allait réagir, voulant sonder cet homme aujourd’hui, dans des circonstances bien différentes que précédemment. Elle le suivit  à travers les jardins luxuriants jusqu'au kiosque, où une table élégamment dressée avec des chaises l'attendait déjà, entourée d'un personnel discret. L'atmosphère était imprégnée d'une tranquillité sereine, le murmure de vagues lointaines et le parfum des fleurs ajoutant une touche de charme à cet endroit privilégié.
Leonora s'installa à la table, prenant place avec une aisance naturelle. Arès lui proposa une collation raffinée, et Leonora accepta avec un sourire poli.

Un thé sera parfait. Et le serviteur se hâta.

Elle profita de l'absence momentanée du serviteur pour aborder directement le sujet qui l'intriguait depuis qu'elle avait reçu son invitation. Avec une courtoisie impeccable, elle posa la question sur les raisons précises de cette invitation en sa demeure personnelle.

Monsieur, commença-t-elle d'une voix douce, Je suis honorée de votre aimable invitation. Cependant, je ne peux m'empêcher de me demander quel est le motif derrière cette rencontre dans votre demeure personnelle. Je suis curieuse de savoir ce qui a motivé votre désir de me recevoir ici aujourd'hui.

Elle le regarda attendant sa réponse, cette question directe révélait son désir de comprendre pleinement les intentions du Wessex.

« Appelez-moi Arès, s’il vous plaît, Dame Léonora. » Annonça le Maire de Courage. Voici quels étaient ses premiers mots en réponse au « Monsieur » prononcé par la douce voix de son interlocutrice. Maintenant, il était face à un nouveau problème, dès le début de cette conversation. Expliquer à sa délicieuse interlocutrice la véritable raison de sa présence dans ces lieux, pourtant si personnels au bâtard des Wessex. En réalité, ce n’était pas la première fois qu’il faisait venir une femme chez lui, heureusement. Mais, habituellement, seules celles avec qui il devait faire affaire était invitée dans sa villa. Autrement, elles étaient directement conviées dans ses appartements en ville, afin de… jouer au scrabble.
« J’avais envie d’en apprendre davantage sur vous et sur votre manière de penser. Voyez-vous, je n’ai pas trouvé notre première rencontre disons… appropriée ? Oui, cela semble être le bon mot. Alors, je me suis dit qu’il était préférable de vous convier directement dans ma demeure, en espérant que cela ne vous offense pas, bien évidemment. Mais, j’aime apprendre à connaître mes partenaires d’aventure. C’était aussi le cas pour le Drakyn qui vous accompagnait. » Expliqua Arès, la voix portée par le vent soufflant dans le kiosque.
« Si vous le désirez, vous pourrez également prendre le repas en ma compagnie et, par la suite, je vous emmènerai directement au Musée du Courage à dos de Griffon. Cela vous évitera un nouveau voyage désagréable et certainement barbant en calèche, n’est-ce pas ? » Continua Arès, tout en esquissant un léger sourire sur le coin de ses lèvres.

Le majordome revint après quelques instants, juste à la fin de la prise de parole du Maire, avec les thés demandés plus tôt par les protagonistes. La chaleur, même au mois d’Avril, pouvait être épuisante. Fort heureusement, le climat maritime offrait un certain vent de fraîcheur qui, en l’instant, venait s’abattre entre les rambardes du kiosque, emmenant avec lui quelques pétales des fleurs réparties dans le jardin du bâtard des Wessex. Arès se redressa alors pleinement dans son assise, prenant soin de mettre son dos bien droit, puis sirota une première fois le contenu de sa tasse. Un délicieux thé dont les feuilles provenaient de la propriété Wessex directement. Une boisson dont le Maire était naturellement très fiers. Durant quelques instants où les protagonistes profitaient pleinement du bruissement naturel des arbres et de l’écume maritime, Arès jaugeait discrètement son interlocutrice du regard, sans dire un mot. Il désirait simplement profiter.

Une fois la tasse de thé terminée, Arès déposa le contenant de porcelaine sur la table, puis se leva délicatement, tout en regardant son invitée. Son regard océanique alla directement se loger dans les yeux du majordome, qui attendait bien sagement à côté de la table. « Pouvez-vous aller prévenir le personnel de cuisine qu’il y aura un couvert supplémentaire pour le déjeuner, s’il vous plaît ? Et, faites le nécessaire pour qu’Hela soit prête à transporter deux personnes lorsque nous irons à l’inauguration du Musée du Courage. Je vous remercie. » Fit-il poliment à son sous-fifre.
Une politesse qui, naturellement, ne lui allait pas du tout au teint. Son interlocuteur arqua même un sourcil lorsqu’il entendît les paroles du Maire. Fort heureusement, la belle Léonora ne pouvait pas voir l’expression faciale de cet homme, qui lui tournait le dos. « Bien entendu, Monsieur Wessex, ce sera fait. » Répondit-il tout aussi poliment, en s’inclinant même légèrement, en guise de salutations, avant de disposer.

Le bâtard elfique s’approcha ensuite de son invitée, puis lui tendit une main délicate, afin de l’aider à se relever. Une fois cela fait, il plongea son plus beau regard dans les prunelles de son interlocutrice, puis laissa son visage se fendre d’un sourire presque charmeur. Oui, il était clairement en train de la draguer et, ça se voyait certainement. À vrai dire, même quand il essayait de faire des efforts, il ne pouvait s’empêcher de ne pas être trop direct. Parfois, cela pouvait lui porter défaut, parfois pas. Il n’y avait plus qu’à espérer que cela ne dérangeait pas de trop son interlocutrice.
« Si vous le voulez bien, Dame Léonora, j’aimerais vous emmener sur la plage, afin que nous puissions discuter tranquillement. » Déclara Arès, marquant une légère pause avant de rapidement se reprendre. « Ne vous en faites pas, c’est une plage privée, nous y serons tranquilles et, si l’envie vous y prend, vous pourrez même tremper vos pieds dans l’eau. Je vous le conseille fortement d’ailleurs, la température de la mer est forte agréable par cette période de l’année qui est aussi chaude qu’humide. » Ajouta-t-il, ne pouvant s’empêcher de paraître beauf. Enfin, il le serait seulement si Léonora avait au moins un enfant, mais cela, il ne le savait pas. Remarquant une nouvelle connerie, Arès n’ajouta rien, puis attendit la réponse de son interlocutrice, avant de la guider directement vers le lieu souhaité.

En arrivant sur la plage, Arès ne put s’empêcher d’enlever ses mocassins, pour deux raisons. La première était qu’il voulait sentir la douceur du sable contre ses pieds, mais aussi les tremper dans la mer. La seconde était qu’ils n’étaient absolument pas agréables, tant ils étaient serrés. Une phrase lui échappa même, dans un murmure délicat dont il espérait que son interlocutrice ne l’entendit pas : « Bordel de merde, on y est aussi serré que dans un trou du cul d’enfant de Chœur. » Oui, il espérait sincèrement qu’elle ne l’avait pas entendu. Heureusement pour lui, l’écume océanique était suffisamment bruyante pour atténuer la moindre de ses paroles pouvant être déplacées.
Par la suite, il releva légèrement son pantalon, afin que celui-ci lui arrive aux genoux, puis alla directement mettre ses pieds dans l’océan. Il sentait la chaleur atténuante de l’eau contre son corps et alors, il se retourna en direction de celle qu’il avait invitée, attendant de savoir si elle désirait le rejoindre ou non. Il parvint même à lui adresser un sourire naturel et véritablement sincère. Et puis merde, mais elle est vachement bonne, l’eau.

