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Le Renouveau de Liberty
Feat Zelevas E. Fraternitas
16 Janvier de l'an 5, Comptoir SSG de Liberty.
Suite à l’attaque de Liberty, la mort de la Présidente Mirelda Goldheart plongea le pays dans la confusion, la peur et le deuil. Elle fut officiellement considérée comme tuée par l’Assemblée, responsable de tout ce chaos.
Évidemment, certains membres de la famille Wessex dépêchés sur place, virent une opportunité de promouvoir leur politique. Ils ont intensifié leur discours nationaliste et mis en avant les problèmes d’insécurité créées par une protection non optimale des républicains, et sur les dangers de l’immigration. Les Divinistes amenaient leur lot de malheur avec eux. Il s’agissait d’une aubaine pour le courant Optimates, qui pouvait profiter de l’émotion et de la peur suscitée par l’évènement tragique. Hestia fut placée rapidement afin de faire l’apologie de leur politique nationaliste et militariste, en cherchant à renforcer le soutien populaire.
Dans ces conditions, un appel d’offres fut lancé par la Société des Sept Gardiens, afin d’agir rapidement pour la reconstruction de la ville. La maison Wessex y réagit rapidement, restant consciente des avantages économiques que cela impliquait pour leurs entreprises de métallurgie. Aussi, pour les retombées politiques en gagnant le soutien du peuple républicain. Il fallait profiter de cette opportunité. Dans le malheur, il y avait toujours une place pour le profit. Et la famille Wessex comptait bien tirer son épingle du jeu. Certains membres étaient plus impactés par le tragique évènement et c’était justement le cas de l’égérie de la famille, Hestia. Cette dernière, de nature plus sensible, semblait plus sincère. C’était également ce qui faisait sa force. Elle demeurait moins pragmatique que d’autres, mais elle agissait avec une certaine empathie. Sa sensibilité la rendait plus convaincante dans son engagement envers la Nation Bleue et sa préoccupation pour le bien être des citoyens. Loin d’être une faiblesse, cela constituait une source de motivation et d’inspiration. Une capacité qui la rendait plus appréciable aux yeux des autres, elle savait toucher le cœur des individus. Son honnêteté restait un trait précieux, qui lui permettait de la rendre plus authentique et digne de confiance. Même si loin d’être naïve ni tout à fait innocente, elle restait capable d’en jouer à ses propres fins. Cela lui offrait la force de persévérer et faire face aux situations contraignantes.
Dans cette perspective, un entretien fut rapidement arrangé et elle devait se présenter au cours de l’après-midi, devant la Société des Sept Gardiens. Elle était prête à défendre les intérêts de sa famille et agir pour le bien de la République, en contribuant à la reconstruction de Liberty.
Pour ce rendez-vous crucial, l’elfe choisit une robe longue et fluide. Le tissu était noble, en soie, d’un bleu profond et lumineux. Il fallait une tenue qui représentait à la fois l’élégance de l’égérie Wessex, son sérieux, son raffinement et sa noblesse. Des broderies argentées décoraient délicatement la robe, aux bout des manches puis autour du cou. La coupe de la robe semblait plutôt simple, mais élégante, marquant la taille fine de la mage de la nature.
Elle soigna sa longue tresse épaisse, qui tombait de manière gracieuse sur son épaule. Seules quelques mèches encadraient délicatement le visage de la noble elfe, ajoutant féminité et douceur à l’ensemble.
Bien que la sécurité de la ville eût été renforcée, Hestia était accompagnée d’un garde du corps de la milice personnelle de la famille. Elle traversa un quartier de Liberty, qui émergeait de l’horreur de la bataille de la veille. Les débris jonchaient les rues, de nombreux bâtiments étaient endommagés et les jardins dévastés. Le ciel était gris et brumeux, reflétant le sinistre tableau qui se présentait au regard noisette de la Sénatrice. Malgré cette catastrophe, son espoir persistait. Elle ne se laissait pas submerger par la peur, il fallait s’activer et faire face à l’adversité. Elle gagna le centre-ville, elle se sentait confiante pour l’entretien. Elle était habilitée à négocier et discuter des détails des plans de reconstruction. Elle restait engagée et efficace dans son travail. Déjà concentrée, elle entra dans le comptoir de la SSG, le bâtiment était sobre mais robuste. Elle se présenta à l’accueil, déclinant son identité et le sujet de sa venue.
”Il faudra être extrêmement pointilleux sur l’inventaire de ce qui est livré. M.Walmir n’a pas de scrupules à fausser ses cargaisons que ce soit pour faire des économies ou pour passer sa marchandise en surplus en nous forçant à acheter plus que commandé.” fait une voix rauque et saccadée comme un crique.
”Ce serait véritablement un problème si on ne parlait pas de denrées alimentaires. L’agronomie peut excéder les inventaires, on peut toujours revendre au détail aux particuliers, surtout dans des situations de crises comme celle-ci. Pas de gâchis, pas de perte, on fait notre marge, on profite.”
