Le 4 janvier de l’an 2

Aujourd’hui est le grand jour ! J’ai sur moi un lourd manteau en fourrure bien chaud, mais en dessous un simple maillot de bain. Certains pourraient me considérer comme un pervers, mais je vais tout simplement à ma première leçon de natation.

C’est Rowena qui a eu cette idée et il s’agit de la première étape pour rejoindre la cité engloutie quand la guerre sera terminée. Je l’attends donc près d’une barque, assez loin du port, car je ne tiens pas à être humilié publiquement si je me noie. Comme j’ai mangé de nombreuses fois avec la guerrière depuis son arrivé à Maël, nous avons eu le temps de tout mettre au point.

C’est vraiment dommage qu’elle soit avec son bellâtre, car je l’apprécie de plus en plus, je lui ai même donné les adresses de bons restaurants que je connaissais. Mais aujourd’hui ce n’est plus une amie, mais une professeur que j’attends. Il faudra ramer un peu puis nous pourrons y aller, je n’ai pas peur du froid, car elle m’a bien indiqué qu’elle avait le pouvoir de réchauffer l’eau.

Je sens que cela va être une bonne journée et le fait de voir la belle jeune femme en maillot de bain n'y est pas étranger.

- Non ! " un rire bien trop heureux échappe de la gorge de la jeune femme et elle s'échappe de l'étreinte de son compagnon, ponctuant son évasion d'une pique bien sentie, comme ils en ont l'habitude depuis leurs débuts. Ils se cherchent, c'est comme ça. Les proches se demandent toujours quand ça va craquer mais même les plus abjectes énormités ne semblent pas vraiment les atteindre quand elles sont infligées par l'autre.

Ce matin, la sirène s'éclipse alors que - pour profiter de leur jour de relâche - certains de ses camarades tentent de se mettre à la cuisine en groupe... C'est terrifiant. Sur quelques saluts et après avoir mordu dans un morceau de citron pour tout petit déjeuner, la jeune femme enroulée dans sa lourde cape noire fourrée de loup trottine vers la berge, à l'est de Maël, le long de la côte, à un endroit encore bien protéger par leurs barrages et leurs avant-gardes. Elle porte plusieurs bleus sur les bras et la cicatrice fraiche d'un coup de taille au flanc, tout juste ressoudé par la magie. Sous sa cape, elle porte une jupe de laine épaisse et une chemise tout aussi épaisse. Les cheveux libres, elle est assez guillerette.

Les Limiers ont cette capacité à compartimenter. Hier elle risquait sa vie. Demain, elle pataugerait dans des charniers putride, mais là, aujourd'hui, elle allait nager avec un ami et cela lui faisait sacrément plaisir.

En voyant Tagar, près d'une barque à l'endroit convenu, elle le salua d'un geste de la main bien avant d'arriver à sa hauteur.

- Prêt ? " demanda-t-elle simplement en montant dans l'embarcation. " J'espère que vous êtes bien reposé.

Une fois tous deux dans l'embarcation, plutôt que de s'embêter à ramer, Rowena glissa simplement la main dans l'eau pour la faire onduler doucement et un courant calme poussa leur petite esquif à une petite distance de la côte.

- ça vous va si je descend en premier ? J'essaie de mettre l'eau à température et comme ça je serai près de vous en cas de soucis.

La jeune femme arrive dans une belle cape fourrée, je pense qu’il s’agit d’un loup, animal bien plus noble que la fourrure que je porte et qui est simplement du bison. Lorsqu’elle me demande comment je vais, je lui réponds avec un large sourire :

Je suis dans une forme olympique et plus prêt que jamais.

Pour le moment, je peux faire le gars sûr de lui, quand j’aurai enlevé mon manteau, je ferais moins le malin, c’est sûr et certain. A cette heure, tout va bien, je n’ai même pas besoin de ramer, car la guerrière utilise sa magie pour nous faire avancer sans effort. Quand elle me demande si elle peut descendre en premier, je hoche vigoureusement la tête et je lui confirme :

C’est une excellente idée !

J’ai mis ma main dans l’eau et elle est vraiment très froide, c’est incroyable qu’elle ne se soit pas mise à geler. Je vais donc attendre qu’elle se soit réchauffée et tranquillement regarder la Républicaine se déshabiller, ce sera très bien, du moins pour moi.

Sans grande hésitation, habitué à la promiscuité avec toutes sortes d'individus étranges depuis son service militaire et lors de traques communes, la jeune femme se lève dans la barque. Elle a le pied marin, ça se sent. Elle retire et plie doucement sa carme, un frisson lui parcourant la peau. Autant l'eau ne lui pose aucun problème, autant l'air froid avait toujours quelque chose de vicieux et mordant. Elle avait hâte de plonger tête la première !