Leur rencontre précédente, marquée par des circonstances particulières, avait laissé une impression durable sur Léonora et Arès. Il sentait qu'il y avait quelque chose de plus à découvrir chez elle, quelque chose qui l'intriguait profondément. Il décida donc de faire un pas en avant et de mieux la connaître. Après tout, pourquoi pas? Cette curiosité mutuelle pourrait bien mener à des découvertes inattendues et enrichissantes. Cependant, elle ne s'était pas attendue à ce genre de réponse. Puisqu'il avait plus ou moins perçu ou compris son potentiel, elle avait imaginé qu'il lui proposerait un contrat. Cette surprise la déstabilisait quelque peu, mais elle décida de rester ouverte à cette opportunité inattendue. Peut-être que cette approche différente ouvrirait des portes qu'elle n'avait pas envisagées retrouver aussi rapidement.
Et maintenant qu'elle se trouvait ici, à Courage, chez le Maire, elle accepta son invitation à déjeuner avec lui. Après tout, cette rencontre pourrait être déterminante pour son avenir. Après le repas, ils se rendraient ensemble à l'inauguration du Musée d’unne façon assez originale d’après l’ex Shouméïenne. Cette journée, marquerait peut-être le début d'un nouveau chapitre dans la vie de Léonora.

La jeune femme profita de quelques instants de tranquillité dans la beauté des jardins, savourant la tasse de thé qui lui avait été apportée. En cette période de l'année, la brise était la bienvenue pour atténuer la chaleur qui commençait à devenir étouffante. Les fleurs en pleine floraison et le chant des oiseaux créaient une atmosphère apaisante, lui permettant de se ressourcer un bref instant. Elle se contentait parfaitement du silence qui s’était installé entre eux, puis leurs regards se croisèrent lorsqu’enfin ils eurent fini la petite collation.
Après avoir annoncé à son majordome que Léonora resterait pour le repas, Arès l'invita à se lever en lui tendant la main. Délicatement, elle reposa la serviette de table près du service en porcelaine, puis se leva seule, sans aucune aide, ignorant la main si galamment offerte. Elle pouvait très bien le faire sans aide, elle n’était pas impotente. Ignorant la main tendue par Arès, elle se redressa avec assurance, prête à suivre le Maire, démontrant ainsi son indépendance et sa détermination sans pour autant se montrer incorrecte avec lui.

Arès voila à peine son intérêt pour elle. Nous y voilà donc, peut être la réelle motivation de cette invitation. Il cherchait clairement à la courtiser et de façon direct, sans détour. Son regard et son sourire, sa manière de se tenir et de parler ne laisser aucun doute sur ses intentions. Ce qui était très étrange lorsque l’on connaissait le parcourt du personnage. Un facho notoire qui, selon les rumeurs (qui n’en étaient pas), crachait continuellement sur les réfugiés Shouméins, entre autre. Léonora ne se démonta pas et restait indifférente à ses approches aux yeux de l'homme. Il devra redoubler d’effort s’il souhaite ne serait-ce qu’une légère inclination en retour.

Elle accepta néanmoins de le suivre jusqu'à la plage. Qu'elle soit privée ou non n'y changeait rien, ou peut-être qu'il était mieux ainsi. La possibilité d'une conversation libre, sans oreilles indiscrètes, ajoutait une touche de confort à la situation. Tandis qu'ils marchaient côte à côte, le bruit des vagues se mêlait à leurs pas sur le sable alors qu’Arès se mit à l’aise pour profiter du moment. Le vent marin caressait doucement le visage de son invitée, apportant avec lui l'odeur salée de la mer. Après  Ils s'installèrent sur le rivage, là où l'écume blanche venait lécher le sable.
Après une brève hésitation, elle imita Arès qui s’était mis à l’aise pour profiter du lieu en toute décontraction. Elle retira ses chaussures, puis, discrètement, ses bas pour plonger ses pieds dans l'eau. La fraîcheur de l'eau lui arracha un léger frisson, mais elle apprécia la sensation vivifiante. Le contraste entre la température de l'eau et la douceur du sable sous ses pieds était agréable. Par politesse, elle fit semblant de ne pas entendre la phrase d'une grossièreté affligeante. Elle se concentra plutôt sur la vue magnifique qui s'étendait devant elle, laissant le bruit des vagues et la brise marine apaiser son esprit. Arès, quant à lui, semblait avoir déjà oublié son écart de langage. Elle choisit de se concentrer sur les aspects positifs de cette promenade, en tentant d’apprécier la compagnie et le cadre paisible, tout en se promettant de ne pas laisser un commentaire déplacé gâcher son plaisir en rendant un sourire plus réservé pour sa part.

Vous bénéficiez d’un cadre privilégié, Monsieur Wessex. C'est vraiment magnifique, ajouta-t-elle, ses yeux parcouraient l'étendue de sable, les vagues qui venaient se briser doucement sur le rivage et l'horizon où le ciel se fondait avec la mer, une admiration non dissimulée dans la voix. C'est un endroit spécial, j’espère que vous savez l’apprécier. Elle tourna son visage vers lui, les yeux emplis de curiosité.

Les pieds dans l’eau, laissant la fraîcheur de l’Océan l’envahir petit à petit, les vagues d’une intensité faible caressant ses jambes, le corps du demi-elfe fut envahi d’un long frisson. Mais, pour une fois et, il en était bien rare, le Maire de la circonscription Couragéenne souriait. Pas un sourire bête, ni un sourire forcé, loin de là. Il s’agissait d’un véritable sourire, intimant à sa compagne du jour, si elle le voyait, qu’il était heureux du moment qu’il partageait avec elle. Il était ravi d’être loin de toutes ces responsabilités, que ce soit de chef de la plus grande ville portuaire du Sekai où, directeur d’une des entreprises les plus florissante de cette dernière. Quoi qu’il en soit, maintenant son sourire dessiner généreusement sur ses lèvres, Arès tourna légèrement la tête pour plonger son regard, dont la couleur reflétait parfaitement l’éclat de l’eau qui était à leurs pieds, dans celui de son interlocutrice.
« Oui, je dois dire que je suis un homme plutôt chanceux. La vie m’a apporté beaucoup de choses que je n’imaginais pas possible il y a encore quelques années. Peut-être le fait d’avoir beaucoup travaillé pour en arriver ici n’est pas anodin. » Répondit Arès, se passant de répondre tout autre chose. Comme par exemple -pas autant que vous-, ce qui aurait certainement été déplacé. Il aimait, parfois -souvent- faire le beauf, mais pas tout le temps, heureusement.

« Et, oui, il est aussi très spécial pour moi. C’est sur cette même plage que mon paternel, Nuvian Wessex, m’avait emmené lorsque j’étais enfant. Et, une fois devenu moi aussi un Wessex, j’ai décidé d’y bâtir une demeure, afin de… ne pas oublier d’où je viens. Je me rends souvent ici, pour ne pas dire tous les jours, à vrai dire. Je vous raconterais bien mon histoire, mais je ne pense pas que ce soit le moment. À vrai dire… je ne vous ai pas fait venir par simple hasard. » Expliqua le Maire de Courage, tout en reportant une nouvelle fois son regard azur vers l’horizon. Il réfléchissait dans le but de soigneusement choisir ses prochaines paroles pour ne pas faire de faux pas, pour ne pas dire quelque chose qu’il regretterait par la suite.

