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Le Chevalier Noir
Deydreus Fictilem
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Info personnage
Race: Vampire
Vocation: Guerrier combattant
Alignement: Loyal mauvais
Rang: B - Griffe
La politique. Quelle plaie.
Deydreus était plutôt un homme d'action. Un être qui préférait manœuvrer sur les champs de batailles plutôt que de naviguer parmi les vipères du monde aristocratique. De plus, l'administratif et ses nombreux dossiers à remplir avaient le don pour lui donner un mal de crâne qui durait des journées entières. Pourtant, en ce jour, le guerrier s'était lui même infligé la peine de remplir de nombreux documents. De longues listes de décharges et autres clauses stupides. Tout cela, il ne le faisait que dans un but. Venir parler à quelqu'un. Cette personne, aussi étrange que cela pouvait être, n'était même pas un prisonnier de guerre à l'importance incroyable comme un titan ou ce genre de choses. Enfin, pas totalement.
Observant silencieusement l'entrée des baraquements, l'officier laissa la brise matinale venir caresser ses joues au travers de son heaume. Il n'avait pas attendu la mi-journée pour se rendre à sa destination, tant la chaleur de la capitale pouvait parfois lui être désagréable. Un peu plus loin devant lui, plusieurs gardes patrouillaient d'un pas déjà fatigué mais précis, témoignant de l'importance de leur tâche tout comme la stupidité de cette dernière. S'avançant d'un pas lent, le vétéran arriva rapidement à leur niveau et se présenta de son ton neutre habituelle. L'archiviste chargé de notifier les entrées et sorties dans la caserne fixa Deydreus d'un air mitigé. Il semblait à la fois inquiet de la présence de l'armure noire tout comme confus. Pour lui, il semblait inconcevable que quelqu'un n'entre dans ce lieu et, aux vues des nombreuses pages blanches du journal, les visites n'étaient effectivement pas bien nombreuses. Signant de nouveau divers documents et suivant un garde à l'intérieur de la bâtisse, le bretteur analysa chaque personne qu'il croisait, comme s'il désirait juger lui même de la sécurité en place. Car, en vérité, la personne qu'il venait voir relevait plus du trophée que d'une personne d'un point de vue pratique. Un outil, que gardait précieusement le Reike et qui n'avait pas été dirigé vers ses ennemis depuis plusieurs lunes. Alors, pourquoi Deydreus venait-il lui rendre visite? A priori, il ne connaissait pas cette personne et rien ne les reliait. En vérité, l'officier souhaitait obtenir une nouvelle alliée. Ou, tout du moins, connaitre le mode de pensée d'une protectrice de la capitale. Qui, par le passé, aurait très bien croiser le fer avec lui.
- Habituellement, les janissaires étaient placée dans l'aile gauche. Mais, à présent, il n'en reste plus beaucoup. Celle que vous cherchez se trouve un peu plus loin. Je crois que les gars l'ont vue installée dans la cour sud. Oh et. Messire?
- Oui?
- Bon courage. Vous savez, elle n'est pas très... Communicative, si je puis parler ainsi. Vous feriez aussi bien de parler à une simple plante.
Haussant doucement les épaules, Deydreus ne prit même pas la peine de répondre au garde. Ces derniers ignoraient probablement la raison même de sa présence ici, ni le mode de fonctionnement de l'officier lorsqu'il souhaitait rencontrer une cible d'intérêt. Il avait, pour dire vrai, reçut les mêmes regards confus lorsqu'il s'était rendu à l'arène pour recruter Alasker. Pour les plébéiens il était improbable qu'un noble ne vienne à la rencontre de personnes sans "importance". Pour les aristocrates, il était stupide qu'une personne de pouvoir ne prenne la peine de se déplacer personnellement. Deydreus s'en moquait bien. Pour lui, une figure d'autorité ne pouvait être légitime que si elle démontrait ses motivations en personne. Que si, dans un contexte de recrutement ou, au moins, de rencontre, elle faisait acte de présence.
Ses pas continuèrent donc de l'emporter dans la caserne. Arrivant devant ce qui ressemblait à des successions de chambres. Toutes semblaient vides, abandonnées. A plusieurs reprises, Deydreus remarqua des effets personnels laissées sur place, plein de poussière. L'ambiance globale était assez étrange. Tout semblait hors du temps. Pourtant, des personnes avaient habité ces lieux jusqu'à il y a peu. S'arrêtant quelques fois afin de mieux observer ce qu'il voyait, l'officier avait l'impression de remonter le temps jusqu'à une époque qui pré-datait sa propre naissance. Cela ne l'étonna pas vraiment. Après tout, la janissaire qu'il venait voir était plus vieille que lui. Bien plus vieille. Arrivant finalement dans la cour, l'armuère d'ébène chercha du regard la raison de sa visite. Ses yeux naviguèrent sur les nombreux balcons suspendus, ainsi que les arbres disposés un peu partout. L'ambiance y était bien plus agréable que dans l'aile traversée plus tôt et on pouvait voir ici et là quelques soldats en train de discuter entre eux. Ils observèrent rapidement Deydreus tandis qu'il avançait vers l'objet de son attention. Là, parmi les différentes personnes présentes, une elfe au visage anguleux demeurait stoïque face à son approche. S'arrêtant à quelques pas de cette dernière, l'officier attendit sagement qu'elle ne daigne porter son attention sur lui.
- Bien le bonjour Vaesidia. Je suppose que vous aviez été prévenue de mon arrivée. Je me présente. Deydreus. Deydreus Fictilem. Officier de l'armée Reikoise, et dirigeant des Serres Pourpres.
Debout, Deydreus fixa son interlocutrice en silence. Il aurait put tirer une chaise et venir s'asseoir, tout comme il aurait put enchainer sans attendre le moindre retour de cette dernière. Mais, l'officier n'était pas ce genre de personne. Il ne se considérait jamais au dessus des autres sans raison et, pour l'heure, il respectait bien trop les états de service de Vaesidia, même si ces derniers étaient le fruit d'une quelconque manipulation mentale.
- Je ne suis pas venu ici pour parler de votre passé ou de ce que vous pouvez penser de votre situation actuelle. D'autres officiers l'ont déjà fait avant moi et je me soucie bien peu de votre vision de l'Empereur.
Il retira alors son heaume, le passant sous son bras tandis qu'il balayait rapidement sa tignasse désordonnée.
- Je suis ici pour savoir ce que vous pensez de la guerre.
Deydreus était plutôt un homme d'action. Un être qui préférait manœuvrer sur les champs de batailles plutôt que de naviguer parmi les vipères du monde aristocratique. De plus, l'administratif et ses nombreux dossiers à remplir avaient le don pour lui donner un mal de crâne qui durait des journées entières. Pourtant, en ce jour, le guerrier s'était lui même infligé la peine de remplir de nombreux documents. De longues listes de décharges et autres clauses stupides. Tout cela, il ne le faisait que dans un but. Venir parler à quelqu'un. Cette personne, aussi étrange que cela pouvait être, n'était même pas un prisonnier de guerre à l'importance incroyable comme un titan ou ce genre de choses. Enfin, pas totalement.