Elle avait laisser ses bottes sur la berge. La chemise prit le même chemin que la cape, tout aussi soigneusement pliée, révélant une brassière blanche en tissus épais mais également une musculature de femme d'action avec un dos et des abdominaux particulièrement dessinés. Elle défaisait les liens de sa jupe lorsqu'elle jeta un regard par dessus son épaule, pour demander au reikois assit juste à côté d'elle :

- Vous pouvez vous tourner un instant ?

Puis la jupe tomba en tapon autour de ses pieds nus dans un bruit de tissus lourd, suivi d'un léger bruissement d'eau. La barque tangua de droite et de gauche. Rowena avait plongée.

Une nuée de bulle se fit voir à la surface alors qu'elle serrait les dents à deux bons mètres sous l'eau, ne pouvant réprimer un gémissement aiguë alors que ses jambes nues se rassemblaient pour ne former qu'une unique queue de poisson opaline. Son corps pâle était tatoué de marques d'un blanc pur aux formes mystiques et mystérieuses. Ses cheveux soyeux renvoyait la lumière en produisant d'élégants reflets irisés. Lorsqu'elle émergea à nouveau, de l'autre côté de la barque, des ouïes étaient parfaitement visibles de chaque côté de son coup et sa voix semblait plus harmonieuse encore. Elle s'agrippa d'une main au rebord de bois.

- ça fait du bien !! " lança-t-elle avant de se concentrer pour ressentir l'eau autour d'elle. La réchauffer de beaucoup n'était pas pensable, mais la passer de froid à légèrement fraiche - ce qui étant donné la température extérieur paraissait même tiède - était tout à fait faisable. Elle inspira, ferma les yeux et une lueur bleuté et diffuse émana d'elle sur quelques mètres de rayon avant de se tamiser puis de s'éteindre.

J’avoue que je ne perds pas une miette du spectacle, voir une magnifique jeune femme réaliser un strip-tease dans une barque à moins d’un mètre de ma personne est une très bonne expérience. Sa brassière blanche est très sympa et on peut voir que la demoiselle s’entretient régulièrement. Mais le meilleur est à encore venir, car je la vois toucher sa jupe. Malheureusement pour moi, elle se rend compte de ma présence alors que j’étais aussi sage qu’une image et me demande de me retourner !

O rage, O désespoir ! Mais je suis un homme bien élevé et je fais ce qu’elle me demande. J’hésite à créer un petit miroir en métal pour regarder, mais ce ne serait pas honnête et probablement visible. Le seul indice que j’ai que Rowena est parti, c’est que la barque tangue un peu, je regarde dans l’eau et après un temps qui me sembla incroyablement long, je vois arriver une créature, ressemblant à mon amie, mais pas totalement.

Ce n’est que lorsqu’elle me parle que je comprends et je lui dis enthousiasmé :

Vous vous êtes transformé en sirène ! C’est une excellente idée !

Après tout, elle m’avait indiqué qu’elle maîtrisait l’art de la métamorphose. Son nouveau corps est magnifique et je me force à ne pas trop la fixer. À la place, je me concentre sur l’eau en mettant ma main et je sens qu’elle se réchauffe, un peu. Ce n’est pas encore un bain chaud, mais c’est déjà pas mal et j’enlève mon manteau. Je suis un peu musclé, mais pas de façon ostentatoire, mes cuisses ne ressemblant pas à des troncs d’arbre. Prenant mon courage à deux mains, je me glisse de façon fort peu élégante dans l’eau, m’agrippant au bord de la barque pour ne pas sombrer.

Elle rit en le voyant à ce point enthousiaste à l'idée de la voir "transformer" d'une sirène. Les terrestres avaient parfois du mal à concevoir à quel point la bipédie n'était pas naturelle...

- Doucement ! " l'invita-t-elle plutôt lorsqu'elle le vit se préparer à descendre. S'il glissait, elle pouvait le rattraper sans soucis, mais elle préférait éviter qu'il ne se fasse peur dès le début.

Le voir ainsi torse nu lui rappelait leur dernière entrevue républicaine. Il était encore moins vêtu alors qu'il ne l'était aujourd'hui avec son draps blanc et sa menotte. Elle regarda son dos s'enfoncer dans l'eau avec un petit sourire mais ne fit aucun commentaire avant qu'il ne se soit immergé et habitué à la température.

- Vous n'avez pas peur de l'eau, c'est déjà un bon point. Vous pouvez vous allonger sur le dos ? Juste flotter. " Il n'y avait pas mieux pour commencer à faire connaissance avec la portance et l'eau et s’approprier une position de survie au-cas ou.