Le bâtard elfique fit quelques pas en arrière, laissant le sable doux caresser ses pieds, puis se racla brièvement la gorge, avant de se mettre en marche le long de sa propriété, accompagné de la belle Léonora. Pendant quelques instants, il ne disait rien, ne prononçait pas le moindre mot. Non, il ne faisait que réfléchir. Après tout, il ne savait pas grand-chose d’elle, alors, il devait être calculateur et, anticiper la moindre des réactions désagréables. Il devait faire comprendre ce pour quoi elle était là, sans passer pour un opportuniste. Après tout, ce n’était pas ce qu’il souhaitait être. Cette fois-ci sans sourire, il ne la regarda pas. Peut-être n’osait-il pas ? Non, ce n’était pas le genre du fils Blaiddyd, un homme assez rentre-dedans qui n’hésitait pas vraiment à dire les choses. Et puis, devait-il vraiment entrer dans des conversations plus personnelles alors que son interlocutrice l’appelait encore « Monsieur Wessex » ? Oui.
« Dame Leonora, j’ai cru comprendre que vous n’étiez pas tout à fait Républicaine mais, plutôt originaire du Shoumeï. Je vous rassure tout de suite, je n’ai absolument aucun problème avec cela, même s’il est normal que vous en pensiez le contraire. C’est vrai, je suis un politicien du Courant Optimate, mais cela ne m’empêche pas de sympathiser avec des… personnes comme vous. Et, avant tout, je tiens à vous dire que, si je vous demande de venir avec moi au Musée, ce n’est pas pour me montrer en public avec une étrangère et, me mettre l’opinion public dans la poche. À vrai dire, je m’en contrefiche de tout cela, de l’opinion publique, des politiciens Optimate. » Argumenta-t-il, marquant une légère pause avant de vite se reprendre.
« Enfin, je préfère avant tout vous prévenir que ce n’est en aucun cas de l’opportunisme. Je ne devrais pas, mais, par mes expériences personnelles, je préfère prévenir. Que les journalistes aillent se faire… voir. » Continua le Maire, passant la main sur son front, par peur d’avoir dit une bêtise.

Il ne pouvait pas appréhender la réaction de Léonora, ni même savoir si elle allait décider de partir ou non, après ce qu’il venait de dire. Il espérait qu’elle resterait et qu’elle comprendrait sa méfiance, mais aussi qu’elle le pensât sincère. Après tout, il l’était vraiment. Il n’y avait aucune mauvaise intention derrière ses paroles et la présence d’une shoumeïenne sur son domaine privé. Et puis, merde, il fallait bien qu’il avoue qu’elle n’était pas vilaine, cette étrangère. Bon, ok, il détestait tout type d’étranger et, encore une fois, l’opinion publique, il n’en avait rien à branler, maintenant qu’il était élu Maire de Courage pour tout un mandat. Alors, il n'avait rien à se reprocher que de vouloir essayer de passer du bon temps avec son interlocutrice. Et puis, que pourrait-il arriver de si dramatique, dans cette magnifique ville, bien loin des frontières avec l’ancienne Shoumeï et le Reike ? Des étrangers qui débarquent en bateau ? Ça n’existe pas ça.

Arès confirme sa chance de vivre dans un cadre aussi idyllique, soulignant subtilement l'attachement sentimental qu'il semblait avoir pour cet endroit. Ses paroles, bien que prononcées avec une fausse légèreté, laissaient entrevoir une profondeur émotionnelle liée à ce lieu. Léonora, attentive, perçut ce sous-entendu, mais elle préféra ne pas s'y attarder, gardant ses pensées pour elle-même puisque lui même ne souhaitait pas s’étendre sur le sujet, peut être par pudeur ou que tout simplement, cela ne regardait pas la jeune femme.

ils marchèrent côte à côte le long de l'eau, le silence entre eux soulignait comme elle le craignait, la gravité de ce qui allait être dit. Arès se préparait à lui dévoiler les véritables raisons de sa présence chez lui. Il prenait son temps, pesant soigneusement ses mots, conscient du caractère délicat du sujet. Un homme tel que lui, une femme telle qu'elle... Léonora commença à deviner ses intentions au fil des mots. Peut-être cherchait-il à adoucir son image en s'associant à une native de Shoumeï, désormais naturalisée Républicaine. Cette alliance pourrait servir à renforcer sa position, et elle savait que cette rencontre n'était pas le fruit du hasard.

Cependant, à l'écoutant, la jeune femme se rendit compte que le discours d'Arès se voulait rassurant. Contrairement à ce qu'elle avait imaginé, il n'attendait pas d'elle qu'elle adoucisse son image auprès des citoyens. Ses mots, choisis avec soin, semblaient sincères. Il voulait qu'elle comprenne que sa présence à ses côtés n'était pas motivée par une simple stratégie politique ou sociale. Tout en restant prudente, elle commença à réévaluer ses premières impressions, intriguée par les véritables intentions d'Arès.

Léonora soutint le regard qu’Arès venait de poser sur elle.

J'apprécie votre honnêteté. Pour être sincère à mon tour, je pensais vraiment que ma présence ici était destinée à travailler votre image, peut être la rendre moins… dure. Je pensais que vous souhaitiez une collaboration. Que nous nous affichions ensemble. Ce ne serait pas la première fois qu'un politique lui demanderait d'être à ses côtés. Mais d’après ce que vous sous entendez, vos intentions vont bien au-delà des apparences. N’est-ce pas ?

Léonora poursuivait, son ton légèrement plus assuré.

J'avais quelques appréhensions, Monsieur, je l'avoue. Mais je veux bien vous croire, j'ai le désir de vous penser sincère avec moi et que vous excuserez les doutes que j’ai pu éprouver. Cependant… Elle ramassa un joli petit coquillage bleu, sa couleur fétiche. Elle l’examina une fraction de seconde avant de resserrer le poing pour le conserver et soutenir son regard à nouveau. Cependant, à l'avenir, je vous prierai de ne pas parler des Shoumëens, des réfugiés ou de moi-même en ces termes, ou du moins, pas en ma présence. "Des personnes comme vous"… Sommes-nous si étranges à vos yeux, si différents ? Alors que nous pourrions être une richesse…

Aussitôt, elle lui sourit doucement. Ne répondez pas, je ne devrais pas parler ainsi.

Elle reprit la promenade et son regard invita l’homme à la suivre. Le silence s’installa de nouveau alors qu’ils marchaient quelques mètres. La brise se fit légèrement plus forte, agitant les jupes de la Hengebach qu’elle retint en posant une main sur le tissu.
Permettez-moi de vous demander à nouveau. Quelle est donc cette raison, Monsieur ?

Comme il s’en doutait et -parce qu’il est très intelligent-, le Maire de la circonscription Couragéenne avait anticipé les craintes que pouvait ressentir Leonora en venant jusqu’à lui. Il était donc, naturellement, heureux de s’être justifié au plus tôt sur ses véritables intentions, pour ne pas qu’il y ait, plus tard, de scène malaisante entre les deux protagonistes. Dans le cas où Dame de Hengebach n’était pas certaine de la sincérité du demi-elfe, ce dernier était prêt à ne pas se montrer en public en sa compagnie durant cette journée d’inauguration, vouée à démontrer la gloire de cette magnifique nation qu’était la République.
En tout cas, il souriait grandement en comprenant que son interlocutrice n’allait pas fuir face à ses paroles, aussi mal dosées que bien choisies, apparemment. Enfin, il souriait grandement, mais sans croiser le regard de la belle, par crainte qu’elle ne le voit. Alors, il détourna naturellement son visage en direction de la forêt séparant cette plage de sa demeure, à l’opposé de Leonora.

