L’Unité des Haut-Elfes de Melorne, une vérité tue dans un murmure, se dresse comme le dernier vestige d’une époque révolue. Ces héritiers de la grâce et de l’élégance, façonneurs de l’une des civilisations les plus vénérables que le monde ait jamais connues, bien avant l’essor des royaumes des Hommes, vivent aujourd’hui leur crépuscule. Jadis symboles d’une grandeur sans pareil, ils se retrouvent désormais confinés au sommet de Sekaï, dans ce qui reste de leur splendeur passée, un bastion solitaire témoignant de leur suprématie d’antan.   Submergés par un orgueil démesuré et un narcissisme sans bornes, les Haut-Elfes se livrent à une compétition vaine, rivalisant pour les terres et les richesses, aveugles à leur décadence. Leur puissance, dorénavant, n’existe plus que dans les échos glorifiés de l’Empire ancien, une élévation révolue dont ils se gorgent pour masquer leur chute. Face aux autres nations, ces êtres jadis illustres se retrouvent réduits à de simples interlocuteurs, échangeant non plus en maîtres, mais en égaux, une résignation forcée par les circonstances, étrangère à leur nature.
Plongés dans une déraison à la fois profonde et déconcertante, certains parmi eux s’érigent en alliés du Reïke, se proclamant amis intimes, dignes de se soutenir mutuellement dans l’adversité et de partager le deuil de leurs morts. Ces elfes, ayant dépassé le stigmate de l’humiliation, ne se contentent plus de boire à sa coupe amère ; ils en viennent à savourer son breuvage nauséabond, vantant cette acceptation tel le chemin vers une évolution progressiste. Une pareille perspective, autrefois inconcevable, témoigne de leur étrange transformation, ils embrassent ce qui était jadis considéré immoral, comme un nouvel idéal de renouveau.

Bénie soit la discorde, l’antagonisme qui enveloppe Melorne de son ombre ! Parmi ceux qui, dans un élan pathétique, étendent la main vers les estimés naguère comme inférieurs demeurent des âmes ardentes, pour qui le feu de leur passé glorieux brûle encore. Ces descendants du chagrin, dont les visages portent les stigmates de siècles de souffrance — chaque ride, un sillon façonné par la peine —, s’accrochent désespérément à leur héritage, ne tenant qu’à un mince fil d’argent. Leur cœur, vibrant au diapason de cette riche mémoire ancestrale, se montre résistant, voire défiant, face à l’effritement lent de leur splendeur. Parmis les multiples civilisations qui parcourent Sekaï, seules les plus éminentes devraient se targuer d’être les vassales de l’Empire, tandis que les plus dépravées seraient vouées à être marquées du sceau de l’opprobre, asservies à un esclavage impitoyable. Cette servitude, d’une cruauté sans nom, n’aurait alors d’autre dessein que de servir de châtiment, une expiation forcée pour une existence jugée indigne par leurs maîtres. C'est là, au plus secret de son être, que réside la véritable nature de la belle Acalypha, cet astre resplendissant sous les cieux, dont la beauté éthérée masque une noirceur abyssale. Un éclat lumineux qui rayonne d'elle, loin d'être un simple reflet de splendeur, est le voile derrière lequel se terre une obscurité sinistre.

Acalypha, scion de la vénérable dynastie des An Gleanna. Héritière d’un legs aussi splendide qu’écrasant, elle est née dans un monde où l’art de la mode se mêle indissociablement au poids des traditions séculaires. Ces maîtres de l’artisanat, dont le nom est synonyme de sommet stylistique, se dressent comme des sentinelles des traditions elfiques, avec un conservatisme politique aussi ferme que la pierre. Dans cette forge d’élitisme, Acalypha s’est épanouie, nourrie d’une éducation saturée de connaissances anciennes et d’idéaux suprématistes, lui enseignant que la hiérarchie sociale et la supériorité ne sont pas seulement inhérentes mais fondamentales à la sauvegarde des elfes.  

