Année 3 le 2 juillet

Le RSAF, ses quatre lettres font raisonner toujours la même chose en moi, le voyage à dos de griffon entre Kyouji et le Temple. Cette sensation de liberté à dos de cette créature était vraiment formidable. Rien que pour cela, l’étude de la magie de l’air valait le coup. J’ai pu ainsi dévier légèrement les courants ascendants pour éviter de me prendre les rafales d’air en pleine face.

Mais aujourd’hui, ce n’est pas pour cela que je suis venu, ce qui est bien dommage. J’ai rendez-vous avec Atheleen Stormborn qui n’est rien de moins que la Chef de section "Chasseurs" de cette noble inquisition. Je dois en effet, maintenant que la guerre est terminé, vérifier les livres de compte. Les dépenses ont été importantes et les résultats présents, mais comme je dis souvent, l’efficience doit remplacer l’efficacité et il faut faire attention aux dépenses.

Je ne pense qu’il y aura des problèmes majeurs, celle que je vais rencontrer est une Lumina et d’après mon expérience personnelle, tous les membres de cette race sont gentils. Il n’y a que Seagan qui déroge à cette règle, mais avant son changement de personnalité, il était très aimable avec tout le monde.

Je passe différents barrages, grâce à mon tatouage bien visible sur mon poignet et mes lettres de marque. J’ignore totalement là où l’on va m’emmener, n’ayant pas accès à toutes les zones. Je me doute que l’endroit renferme de nombreux secrets, mais je ne suis pas dans le secret. Je me plierai bien sûr à toutes les mesures qui seront jugés nécessaire pour assurer la protection des lieux, comme me séparer de l’épée familiale que je porte toujours à mes côtés, bien au chaud dans son fourreau. L’important est que je puisse faire mon travail dans de bonnes conditions.

- “Nous avons la visite de monsieur Reys, notre cher contrôleur royal, qui souhaite réaliser un audit, j'ose espérer que tout m'a été correctement signalé, surtout avec les nombreuses dépenses liées à la guerre contre les Titans. Si, je constate ou que Monsieur Reys constate un manque, au risque de vous décevoir, vous prendrez la porte sans sommation. Me suis-je bien fait comprendre ?”

- “Oui, Madame Stormborn.”

- “Rompez.”

D'un pas ferme et déterminé à rencontrer cette personne pour la première fois, Atheleen espère de ne pas devoir serrer la ceinture pour les prochains mois. Les temps sont rudes. Un bon nombre de créatures sont tombées au combat, de nombreux chasseurs aussi, les effectifs durant les traques sont limités, ce qui ne facilite pas la tâche face à de redoutables bêtes. Le Roi en personne quémande un nombre assez massif de bêtes formées au combat. Le RASF doit trouver de nouvelles espèces afin d'agrandir l'armée du Reike.

Arborant un calme limpide, Atheleen ouvrit la porte menant à un hall d'attente entre le palais et Luxuriance. Elle croise alors pour la première fois le regard de Tagar, un homme assez imposant, d'après les dires, il serait un mage assez puissant pour faire fissurer n'importe quel sol et serait un excellent soutien sur le terrain. Elle tend alors sa main avec conviction arborant un léger sourire, pas d'hypocrisie, mais de satisfaction d'être en compagnie d'une personne pouvant être douée au combat.

- “Monsieur Reys, ravie de pouvoir enfin poser un visage sur votre nom, le Grand Argentier ne vous en a pas fait trop voir des vertes et des pas mûres j'espère ? Ne croyais pas que nous ne savons rien en dehors de nos murs, nous avons les yeux et les oreilles partout, enfin, quand cela concerne le RASF uniquement…”

Accélérant le pas pour passer de couloirs en couloirs, tous aussi similaire les uns que les autres, ces derniers possèdent tout le long, une baie vitrée surplombant tout Luxuriance.

- “Je ne vous fais pas la visite sur le terrain, nous serons dans mon bureau, vous aurez une vu imprenable sur Luxuriance.”