Les mots sont prononcés avec calme, s’élevant en écho contre les murs de pierre froides mis à nu, d’ordinaire ils seraient habillés de tapisseries verdoyantes et de tableaux nobles mais en raison de l’humidité omniprésente qui s’est infiltré depuis les fondations inondées du bâtiment, il n’y a plus aucune fioriture dans la salle de réunion. Seul le strict minimum occupe l’endroit au dernier étage du Comptoir du centre-ville de Liberty, à savoir une grande table ovale et huit chaises réparties tout autour dont une vacante qui vient tout juste de ses libérer. Depuis ce matin, les voix des Sept Gardiens de la République se concertent, s’échange des informations, des conseils, des mises en garde et concluent des accords avec les différents acteurs de l’industrie bleue qui viennent défiler à tour de rôle devant eux pour coordonner la reconstruction de Liberty, le lendemain de l’attaque qui a ravagé par les eaux les rues de la capitale. La lumière tamisée de la salle n’est pas la faute des lustres du plafond dont les bougies font du mieux qu’elles peuvent pour éclairer la pièce, mais plutôt de l’épais nuage de fumée qui stagne sous le plafond depuis des heures, produit des différentes cigarettes, pipes et cigars dont les cadavres décorent de multiples cendriers. Les déchets des fumeurs voisinent les épais dossiers de données et de bilan déposés sur la table, tandis que ceux déjà déballés éparpillent leurs feuillets et leurs relevés un peu partout tant et si bien qu’on ne pourrait déterminer la nature du bois du meuble, devenu invisible sous cet étalage de paperasse.
”Ce n’est pas juste une question de principe, mais d’antécédent, ce n’est pas le moment de renvoyer une image faible de la SSG sous prétexte que la République l’est, nous devons continuer de nous imposer et de demeurer intransigeant. C’est une affaire de stature.”
Cette voix rugueuse comme le papier de verre, c’est celle du Directeur Fallensword, Salsbury de son prénom, le Gardien de l’Achat, un des plus éminent membre du Directorat de la SSG dont l’ancienneté, l’expertise et le charisme naturel de dirigeant l’ont tacitement propulsé comme le référent du Conseil. Si chacun des Sept Gardien dispose en théorie du même pouvoir décisionnel, il est évident pour tout les autres membres que le Fallensword est celui dont le choix a le plus de poids dans les balances et les directions de l’entreprise, et ce n’est pas uniquement parce que son département est à l’origine de toutes les transactions et de la stratégie générale de la Societas. Assis au bout de la table ovale, avec trois autres Gardiens à sa gauche et à sa droite, il est pesamment installé dans une chaise à la solidité éprouvée puisque le bois de cèdre grince à chaque léger mouvement de l’obèse personnage. Salsbury avait été victime bien plus jeune d’un accident qui l’a laissé lourdement handicapé, une des stigmates de cet épisode trônant répugneusement au milieu de sa gorge grassouillette sous la forme d’un trou béant dans son cartilage laryngien, raison de sa voix travaillée. Défiguré, atrophié et inapte aux déplacements physiques prolongés, il s’était laissé empâter au fil des années par refus de se priver et avait accumulé les kilos au même rythme que les pièces d’or pendant l’exercice de ses fonctions de Directorat. En dépit de cette apparence physique peu avenante, il était d’une fermeté, d’une sagesse et d’une intelligence en affaires dont le niveau n’avait nullement besoin de louanges autres que la pérennité de la Societas sous sa direction.
”Quelqu’un me rappelle qui est le prochain?”
”Je crois que nous en avons fini avec les premières nécessité. On passe aux partenaires concernant le bâtiment.”
La deuxième voix qui résonne ainsi, est celle du Directeur de la Logistique, dont les efforts et la rigueur quotidienne permettent la transposition des plans de ses confrères de l’abstrait au concret. Sa capacité à visionner l’aspect pratique de la réalisation de tout projet est un atout clé qui l’a hissé jusqu’à sa position, et c’est en lui que les regards se tournent dès qu’il s’agit de discuter des possibilités disponibles à la Societas.
”Oui je sais, c’est pour ça que je demande justement.”
Le Directeur de la Correspondance prend ensuite la parole, les yeux plongés dans un agenda rempli comme le carnet de notes d’un schizophrène, il sort sa montre de poche de sa veste, relève l’heure et il passe son doigt sur la colonne du jour pour déchiffrer sa propre écriture illisible.
”Compagnie Métallurgique Wessex.”
”Ah.” Salsbury affiche un air contrarié tandis que ses arcades sourcilières retombent en fronçant sur ses yeux, ceux-ci sont braqués sur le Directeur de la Comptabilité silencieux qui est assis trois places plus loin à sa droite, l’air pensif avec une main sur le menton. Le Fallensword demande une légère précision sur l’entrevue programmée sans pour autant dévier son regard du vieil homme. ”C’est la Sénatrice ça non?” Un hochement de tête capté dans la périphérie de sa vision lui confirme que oui, et d’un seul coup la pièce se remplit d’une certaine tension alors que les regards des autres Gardiens se divisent entre les deux Directeurs. Après un long moment de mutisme pendant lequel Salsbury s’attendait à ce que son confrère réagisse, il brise finalement lui-même le silence, ”On ne perd pas de vue notre objectif.” puis en l’absence de réaction, ”N’est-ce pas Zelevas?”