Pendant des siècles, elle naviguait dans les ombres, avançant sous le prétexte innocent de promouvoir son entreprise, habilement alignée sur les actions de l’ancienne ambassadrice Lorayra. Tandis que cette dernière consolidait les relations avec la république et le Reïke, il ne fallut que quelque temps avant que les peuples ne soient captivés, séduits par l’exquise finesse du savoir-faire elfique de l’ancien Empire. Elle troquait alors des étoffes uniques, non pour des babioles ou des trésors éphémères, mais pour des actifs tangibles et stratégiques. Son regard était tourné vers l’acquisition de moulins localisés au cœur d’hectares fertiles, de caravansérails animés situés sur les routes mercantiles vitales, et de quais privés dans des ports prospères, assurant un monopole sur les voies d’échange les plus lucratives. Elle convoitait également des domaines vastes, des terres agricoles riches et d'oasis réputés, offrant non seulement un lieu de résidence majestueux, mais aussi une source de revenus pérennes. Parfois, elle visait l’obtention de brevets de négoce exclusifs ou de droits de passage, augmentant sa mainmise sur les flux commerciaux et les transactions entre les royaumes. Ainsi, petit à petit, elle s’insinuait dans l’économie civile, ses acquisitions lui octroyant un réseau d’influence et de pouvoir qui s’étendait au-delà de Melorn.

Un jour, lors d’une conversation feutrée dans les jardins luxuriants de l’ambassade, la parlementaire, curieuse, interrogea Acalypha sur les véritables motifs de son expansion commerciale rapide. Avec un sourire empreint d’une innocence soigneusement cultivée, Acalypha répondit, sa voix douce portant à peine au-dessus du murmure des fontaines alentour : « Mon intention, voyez-vous, est purement de tisser des liens et de renforcer vos efforts diplomatiques. Je crois fermement en la puissance de la collaboration pour notre prospérité mutuelle. »

Puis, comme si l’idée venait tout juste de lui traverser l’esprit, elle ajouta, « À cet effet, je suis plus qu’heureuse de soumettre certains de mes avantages à votre mesure, ma chère. Si vous souhaitez, par exemple, organiser vos rencontres avec des dignitaires du Reïke, je pourrais mettre à disposition l’un de mes oasis. »

Face à l'ambassadrice, Acalypha se drapait dans une générosité si convaincante qu'elle en paraissait presque sincère, elle déployait une façade d'altruisme et de coopération qui aurait pu tromper les plus avertis. Cependant, derrière le voile de bienveillance et les sourires offerts, se dissimulaient les rouages d'un esprit calculateur. Chaque geste, chaque parole, se mesurait, conçu non seulement pour séduire, mais pour tisser une toile d'influence si subtile que ses véritables intentions restaient obscurcies aux yeux de tous.

Au cœur de ses missions diplomatiques, Lorayra portait le fardeau d’une opposition interne cinglante. Des mouvements radicaux au sein de Melorn méprisaient sa souplesse pour une faiblesse l’accusait de se montrer trop conciliante, de céder à la tentation de l’or impur avec facilité. Ces voix dissidentes ne murmureraient pas que dans l’ombre ; elles s’élevaient avec véhémence contre sa volonté d’embrasser et de s’émerveiller devant les cultures de ceux qu’elles considéraient comme intrinsèquement inférieurs. Lorayra naviguait ainsi dans des eaux tumultueuses, son engagement envers la paix et l’entente se heurtait à un mur d’intransigeance. Chaque pas en avant scruté et jugé par ceux qui voyaient dans sa démarche une menace pour l’identité des haut-elfes.
Sous l'impulsion des manœuvres occultes d'Acalypha, les vagues de pression se faisaient plus tumultueuses. Les érudits, en proie à l'incertitude, débattaient avec une intensité croissante de la légitimité de leur représentation actuelle. La conclusion de ces délibérations marquait un tournant décisif : ils écartèrent de la voie vacillante qu'ils suivaient, pour se rallier derrière une alternative résolument plus ancrée dans le paysage du Reïke, incarnée par l'Héritière An Gleanna.

Avec subtilité, Acalypha orchestrait ses stratégies sur l’échiquier mondial, ses mouvements calculés marquant l’aube d’une nouvelle ère dans son parcours. Elle immergeait enfin ses talents dans l’arène de la politique extérieure de Melorn. Évitant une rupture abrupte avec le passé, elle envisageait de maintenir et de nourrir ses alliances avec le Reïke. Toutefois, parallèlement à cette diplomatie ouverte, Acalypha tissait un dessein plus secret et ambitieux : un programme visant à revitaliser Melorn par le biais d’un effort concerté pour unifier sa diaspora éparpillée. Les elfes retrouveront-ils la raison ? Parviendront-ils à se hisser au-dessus des autres royaumes, à former un nouvel empire ? Verrons-nous revenir l'ère de la hâche, de l'épée, de la domination et du mépris ?