Après quelques minutes de marche, l'entrée du bureau était assez excentré et davantage en hauteur, l'on pouvait même y accéder par une plateforme à côté, si l'on avait une monture volante. C'est un vaste bureau, il y avait de nombreux livres sur les différentes créatures peuplant le Seikai, des livres de magie, un tableau, quelques peintures de créatures, un portrait de l'ancienne équipe de chasse où Atheleen fit ses premiers pas, décore le bureau. Un grand bureau en bois de chêne noir, très sombre, avec quelques dorures représentant des griffons. Il est assez usé à force.

- “Ce bureau est aussi vieux que moi, il a toujours cette odeur boisée, cela me rappelle mon arrivée en ces lieux...”

S'installant sur un large fauteuil de velours, qui autrefois devait être rouge, mais tends sur le carmin désormais.

- “ Je suis toute ouïe. Sur mon bureau, j'ai différents dossiers concernant nos fournisseurs, nos stocks, notre trésorerie. La guerre nous a laissée quelques stigmates. Perte de soldat, perte de bête…Les chasses deviennent difficile avec le manque d'effectif. Le roi souhaite également agrandir notre bestiaire et souhaite une armée massive de créature pouvant combattre. La tâche n'est pas aisée. Les coûts vont être amenés à exploser si je dois fournir à notre roi de quoi combattre rapidement…”

Préférant se relever pour regarder Luxuriance, elle montre également les différents enclos. Atheleen n'aime pas être assise à son bureau.

- “Vous voyez tout ceci ? Comment voulez-vous que j'héberge autant de créature…”

Son aura naturel s'amplifia, laissant apparaitre un halo frémissant comme une flamme.

C’est la cheffe des chasseurs du RSAF qui m’accueille et je m’incline, comme ma Mère me l’a appris, pour la saluer. Comme toutes les luminas, elle est très jolie, un visage d’ange, un corps parfait avec des formes là où il faut, je me dis que j’aurais du être de la même race pour pouvoir faire la cour à ce genre de déesse.

Mais ce n’est pas le cas et mon physique, qui ne ressemble guère à un guerrier, n’est pas vraiment apprécié dans notre Empire privilégiant les muscles. J’ai beau être mince grâce à un entraînement régulier, mes bras ne ressemblent pas à des troncs d’arbre. Je souris quand même, lorsqu’elle évoque mon supérieur hiérarchique et je lui réponds :

Le grand Argentier est une personne très aimable.

Et qui me surcharge de boulot, mais comme je ne suis pas ici pour me plaindre, je n’ajoute pas cette petite phrase. Je la suis donc dans les différents couloirs et je me demande bien où nous allons, ayant déjà entendu parler de Luxuriance dans les rapports, mais n’en connaissant pas la signification exacte.

Ce n’est que lorsque je suis dans une zone avec une large baie vitrée que je comprends la signification de ce nom. Je vois une zone luxuriante ou semble s’ébattre des animaux plus impressionnants les uns que les autres. À mon regret, ne voulant pas me laisser distancer, je ne peux pas m’attarder et nous arrivons ainsi dans son bureau.

Mais le spectacle, là-bas, vaut largement le coup d’œil et je suis surpris par l’immensité de ce lieu. Comme d’habitude, je suis un peu destabilisé quand Atheleen annonce son ancienneté, oubliant à chaque fois que je n’ai pas devant moi une jeune femme de vingt printemps. Puis elle m’indique ce qu’elle a préparé pour moi ainsi que ses difficultés et je lui réponds :

Je vous remercie pour ses différents documents.

J’approche ainsi du bureau, jetant un bref coup d’œil et je précise à mon interlocutrice :

Croyez bien que je ne suis pas là pour vous faire des difficultés. J’ai déjà vu vos bilans financiers et en effet, vous êtes confrontés à des difficultés. J’ai déjà réfléchi à quelques pistes d’économie, mais je vais vous demander d’être ouverte à la discussion et de me laisser aller jusqu’au bout de mon argumentaire sans vous énerver.

J’attends son accord, car j’ai devant moi une personne capable de murmurer à l’oreille Wywerne. Je ne veux pas finir en amuse-gueule pour les créatures de ce magnifique parc, ce serait ballot.

- “Très bien. Vous avez toute mon attention.”

Dit-elle d’un ton sec pour finalement se rasseoir. Elle apprécie la délicatesse de monsieur Reys, cela change un peu des différents hommes sur le terrain, peu enclin à la conversation et davantage au combat. Il est rare qu’Atheleen apprécie la présence d’un homme, mais monsieur Reys dégage une certaine candeur et un calme olympien.