Zelevas d’Élusie Fraternitas, l’homme aux casquettes bientôt aussi nombreuses que les cadavres dans ses placards est assis à la table des Gardiens en tant que Directeur de la Comptabilité, son regard bleu-acier qui tire maintenant plus sur le gris que l’azur à cause de la pénombre ambiante est perdu dans les méandres de fumerolles au plafond. Il a parfaitement entendu le gros Fallensword, mais il y a bien une chose qu’il ne puisse pas se permettre de faire c’est de répliquer, tout simplement parce que le Directeur de l’Achat a raison. D’ordinaire un tel rappel à l’ordre aurait été non seulement déplacé mais surtout injustifié, Zelevas pendant ses douzes années de service à la Societas avait à maintes reprises prouvé qu’il était capable de faire abstraction de ses propres intérêts pour se concentrer sur les missions de la SSG, du moins c’est ce qu’il avait affiché au Conseil, mais aujourd’hui la donne était bien différente.
Hestia Wessex n’est pas qu’une des grosses pointures de la Compagnie Métallurgique éponyme, elle est également Sénatrice à l’hémicycle et possède une résonance certaine au sein du Parti Wessex. Le vieillard en apparence perdu dans ses pensées réfléchis en réalité depuis le matin à cette rencontre, le Sénat n’a guère eu le temps de se réunir au complet depuis la validation des candidatures aux présidentielles et le d’Élusie n’avait jamais conversé avec la jeune elfe. Son intérêt pour la famille Optimates était historiquement bien peu élevé en raison de leur pertinence ridicule dans le contexte social de la République et de leur poids quasiment inexistant dans le paysage politique, mais en l’espace de quelques mois les choses avaient bien changé. L’attaque de l’Assemblée sur Kaizoku avait déjà provoqué un tollé parmis l’électorat républicain, un vent d’indignation qui avait trouvé une réverbe particulièrement forte à Courage, bastion conservateur de la République depuis des temps immémoriaux. Quand l’ancienne Mairesse avait quitté sa fonction pour rejoindre la Maison Bleue à Liberty, le représentant des Wessex, le Maire Arès qu’elle avait nommé derrière elle, avait accompli un travail important pour populariser les idéologies fascistes de son parti et diaboliser partiellement la population shoumeïenne des bas quartiers, une stratégie qui trouvait maintenant un poids conséquent avec l’apparition d’un avatar des Titans à la capitale. Cette traction engrangée par le candidat Optimates à la présidentielle est encore loin d’avoir de quoi faire peur, mais il est sûr que la part d’électeurs qui voteront lors de futurs élections à l’extrême droite par simple colère sera bien plus importantes que les itérations précédentes. Couplé au fait que Courage est une cible dans laquelle Zelevas a toujours eu du mal à s’implémenter, le Sénateur et représentant des Réformateurs voit dans la visite de la Sénatrice Wessex une opportunité de frapper d’une pierre deux coups.
”Excusez moi Sals, j'ai eu un moment d’absence.”
Le vieillard soutient le regard de son confrère avec nonchalance, le gros Directeur a beau dire ce qu’il veut, il ne pourra en rien empêcher le Sénateur de concourir cette entrevue sur deux plateaux parallèles si ça lui chante. Le d’Élusie doit cependant naviguer finement entre les intérêts mis en jeu, parce que d’un côté la Métallurgie Wessex est un incontournable dans le domaine duquel la SSG ne devrait idéalement pas avoir à se passer, mais d’un autre côté la position de force de la Compagnie de Courage sur la table de négociation va inévitablement susciter un débat autour des prix de rachat. La Societas est perpétuellement orientée sur sa profitabilité et les coûts des matières premières ferreuses sont disputés par les reikois qui tirent d’excellent filons de leurs mines au nord et à l’ouest. Nul doute que Salsbury risque de pousser son adversaire à l’offre la plus intéressante, Zelevas quant à lui souhaite à la fois servir la SSG mais surtout démontrer à la Wessex un soutien palpable dans la discussion afin de pouvoir tisser un rapprochement. S’il peut récupérer une partie des votes lucides des fascistes, ce seront des voix sales mais des voix quand même.
”Je disais que nous sommes tous intéressés principalement par la reconstruction de la ville et non par les tendances politiques actuelles, n’est-ce pas?”
”Oui, bien sûr.” Évidemment dubitatif, Zelevas ne fait rien pour dissimuler la fausseté de son jeu, ce n’est au contraire pas une marque d’irrespect que de se montrer aussi outrecuidant mais justement l’inverse. Salsbury et lui travaillent ensemble depuis suffisamment de temps pour qu’il ne puisse pas le prendre pour un con aussi facilement, rien ne sert donc de mentir quant à ses intentions.