Par politesse, il attendit que Leonora finît sa prise de parole pour répondre à son tour et, il allait le faire étape par étape, naturellement. Il ne fallait pas aller trop loin dans ses explications et surtout, il voulait à tout prix dissimuler la véritable raison de la venue de la Shoumeïenne ici. En fait, non, il s’en foutait. Il était un homme politique et donc, de facto, il avait tendance à être direct et cela, il n’allait pas manquer de le dire. Il replaça son regard océanique face à lui, puis jeta un bref coup d’œil à la Hengebach, avec un bref sourire.
« Mon image est telle qu’elle est et, très honnêtement, je n’ai pas la moindre envie de la changer. Je me moque éperdument de ce que les gens peuvent penser de moi et, visiblement, je n’ai pas besoin de plus la soigner qu’habituellement, sinon, je ne serais pas Maire de Courage. Enfin, je suppose. » Répondit Arès, marquant une légère pause pour prendre une grande inspiration.

« Aussi, je ne suis pas un goujat, jamais je ne demanderais à une femme aussi belle que vous d’apparaître à mes côtés en public, simplement pour me faire mousser et pour soigner les apparences. La politique est une chose, mais je refuse que cela ait un quelconque impact sur ma vie privée. Même si, au poste que j’occupe actuellement, cela est extrêmement compliqué. Après tout, je ne suis pas un citoyen lambda, c’est un fait. » Continua le Maire, espérant soigner suffisamment ses mots pour que ceux-ci ne soient pas perçus comme trop tranchants. Et puis, il ne l’était pas, en tout cas, pas pour lui. Il n’avait pas la moindre intention de se montrer offensif.

« Bien entendu, je vous prie de m’excuser. J’ai tendance à être direct et à ne pas peser mes mots, malgré le fait qu’ils aient été réfléchis avant de sortir de ma bouche. Je ne veux pas vous manquer de respect, Leonora et, si tel a été le cas, je m’en excuse sincèrement. » Avoua-t-il, marquant une légère pause, avant de continuer dans sur le même sujet. « Il n’y a absolument aucun mal, Leonora. Mais, oui, il est préférable d’éviter ce sujet. J’ai grandi sous le joug de la famille Wessex et, de facto… enfin, il est inutile que je m’étale davantage sur cette lancée, je pense. » Continua Arès. Oui, il était fier de sa nation et non, jamais il n’admettrait que le moindre shoumeïen pourrait inculquer sa culture à son propre peuple. Personne ne pouvait changer le fonctionnement du Maire de Courage, personne ne pouvait parvenir à le faire changer d’avis sur les étrangers. Que ce soit les shoumeïens ou, les reikois. Déjà, il n’avait rien contre les races non-humaines, ce qui était un grand pas.
En réalité, il ne tolérait que très peu d’étranger. Ce bon vieux Kieran Ryven, qu’il voyait de plus en plus comme un ami, malgré ses origines, raciales ou nationales. Et, il y avait son interlocutrice, Leonora, qu’il appréciait grandement sans même savoir pourquoi.

Il était maintenant temps de s’attaquer à une pente bien glissante, un terrain dangereux. La raison de la convocation de dame Leonora en ces lieux. Eh bien, il avait une sincère envie de faire sa connaissance, d’en apprendre plus sur elle. En réalité, elle l’avait surpris, lors de leur première rencontre et, aucun doute qu’il était difficile de surprendre Arès. Maintenant, il fallait trouver les bons mots pour ne pas faire de gaffe. Il s’arrêta alors, alors qu’ils marchaient encore une seconde plus tôt, puis fit un signe de la tête à son interlocutrice, tout en regardant vers l’horizon.
« La raison de votre venu ? Bien sûr. Comme je vous l’ai dit plus tôt, j’ai l’habitude d’être direct alors… je vais l’être. Vous m’avez tapé dans l’œil, Leonora, alors je vous ai fait venir pour en apprendre davantage sur vous et sur votre personne, voilà tout. Mais surtout, je n’ai pas la moindre intention de vous mettre mal à l’aise. J’aimerais passer cette journée qui m’est spéciale en votre compagnie. À la suite de l’inauguration du Musée, il y aura celle du Parangon de Justice et, nous prendrons le large. J’espère que vous accepterez de m’accompagner. Et, je ne vous parle pas d’accompagner le Maire de Courage, non, ni Arès Wessex. Je vous demande d’accompagner Arès Blaiddyd. Et surtout, j’insiste, mais appelez-moi Arès s’il vous plaît. » Annonça alors Arès, avec un sourire non dissimulé.

La politique, un sujet que Léonora et Arès n'aborderaient que rarement, et il n'était pas nécessaire d'expliquer pourquoi. Leur réticence mutuelle à aborder ce thème sensible se manifestait dans leurs échanges. Lorsque la conversation s'en approchait, Arès montrait clairement que le sujet ne devait pas être abordé, préférant détourner la discussion vers des sujets plus légers. La réaction d'Arès aux questions que Léonora considérait pourtant comme légitimes, notamment sur les Shouméïens, en était une preuve flagrante. Son refus d'approfondir ces sujets délicats trahissait une volonté de préserver une certaine harmonie entre eux, en évitant les débats potentiellement houleux. Ce qui était une bonne chose et, à la fois, très regrettable. D'un côté, cela permettait de maintenir une certaine sérénité dans leurs échanges, évitant les conflits inutiles. Mais de l'autre, cette absence de dialogue sur des sujets importants laissait un vide, une impression d'inachevé. Léonora ressentait une frustration sourde, le sentiment que ces non-dits creuseraient un fossé entre eux, les empêchant de se connaître pleinement. Elle se demandait si, un jour, ils oseraient affronter ces discussions épineuses ou si, au contraire, ils continueraient à les éviter, sacrifiant une part de profondeur dans leur relation amicale.

Aussi, elle baissa la tête lorsque le Maire de Courage lui dit ouvertement qu'elle était belle. Certes, elle n'ignorait pas qu'elle pouvait plaire, mais cette remarque la mit légèrement mal à l'aise. La franchise était une qualité qu'elle appréciait, mais elle avait aussi un goût pour la retenue, pour les mots choisis avec délicatesse. Ce compliment, bien que sincère, manquait de cette subtilité qu'elle valorisait. Cependant, elle comprenait que c'était dans la nature d'Arès d'être direct, sans détour ni fioriture. C'était une part de son caractère qu'elle respectait. Ce qui se confirma lorsqu'il ajouta qu'elle lui plaisait. Le ton de sa voix, aussi direct que sa précédente remarque, laissa peu de place à l'interprétation. Léonora sentit un léger frisson parcourir son échine, partagée entre la flatterie et une gêne qu'elle avait du mal à dissimuler. Elle releva timidement les yeux vers lui, cherchant à comprendre ce qui se cachait derrière cette déclaration. Arès, fidèle à lui-même, la fixait avec intensité, sans la moindre trace d'hésitation. Elle savait désormais qu'il ne mâcherait jamais ses mots, préférant une honnêteté brute, même si cela bousculait les conventions auxquelles elle était habituée.