Observant silencieusement l'entrée des baraquements, l'officier laissa la brise matinale venir caresser ses joues au travers de son heaume. Il n'avait pas attendu la mi-journée pour se rendre à sa destination, tant la chaleur de la capitale pouvait parfois lui être désagréable. Un peu plus loin devant lui, plusieurs gardes patrouillaient d'un pas déjà fatigué mais précis, témoignant de l'importance de leur tâche tout comme la stupidité de cette dernière. S'avançant d'un pas lent, le vétéran arriva rapidement à leur niveau et se présenta de son ton neutre habituelle. L'archiviste chargé de notifier les entrées et sorties dans la caserne fixa Deydreus d'un air mitigé. Il semblait à la fois inquiet de la présence de l'armure noire tout comme confus. Pour lui, il semblait inconcevable que quelqu'un n'entre dans ce lieu et, aux vues des nombreuses pages blanches du journal, les visites n'étaient effectivement pas bien nombreuses. Signant de nouveau divers documents et suivant un garde à l'intérieur de la bâtisse, le bretteur analysa chaque personne qu'il croisait, comme s'il désirait juger lui même de la sécurité en place. Car, en vérité, la personne qu'il venait voir relevait plus du trophée que d'une personne d'un point de vue pratique. Un outil, que gardait précieusement le Reike et qui n'avait pas été dirigé vers ses ennemis depuis plusieurs lunes. Alors, pourquoi Deydreus venait-il lui rendre visite? A priori, il ne connaissait pas cette personne et rien ne les reliait. En vérité, l'officier souhaitait obtenir une nouvelle alliée. Ou, tout du moins, connaitre le mode de pensée d'une protectrice de la capitale. Qui, par le passé, aurait très bien croiser le fer avec lui.
- Habituellement, les janissaires étaient placée dans l'aile gauche. Mais, à présent, il n'en reste plus beaucoup. Celle que vous cherchez se trouve un peu plus loin. Je crois que les gars l'ont vue installée dans la cour sud. Oh et. Messire?
- Oui?
- Bon courage. Vous savez, elle n'est pas très... Communicative, si je puis parler ainsi. Vous feriez aussi bien de parler à une simple plante.
Haussant doucement les épaules, Deydreus ne prit même pas la peine de répondre au garde. Ces derniers ignoraient probablement la raison même de sa présence ici, ni le mode de fonctionnement de l'officier lorsqu'il souhaitait rencontrer une cible d'intérêt. Il avait, pour dire vrai, reçut les mêmes regards confus lorsqu'il s'était rendu à l'arène pour recruter Alasker. Pour les plébéiens il était improbable qu'un noble ne vienne à la rencontre de personnes sans "importance". Pour les aristocrates, il était stupide qu'une personne de pouvoir ne prenne la peine de se déplacer personnellement. Deydreus s'en moquait bien. Pour lui, une figure d'autorité ne pouvait être légitime que si elle démontrait ses motivations en personne. Que si, dans un contexte de recrutement ou, au moins, de rencontre, elle faisait acte de présence.
Ses pas continuèrent donc de l'emporter dans la caserne. Arrivant devant ce qui ressemblait à des successions de chambres. Toutes semblaient vides, abandonnées. A plusieurs reprises, Deydreus remarqua des effets personnels laissées sur place, plein de poussière. L'ambiance globale était assez étrange. Tout semblait hors du temps. Pourtant, des personnes avaient habité ces lieux jusqu'à il y a peu. S'arrêtant quelques fois afin de mieux observer ce qu'il voyait, l'officier avait l'impression de remonter le temps jusqu'à une époque qui pré-datait sa propre naissance. Cela ne l'étonna pas vraiment. Après tout, la janissaire qu'il venait voir était plus vieille que lui. Bien plus vieille. Arrivant finalement dans la cour, l'armuère d'ébène chercha du regard la raison de sa visite. Ses yeux naviguèrent sur les nombreux balcons suspendus, ainsi que les arbres disposés un peu partout. L'ambiance y était bien plus agréable que dans l'aile traversée plus tôt et on pouvait voir ici et là quelques soldats en train de discuter entre eux. Ils observèrent rapidement Deydreus tandis qu'il avançait vers l'objet de son attention. Là, parmi les différentes personnes présentes, une elfe au visage anguleux demeurait stoïque face à son approche. S'arrêtant à quelques pas de cette dernière, l'officier attendit sagement qu'elle ne daigne porter son attention sur lui.
- Bien le bonjour Vaesidia. Je suppose que vous aviez été prévenue de mon arrivée. Je me présente. Deydreus. Deydreus Fictilem. Officier de l'armée Reikoise, et dirigeant des Serres Pourpres.
Debout, Deydreus fixa son interlocutrice en silence. Il aurait put tirer une chaise et venir s'asseoir, tout comme il aurait put enchainer sans attendre le moindre retour de cette dernière. Mais, l'officier n'était pas ce genre de personne. Il ne se considérait jamais au dessus des autres sans raison et, pour l'heure, il respectait bien trop les états de service de Vaesidia, même si ces derniers étaient le fruit d'une quelconque manipulation mentale.
- Je ne suis pas venu ici pour parler de votre passé ou de ce que vous pouvez penser de votre situation actuelle. D'autres officiers l'ont déjà fait avant moi et je me soucie bien peu de votre vision de l'Empereur.
Il retira alors son heaume, le passant sous son bras tandis qu'il balayait rapidement sa tignasse désordonnée.
- Je suis ici pour savoir ce que vous pensez de la guerre.
Citoyen du Reike
Vaesidia Inviere
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La curiosité et la frustration. Tels étaient les sentiments qui m’animaient depuis qu’une tierce personne était venue me chercher, sur le terrain d’archerie en vue d’une convocation avec l’un des contremaîtres des baraquements au sein desquels j’évoluais depuis mon retour à la capitale. Cet homme chauve, quelque peu bedonnant, au teint hâlé m’avait fait « mander » dans la pièce lui servant d’office, dès potron-minet. Bien que cette « invitation » m’ait quelque peu déplu du fait qu’elle impactait mes exercices physiques quotidiens, je m’étais pliée à sa requête et avais attendu, sans broncher, qu’il daigne me renseigner sur les raisons de ma présence en ces lieux. À l’instar de certains de ses homologues, il fit mine, dans un premier temps, de m’ignorer et de s’adonner au traitement d’une quelconque affaire urgente en griffonnant rapidement sur divers parchemins. Cependant, je n’étais pas dupe. J’avais conscience que sa « conduite » n’était qu’une mise en scène.
En effet, depuis mon enrôlement au sein du corps des janissaires, j’avais pu noter le recours à un tel comportement en plus d’une occurrence. Les raisons légitimant une telle attitude étaient doubles. Sous certains aspects, de tels agissements ne démontraient que la nature profonde des personnes concernées tant ils soulignaient à quel point le peu de pouvoir en leur possession les rendait imbus d’eux-mêmes. Non que cela me heurtât à l’époque tant ces considérations demeuraient, encore aujourd’hui, prosaïques à mes yeux. Le second motif derrière un tel procédé, en revanche, était bien plus pernicieux. Encore fallait-il que la personne adoptant une telle astuce en ait conscience. Quoi qu’il en soit, cette manière de traiter ainsi les janissaires permettait à nos seigneurs et maîtres de veiller sur ces derniers. Il n’était pas question, ici, de santé ou d’alimentation, mais « d’état d’esprit ».