”J-”
Le Directeur de l’Achat n’a pas le temps d’amorcer sa phrase que la double porte de la salle de réunion s’ouvre, apportant une vive lumière dans la salle tout en provoquant une effusion de fumée dans le couloir. Un des employés du comptoir fait un pas à l’intérieur pour présenter à haute voix la nouvelle venue, annonçant ainsi la fonction, le nom et l’organisme représenté par Hestia Wessex. Tout les Gardiens se lèvent à l’exception de Salsbury qui n’en est physiquement plus capable, et de Zelevas qui continue d’appliquer la poche de carbonite sur ses articulations endolories par la bataille de la veille. Il salue néanmoins la jeune elfe d’un baise main approprié lorsque celle-ci s’approche de la chaise vacante à sa droite et reste silencieux quand le gros Directeur de l’Achat démarre sans plus de cérémonie les hostilités.
”Madame la Directrice Wessex…” Point de Sénatrice, tout comme Zelevas n’est plus que le Directeur de la SSG en ces lieux, c’est la dénomination pertinente au contexte de la discussion qui prime sur les autres responsabilité. ”... bienvenue au Conseil des Sept Gardiens, je me présente Salsbury Fallensword, Gardien de l’Achat.” Le cousin de Siegfried Fallensword enchaîne sans attendre. ”Je tiens déjà à vous remercier d’avoir fait tout le déplacement jusqu’à nous pour discuter d’un sujet de prime importance, ainsi que de l’intérêt que vous et votre Maison portez, tout comme nous, à notre Nation. Nous souhaiterions nous entretenir avec vous en tant que représentante de la Compagnie pour connaître les détails des transactions que vous envisageriez avec la Societas.” Les doigts grassouillets de Salsbury se resserrent, rougissant les bouts de ses phalanges et blanchissant ceux de sa paume autour des bagues qui y sont boudinées on ne sait comment. ”Il y a moultes détails dont nous aurions besoin afin de répartir correctement le budget que nous allouons à la reconstruction, rien que le stock que vous êtes capable de produire par exemple, ou la période couvrable, les échéances des livrables, la logistique de la livraison, la coordination avec nos autres fournisseurs sur la standardisation de la marchandise et caetera.” Salsbury applique ensuite le cigar qui trône dans le cendrier à ses côtés sur ses lèvres, avant de boucher de l’autre main le trou dans sa gorge. Il tire laborieusement sur l’objet avant de le reposer, et souffle la fumée à travers l’orifice disgracieux tandis qu’il parle en même temps. ”Mais le facteur liminaire de notre discussion, c’est déjà le coût Madame la Directrice. Je voudrai connaître le prix premier de votre produit ainsi que l’échelonnement tarifaire que vous proposez, on pourra discuter grossiste à partir de là n’est-ce pas?”
Zelevas observe en silence le requin mener l’entrée en matière. Si le Conseil des Sept Gardiens ne se réunit que très rarement au grand complet, il a pourtant déjà vu à maintes reprises le Directeur de l’Achat conduire ses négociations avec une agressivité écrasante, il faut dire que la SSG étant le mastodonte qu’elle est, il est toujours difficile pour les entreprises de jouer sur un pieds d’égalité. Le Sénateur se retient cependant d’intervenir pour pouvoir profiter de cette première joute et jauger de quel bois sa nouvelle consoeur se chauffe. Les regards se tournent vers l’elfe, attentifs.
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Feat Zelevas E. Fraternitas
Hestia fut emmenée dans la salle de réunion, très sobre vu les évènements. Elle devait se contenter d’être fonctionnelle, dénuée des décorations habituelles. Les inondations avaient causé des dégâts sur le bâtiment et l’eau s’était infiltrée. Plus de tapisseries ni de tableaux sur les murs, seulement l’austérité planait dans la pièce, accompagnée par l’épaisse fumée. L’odeur âcre imprégnait l’air et dérangeait l’elfe mais elle n’en montrait rien, par politesse. Habituée à un cadre noble et raffiné, l’atmosphère du lieu tranchait nettement. Son rôle demeurait essentiel, la moindre faiblesse pouvait être perçue comme un manque évident de préparation et de professionnalisme, elle garda donc un air plutôt avenant. En dépit de son inconfort, elle se concentra sur les raisons de sa venue et ses objectifs.
- « Messieurs les directeurs, bonjour. » dit-elle, avant de s’asseoir sur la chaise qui lui était dédiée.
Elle balaya rapidement du regard les personnes présentes autour de la grande table ovale, puis elle reporta son attention sur Salsbury Fallensword. Ce dernier était un homme imposant, qui inspirait le respect malgré son handicap et son apparence physique pas avantageuse. Sa voix rauque, reconnaissable à cause du trou dans sa gorge résonnait dans la salle de réunion. Une fermeté se dégageait du directeur des achats, son sens des affaires et son intelligence imposaient le respect. Il restait le référent de la Société des Sept Gardiens et son ancienneté et son expertise démontraient sa capacité à diriger la compagnie.
Hestia offrit un léger sourire à son interlocuteur, elle appréciait qu’il reconnût l’importance de leur rencontre, son sens du devoir ainsi que son engagement envers la République. Toutefois, elle n’oubliait pas qu’elle était devant un homme redoutable et habile en négociation. Elle était venue pour défendre les intérêts de sa famille, porter l’image de la maison Wessex.