Elle avait déjà perçu, dès son arrivée, l'intérêt manifeste qu'il lui portait, mais cette fois, le doute ne subsistait plus. Les indices subtils, ces regards prolongés et cette attention particulière qu'il lui accordait, avaient doucement préparé le terrain. Cependant, entendre ces mots de sa bouche rendait la situation plus tangible, plus réelle. Arès ne se contentait plus de laisser planer le mystère ; il lui révélait clairement ses intentions. Léonora, bien que légèrement gênée ou troublée par cette déclaration, ne pouvait nier que cette franchise dissipait toutes les incertitudes qu'elle avait pu entretenir.

Elle ne releva pas la remarque et reprit simplement la marche, préférant laisser le silence s'installer. Tandis qu'ils avançaient côte à côte, elle porta instinctivement la main à son visage pour retirer du bout des doigts les mèches de cheveux que le vent avait libérées. Le mouvement, simple et naturel, lui permit de reprendre contenance, de se recentrer sur l'instant présent. Elle laissa le murmure des vagues et le rythme de leurs pas sur le sable guider ses pensées, choisissant de ne pas se précipiter dans une réponse ou une réaction qu'elle n'était pas encore prête à formuler. Elle préféra donc ne rien dire. Le silence qui suivit n'était pas lourd, mais chargé d'une compréhension tacite entre eux, en acceptant ce non-dit comme un accord silencieux. La retenue était parfois la meilleure réponse, surtout lorsque les émotions étaient encore en train de se définir.
Après un moment de réflexion, elle prit la parole.

J'accepte vous accompagner, Arès. Cependant, il me serait difficile d'accompagner quelqu'un d'autre que le Maire, le Wessex lors d'une inauguration. Elle marqua une pause, cherchant les mots justes.  Mais je saurai me mettre en retrait lorsque cela sera nécessaire, n’ayez crainte.
Son regard se posa sur lui, déterminée à trouver un équilibre entre son rôle officiel et la discrétion que la situation pouvait exiger.

Arès ressentit cette légère gêne dans le regard de son interlocutrice, malgré le fait qu’il tenta d’être subtile dans ses propos directs. Enfin, il pouvait bien en tirer quelque chose de positif, comme par exemple, le fait que la belle l’appela enfin Arès et non, Monsieur Wessex. En tout cas, il lui fit un léger sourire, avant de, de nouveau, détourner son regard de celui de Leonora. Gêné lui aussi, il passa sa main droite sur sa nuque, pour la frotter légèrement, puis porta son regard océanique en direction du sol sableux. Un léger souffle du vent souleva en un nuage de poussière, la douceur du sable.
« Je comprends, il est difficile de dissocier ma personne de mon rôle de Maire, surtout lors d’une apparition publique. Mais, je ferai en sorte d’être le moins possible embêté par les nobles un peu trop pompeux de la ville. La haute noblesse, ce n’est pas ma tasse de thé, pour tout vous dire. » Expliqua Arès, marquant, de nouveau, une légère pause. « J’en suis certain, mais il n’est pas non plus nécessaire que vous vous cachiez. Après tout, vous êtes mon invitée, Dame Leonora, il serait dommage que je ne vous voie pas durant l’entièreté de l’inauguration. » Continua le bâtard elfique, avant de se remettre en marche.

« Oh ! Peut-être voudriez-vous que l’on retourne dans ma demeure ? J’aimerais vous montrer quelque chose. » Déclara le demi-elfe, attendant avec impatience la réponse de son interlocutrice. Une fois cela fait, il lui fit un léger signe de la tête, lui intimant de la suivre. Arès replaça alors son bas, de manière à couvrir ses jambes en totalité, puis se rechaussa et enfin, il se mit en marche en direction de la grande demeure Blaiddyd. De nouveau, ils passèrent dans la petite forêt séparant la maison de la plage. Ce n’était l’affaire que de quelques minutes de marche, à l’air frais, à l’abri des rayons menaçants de l’astre solaire.
Arès était heureux du moment partagé avec Léonora et, même plus que cela, il parvenait à pleinement profiter du moment, en mettant de côté l’inauguration prochaine et le discours qu’il n’avait pas préparé -et ça se voit- pour le Parangon de Justice. Il écoutait le chant des oiseaux, le bruissement des feuilles résonnant dans toute cette étendue forestière.

Une fois arrivé dans le jardin, Arès continua de mener son invité au travers de celui-ci, passant dans les petits chemins dessinés entre les fleurs, toutes aussi fleuries les unes que les autres. La main d’Arès passa discrètement sur le bout des pétales, qu’il éraflait pour cueillir une fleur bleue, qu’il gardait dans la main pour plus tard. Au lieu de se diriger vers la maison, le Maire alla en direction des écuries. Une fois à l’intérieur du bâtiment, une bâtisse faite de bois, abritant exactement trois chevaux. L’un avait un pelage fin et aussi noir que la nuit, avec des yeux légèrement teintés d’orange. Les deux autres étaient identiques, appartenant certainement à la même portée. Ils étaient d’un blanc maculé magnifique, semblant presque étincellent. Le cheval noir était à Arès et, les autres, pour les invités.
« Avez-vous déjà fait du cheval, Leonora ? Je pense que oui, comme tout bon noble républicain. Prenez donc Esprit, c’est le Blanc, il est très gentil. » Fit-il, faisant un geste de la main pour designer l’un des deux blancs.

De son côté, Arès enjamba directement son propre cheval, Hadès. Il ne perdit pas de temps et montra qu’il était extrêmement à l’aise avec ce genre d’animal. Il laissa le temps à Leonora de se préparer, après tout, il y avait tout ce qu’il fallait, aussi bien en vêtement qu’en protection, à portée de main. Puis, une fois qu’elle était sur Esprit, Arès plongea son regard océanique dans les yeux de la belle, puis lui fit un léger sourire.
« Vous pouvez passer devant, si vous le désirez. Vous êtes libre d’aller où vous le souhaitez. » Annonça le Maire de Courage.

Arès proposa de rentrer. Léonora, qui profitait pourtant de la douceur de la plage, n’hésita pas et accepta. Après tout, Arès était chez lui, et elle ne serait pas surprise s'il avait tout prévu. Elle le suivit sans discuter, se demandant ce que cette matinée réservait encore. Elle remit simplement ses chaussures, glissant discrètement ses bas dans l'une de ses poches. Leurs pas laissèrent des traces éphémères sur le sable, tandis qu'elle se préparait à découvrir la suite des intentions d'Arès. Ils s'engagèrent ensuite sur un sentier qui les mena à travers une forêt dense et ombragée. Les arbres imposants formaient une voûte au-dessus de leurs têtes, filtrant la lumière du soleil. Le silence était seulement troublé par le vent dans les feuilles sous leurs pas, tandis qu'ils avançaient côte à côte, chacun plongé dans ses pensées.

Après avoir quitté la tranquillité de la forêt, ils retrouvèrent finalement le jardin, où les couleurs vives des fleurs contrastaient avec l'ombre des arbres qu'ils venaient de traverser. Cependant, à la surprise de Léonora, au lieu de se diriger vers la demeure comme Arès l'avait laissé entendre plus tôt, ils prirent un chemin différent. Sans un mot, Arès la conduisit vers les écuries, situées un peu à l'écart du jardin principal. Les bâtiments dégageaient une atmosphère rustique mais soignée. Intriguée par ce changement de plan, elle se demanda ce qu'Arès avait en tête. Les chevaux, paisibles et élégants, les observaient avec curiosité alors qu'ils approchaient. Ils étaient trois, alignés dans l'écurie. Chacun des chevaux, au pelage lustré et aux yeux vifs, semblait prêt à partir à l'aventure. Arès, d'un geste, désigna les montures devant eux et se tourna vers Léonora, l'invitant à se saisir de l'une des deux montures blanche.