Plusieurs minutes s’écoulent, laissant le contrôleur royal enchaîner les différents points à aborder, parfois de léger fonçage de sourcils d’Atheleen son visible à l’égard de son interlocuteur. Jouant la plupart du temps avec ses mains en tapotant machinalement avec ses doigts sur le bureau pour signaler son impatience. Atheleen déteste rester assise trop longtemps à rien faire. Elle avait l’impression de perdre des heures précieuses de sa vie pour pas-grand-chose. Mais la situation est-elle qu’elle n’avait pas le choix que d’écouter les suggestions de monsieur Reys.

- “Du moment que l’on me permet de pratiquer encore mon travail avec les animaux, je n’ai aucune objection à rajouter à vos propos… Vous savez, d’ordinaire, je laisse mes collaborateurs gérer ce genre de conversation, mais ne vous connaissant pas, je souhaitais vous accueillir moi-même afin de voir qui vous étiez. Je sais que normalement, c’est mon travail de voir les grandes lignes directives, mais la paperasse m’épuise. J’admire votre courage à gérer autant de choses, surtout en restant assis.”


Atheleen avait en la présence de cet homme, une légère confiance, avec une tendance à la confession. Ce n’est pas tellement habituel qu’elle tienne pareil discours face à un inconnu. C’est peut-être pour ça d’ailleurs. Son entourage n’ose plus l’aborder, faute de représailles de sa part.

Soudainement, une wyverne de quatre mètre, blanche, habituée à se poser aux abords du bureau d’Atheleen fait une entrée brusque. Faisant trembler les fenêtres à cause de ses grandes ailes.

- "Ne vous en faites pas, elle ne rentrera pas dans mon bureau. Avez-vous déjà monté une créature volante monsieur Reys ?"

Après avoir reçu l’accord de la jeune femme, je déballe l’ensemble de mes arguments. Il va falloir réduire les coûts en changeant les habitudes, rationaliser les dépenses et dégager davantage de bénéfice. Certains choix seront douloureux, d’autre plus facile, mais en appliquant tout ceci, l’Empereur devrait obtenir ce qu’il souhaite et c’est le plus important, du moins pour moi. Finalement, Atheleen accepte et m’indique qu’elle est d’accord avec les grandes lignes de mon plan. Quand elle me parle de sa phobie administrative, je lui réponds en souriant :

Ce n’est pas un problème, je peux gérer le reste avec vos intendants. Je vous propose de faire un point d’étape dans trois mois.

Toujours vérifier que les mesures prises portent leurs fruits et si ce n’est pas le cas, prendre des mesures correctives, c’est la base de tout bon plan d’action administratif. J’ai même droit à un compliment et je lui réponds avec un plus grand sourire :

J’aime beaucoup mon métier, j’ai l’impression d’être utile, surtout quand je sais que vous allez pouvoir continuer à élever des animaux fantastiques et à protéger notre nation. C’est vraiment très gratifiant pour moi.

Je suis sincère dans mes paroles, j’ai été élevé dans ce but et cela me va parfaitement bien. Juste au moment où je prononce ses paroles, une énorme bête fait son apparition, une Wywerne ! Je fais un bond en arrière, tellement je suis surpris et je me dépêche de mettre un canapé entre moi et le monstre. La propriétaire des lieux me rassure, mais prudent, je reste à l’abri et je réponds de ma place :

Oui, j’ai déjà eu cette chance, il s’agissait d’un griffon, une bête magnifique. Ce fut une des plus belles expériences de ma vie, cette liberté apportée par le vol est vraiment quelque chose de formidable.

Je ne mens pas, j’ai vraiment beaucoup apprécié et j’aimerais le refaire. En plus, je maîtrise un peu la magie du vent et j’arrive ainsi à rester bien droit sur ma selle. Je suis également curieux de la créature qui vient de se poser et je demande à la Lumina :

Comment s’appelle-t-elle ?

- “Il s’agit de Mellon, qui signifie ”ami“ en elfique. Nous avons bataillé ensemble pendant la guerre contre les Titans, un noble animal. Agressive si on ne la maîtrise pas. Mais, loyale quand nous avons ses bonnes grâces.”