Il aborda le sujet des transactions et la noble elfe restait attentive et à l’écoute, en réfléchissant également à son plan d’action. Le reconstruction de Liberty était une opportunité de contrat qu’il ne fallait pas laisser filer, pour le bien lucratif des sociétés de métallurgie. Et sur le plan politique, mettre en avant leur engagement dans la restauration, en cherchant le soutien populaire. Hestia devait mettre la famille Wessex sur le devant de la scène, redorer leur image en étant des acteurs clés de ces travaux colossaux. Les semaines à venir restaient cruciales, afin de renforcer leur place au sein de la Nation Bleue.
La sénatrice déposa délicatement sa sacoche en cuir sur la table, puis elle l’ouvrit afin de sortir divers documents soigneusement rangés. Elle disposa les papiers face à elle, chacune représentant un aspect important pour la suite de leur échange. Les informations étaient claires et précises, élaborées avec soin par le directorat des entreprises Wessex. L’elfe s’appuyait sur ces documents afin de démontrer l’efficacité et le sérieux de la compagnie métallurgique, apte à répondre aux besoins logistiques de la reconstruction de Liberty.
- « Nous prévoyons cinq cent tonnes d’acier pour la reconstruction des infrastructures institutionnelles. Et cinq cent tonnes supplémentaires pour les infrastructures civiles, les habitations, les commerces etc. » débuta-t-elle à l’attention du directeur des achats. « Pour ces mille tonnes d’acier nécessaires à la reconstruction globale, nous vous proposons un prix de cinq pièces d’or par tonne, soit un total de cinq mille pièces d’or pour la matière brute. À cela s’ajoute le coût de la main d’œuvre, estimé à seize mille pièces d’or, pour rémunérer les forgerons et artisans impliqués dans le processus, ainsi que la gestion et l’approvisionnement. » elle balaya l’ensemble des directeurs du regard, afin de refixer son attention sur Salsbury. « En ce qui concerne l’échelonnement tarifaire, nous proposons un paiement mensuel de 2625 pièces d’or étalé sur huit mois. » La durée correspondant au calendrier prévisionnel de reconstruction de la ville. « La compagnie de métallurgie Wessex a les moyens de fournir une telle production. Nos stocks seront gérés en fonction de l’avancement des travaux. Nous maintiendrons les besoins en matériaux pendant toute la période de reconstruction. Sur les huit mois, nous pourrons éventuellement diversifier notre approvisionnement pour assurer le maintien des livraisons. »
La représentante de la Maison Wessex se montrait claire et précise, elle gardait la tête haute face à ces requins de la finance. Elle espérait que sa proposition sût les contenter, elle rassemblait ses documents prête à poursuivre l’échange.
L’atmosphère de la pièce déjà bien chargée en effluves de tabac s’alourdit un peu plus quand tombe enfin la proposition de la représentante elfique des Métallurgies Wessex. Salsbury avait lancé d’emblée le bras de fer un peu plus tôt, et la jeune femme ne s’était pas décontenancée pour autant et avait clairement relevé le défi, établissant une proposition corsée qui a immédiatement attiré l’attention du Directeur de l’Achat. Le gros bonhomme appuie sur les accoudoirs de sa chaise suppliciée et n’obtient qu’un grincement du bois supplémentaire sans parvenir à se redresser lui-même, et le silence de plomb qui s’installe ensuite n’est seulement meublé que par le sifflement strident et irritant de l’air qui fuse à travers le trou dans sa gorge à chaque respiration. Certains des autres Directeurs autour de la table se penchent en avant et commencent à griffonner sur des papiers, la stratégie de négociation est simple lorsqu’il s’agit d’un premier contact avec un potentiel fournisseur, laisser l’Achat parler et n’intervenir qu’en cas d’absolue nécessité. Non seulement le gros Sals sait ce qu’il fait mais en plus la dynamique de pouvoir qu’il établit dans les marchandages doit demeurée imperturbée pour maintenir tout son effet.
Zelevas jette un coup d’oeil à sa gauche pour dévisager son collègue Directeur de la Trésorerie esquisser quelques mots sur un coin de feuillet et le glisser subrepticement dans sa direction, ramassant le signet en tenant la face à l’abri des regards comme s’il s’agissait de cartes de jeu, le vieillard plie le morceau de papier pour voir le message. Bdg OK, Cpt? Adressant une oeillade silencieuse à son voisin, le d’Élusie fait un léger non de la tête en tendant deux doigts sous la table, même si les ressources de la Trésorerie permettraient le dépassement de budget demandé par la Wessex, les marges de dépenses que la Societas s’imposerait seraient ou bien trop étroites pour correctement naviguer le reste des achats pour la reconstruction si elles étaient respectées, ou bien feraient sauter la SSG dans la prochaine tranche fiscale dès le troisième trimestre de l’An 6. C’est tout bonnement infaisable, mais il y a encore une partie à jouer ici. Même si la Societas ne pourrait pas réellement se passer des Métallurgies Wessex sans devenir dépendante du Reike pour l’importation de masse, et qu’elle puisse considérer d’allouer un dépassement à la négociatrice si la situation l’imposait, certaines recoupes sont déjà envisageables d’après le discours de la jeune femme et tous se rendent bien compte que le Fallensword assis en face d’elle le sait aussi.