On la lui prépara avec soin, les palefreniers s'assuraient que tout soit parfait pour elle. Cependant, Léonora réalisa rapidement qu'elle n'avait pas la tenue adéquate pour monter. Elle n'avait pas prévu de s'adonner à l'équitation ce jour-là. Heureusement, sa malle de voyage contenait quelques vêtements de rechange puisqu’elle avait prévu de se rendre dans une excellente auberge en fin de soirée puis de rester quelques jours à Courage. Entre l'eau de mer qui avait imprégné ses vêtements et l'odeur de cheval qui ne manquerait pas de s'ajouter, elle savait qu'un changement de tenue serait indispensable avant le repas avec Arès et surtout pour l'inauguration du musée.  

La selle posée ne lui permettait pas de monter en amazone, ce qui aurait été plus confortable étant donné sa tenue. Cependant, Léonora ne se laissa pas décontenancer. Elle posa le petit coquillage sur le bord d’une barrière puis, ne trouvant rien d'adapté parmi les effets de prêt, elle se contenta d'emprunter une simple paire de gants, appréciant au moins cette protection pour ses mains. Lorsque Arès fit une remarque sur les cavaliers nobles républicains, Léonora releva les sourcils, légèrement piquée par ses propos. L’idée que seuls les Républicains excellaient en équitation la fit sourire intérieurement. En Shoumeï, l'équitation faisait partie de son éducation depuis sa tendre enfance. Arès, probablement ignorait cette facette de sa vie, allait bientôt découvrir qu'elle était bien plus à l'aise à cheval qu'il ne l'imaginait, même dans une tenue inadaptée.

Mais certainement, j’espère que vous saurez vous montrer indulgent avec la simple personne que je suis..

Le jeune palefrenier, observant la scène avec un mélange d'admiration et de nervosité, proposa son aide, mais Léonora refusa poliment. Elle flatta le flanc de l’animal avant le lui susurrer quelques mots. Elle monta sans difficulté, malgré la taille imposante de l'animal et sa propre stature plus petite. Avec une assurance tranquille, elle ajusta ses jupes du mieux qu'elle put, veillant à conserver une allure digne malgré les circonstances. Une fois prête, elle se mit à la hauteur d'Arès, son regard déterminé croisant le sien. Prête pour ce qui allait suivre, elle lui fit un léger signe de tête, indiquant qu'elle était prête à partir et lança.

Je vous laisse nous guider, Arès. Vous êtes sans doute le mieux placé pour me conduire là où il vaut la peine d’aller, comme tout bon noble Républicain. Impressionnez-moi…

IL y avait là dans ces derniers mots, un défit lancé par la jeune femme. Tant bien que pour les paysages que pour la performance. A lui de décider s’il allait entrer dans son jeu, ou pas, tout en piquant son orgueil à son tour.

« Vous n’êtes pas une simple personne, Leonora. Personne n’est simple dans notre merveilleuse Nation. » Répondit Arès, un léger sourire aux lèvres. S’il disait cela, ce n’était pas spécialement pour flatter Leonora, mais plus par le biais de ses propres expériences passées. Effectivement, chaque personne avait sa propre manière d’être et ses propres complexités et, le bâtard des Wessex voyait en cela un hobby. Il aimait déchiffrer les personnes qu’il rencontrait, en apprendre plus sur elle et surtout, tenter de percer leur mystère.
Que de belles paroles, non ? Bah, ça, ce n’était qu’à moitié vrai, étant donné qu’il faisait cela que par intérêt. Soit chez ses amis, soit chez ses adversaires, pour connaître les points faibles de chacun et être capable de les utiliser. Bien entendu, il n’était pas fourbe au point de le faire lors d’une rencontre comme celle-ci, non. Il n’était pas un sociopathe à ce point-là non plus et puis, ce n’était pas dans son intérêt.

La jeune femme, désormais sur son cheval, semblait lancer un défi à Arès. Elle voulait, de ce que comprenait le Maire, voir l’étendue de la noblesse de ce dernier. Elle n’allait pas être déçue. Même s’il n’avait pas grandi dans la misère, il n’avait pas non plus grandi dans la noblesse mais, en tant que bon fils d’un membre d’une grande famille, il connaissait cette dernière sur le bout des doigts, ce qui lui valut une rapide ascension parmi les nobles de Courage dès son arrivée dans cette magnifique ville portuaire. Cependant, s’il voulait vraiment lui faire une visite, il savait que le plus spectaculaire n’était pas de partir à cheval, non, loin de là. Alors, il accorda un léger sourire à son interlocutrice, un sourire en coin de lèvre, comme signifiant qu’il acceptait son défi.
« Alors, vous voulez être impressionnée ? Très bien. Suivez-moi, dame Leonora. » Déclara le Maire de Courage, tout en faisant avancer son cheval.

Il savait parfaitement où diriger son interlocutrice pour l’impressionner et, pour lui donner des sensations fortes. Les protagonistes partirent donc sur les chemins tracés en plein milieu des fleurs, comme pour leur venue, mais, cette fois-ci, il ne prenait pas la même direction. Arès semblait vouloir détourner sa demeure pour se rendre sur la façade est, celle donnant une vue imprenable sur les massifs montagneux qui juxtaposait Courage. Non, non, son domaine n’était pas au pied de celui-ci, il n’était pas énorme à ce point, cependant, il savait comment s’en approcher facilement. Il dirigea donc son cheval au travers des chemins pour finalement arriver dans un vaste champ, non loin de son manoir.
Il se retourna vers Leonora, toujours avec un modeste sourire fendant son visage elfique, puis siffla bruyamment. Il ne sifflait pas de manière hasardeuse, non, il semblait créer une véritable mélodie envoûtante pour les oreilles. Et, ce n’était qu’après quelques secondes, qu’une ombre majestueuse, dessinée sur le sol, pointa le bout de son nez. Puis, un cri strident et, la créature atterrit. Son plumage, d’un noir de jais profond, semblait absorber le moindre rayon solaire osant s’aventurer sur lui. Ses yeux d’un bleu profond fixaient Leonora tandis que son bec était dirigé en sa direction.

« J’espère que vous n’avez pas peur de voler, Leonora. » Annonça-t-il, maintenant son sourire sur le coin de ses lèvres. -Et non, il parle bien de voler dans les airs, il se doute qu’une shoumeïenne n’a pas froid aux yeux lorsqu’il s’agit de voler des choses sur un marché-. Il descendit de son cheval, Hadès, puis s’approcha de son interlocutrice d’un pas assuré, avant de lui tendre la main pour l’aider à descendre. Elle la prenait si elle le souhaitait, même si, il serait vexé qu’elle refusât son aide. Une fois les deux protagonistes au sol, Arès emmena Leonora proche du Griffon qui venait de se présenter à eux, puis il le caressa au niveau du haut de sa tête.

« Je vous présente Hela. C’est… mon Griffon personnelle. Je sais que je vous avais déjà proposé de nous rendre au Musée à dos de Griffon mais… vous semblez vouloir me défier, alors il va falloir en assumer les conséquences. Mais, je vous en prie, montez sur son dos. Vous voulez du spectacle, vous allez en avoir. » Fit le Maire, tout en aidant la belle à monter sur Hela. Oui, monter sur un cheval était une chose, monter sur un Griffon en était une autre. Mais, pas de problème pour les braves et, une fois que Leonora était bien installée sur le dos de Hela, Arès monta à son tour, agrippant deux touffes de plus se trouvant devant lui.
« Accrochez-vous, dame Leonora. » Demanda-t-il gentiment, avant de se pencher un peu plus en avant.