J’ai droit à un compliment de la part de la guerrière ce qui fait toujours plaisir. Je suis ses consignes à la lettre, mais je fais un faux mouvement et je bois la tasse ! Je recrache l’eau, encore une fois de manière fort peu délicate et je recommence la manœuvre, mais plus doucement.

Finalement, j’y arrive, mais je tiens toujours le bord de la barque et je ne suis pas près de le lâcher, tellement je suis crispé dessus. Mais je me rends compte que nous n’avons pas beaucoup de temps et j’indique à Rowena :

Nous devons nous dépêcher, si mes connaissances magiques sont exactes, la transformation ne peut durer qu’une heure au maximum.

Après, elle devra se reposer et il vaut mieux qu’elle reste en forme, si elle se noie, je ne pourrais pas l’aider. Une fois sa réponse entendue, je lui demande :

Quelle est la prochaine étape ?

Je me tiens prêt à suivre ses instructions.

- Une heure ?

Il a l'air pressée, alors elle se rapproche, se maintenant sans peine à la surface  à son côté. Une main sur la barque pour l'empêcher de dériver, elle posa l'autre sur celle du jeune homme, toujours crispée sur le bois.

- Personne ne peut apprendre à nager en une heure. Nous avons tout le temps du monde. Je ne sais pas qui vous a raconté cette histoire de limite de temps mais c'est complètement faux. Lâchez cette barque, donnez moi la main et détendez-vous. Je vous assure que cet exercice est efficace.

Une fois qu'il lui agrippe la main, elle la baisse doucement pour que ce ne soit plus son point d'encrage mais bien l'eau qui le soutienne majoritairement.

- L'eau n'est pas votre ennemi. Nager c'est une grand part de confiance. Plus vous vous allongez. Plus vous vous détendez, plus l'eau vous portera facilement. Vous pouvez croire une sirène sur le sujet, non ?

La jeune femme a l’air surprise du délai que je viens de lui donner, alors que je suis quand même assez sûr de moi sur ce coup-là. Mais je ne peux pas polémiquer alors que je suis en train de flotter au beau milieu de la mer et je laisse passer. Surtout quand je sens une main sur la mienne ! Je ne vois pas ce qui arrive, car je suis en train de flotter, la tête tourner vers les nuages.

Finalement, je comprends la suite de l’exercice et lâche l’embarcation doucement, tout doucement. Au bout de quelques minutes, j’arrive à m’équilibrer et un peu plus détendu je réponds à ses paroles sur la mer en souriant :

Tout d’abord, si l’eau était mon allié, elle ne chercherait pas à me noyer.

Puis plus sérieusement :

J’ai confiance en vous, que vous soyez une sirène ou pas.

J’apprécie ses efforts et j’arrive à flotter à peu près convenablement, un peu plus détendu et je lui dis :

Finalement, c’est plutôt agréable.

A défaut d'avoir confiance dans l'eau, au moins avait-il confiance en elle... C'était agréable.

- Contente que vous aimiez.

Elle ne l'avait pas lâché des yeux, le laissant trouver sa place en s'assurant qu'il ne se fatigue pas trop pour rien. Voyons...

- Je pense qu'on peut passer à la suite. Vous allez battre des jambes en continuant à flotter sur le dos comme ça.

Elle mima le mouvement avec les bras dans le champ de vision du jeune homme, puis, d'une brasse, elle glissa vers lui, du côté de sa tête tout en expliquant.

- Je me met juste là pour vous stabiliser et vous éviter de boire la tasse. Si vous vous sentez de le faire sans moi, n'hésitez pas à me le dire.

Les doigts palmés de la belle glissèrent sous les bras de Tagar comme si elle s'apprêtait à l'enlacer par derrière sans le toucher réellement. S'il battait un peu des jambes, sa tête finirait invariablement par s'appuyer sur l'épaule de sa professeur.

Nous passons à la prochaine étape, et je commence à battre doucement des jambes, puis ma tête touche quelque chose de très doux et je comprends que j’ai dû lui toucher la poitrine ! J’essaye de me stabiliser, mais je panique et finalement, je bois la tasse ! Je rattrape la barque un peu comme je peux, abandonnant la station couchée et je dis à la jeune femme, mes joues étant devenu rouge :

Désolé, je ne voulais pas.

J’ai peur d’avoir commis une grosse bêtise et qu’elle ne veuille plus continuer la leçon, ce qui serait bien dommage. C'est pourquoi je lui précise, d'un ton dépité :

Promis, cela ne se reproduira plus.

Après tout, elle en couple et je dois faire encore plus attention.

- Calmez- vous. Il n'y a pas de mal. " rit-elle plutôt en l'aidant à se remettre d'aplomb sans cracher ses poumons.