Dit-elle en souriant à Tagar. La wyverne hocha la tête comme signe de salutation. Puis, elle, chuchota à Atheleen : “Est-ce un nouveau chasseur ou bien un nouvel aliment” - tout en montrant ses crocs. Atheleen baissa la tête comme signe de négation à la créature, montrant alors de la main Tagar. “Certainement pas, monsieur est essentiel, de plus, il maîtrise la magie du vent, tout comme toi. Cela vous fait un point commun."

- “Veuillez m'excuser, la communication est télépathique entre nous. Elle voulait savoir si vous étiez comestible ou non. Ne vous en faites pas, je lui ai dit que vous étiez comme elle, à maîtriser l'air.”

Le visage d’Atheleen était toujours si différent en présence d’animaux, une connexion précieuse, elle arbore un sourire sincère, une aura chaleureuse. Elle souffla alors dans sa main, une légère brise de poussière lumineuse qui enroula la wyverne comme pour la calmer.

- “Allons allons, nous ne sommes pas là pour chercher querelle. M.Reys, j’espère que nous nous recroiserons, en d’autres termes plus, léger si je puis dire. Auriez-vous d’autres recommandations vis-à-vis de notre discussion ? Vous savez, notre roi nous rend visite prochainement au RASF pour vérifier l’état de nos troupes, ainsi que la performance de nos animaux. Il ne faudrait pas tarder pour me fournir un bilan de notre section.”

Soufflant de lassitude, les entretiens furent toujours aussi éprouvants. Atheleen ouvrit la porte-fenêtre menant à Mellon. La wyverne passa même sa tête de force en la poussant légèrement. La noble chasseresse fit un simple mouvement de doigt pour faire reculer la bête.

- “Contrairement aux autres bêtes, je la laisse libre de vagabonder en Luxuriance. J’ai confiance en elle pour ne pas déguster quelques membres du personnel… Je demanderai une audience plus tard pour qu’elle soit ma partenaire... Officiellement.”

Un court silence se fit ressentir puis, Atheleen fit face à Tagar.

- “M.Reys, je vous inviterais un jour à dîner, du moment que l’on ne parle pas d’audit.”

Atheleen sortit son plus agréable sourire. Rare sont les personnes pouvant y avoir droit.

Mellon, c’est un joli nom, la langue elfique ayant toujours été belle. De toute façon, chez les elfes, tout est beau. Mon premier amour était une elfe et je suis pris dans mes souvenirs, jusqu’à ce que la bête demande à me manger ! On ne peut vraiment être tranquille, nulle part. Heureusement, la maîtresse des lieux tient fermement son animal et l’empêche de mettre à exécution son envie.

D’ailleurs, elle me demande si nous avons fini et quand elle aura son bilan et je lui réponds, sûr de moi :

J’ai besoin de quelques heures dans un vos bureaux, le Cœur ne souhaite pas que certains documents classés « top secret » sortent de cet endroit. Concernant mon rapport, il est déjà bien avancé, je vous l’enverrai dans deux jours.

Je vois la bête essayée d’entrer, mais elle est vraiment bien dressée, car elle réagit à une simple pression et retourne à l'extérieur. Rassuré par ce fait, je sors enfin de ma barricade improvisée et je fais quelque pas dans sa direction. Bien sûr, je suis trop prudent pour toucher la bête, mais je m’incline brièvement et je lui dis :

Mellon, je suis enchanté de faire votre connaissance.

Je ne sais pas si elle me comprend, car elle communique à l’aide de la télépathie avec Atheleen. Mais si elle peut se mettre dans la tête, que je ne suis pas simplement de la nourriture sur patte, c’est toujours ça de gagné. En parlant de repas, je suis invité à un dîner et je me tourne vers la Lumina :

Ce sera avec grand plaisir, nous pourrons parler de nos différentes expériences de vol.

Je dois dire que je l’envie de pouvoir monter sur le dos d’une Wywerne, c’est bien plus gros qu’un griffon et la vitesse en vol doit être phénoménale ! Sur cette dernière promesse, je prends les différents documents qu’elle m’avait présentés et sur un dernier salut très courtois, je quitte les lieux, il me reste encore du travail avant de pouvoir répondre aux demandes de l’Empereur et du RSAF.