« Fais-nous voyager, Hela. » Intima Arès, dans l’une des oreilles de sa créature, qui s’envola aussitôt. Elle prit immédiatement de la hauteur, quelques dizaines de mètres, puis elle se mit en route en direction de la ville de Courage, fendant les airs de ses ailes de jais. Ils allèrent se poser un instant au sommet de la tour Wessex, pour inverser leur place. Ainsi, c'était à Leonora de les diriger où bon lui semblait dans le ciel de Courage.

Léonora suivit Arès le long d'un chemin bordé de fleurs, admirant brièvement la beauté des lieux à hauteur de cheval tout en gardant son esprit concentré. Ils quittèrent bientôt la tranquillité de ce sentier fleuri pour emprunter un autre chemin, plus sauvage, où la nature semblait avoir repris ses droits. Le terrain devenait plus accidenté. Ils finirent par atteindre les abords d'un vaste champ, où l'herbe haute ondulait sous la brise. Léonora, attentive aux moindres mouvements d'Arès, se tenait prête, convaincue qu'il avait décidé de répondre à son défi tacite. Elle sentait l'excitation monter en elle, prête à tester ses compétences contre celles de son hôte. Le moment de vérité approchait, et elle savait qu'Arès ne résisterait pas à l'envie de prouver qu'il était à la hauteur.

Alors qu'elle s'apprêtait à lancer sa monture à vive allure, Léonora sentit l'excitation monter en elle. Elle était prête à montrer au Maire de Courage que les natifs de Shoumeï pouvaient être tout aussi talentueux, sinon meilleurs, à cheval que les Républicains. Ses mains fermement agrippées aux rênes, elle inspira profondément, anticipant la sensation grisante du vent contre son visage.
Elle fut soudainement surprise par un sifflement. Arès se mit à souffler une mélodie entre ses lèvres. La douce mélodie, légère contrastait avec l'intensité du moment qu’elle s’était imposée. Intriguée, Léonora se relâcha pour l'écouter.
Léonora observa Arès, perplexe face à ce sifflement mystérieux. Elle ouvrit la bouche pour lui demander ce qu'il faisait, mais à ce moment précis, une ombre passa au-dessus d'eux. Instinctivement, ils levèrent la tête, et Léonora aperçut une créature majestueuse planant dans le ciel. C'était un griffon, avec ses ailes imposantes et sa silhouette puissante.

Elle se demanda si c'était le fameux griffon dont Arès lui avait parlé plus tôt, à son arrivée. La bête semblait répondre à son appel, comme si le sifflement d'Arès était une manière de communiquer avec elle. Léonora sentit un frisson d'excitation à cet animal, se demandant quelle autre surprise Arès pouvait encore lui réserver. Il n'avait manifestement pas pour objectif de lui montrer ses compétences équestres. Il semblait vouloir l'impressionner, lui montrer toute l'étendue de ce qu'il possédait, comme pour lui prouver son pouvoir et son influence. Léonora ne put s'empêcher de penser que ce n'était pas ce qu'elle recherchait. Une simple course à cheval dans ce cadre sauvage aurait largement suffi à la satisfaire. Cependant, elle devait admettre que le coup du griffon était une surprise inattendue. Voir cette créature répondre au sifflement d'Arès l'avait déconcertée, et même si elle préférait la simplicité pour un tel moment, pour apprendre à se connaître, elle ne pouvait nier l'effet qu'un tel spectacle avait sur elle. Malgré tout, elle se demandait vraiment ce qu'il attendait de cette rencontre avec tout cet étalage.

L'animal aux plumes noires se posa avec grâce près d'eux, déployant ses ailes majestueuses avant de les replier avec élégance. Arès démonta sa monture. Léonora, toujours captivée par le griffon, descendit également, sans prêter attention à l'aide que lui offrait une fois de plus le demi-elfe. Elle était trop absorbée par la créature imposante qui se trouvait devant elle. C'était la première fois qu'elle approchait un griffon d'aussi près. Sa taille, sa puissance, et la profondeur de ses yeux bleus la fascinaient, elle qui pensait que la plupart les avait dorés. Quant à l'idée de le monter… Déjà que le simple fait de s’y tenir à quelques mètres l'impressionnait déjà au plus haut point.

Si j'ai peur de voler ? Je l'ignore, je n'ai jamais eu cette occasion, en vérité, dit elle, un brin d'amusement dans la voix.
Elle était certaine de ne pas avoir le vertige, depuis le temps qu'elle sautait de toits en toits ou escaladait des tours. Mais le vol… c'était une tout autre histoire. Elle lança un regard mi-curieux, mi-défiant à Arès, tout en caressant doucement le griffon. Elle reprit :Je souhaitais seulement vous défier à cheval. Je n'avais pas cela en tête...

Avant qu'elle ne puisse ajouter quoi que ce soit, Arès, avec une certaine aisance, la souleva et l'aida à monter sur la large selle du griffon. Elle se retrouva derrière lui, n'ayant d'autre choix que de se tenir à lui. Avec un mélange de réticence et de résignation, elle l'entoura de ses bras et se posa contre lui. Le griffon, maintenant prêt à s'envoler, déploya ses ailes pour une expérience imminente, qui allait bien au-delà de tout ce qu'elle avait pu imaginer.
Ils s'envolèrent, et les sensations étaient des plus époustouflantes. L'air frais siffla autour d'eux et Léonora sentit une montée d'adrénaline qu'elle n'avait jamais connue auparavant. Le monde en dessous devenait flou alors qu'ils s'élevaient rapidement dans le ciel, le paysage s'étendait à perte de vue. Après plusieurs minutes de vol, ils se posèrent avec grâce sur une tour. Arès, se tourna vers elle et l'invita à prendre "les rênes".

Vous voulez que je conduise Hela… Je n'ai jamais fait cela… répondit-elle, un mélange d'incrédulité et d'excitation dans la voix. L'idée que le griffon se laisse manipuler par une inconnue lui semblait pure folie. Mais c'était précisément cette folie qui rendait l'expérience encore plus grisante. Déterminée à relever le défi que cette fois-ci l’homme lui lançait, elle prit place devant Arès, s'agrippa aux touffes de plumes qu'il lui avait indiquées, et murmura avec une légère appréhension : Alors, allons-y, Hela.

À peine avait-elle donné l'ordre que le griffon bondit dans les airs, cette fois bien plus rapidement qu'auparavant. Léonora sentit son cœur s'emballer alors que la créature plongeait en piqué vers le sol. Elle tira doucement sur les touffes de plumes, espérant contrôler l'animal comme un cheval. Mais Hela ne réagit pas immédiatement, continuant sa descente vertigineuse.
Le vent fouettait son visage, et le sol semblait se rapprocher à une vitesse alarmante. Léonora serra les plumes plus fort, sa respiration s'accélérait et tentait de canaliser toute son énergie dans l'idée que Hela la comprenne.

Arès ! cria-t-elle, sa voix emportée par le vent, cherchant désespérément à se faire entendre alors que le griffon continuait sa descente, ignorant ses tentatives de le contrôler. Elle serra les touffes de plumes plus fermement, mais rien n'y faisait. Elle tourna la tête légèrement, espérant qu’il réagirait à son appel à l'aide. Arès, toujours derrière elle, lui répondit avec calme malgré la situation, sa voix forte.