Ce petit rituel visait, de fait, à s’assurer que les janissaires se souviennent de leur rang et des crimes qui les avaient conduits à cette position sociale. De même, il offrait la possibilité de contrôler la psyché de l’esclave. Si, celui-ci venait à s’impatienter dans cet office ou à remettre en cause à voix haute cette convocation et par extension sa situation, les contrôleurs royaux et leurs subalternes pouvaient venir à douter de la loyauté de ces serfs ce qui conduisait, fatalement, ces derniers à être rééduqué. Bien peu nombreux avaient été mes camarades à saisir cette dimension. Pour ma part, je l’avais bel et bien appréhendée même si je n’y accordais, dans le fond, aucune importante. Jusqu’à présent, à l’inverse de certains, je n’avais jamais éprouvé le besoin de remettre en question ma réalité, car j’avais conscience du bien fondé et de la justesse du châtiment que l’on m’avait infligé.
En vérité, alors que j’étais demeurée fixe sans afficher la moindre expression devant ce contremaître, j’éprouvais une certaine forme de contrariété que j’évitais de laisser transparaitre. Je n’en voulais pas à l’homme sous mes yeux bien que je n’eusse aucun problème à considérer que son allure ventripotente laissait à supposer qu’il n’eût pas connu le combat depuis des éons. Je ressentais une certaine animosité à l’égard du motif de ma convocation tant il était quelque peu malvenu. Je n’affectionnais qu’assez peu qu’une affaire de moindre importance en vînt à parasiter mon organisation matinale. Je tenais à effectuer chacun de mes exercices et à délier mes muscles conformément à ce que l’on attendait de ma personne afin de faire en sorte que ce corps qui hébergeait mon âme soit en mesure d’accomplir ce qu’on attendait de lui à savoir : combattre de manière efficiente. Aussi, j’en venais à caresser l’idée que la raison « soi-disant » impérieuse qui avait conduit mes pas dans cette pièce était possiblement dérisoire et constituait un frein si ce n’est un obstacle quant à l’accomplissement de mon devoir envers le Reike.
Finalement, au bout d’un certain temps, le contremaître releva la tête de son parchemin, qui, si j’en croyais mes yeux, traitait de l’affectation de certains janissaires en divers points de la capitale et en vint à me tenir ce langage d’un ton sec.
« Un officier impérial a émis le désir de vous rencontrer. Il devrait passer dans la caserne dans la journée. Vous êtes, de fait, relevez de vos attributions du jour et devez, sans plus tarder, attendre sa venue. Disposez. »
Par habitude, je claquais des bottes, inclinais légèrement ma tête et ressortais aussitôt de la pièce sans demander mon reste. Veillant à remettre l’une des mèches de cheveux derrière mon oreille, je plongeais à nouveau dans mes pensées tout en parcourant mon environnement d’un œil apathique. Toutefois, intérieurement, il n’en était rien. Mon agacement avait laissé place à une curiosité dévorante et à un zeste de colère qui, je ne le savais que trop bien, ne m’appartenait pas. Aussi tachais-je d’ignorer ce sentiment pour me concentrer sur le sujet de mon attention. Ainsi, une personne souhaitait me rendre visite. Voilà qui était pour le moins inhabituel. En trois années, passées au sein du corps des janissaires, jamais quelqu’un, en provenance de l’extérieur, n’avait expressément demandé à faire ma connaissance.
C’était assez étrange. C’était indéniable. Le fait qu’un évènement ô combien singulier put avoir lieu me conduit inexorablement à émettre des suppositions sur les raisons de cet évènement même si j’avais conscience de l’inutilité d’une telle conduite. Cependant, ayant du temps à tuer, j’essayais d’imaginer les motifs derrière cette entrevue. Je savais, alors que je prenais un couloir en direction des quartiers des janissaires, qu’il ne s’agissait certainement pas d’une escorte dans les Terres du Nord ou encore d’une nouvelle affectation à Ikusa ou aux frontières de l’Empire. Si cela avait été le cas, l’on m’aurait « recruté » séance tenante, sans aucune forme de cérémonie, et l’on m’aurait assigné à une quelconque compagnie avec d’autres janissaires. Non. Ici, c’était différent.
Aussi, pour y voir plus clair et tenter de faire éclater la vérité, je procédais au cheminement inverse. Au lieu de m’interroger sur les raisons que cet officier aurait de vouloir me voir, je me demandais tout simplement ce qu’une elfe, telle que moi, avait à offrir pour que l’on s’intéresse de près à son cas. J’écartais d’office le motif charnel tant il semblait incongru. Même si certains contrôleurs et certains contremaîtres ainsi que quelques gradés n’hésitaient pas à user de leur pouvoir pour s’adonner à leurs vices, jamais un homme ou une femme n’aurait émis le désir de contacter une esclave de guerre en particulier sous prétexte qu’ils étaient d’humeur licencieuse. Après tout, il y avait quantité de maisons closes dans la capitale pour satisfaire tous les plaisirs. Cela dit, j’avais conscience que du temps de l’esclavage et de la pratique de la gladiature, certaines nobles n’hésitaient pas à s’acoquiner avec ce genre d’individus, car la vue de muscles saillants et la sauvagerie dont pouvaient faire preuve ces derniers suffisaient à réveiller leur émoi.
En revanche, je n’hésitais pas à m’attarder sur mon passif. Est-ce que cette personne avait, à mon encontre, un quelconque grief ? Au vu de mes actes passés, c’était une possibilité que je ne pouvais ignorer. Ayant combattu jusqu’à la toute fin, lors de la chute d’Ikusa, j’avais tué mon lot de fils, de pères et de frères. Pire encore ! Je n’avais pas sourcillé en exécutant d’une flèche dans le crâne ceux qui, jadis, avaient trahis à mes yeux alors qu’ils avaient eu le bon sens, contrairement à moi, de ployer le genou et de se mettre au service du seul vrai souverain du Reike. Étant donné que les évènements récents avaient été quelque peu mouvementés, ce mystérieux quidam disposait, peut-être, désormais d’assez de temps pour venir régler ses comptes. Toutefois, cela semblait assez improbable. Même si la nature humaine était, par essence, assez mesquine, jamais un homme ou une femme n’aurait eu la bêtise de vouloir mettre un terme à mon existence. Ma vie comme ma mort appartenait au couple impérial et par extension aux contrôleurs royaux. Cela devait donc être une autre raison…
Ne restait qu’une autre motivation suffisamment légitime : mes capacités martiales et magiques. Après tout, je demeurais une elfe originaire de Melorn. J’avais bénéficié des meilleurs précepteurs dans le domaine des arcanes. Aussi, un noble éprouvait-il peut-être le besoin que j’éduquasse sa descendance ou lui-même à l’art de la sorcellerie. Au regard de mon affinité pour la pyromancie essentiellement, cela me paraissait extrêmement peu probable. Demeuraient alors mes capacités martiales. J’étais une véritable virtuose avec la corde de mon arc. Bien peu dans cet empire, pouvait se targuer de m’égaler dans l’art et la manière de bander un arc et de décocher une flèche en vue d’atteindre une cible. Peut-être que mes actes, sur le champ de bataille face aux troupes des Titans, m’avaient accordé une certaine renommée dans les rangs des soldats ou avaient rappelés à certains les prouesses dont j'étais capable malgré ma position d'esclave de guerre. Après tout, trois ans auparavant, j’étais encore capitaine dans l’armée du Reike.
Il demeurait, néanmoins, un dernier point ayant un lien avec tout ceci : mon expérience du combat et plus largement mes connaissances vis-à-vis de la poliorcétique. Bien que je ne m’estimais pas être experte en la matière au regard de ce qu’il me restait encore à découvrir ou à analyser, j’avais conscience que l’on ne m’avait pas condamné à mort, à l’époque de ma « rébellion » à cause de cela. Mon savoir ainsi que ma volonté d’écrire ou d’analyser des doctrines de guerre m’avaient rendue quelque peu « précieuse » au point que l’on me laissait encore coucher mes commentaires dans mon carnet. Toutefois, quand bien même je détenais une telle particularité, il paraissait plus judicieux qu’un officier ait recours aux enseignements de l’Université Draakstrang, à moins, bien évidemment, de ne pouvoir se payer ledit enseignement ce qui semblait quelque peu hors de propos.