C'était évident qu'il n'avait pas fait exprès... Ce que les reikois peuvent être prudes...

- Si vous paniquez à chaque fois qu'on se touche, ça ne va pas être facile de vous apprendre à tenir sur le ventre. " ajoute-t-elle avec un sourire parfaitement sardonique. " Sérieusement, vous n'avez pas idées des poses suggestives dans lesquelles ont se retrouve quand on apprend des prises d'immobilisation ou des mouvements de lutte à de jeunes collègues. Allez, revenez par là, vous allez réessayé.

Elle lui tendit la main, inconsciente de la présence qui s'approchait fluidement en dessous d'eux, ses anneaux roulant contre le fond marin au rythme des vagues. La chaleur et les ondulations qui émanait de leur espace faisait fuir les poissons timides, mais elles avaient attirer l'attention d'une créature bien différente.

Ouf, la jeune femme ne m’en veut pas de mon écart, me précisant même que c’est pire lors des séances de lutte. Pour ma part, je n’ai jamais fait ce genre d’exercice, je sais déjà utiliser une épée pour me défendre et la magie pour faire tout ce qui est important. Et c'est déjà pas mal, je trouve.

Encouragé par ses paroles, je me remets sur le dos et arrive au bout d’une dizaine de minutes, à battre des pieds, puis je me mets sur le ventre et arrive à réaliser la même prouesse, au bout d'une autre dizaine de minutes quand même ! Je sais nager, du moins me maintenir à flot ! Je ne sais toujours pas par avancer, mais si je tombe d’un navire par exemple, je ne coulerai pas à pic pour mourir dans d’atroces souffrances.

Je suis particulièrement fier de moi et je fais un large sourire à Rowena très fier de moi :

J’ai réussi ! Et c’est à vous que je le dois !

Je lui tiens la main, non pour ne pas me noyer, mais pour lui montrer ma reconnaissance. Je sens alors que l’on me fait des guiliguilis et je me mets à rire, indiquant à la Républicaine, toujours en riant :

Arrêtez cela, je vous en supplie, je suis très sensible aux chatouilles.

- Bravo ! Vous avez eu le cran de vous lancer. Vous pouvez vous féliciter !

Il est encore loin du compte niveau technique mais il a arrêter de se raidir et de paniquer en ne sentant plus le sol sous ses pieds. S'il en avait vraiment besoin, il pourrait clapoter jusqu'à un rebord sans paniquer immédiatement. C'est un sacré pas et elle est particulièrement heureuse pour lui. Elle n'avait jamais pu le constater elle-même mais on lui avait dit plusieurs fois qu'apprendre à nager une fois adulte était plus difficile parce qu'on réfléchissait trop.

- Aux chatou.... ?!

OH MERDE !!!

Quelque chose vient de la frôler et il ne lui faut qu'un instant de plus pour sentir l'océan autour d'elle lui avouer la présence de quelque chose de gros. Son visage perd toute joie lorsque le bout d'un tentacule perce la surface juste derrière Tagar, ses ventouses lui chatouillant visiblement la jambe et le flanc.

Une seconde, c'est tout le temps qu'elle a pour réagir et la première idée qui lui vient est simple : peu importe la créature, peu importe la situation, s'il est attiré sous l'eau, l'humain va se noyer.

La main qu'il tenait pour célébrer sa victoire vient soudainement le frapper au milieu du torse et avec l'impact, c'est une vague d'eau tout entière qui le propulse vers le haut et vers l'arrière, le jetant dans la barque avec quelques poissons au moment ou le tentacule du monstre se referme sur la sirène dans un nuage de mucus pour l'attirer vers le fond.

La jeune femme ne semble pas comprendre ma requête car elle continu à me chatouiller, puis soudant, sans que je comprenne pourquoi, la guerrière me donne un coup tellement puissant que je m’envole et retombe comme une petite crotte à l’intérieur de la barque.

En retombant, je sens quelque chose se casser, sûrement une côte et j’ai mal, très mal. Je pense à un coup de folie et alors que j’allais me plaindre, lui ayant juste pris la main ce qui est ne mérite pas un pareil traitement, je vois un tentacule énorme attraper la Républicaine !

Je comprends d’un coup que c’est un Aboleth, cette immense créature de plus de dix mètres nous a pris pour cible ! Je crie :

Rowena !

Mais cela n’est guère efficace, alors malgré la douleur, je décide d’utiliser ma magie de métal et je crée un immense harpon de plus de deux mètres extrêmement tranchants et je le plonge à toute vitesse dans l’eau. J’ai bien visé, et il tranche net le tentacule qui retenait mon amie.