Lâchez prise, Léonora ! Laissez Hela vous guider !

Elle hésita un instant, mais la confiance qu'Arès semblait avoir en la Hela la poussa à relâcher légèrement son emprise. Hela, comme si elle avait attendu ce moment, redressa brusquement son vol, remontant vers le ciel avec une puissance maîtrisée. Léonora sentit l'air se stabiliser autour d'elle, son cœur battant encore à tout rompre, mais l'adrénaline transformant peu à peu ses craintes en exaltation.

« Vous vous débrouillez parfaitement bien, Dame Leonora ! On dirait que vous avez fait cela toute votre vie. » Déclara Arès, alors en plein vol, pour tenter de rassurer la shoumeïenne comme il le pouvait. Il n’était pas doué pour ce genre de choses, ça non et, c’était un fait, visiblement. Il allait vite savoir si cela marchait ou non. Quoi qu’il en soit, son accompagnatrice se débrouillait vraiment bien, il n’avait pas menti à ce sujet. Bon, les capacités d’Hela aidaient grandement et, il était certain que ce n’était pas la même chose que monter à cheval, mais tout de même.
« Vous voyez, c’est quand même nettement plus agréable qu’une course à cheval, non ? Et puis, très honnêtement, je ne suis pas du tout à l’aise sur ce genre d’animal, je préfère nettement mon Griffon. Disons que j’ai une certaine chance… Hela est beaucoup plus docile que son plumage ne le laisse pensé. » Continua-t-il dans sa lancée.

Après quelques minutes à voler en plein ciel, Arès sentit qu’il était temps de se poser, notamment, parce qu’il commençait à s’éloigner de la ville, en approchant rapidement d’un magnifique point de vue sur la cité de Courage, perché dans les hauteurs de la chaîne montagneuse la juxtaposant.
« Vous pouvez nous poser là-bas, Léonora. » Fit-il, en montrant du doigt la zone en question et, ce n’est qu’après quelques secondes, que la lieutenante de la GAR parvint à faire poser l’animal sans le moindre soucis. En bon gentleman qu’il était, Arès descendit en premier, afin de pouvoir tendre sa main à la belle et de l’aider à descendre du dos d’Hela. Celle-ci pouvait accepter l’aide ou non, c’était comme bon lui semblait.

Une fois à terre, dans une minuscule clairière située sur le flanc de la Montagne, Arès guida Léonora jusqu’à ce lieu qu’il appelait « Le Belvédère. » Un point de vue magnifique qui, comme dit plus tôt, offrait une vie imprenable sur la merveilleuse cité portuaire qu’était Courage. On pouvait avoir un point de vue qui allait loin sur l’horizon et cela, c’était la particularité de cette région. Main dans la main -ou non-, le Maire de Courage guida Léonora jusqu’au bout de la falaise, en prenant soin de faire attention à ne pas chuter. Aucune sécurité n’était de mise, étant donné que le bâtard elfique voulait garder cet endroit secret pour…
« Vous voilà dans cet endroit qui m’est si précieux. Je vous prierais de le garder secret… C’est un peu mon espace à moi et, j’y emmène les personnes qui ont un certain intérêt pour moi. Je veux dire, pas un intérêt politique ou militaire, mais, un intérêt qui m’est personnel. » Expliqua-t-il, même s’il n’était pas doué pour faire passer ses sentiments par autre chose que par des gestes. Les mots, à part en politique, n’étaient pas son fort.

Il tourna la tête vers son interlocutrice, laissant ses prunelles océaniques scruter le regard de la belle, puis il lui fit un léger sourire, comme pour lui faire comprendre qu’il appréciait grandement partager ce moment en sa compagnie. Et, c’était réellement le cas, c’était ça qui était beau, pour un homme comme Arès, qui n’avait pas forcément le temps de consacrer sa vie à ce genre de… sentiments.
« J’espère que cette vue vous plaît, Léonora. Personnellement, c’est certainement l’endroit que je préfère sur le Sekai, il est si… reposant. Si apaisant. C’est ici que je viens lorsque j’ai besoin de me vider la tête et de penser à autre chose. » Déclara Arès, ne laissant pas une seule place au doute sur ce qu’il voulait dire.

Le griffon, Hela, plongea gracieusement vers la minuscule clairière nichée au sommet de la montagne. Léonora, sentit la confiance silencieuse de la créature, qui savait instinctivement où se poser. Les ailes puissantes du griffon brassèrent l'air en un dernier battement avant de se poser doucement sur le sol. Arès, déjà en mouvement, glissa de la monture et tendit la main vers elle. Elle hésita un instant puis il l'aida à descendre, ses doigts restant enroulés autour des siens alors qu'elle touchait le sol.
La clairière était minuscule, entourée de falaises abruptes et d'arbres tordus par le vent. L'endroi dégageait mystère et danger. Le sol était irrégulier, parsemé de pierres glissantes, rendant chaque pas périlleux. Arès ne lâcha pas sa main, il la guidait doucement à travers le terrain traître. Léonora se laissa diriger, le silence était seulement interrompu par le souffle du vent.

Arès et Léonora s'approchèrent lentement du bord de la falaise. Là, la clairière s'ouvrait sur un panorama à couper le souffle, révélant une vue imprenable sur le port en contrebas. Le ciel teinté de nuances se reflétait sur l'eau calme, tandis que les bateaux semblaient minuscules depuis leur position élevée. Léonora, captivée par la beauté du spectacle, se pencha légèrement pour mieux observer la profondeur vertigineuse du ravin. Une pensée sombre la traversa : cet endroit isolé serait parfait pour se débarrasser de quelqu'un sans laisser de traces...

Mais avant qu'elle ne puisse s'attarder sur cette idée, Arès brisa le silence. Sa voix grave, lui confia que cet endroit avait une signification particulière pour lui, un lieu précieux qu'il ne partageait avec personne. Il la pria de garder ce lieu secret, de ne jamais révéler à quiconque leur passage ici, lui faisant au passer dans un même temps, un message à peine voilé. Instinctivement, Léonora retira sa main de la sienne. Elle le regarda dans les yeux, cherchant à comprendre l'intensité de sa demande avant de lui répondre avec un certain détachement.

Je n'ai pas cherché à connaître vos endroits secrets, Arès et je suis flattée que vous souhaitiez les partager avec moi,  répondit-elle calmement, ses yeux toujours fixés sur lui, mais soyez certain que votre secret sera bien gardé.

Il y eut un moment de silence entre eux, que seule la brise légère osait troubler. Léonora se redressa, prenant une profonde inspiration. Elle comprenait maintenant que cet endroit n'était pas seulement un refuge physique. Elle détourna les yeux d'Arès pour les reposer sur le paysage qui s'étendait devant eux. Elle inspira profondément, laissant la beauté du moment envahir ses sens.

En effet, murmura-t-elle, presque pour elle-même, c'est magnifique. Que désirer de plus lorsque l'on peut jouir d'une telle beauté ?

Ses paroles flottèrent un instant dans l'air. Ce moment de communion silencieuse avec la nature lui fit prendre conscience que, parfois, il suffisait de contempler la splendeur du monde pour se sentir en harmonie avec soi-même et ce qui l'entourait.
Elle se tourna légèrement vers Arès. J’ose croire qu’il y encore de la place pour la beauté et la paix. Sans conviction, aucune.