Comme je l’avais, pour ainsi dire, estimer, mes divagations oniriques me laissèrent amplement le temps de rejoindre la cellule qui me servait de chambre. Je restais dans l’embrasure un long moment, le regard perdu dans le vide ou presque. Il me fallait tuer le temps et surtout me préparer à la visite de l’officier soit deux fins qui s’associaient. Durant un instant, je caressais l’idée de nettoyer cet endroit jusqu’à ce que constate l’inutilité d’une telle démarche. Ma couche de paille, dans le coin droit de l’entrée, avait été, depuis mon réveil, parfaitement arrangé. Quant à ma « tenue de combat », elle était disposée dans le coin gauche de la pièce sur un présentoir en bois que j’avais su fabriqué et aux côtés duquel se situait mon Yuumi et mes flèches. Pour ce qui était de mon carnet, des bougies et de mon matériel de scribe, le tout était disposé bien soigneusement dans une alcôve située au-dessus du bloc sur lequel reposait ma paillasse.
De fait, je n’avais rien à faire ou pratiquement rien à faire si ce n’est accomplir ce que tout bon soldat devait faire en révision d’une rencontre avec un officiel. Bien que je ne détienne plus de rang à proprement parler, certaines habitudes que j’avais acquises au cours de mon existence persistaient. Par conséquent, j’estimais que janissaire ou pas, lorsque l’on devait représenter le corps d’armée ou l’Empire, l’on se devait d’être propre. Je me saisis donc de l’une des tuniques propres que j’avais à portée de mains et partais en direction des bains.
En chemin, j’eus le temps de contempler les chambres adjacentes aux miennes et contemplais, du coin de l’oeil, non sans éprouver une certaine tristesse, le vide qui les constituait désormais. J’étais seule désormais dans cette partie de la caserne. Pour une raison, que je ne m’expliquais pas, je ne parvenais pas à comprendre les raisons de mon humeur ô combien morose lorsque je faisais cette simple constatation. Était-ce la mort de mes camarades janissaires au combat qui me rendait si désœuvrée ? Même si, j’avais veillé sur nombre d’entre eux, je n’avais jamais été véritablement proche de ces derniers à l’inverse de ceux aux côtés desquels je m’étais battue lors de la conquête d’Ikusa par l’Empereur. Était-ce le fait que cette soudaine solitude m’obligeait à me replier sur moi-même ? Cela avait peu de sens tant j’avais recherché une certaine forme d’isolement par le passé.
Je sortis du couloir pour traverser une cour où quelques soldats semblaient entamer leurs tâches quotidiennes. Les ignorant, je continuais mon chemin pour finalement aller de l’autre côté de ce patio et ouvrir une porte pour arpenter à nouveau un couloir. Au bout de ce corridor se trouvait une large pièce au sein de laquelle l’on pouvait observer plusieurs bains au sein desquels je pouvais observer quelques personnes dans le plus simple appareil. Oh ! Il ne s’agissait pas d’un aménagement très luxueux. En vérité, nous étions même aux antipodes des hammams qu’il m’arrivait, jadis, de fréquenter dans la capitale. Il ne s’agissait que de larges cuveaux en bois disposant d’un savant système d’évacuation et étant alimenté par diverses citernes dédiés aux seuls besoins des baraquements dans lesquels je me situais.
Durant de longues minutes, j’attendis que le cuveau se remplisse, puis à l’aide d’un peu de magie, j’usais de ma pyromancie, non sans modération toutefois, pour chauffer l’eau dudit bain avant de me délester de ma tunique et de mes caligae pour finalement le rejoindre. N’accordant aucune importance aux regardes que certains me jetaient, j’entamais ma toilette, à l’aide d’une simple éponge, tout en continuant de m’appesantir sur ce sentiment ô combien désagréable qui ne cessait de me tourmenter ! Ce mal-être n’avait aucun sens à mes yeux. En quel honneur, la disparition de mes camarades devait-elle me plonger dans l’amertume la plus totale ? Était-ce pour la simple raison que j’estimais que la mort de mes frères et sœurs d’armes au combat avait été inutile ? Il est vrai que je considérais que durant ces dernières années, le corps des janissaires avait été bien mal employé et bien mal organisé. Hélas ! Je n’avais jamais pu faire part de mes observations à ce sujet tant aucune personne de la hiérarchie de l’Empire ne m’avait interrogé à ce sujet. Il y avait, par conséquent, assez peu de chance pour que cela s’améliore.
Non. Ce malaise cachait un élément qui se dérobait à moi dès que j’essayais de l’identifier ce qui était quelque peu frustrant tant ces émotions, qui à mes yeux ne m’appartenaient pas, parasitaient mon être. Alors que j’étais plongée dans mes pensées, je ne remarquais pas que les doigts effilés de ma main droite en étaient venus, une fois encore, à gratter de manière frénétique la cicatrice située entre mes seins jusqu’à faire couler, au bout d’un moment, un peu de sang. Cette soudaine irritation m’arracha à mes considérations et me fit constater l’ampleur des « dégâts ». Aussi tachais-je de nettoyer la plaie, qui au contact du savon, n’en était que plus enflammée, et m’admonestais mentalement pour finir au plus vite mon bain avant que de m’attirer des reproches, ou pire encore, avant que ledit officier ne me trouve ici.
Plongeant la tête sous l’eau pour me concentrer sur mon visage, je nettoyais rapidement ma chevelure dont je notais, d’ailleurs, la longueur et veillais également à tenter de débarrasser mon cou des quelques traces de crasse qui y persistaient ce qui n’était pas très aisé du fait de la présence de mon collier d’esclave. Une fois, le tout fait, je sortis de la baignoire sans tarder, revêtis la tunique propre que j’avais apportée et mes caligae avant de déposer mon vêtement sale dans la partie de la pièce dédiée au linge sale des janissaires. Puis sans demander mon reste, j’en vins à retourner dans la cour adjacente que j’avais traversée quelques instants auparavant tout en ignorant les quelques personnes qui m’entouraient pour m’installer contre un mur situé à l’opposé de mes quartiers, afin de pouvoir scruter les allées et venues de chacun, et surtout pour que la personne, devant me rencontrer, puisse m’identifier.
Laissant la faible brise matinale caresser mes cheveux, encore trempés, je fermais les yeux, temporairement, et savourais la chaleur des premiers éclats de l’astre du jour sur ma peau humide. Je restais ainsi, pendant un long moment, avant de me concentrer à nouveau sur mon environnement et surtout sur l’objet de mes pensées. Même si je n’étais pas en mesure d’identifier pleinement l’origine de cette soudaine malédiction, j’estimais qu’elle avait un lien probable avec une quelconque perte d’identité bien que cela soit, sans nul doute, tiré par les cheveux. Après tout, je demeurais l’un des derniers janissaires « recrutés » avant notre victoire « finale » sur les troupes des Titans. J’avais conscience que les prisonniers, faits au cours du conflit, finiraient, tout comme moi il y a de cela trois ans, par mesurer l’amplitude de leur faute et accepteraient de prendre leurs responsabilités et de servir l’Empire du Reike en tant qu’esclaves de guerre.