Tandis que le Directeur de l’Achat regarde la Logistique lui faire passer un mot, il dévisage également avec un brin de méfiance Zelevas et la Trésorerie en quête d’un ordre de grandeur pour sa négociation, espérant secrètement que le Directeur de la Comptabilité ne soit pas déjà entrain de manigancer pour favoriser la jeune femme. Quand les doigts gantés de Zelevas lui indiquent secrètement le chiffre sept, Fallensword veut grimacer mais il se contente de faire promener son regard de l’autre côté de la pièce avec un air irrité et une moue sur les lèvres. Comparativement au prix annoncé, un rabattement de sept mille pièces d’or fait une portion conséquente à négocier, évinçant au moins la possibilité que le Directeur joue contre son camp mais ne facilitant pas la tâche pour Salsbury. Il reprend la parole de sa voix rocailleuse après avoir consulté les indications du Directeur de la Logistique et dit:
”Le prix proposé est excellent, je suis heureux de voir que nous fonctionnons sur les mêmes index Madame la Directrice Wessex… cependant nous n’allons pas conclure sur cette première offre parce que… ” Ses phrases sont franches, agressives, Salsbury négocie sur son terrain entouré de son gang, pareillement à un conclave de crime où un chef de Pègre bataillerait avec un traître, Hestia est celle qui vient en terrain inconnu seule, et Fallensword en profite. ”...ce que nous souhaitons vous acheter, c’est votre acier. Rien de plus.” Les gros doigts boudinés et pleins de bagues de Sals s’abattent sur un almanach bien épais où le Directeur de l’Achat entoure le prix du marché du fer, du charbon et du chrome avant de le redresser à l’attention de son interlocutrice. ”C’est ça qu’on vous achète, nous sommes la Societas, votre logistique c’est notre logistique, votre conditionnement en sortie des forges, c’est notre conditionnement. Tout ça c’est à nos frais assuré par nos soins , sur ces seize milles pièces de main d’oeuvre ne comptez plus que le coût du salariat et les frais de gestion. Nous nous occuperons de l’approvisionnement de vos forges en matières premières brutes, de l’acheminement des produits finis et…”
Il marque une pause avant de souffler un instant pour reposer sa gorge sollicitée, levant un index pour bien marquer qu’il n’a pas terminé et qu’il a juste besoin d’une seconde de battement. Le Directeur Salsbury s’arque comiquement en avant tandis que la table s’enfonce dans la graisse de son ventre, faisant ressortir la masse de chair en un bourrelet qui donne ainsi l’impression d’être posé sur le bois:
”...et pour les matières brutes par exemple, vous serez exemptes de taxes si c’est la Societas qui mène les achats. Étant donné que nous sommes ceux mandatés par l’État pour la reconstruction nous ne sommes pas imposables sur les secteurs primaires et secondaires.”
Alors qu’il conclut sa tirade, une autre personne présente à la table s’avance de quelques centimètres dans sa chaise pour signifier son intention d’intervenir, un échange de regard avec le Fallensword lui donne le feu vert pour prendre la parole et du Directeur de la Logistique s’introduit donc dans la danse:
”Je pense qu’il est également préférable d’apporter certaines précisions aux abattements que nous vous proposons. Les forges de la SSG ont subi des dégâts infrastructurels importants pendant l’attaque, nous sommes encore entrain d’en évaluer les hauteurs mais si jamais nous pouvons récupérer les moules d’écoulement ainsi que les revêtements des fourneaux nous pourrons vous les vendre en échange d’une réduction au contrat, nous couvrirons nous-même l’installation et l’entretien des pièces pendant la durée de la collaboration bien entendu. Je n’ai pas de devis exact à proposer là maintenant mais ça devrait aller chercher dans les deux cent cinquantes à trois cents pièces en moins.” Le logisticien fait ensuite passer un rapport sur la table qui arrive jusque dans les mains de la Wessex, contenant plusieurs tableaux d’estimations et des prévisions de marché esquissées à la va-vite. ”Je ne sais pas si vous en êtes déjà au courant mais lors de la bataille, bon nombre de territoires agricoles ont été sévèrement touchés aux alentours de Liberty, pareillement il est encore très tôt pour mesurer l’étendue réelle des dégâts mais l’agriculture et l’économie agro-alimentaire de la République va connaître un lourd contre-coup jusqu’à l’an prochain. Une augmentation du cours des denrées de base est à prévoir, à moins que nous n’allions jusqu’au rationnement si les terres cultivables sont teintées de magie comme à Shoumeï, ce que nous pouvons proposer est un avantage d’une autre nature: une cantine pour vos employés, à un prix fixe déterminé dès aujourd’hui. C’est une garantie de leur pouvoir d’achat ce qui signifie également qu’ils seront moins touchés par l’inflation et donc par écoulement, la Famille Wessex aussi. Le montant de la subvention est à déterminer selon vos effectifs bien sûr.”