Néanmoins, il n’en demeurait pas moins que ces futures recrues n’étaient que des étrangers. Je n’avais fait, à la mesure, que croiser le fer avec certaines de ces personnes. Au-delà, nous n’avions, pour l’instant, rien en commun. À l’inverse de leurs prédécesseurs, ils n’avaient pas partagé mon quotidien durant trois ans. Ils n’avaient pas combattu, sué et saigné à mes côtés pendant trois ans. Ils n’étaient pas morts dans mes bras. Ils n’avaient pas conscience des épreuves que nous avions subies. En somme, je n’avais aucun lien avec ces personnes qui tôt ou tard rejoindraient un corps dont ils ignoraient tout. J’étais, pour ainsi dire, la dernière représentante d’une « caste » de janissaires. Le dernier témoin... En un sens, cette donnée devait être probablement à l’origine de mes tourments. Je n’étais que le vestige d’une époque révolue comme en attestaient d’ailleurs les cellules vides situées aux côtés de la mienne et dans lesquelles l’on trouvait encore les possessions de ceux qui, jadis, les avaient occupés. Certes, je savais que ces recrues seraient, tout comme moi, fidèles aux souverains de l’Empire, mais, pour autant, au regard de leur provenance, il ne faisait aucun doute que la venue de ces esclaves de guerre bouleverserait le monde dans lequel j’avais évolué jusque là.
Peut-être était-ce même là l’origine de la requête à laquelle on m’avait astreinte aujourd’hui. Après tout, la personne devant me rencontrer aujourd’hui était possiblement l’un de mes rares camarades ayant survécu au conflit et ayant été affranchi. C’était une probabilité bien que je ne comprenais pas les raisons d’une telle conduite. J’imaginais assez mal un officier venir en ces lieux pour converser de nos souvenirs respectifs de ces trois dernières années. C’était quelque peu incongru et surtout assez malvenu tant, par bien des aspects, je n’avais jamais appris à connaître mes anciens camarades pour des raisons qui m’appartenaient.
Je suivais, sans toutefois faire un seul mouvement, du regard les personnes qui avaient, en cette matinée, décidé d’occuper également la cour. Il est vrai qu’il s’agissait d’un des rares endroits au sein des baraquements qui était appréciables. Si j’exceptais ma condition servile et la température ambiante, j’aurais presque pu prétendre me trouver à Melorn. Hélas ! Ce n’était guère le cas alors que mes deux oreilles se raidirent soudainement suite aux éclats de rire gras de deux gardes qui passaient par là et qui, si j’en croyais leur direction, partaient patrouiller en ville. Je notais également la présence de deux hommes attablés à l’une des rares tables disponibles en train de jouer aux osselets. Visiblement, ils étaient probablement affectés à la surveillance de cette section des baraquements ce qui devait probablement les arranger étant donné que j’étais le seul janissaire présent en ces lieux. Par conséquent, non seulement ils savaient qu’ils ne seraient pas débordés par « l’ampleur de la tâche », mais en plus, ils avaient conscience que je ne leur poserais pas de problème tant la majeure partie du temps, dernièrement, je me contentais de m’exercer, d’écrire sur mon carnet ou de rester ici, le dos allongé contre un arbre.
Entendant quelques cliquetis de pièces métalliques ainsi que des bruits de pas rapide, je portais mon regard bleuté vers la silhouette qui se profilait à l’horizon. Visiblement, cette personne, plutôt grande, était un guerrier si j’en croyais l’armure de plate noire qui le recouvrait entièrement. Celle-ci ne semblait pas de première jeunesse ce qui laissait à penser qu’il s’agissait d’un vétéran qui avait connu sa part de combats. Le fait qu’il possédait un tel équipement laissait également à supposer qu’il devait être aisé ou qu’il occupait une fonction assez importante au sein de la hiérarchie reikoise. Tout comme moi, les gardes, présents non loin de moi, se tournèrent vers la source de ce remue-ménage puis en revinrent à leurs affaires. Tel que je les connaissais, bien que leur curiosité dût les titiller, ils préféraient éviter de s’attarder sur cette personne dont l’aspect était quelque peu menaçant.
Effectivement, à s’y méprendre l’on aurait pu, si elle n’avait pas une forme tangible, prendre cette armure pour l’un de ces spectres qui, occasionnellement, en venait à hanter les lieux sur lesquels s’étaient déroulées des batailles. Pour ma part, je ne bronchais pas malgré son allure et même s’il semblait se diriger vers moi. Après tout, si cette personne avait été un intrus, il n’aurait pu avoir accès à cette section des baraquements. De même, si ce mystérieux quidam était un envahisseur, ses armes auraient dû être sorties de leur fourreau. Aussi, n’avais-je aucun souci à me faire bien que sa présence ne manquât pas de réveiller ma curiosité alors que je fermais à nouveau les yeux pour pleinement savourer les rayons du soleil. Bien que j’ignorasse l’identité de cet inconnu, j’imaginais assez mal l’un de mes anciens camarades être ainsi vêtu. Vraisemblablement, même s’il s’agissait de l’officier que je devais rencontrer, il était venu pour un tout autre motif dont j’ignorais la teneur.
Finalement, cette personne en vint à s’arrêter à quelques pas de moi si j’en croyais les sons que je percevais, ce qui me poussa, à nouveau à ouvrir les yeux et à poser mon regard à l’aura azurée sur celle-ci. Dès lors qu’elle fut assurée de mon attention, cet inconnu me salua, d’une voix grave et ô combien monocorde, et se présenta. Ainsi, il s’agissait bien de l’officier de l’armée reikoise qui avait sollicité une rencontre avec moi. Cet homme… Ce Deydreus était même, selon ses dires, le dirigeant des Serres Pourpres. Or, ce nom ne m’était pas totalement étranger. Si ma mémoire ne me faisait pas défaut, ces hommes avaient une assez bonne réputation. Il me semblait, d’ailleurs, avoir pu croiser l’un de ces membres au cours de l’une des batailles ayant opposé le Reike aux troupes des Titans, mais peut-être était-ce une erreur.
Aussi par respect et par habitude, je me redressais quelque peu pour faire pleinement face à Fictilem, fît claquer mes bottes, et ce dans l’optique de me saluer, selon la plus pure tradition militaire, mon supérieur hiérarchique. Je me contentais également de lui répondre, d’un ton laconique, ces seuls mots dont l’écho, du fait de la nature quelque peu troublée de ma voix persista une seconde après que je les eusse prononcés :
« Enchanté. Je suis à vos ordres, officiarius. »
Il poursuivit ensuite en m’indiquant très clairement qu’il ne s’intéressait ni à ma situation, ni à mon passé, ni même à ma vision de l’Empereur. Bien que je n’en montrais rien, cette simple déclaration me démontra que mes suppositions avaient été, comme je l’avais estimé, purement et simplement erronées. De ce fait, ma curiosité envers cet homme, qui en profita d’ailleurs pour retirer son heaume et balayer sa chevelure d’ébène, n’en fut que renouvelée. Je ne manquais pas, alors que j’attendais non sans une certaine impatience d’entendre les raisons de sa présence en ces lieux d’attarder mon regard sur son visage pâle aux traits anguleux. Ce n’était qu’un simple humain, quelque peu barbu au vu de son bouc et de sa moustache, qui, pour autant, n’était pas dénué de charmes tant il incarnait, sous certains aspects, une forme de beauté froide. Ce qui me frappa le plus fut, en revanche, ses yeux vairons. Je n’étais visiblement pas la seule à avoir hérité d’une spécificité oculaire.
Très rapidement, l’intérêt que je portais vers le physique de cet homme se transféra vers la nature des mots qu’il prononça et qui, alors que je les saisissais, firent redresser ostensiblement mes longues oreilles et durent ostensiblement faire apparaitre, dans mon regard, une lueur d’intérêt. Ainsi, cet officier désirait avoir le fond de ma pensée dans un domaine que je n’avais fait qu’effleurer du doigt et auquel j’avais, dédié mon existence entière. Voilà qui était pour le moins surprenant, curieux et surtout bienvenue même si je m’interrogeais quant au fait qu’il n’ait pas eu recours aux enseignements de l’université Draakstrang. Néanmoins, je tâchais de lui répondre non sans laisser poindre une pointe de sarcasme.
« La guerre est le seul domaine au monde au sein duquel les êtres vivants sont honnêtes dans les rapports qu’ils entretiennent les uns avec les autres et surtout vis-à-vis d’eux-mêmes. Ils savent que c’est un champ d’expertise où il faut tuer ou être tué. Peu importe ce que vous êtes : janissaires, cavaliers, fantassins, archers, vous avez conscience de cette réalité, mais plus encore, vous savez qu’afin d’obtenir la victoire, il vous faudra vous montrer plus retors et malin que votre ennemi afin de le leurrer. Au vu des réalités d’un champ de bataille, certains réussiront à faire fi de leur peur et à se montrer courageux, d’autres, au contraire, ne pourront pas contenir le contenu de leur estomac et de leur intestin et le déverseront au sol ou sur eux-mêmes. De même, des hommes et des femmes laisseront leurs pulsions s’exprimer, quelles que soient leurs croyances, leurs vices ou leurs penchants ou encore démontreront leurs vertus. Enfin, c’est le seul endroit où l’on a conscience des aspirations et des priorités de chacun dans l’existence. Étrangement, la perspective d’une mort imminente a tendance à réveiller les consciences des races mortelles qui en viennent à s’accrocher à ce qui leur tient le plus à cœur quitte à devoir formuler l’absence de ces fameux concepts à leurs camarades. La guerre est surtout un milieu où l’on peut observer la dualité qui caractérise les espèces conscientes de notre monde. Nous laissons nos instincts primaires prendre le dessus pour tenter de survivre, mais nous usons également de notre intellect pour y parvenir. » Je m’arrêtais un court instant avant de conclure. « Qu’importe ce que les aèdes et autres poètes content, la guerre n’a rien de glorieux, ne serait-ce que par l’odeur de merde, de fumée et de chairs putréfiées qui se dégage du lieu d’une bataille. La guerre, c’est observer vos camarades et vos alliés avec leurs vices et leurs verrues et accepter de les protéger dans tous les cas. »
Cette simple déclaration était pourtant loin de répondre à la question de Fictilem. En vérité, j’étais bien en peine de pouvoir lui donner satisfaction. Sa requête demeurait bien trop générale et m’obligeait à tenir compte de multiples facteurs qui n’étaient pas nécessairement pertinents. De même, il m’était impossible d’aborder cette problématique, car je n’avais fait que l’effleurer du doigt au cours des deux derniers siècles. Bien que j’eus, bien plus d’expérience qu’il n’en aurait jamais du fait de son espérance de vie, des plus limitées, il n’en demeurait pas moins que je demeurais une néophyte. Du moins, c’est ainsi que je le voyais tant ce domaine n’était limité que par la vision des hommes et des femmes d’une époque donnée et surtout d’une origine donnée.
Bien que je ne susse comment combler ses attentes, je comptais bien tenter de fournir à cet homme des éléments de réponse ce qui risquait de me prendre un certain temps. Aussi, pour plus de confort, je lui intimais d’un discret signe de tête de me suivre à la table située non loin de notre position, puis, une fois sur place, le laissais s’asseoir avant de prendre place à mon tour sur ce qui ressemblait plus à un tonneau qu’à un tabouret. Je joignais aussitôt les mains sur la table et repris mon exposé d’un ton calme au sein duquel l’on pouvait sentir, toutefois une pointe de passion qui gagna d’ailleurs en importance progressivement.
« Pour tout à fait franche avec vous, officier Fictilem, j’ignore comment répondre de manière judicieuse à votre question. Elle est bien trop généraliste. Tel que vous l’avez formulé, je serais tentée de vous affirmer que je ne pense rien de la guerre si vous entendez ce terme dans son ensemble et sous toutes ses formes. Pour quelle raison me demanderiez-vous ? Très simplement, car je ne connais pas toutes ses dimensions. Or, à moins d’être un simple d’esprit ou un serviteur des Titans, ce qui revient plus ou moins à la même chose, formuler un avis sur un point que je ne maîtrise que partiellement n’aurait pas grand sens et n’aurait aucune pertinence. » Je fis une nouvelle pause avant de répondre. « En revanche, si vous me questionnez d’un point de vue moral ou éthique, j’admettrais bien volontiers, et dans ce cas veuillez bien excuser mon honnêteté, que je vous aurais probablement ri au nez lorsque j’étais encore capitaine de l’armée reikoise. Oser aborder cet art, car ne vous y trompez pas il s’agit bien d’un art que peu savent reconnaître, en faisant preuve de manichéisme n’est en fait qu’une simple et pure ineptie. La guerre n’est qu’un prolongement de la politique par d’autres moyens. Le vrai but d’une guerre est de servir une fin politique ou de répondre à un impératif. C’est bien pour cela que bien souvent, pour déclencher un conflit ou l’entretenir, certains dirigeants n’hésitent pas à affirmer qu’il existe des principes et des valeurs supérieures à la vie. Ironiquement, il n’est pas rare que l’on prétende l’inverse, en cas de statu quo, pour y mettre fin. Quoi qu’il en soit, la nature profonde d’une guerre est de s’autojustifier. En d’autres termes, pour remporter une victoire, il faut participer au débat politique et ignorer tout le reste si ce n’est détruire son ennemi. »
Je laissais le temps à l’humain de digérer mes paroles et en profitais pour faire craquer mes phalanges. Il me restait un dernier point à aborder. Aussi, je tenais à le traiter avant qu’il ne pût me répondre. Aussi, le regardais-je fixement et poursuivis d’un ton sec, voire même quelque peu inquisiteurs, qui n’aurait admis, à une époque, aucune contestation. Je n'ignorais pas, en ces circonstances, que mon comportement risquait d'être assimilé par certains comme relevant de l'insolence mais je n'en avais cure. Je désirais satisfaire ma curiosité
« Je ne vous apprendrais rien en vous dévoilant que ce domaine demeure au centre de mon existence. Je m’y suis dédiée corps et âme depuis ma naissance pour certaines raisons au point qu’aujourd’hui, j’affirme sans nulle honte que cet art, dont je suis la dévouée disciple, est mon maître et le constitue le caementum de mon âme. Aussi, afin de répondre pleinement à vos attentes, je me vois contrainte de vous interroger à mon tour. Que recherchez-vous véritablement ? Quel aspect de ma modeste vision sur l’art de la guerre attire votre attention ? Pourquoi consulter un janissaire et non un membre de l’université de Drakstrang dont les enseignements sont tournés vers cette spécialité bien qu’ils soient, selon moi, bien trop théoriques et limités. »
En effet, depuis mon enrôlement au sein du corps des janissaires, j’avais pu noter le recours à un tel comportement en plus d’une occurrence. Les raisons légitimant une telle attitude étaient doubles. Sous certains aspects, de tels agissements ne démontraient que la nature profonde des personnes concernées tant ils soulignaient à quel point le peu de pouvoir en leur possession les rendait imbus d’eux-mêmes. Non que cela me heurtât à l’époque tant ces considérations demeuraient, encore aujourd’hui, prosaïques à mes yeux. Le second motif derrière un tel procédé, en revanche, était bien plus pernicieux. Encore fallait-il que la personne adoptant une telle astuce en ait conscience. Quoi qu’il en soit, cette manière de traiter ainsi les janissaires permettait à nos seigneurs et maîtres de veiller sur ces derniers. Il n’était pas question, ici, de santé ou d’alimentation, mais « d’état d’esprit ».