Alors que le Directeur de la Logistique se retourne vers Salsbury pour lui jeter un coup d’oeil de connivence signifiant sa conclusion, Sals déglutit péniblement et retourne sa tête grassouillette en direction d’Hestia, frottant son nez de ses doigts gras:
”Moins l’expédition et les transits que nous couvrons, les pièces des forges, les matières premières et la cantine…” Son regard se durcit sensiblement alors que son air s’aggrave, ce changement de physionomie soudain est la raison pour laquelle beaucoup le qualifient de prédateur sur les marchés, c’est le Salsbury qui semble prêt à manger figurativement et littéralement son adversaire. ”... la moitié. Cinq milles pour les matériaux, six milles pour votre salariat et vos frais de gestion.”
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Feat Zelevas E. Fraternitas
Hestia s’attendait à voir les directeurs de la SSG désapprouver sa première offre et tenter de négocier. Ils savaient qu’ils pesaient lourd dans le commerce de la République et les affaires économiques ne les impressionnaient pas. La sénatrice écouta les paroles de son interlocuteur, il semblait revenir en arrière au sujet de l’approvisionnement. Il avait parlé plus tôt de la logistique de livraison, la noble elfe ne s’était pas attendue à ce que l’acheminement ne se fît par la Societas elle-même. Mais ce n’était pas un problème, la métallurgie Wessex n’effectuerait pas cette tâche et le calendrier serait plus facile à mener sans le convoyage et les échéances de livraison. Le fardeau conséquent concernant les détails logistiques et l’approvisionnement était amoindri.
Ils cherchaient à réduire les coûts de main d’œuvre et elle le comprenait. Mais la SSG s’imposait aussi dans le contrôle des suivis et du processus commercial.
Elle sourit légèrement, avant de répondre avec calme, en pesant ses mots.
- « Votre offre de prise en charge de la logistique et des livraisons est très appréciée. Cela simplifie fortement nos démarches. Nous pouvons suivre des protocoles stricts et travailler de concert afin que tout se déroule pour le mieux. » elle réfléchit un instant. Être exempt de taxes sur les matières premières était un plus significatif. « Cela change effectivement la donne. Cela permettrait à la compagnie d’axer sa stratégie sur l’optimisation et la qualité de production, afin d’offrir un produit fini parfait. Je suis donc prête à revoir mon estimation en ce qui concerne le coût de la main d’œuvre. » annonça-t-elle.
Mais ce n’était pas tout, le directeur de la logistique avait également son mot à dire sur le sujet. Hestia l’écouta attentivement, s’emparant par la suite du document qui lui était adressé. Elle le parcourut rapidement, avant de relever les yeux vers son vis-à-vis.
- « J’accepte votre offre concernant les moules et revêtements, cela améliorera notre production, je procède à cet abattement sur le montant initial. » Puis l’elfe s’empara de sa plume pour effectuer ses modifications en temps réel. « Bien sûr, sauf votre respect, nos équipes évalueront l’état fonctionnel des cuves avant la mise en place, je l’inscrirai dans les clauses du contrat final. » dit-elle, toujours avec une grande diplomatie et un sérieux très professionnel.
« C’est très pertinent de penser au confort et à la stabilité des repas de nos ouvriers. » Elle marqua une pause afin de griffonner de nouveau sur ses parchemins. Il fallait réajuster la main d’œuvre, les forgerons, artisans, le personnel de gestion etc. « Nous aurons environ 150 ouvriers. Si nous fixons un prix de base à 5 pièces de cuivre par jour par employé, cela équivaut à 750 pièces de cuivre. Donc 1800 pièces d’or pour les huit mois couverts. » Elle acheva le calcul total. « En somme, je vous fait une contre-proposition à huit mille pièces d’or pour le salariat. Nous n’allons tout de même pas frôler l’esclavage, nous devons assurer un salaire décent à nos employés républicains. » dit-elle en posant ses deux mains sur la table et balayant l’ensemble des directeurs du regard. « Ce qui nous mène à un total de treize mille pièces d’or. Est-ce que ce montant convient à messieurs les directeurs ? » dit-elle avec courtoisie.
Elle avait pris en compte tous les aspects proposés et elle avait fait preuve de clarté et de transparence dans ses propos. Les prix avaient été ajustés en conséquence, elle espérait donc que cette nouvelle négociation pût aboutir. Ce nouveau montant paraissait juste et profitable aux deux parties du contrat, la balle était à présent dans leur camp.
- « L’échelonnement se fait donc à 1625 pièces d’or par mois, étalé toujours sur huit mois. Je souhaite finaliser cet accord et que nous puissions avancer ensemble pour la reconstruction de Liberty. Ce projet est crucial pour la famille Wessex, pour le bien de la République, qui a toujours passé avant tout. » se permit-elle d’ajouter. Elle ponctua sa prise de parole d’un sourire assuré, elle espérait vivement que sa proposition fût bien accueillie par la Societas.
Dans l’ambiance austère crée par les volutes de fumée qui nappent le plafond de la salle, tous observent un silence quasi religieux à la fin de la réponse d’Hestia Wessex. Zelevas est stoïque, immobile comme chacun de ses collègues, comme si en bougeant ils risquaient de déclencher l’attaque du prédateur qui se tenait avec eux dans la pièce, parce qu’il y en a bien un et c’est un requin du nom de Salsbury Fallensword. Le vieux leader du FRN et assassin de la Présidente a le regard plongé dans un point vague quelque part entre les deux autres Directeurs qui sont assis en face de lui, à sa droite il perçoit la silhouette calme et posée de la représentante des Métallurgies, elle est souriante, placide, composée, Zelevas la voit comme une jeune femme solide sur ses appuis, mais malgré son âge avancé elle semble manquer d’expérience. Le sourire carnassier qui se dessine sur le visage grassouillet du Directeur de l’Achat le confirme, d’Élusie regarde son collègue en coin, affalé dans son fauteuil trop petit pour lui dont ses bourrelets débordent sur les côtés, le visage de Salsbury possède un air lugubre alors qu’il n’est éclairé que par la lampe du plafond qui peine à poindre à travers la fumée, et les quelques bougies timides posées sur la table de négociation. Son air devinable malgré l’obscurité laisse bien voir que comme le vieillard, il pense la même chose, et quand il reprend la parole il donne la sentence:
”Je crois…” Son sourire soulève ses pommettes rondouillardes et écarte les joues qui tombent normalement sur ses lèvres. ”... que nous avons effectivement un marché. Promesse de vente adjugée pour treize mille, le Directeur de la Correspondance assurera la transmission à nos juristes et les mettra en contact avec les vôtres pour décider de tout les détails juridiques et des fignolages administratifs.”
La tension se relâche chez les autres Directeurs de la Societas dans une collection de soupirs, d’épaules qui s’affaissent et de regards qui se dévissent.
”Madame Wessex, ce fut un plaisir innommable de marchander avec vous, j’espère avoir très prochainement le bonheur de vous recroiser. Je vous souhaite une excellente continuation.”
Pendant que la jeune elfe se lève de son siège pour également adresser ses derniers mots à l’assistance et conclure cette réunion, Zelevas l’imite et lui adresse un baise-main avant d’aller lui-même ouvrir les portes. Il regarde l’héritière de la Maison Optimates prendre congé et referme la porte dans une volute de fumée alors que l’air frais n’a déjà plus le droit d’entrer.
”Alors?”
”Huit mille d’abattement, c’est un sacré tour de force.”
”Ça nous laisse une bonne marge pour négocier avec les carrières de Pierre Bleue, c’est pas plus mal.”
Alors que les différents Directeurs commentent la dernière transaction de bon train et préparent déjà la suivante, Zelevas demeure silencieux en contemplant le bois à peine visible du bureau sous la marée de paperasse qui le recouvre. Salsbury est pareillement mutique et zieute son collègue alors que son sourire s’affaisse et qu’il demande de sa voix si particulière:
”Zelevas, on était à combien d'abattement en réalité?”
Le vieillard redirige son regard bleu-acier dans les yeux rabougris du gros poisson, il répond avec une moue ennuyée:
”Cinq.”
”Sept, et j’ai annoncé dix pour huit…”
”Elle t’a baisé Sals.”
Les conversations se taisent alors que les Directeurs sont surpris par la remarque de Zelevas, certains écoutent d’une oreille attentive les doyens du Conseil des Sept Gardiens s’expliquer. Le Fallensword écarte la remarque avec un revers de la main et un hoquet de dédain:
”Que tu crois.”
”Non elle t’a baisé, son acier elle ne le paiera pas, si elle a concédé autant aussi facilement c’est parce qu’elle a du su-”
”Je me doute bien qu’elle a du surplus de stock, mais qu’est-ce que ça peut nous foutre, tant qu’un contrôle de qualité nous assure que ce qu’elle nous refile n’est pas de l’acier coupé.”
Zelevas se tait et un silence consterné plane sur la table. Le jeu est le jeu, chacun a ses secrets et le d’Élusie aurait donné volontier voulu savoir ce qui venait réellement de se passer dans ces négociations, mais il avait d’autres choses sur la conscience. Hestia venait probablement soit de faire un tour de force pour les Métallurgies Wessex, soit… soit elle possédait un intérêt ailleurs qui résidait dans le fait de miner l’hégémonie de la compagnie mère de sa Famille et ça c’est quelque chose que Salsbury ne voyait pas forcément. La compétition est parfois rude au sein des Grandes Familles entre les différents prétendants au patriarcat et il se doute que la jeune Hestia a probablement envie de détrôner Sotéria à l’occasion des élections. Ça ou ils se sont vraiment fait roulés dans un marché qui leur avait visiblement l’air plus que favorable. Les doigts de Zelevas pianotent sur le bois de la table en acceptant qu’il ne lèvera pas le voile sur ce mystère aujourd’hui, ne sachant pas encore qu’il n’aura en fait jamais l’occasion de le faire.
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