Ce petit rituel visait, de fait, à s’assurer que les janissaires se souviennent de leur rang et des crimes qui les avaient conduits à cette position sociale. De même, il offrait la possibilité de contrôler la psyché de l’esclave. Si, celui-ci venait à s’impatienter dans cet office ou à remettre en cause à voix haute cette convocation et par extension sa situation, les contrôleurs royaux et leurs subalternes pouvaient venir à douter de la loyauté de ces serfs ce qui conduisait, fatalement, ces derniers à être rééduqué. Bien peu nombreux avaient été mes camarades à saisir cette dimension. Pour ma part, je l’avais bel et bien appréhendée même si je n’y accordais, dans le fond, aucune importante. Jusqu’à présent, à l’inverse de certains, je n’avais jamais éprouvé le besoin de remettre en question ma réalité, car j’avais conscience du bien fondé et de la justesse du châtiment que l’on m’avait infligé.
En vérité, alors que j’étais demeurée fixe sans afficher la moindre expression devant ce contremaître, j’éprouvais une certaine forme de contrariété que j’évitais de laisser transparaitre. Je n’en voulais pas à l’homme sous mes yeux bien que je n’eusse aucun problème à considérer que son allure ventripotente laissait à supposer qu’il n’eût pas connu le combat depuis des éons. Je ressentais une certaine animosité à l’égard du motif de ma convocation tant il était quelque peu malvenu. Je n’affectionnais qu’assez peu qu’une affaire de moindre importance en vînt à parasiter mon organisation matinale. Je tenais à effectuer chacun de mes exercices et à délier mes muscles conformément à ce que l’on attendait de ma personne afin de faire en sorte que ce corps qui hébergeait mon âme soit en mesure d’accomplir ce qu’on attendait de lui à savoir : combattre de manière efficiente. Aussi, j’en venais à caresser l’idée que la raison « soi-disant » impérieuse qui avait conduit mes pas dans cette pièce était possiblement dérisoire et constituait un frein si ce n’est un obstacle quant à l’accomplissement de mon devoir envers le Reike.
Finalement, au bout d’un certain temps, le contremaître releva la tête de son parchemin, qui, si j’en croyais mes yeux, traitait de l’affectation de certains janissaires en divers points de la capitale et en vint à me tenir ce langage d’un ton sec.
« Un officier impérial a émis le désir de vous rencontrer. Il devrait passer dans la caserne dans la journée. Vous êtes, de fait, relevez de vos attributions du jour et devez, sans plus tarder, attendre sa venue. Disposez. »
Par habitude, je claquais des bottes, inclinais légèrement ma tête et ressortais aussitôt de la pièce sans demander mon reste. Veillant à remettre l’une des mèches de cheveux derrière mon oreille, je plongeais à nouveau dans mes pensées tout en parcourant mon environnement d’un œil apathique. Toutefois, intérieurement, il n’en était rien. Mon agacement avait laissé place à une curiosité dévorante et à un zeste de colère qui, je ne le savais que trop bien, ne m’appartenait pas. Aussi tachais-je d’ignorer ce sentiment pour me concentrer sur le sujet de mon attention. Ainsi, une personne souhaitait me rendre visite. Voilà qui était pour le moins inhabituel. En trois années, passées au sein du corps des janissaires, jamais quelqu’un, en provenance de l’extérieur, n’avait expressément demandé à faire ma connaissance.
C’était assez étrange. C’était indéniable. Le fait qu’un évènement ô combien singulier put avoir lieu me conduit inexorablement à émettre des suppositions sur les raisons de cet évènement même si j’avais conscience de l’inutilité d’une telle conduite. Cependant, ayant du temps à tuer, j’essayais d’imaginer les motifs derrière cette entrevue. Je savais, alors que je prenais un couloir en direction des quartiers des janissaires, qu’il ne s’agissait certainement pas d’une escorte dans les Terres du Nord ou encore d’une nouvelle affectation à Ikusa ou aux frontières de l’Empire. Si cela avait été le cas, l’on m’aurait « recruté » séance tenante, sans aucune forme de cérémonie, et l’on m’aurait assigné à une quelconque compagnie avec d’autres janissaires. Non. Ici, c’était différent.
Aussi, pour y voir plus clair et tenter de faire éclater la vérité, je procédais au cheminement inverse. Au lieu de m’interroger sur les raisons que cet officier aurait de vouloir me voir, je me demandais tout simplement ce qu’une elfe, telle que moi, avait à offrir pour que l’on s’intéresse de près à son cas. J’écartais d’office le motif charnel tant il semblait incongru. Même si certains contrôleurs et certains contremaîtres ainsi que quelques gradés n’hésitaient pas à user de leur pouvoir pour s’adonner à leurs vices, jamais un homme ou une femme n’aurait émis le désir de contacter une esclave de guerre en particulier sous prétexte qu’ils étaient d’humeur licencieuse. Après tout, il y avait quantité de maisons closes dans la capitale pour satisfaire tous les plaisirs. Cela dit, j’avais conscience que du temps de l’esclavage et de la pratique de la gladiature, certaines nobles n’hésitaient pas à s’acoquiner avec ce genre d’individus, car la vue de muscles saillants et la sauvagerie dont pouvaient faire preuve ces derniers suffisaient à réveiller leur émoi.
En revanche, je n’hésitais pas à m’attarder sur mon passif. Est-ce que cette personne avait, à mon encontre, un quelconque grief ? Au vu de mes actes passés, c’était une possibilité que je ne pouvais ignorer. Ayant combattu jusqu’à la toute fin, lors de la chute d’Ikusa, j’avais tué mon lot de fils, de pères et de frères. Pire encore ! Je n’avais pas sourcillé en exécutant d’une flèche dans le crâne ceux qui, jadis, avaient trahis à mes yeux alors qu’ils avaient eu le bon sens, contrairement à moi, de ployer le genou et de se mettre au service du seul vrai souverain du Reike. Étant donné que les évènements récents avaient été quelque peu mouvementés, ce mystérieux quidam disposait, peut-être, désormais d’assez de temps pour venir régler ses comptes. Toutefois, cela semblait assez improbable. Même si la nature humaine était, par essence, assez mesquine, jamais un homme ou une femme n’aurait eu la bêtise de vouloir mettre un terme à mon existence. Ma vie comme ma mort appartenait au couple impérial et par extension aux contrôleurs royaux. Cela devait donc être une autre raison…
Ne restait qu’une autre motivation suffisamment légitime : mes capacités martiales et magiques. Après tout, je demeurais une elfe originaire de Melorn. J’avais bénéficié des meilleurs précepteurs dans le domaine des arcanes. Aussi, un noble éprouvait-il peut-être le besoin que j’éduquasse sa descendance ou lui-même à l’art de la sorcellerie. Au regard de mon affinité pour la pyromancie essentiellement, cela me paraissait extrêmement peu probable. Demeuraient alors mes capacités martiales. J’étais une véritable virtuose avec la corde de mon arc. Bien peu dans cet empire, pouvait se targuer de m’égaler dans l’art et la manière de bander un arc et de décocher une flèche en vue d’atteindre une cible. Peut-être que mes actes, sur le champ de bataille face aux troupes des Titans, m’avaient accordé une certaine renommée dans les rangs des soldats ou avaient rappelés à certains les prouesses dont j'étais capable malgré ma position d'esclave de guerre. Après tout, trois ans auparavant, j’étais encore capitaine dans l’armée du Reike.
Il demeurait, néanmoins, un dernier point ayant un lien avec tout ceci : mon expérience du combat et plus largement mes connaissances vis-à-vis de la poliorcétique. Bien que je ne m’estimais pas être experte en la matière au regard de ce qu’il me restait encore à découvrir ou à analyser, j’avais conscience que l’on ne m’avait pas condamné à mort, à l’époque de ma « rébellion » à cause de cela. Mon savoir ainsi que ma volonté d’écrire ou d’analyser des doctrines de guerre m’avaient rendue quelque peu « précieuse » au point que l’on me laissait encore coucher mes commentaires dans mon carnet. Toutefois, quand bien même je détenais une telle particularité, il paraissait plus judicieux qu’un officier ait recours aux enseignements de l’Université Draakstrang, à moins, bien évidemment, de ne pouvoir se payer ledit enseignement ce qui semblait quelque peu hors de propos.
Comme je l’avais, pour ainsi dire, estimer, mes divagations oniriques me laissèrent amplement le temps de rejoindre la cellule qui me servait de chambre. Je restais dans l’embrasure un long moment, le regard perdu dans le vide ou presque. Il me fallait tuer le temps et surtout me préparer à la visite de l’officier soit deux fins qui s’associaient. Durant un instant, je caressais l’idée de nettoyer cet endroit jusqu’à ce que constate l’inutilité d’une telle démarche. Ma couche de paille, dans le coin droit de l’entrée, avait été, depuis mon réveil, parfaitement arrangé. Quant à ma « tenue de combat », elle était disposée dans le coin gauche de la pièce sur un présentoir en bois que j’avais su fabriqué et aux côtés duquel se situait mon Yuumi et mes flèches. Pour ce qui était de mon carnet, des bougies et de mon matériel de scribe, le tout était disposé bien soigneusement dans une alcôve située au-dessus du bloc sur lequel reposait ma paillasse.
De fait, je n’avais rien à faire ou pratiquement rien à faire si ce n’est accomplir ce que tout bon soldat devait faire en révision d’une rencontre avec un officiel. Bien que je ne détienne plus de rang à proprement parler, certaines habitudes que j’avais acquises au cours de mon existence persistaient. Par conséquent, j’estimais que janissaire ou pas, lorsque l’on devait représenter le corps d’armée ou l’Empire, l’on se devait d’être propre. Je me saisis donc de l’une des tuniques propres que j’avais à portée de mains et partais en direction des bains.
En chemin, j’eus le temps de contempler les chambres adjacentes aux miennes et contemplais, du coin de l’oeil, non sans éprouver une certaine tristesse, le vide qui les constituait désormais. J’étais seule désormais dans cette partie de la caserne. Pour une raison, que je ne m’expliquais pas, je ne parvenais pas à comprendre les raisons de mon humeur ô combien morose lorsque je faisais cette simple constatation. Était-ce la mort de mes camarades janissaires au combat qui me rendait si désœuvrée ? Même si, j’avais veillé sur nombre d’entre eux, je n’avais jamais été véritablement proche de ces derniers à l’inverse de ceux aux côtés desquels je m’étais battue lors de la conquête d’Ikusa par l’Empereur. Était-ce le fait que cette soudaine solitude m’obligeait à me replier sur moi-même ? Cela avait peu de sens tant j’avais recherché une certaine forme d’isolement par le passé.
Je sortis du couloir pour traverser une cour où quelques soldats semblaient entamer leurs tâches quotidiennes. Les ignorant, je continuais mon chemin pour finalement aller de l’autre côté de ce patio et ouvrir une porte pour arpenter à nouveau un couloir. Au bout de ce corridor se trouvait une large pièce au sein de laquelle l’on pouvait observer plusieurs bains au sein desquels je pouvais observer quelques personnes dans le plus simple appareil. Oh ! Il ne s’agissait pas d’un aménagement très luxueux. En vérité, nous étions même aux antipodes des hammams qu’il m’arrivait, jadis, de fréquenter dans la capitale. Il ne s’agissait que de larges cuveaux en bois disposant d’un savant système d’évacuation et étant alimenté par diverses citernes dédiés aux seuls besoins des baraquements dans lesquels je me situais.
Durant de longues minutes, j’attendis que le cuveau se remplisse, puis à l’aide d’un peu de magie, j’usais de ma pyromancie, non sans modération toutefois, pour chauffer l’eau dudit bain avant de me délester de ma tunique et de mes caligae pour finalement le rejoindre. N’accordant aucune importance aux regardes que certains me jetaient, j’entamais ma toilette, à l’aide d’une simple éponge, tout en continuant de m’appesantir sur ce sentiment ô combien désagréable qui ne cessait de me tourmenter ! Ce mal-être n’avait aucun sens à mes yeux. En quel honneur, la disparition de mes camarades devait-elle me plonger dans l’amertume la plus totale ? Était-ce pour la simple raison que j’estimais que la mort de mes frères et sœurs d’armes au combat avait été inutile ? Il est vrai que je considérais que durant ces dernières années, le corps des janissaires avait été bien mal employé et bien mal organisé. Hélas ! Je n’avais jamais pu faire part de mes observations à ce sujet tant aucune personne de la hiérarchie de l’Empire ne m’avait interrogé à ce sujet. Il y avait, par conséquent, assez peu de chance pour que cela s’améliore.
Non. Ce malaise cachait un élément qui se dérobait à moi dès que j’essayais de l’identifier ce qui était quelque peu frustrant tant ces émotions, qui à mes yeux ne m’appartenaient pas, parasitaient mon être. Alors que j’étais plongée dans mes pensées, je ne remarquais pas que les doigts effilés de ma main droite en étaient venus, une fois encore, à gratter de manière frénétique la cicatrice située entre mes seins jusqu’à faire couler, au bout d’un moment, un peu de sang. Cette soudaine irritation m’arracha à mes considérations et me fit constater l’ampleur des « dégâts ». Aussi tachais-je de nettoyer la plaie, qui au contact du savon, n’en était que plus enflammée, et m’admonestais mentalement pour finir au plus vite mon bain avant que de m’attirer des reproches, ou pire encore, avant que ledit officier ne me trouve ici.
Plongeant la tête sous l’eau pour me concentrer sur mon visage, je nettoyais rapidement ma chevelure dont je notais, d’ailleurs, la longueur et veillais également à tenter de débarrasser mon cou des quelques traces de crasse qui y persistaient ce qui n’était pas très aisé du fait de la présence de mon collier d’esclave. Une fois, le tout fait, je sortis de la baignoire sans tarder, revêtis la tunique propre que j’avais apportée et mes caligae avant de déposer mon vêtement sale dans la partie de la pièce dédiée au linge sale des janissaires. Puis sans demander mon reste, j’en vins à retourner dans la cour adjacente que j’avais traversée quelques instants auparavant tout en ignorant les quelques personnes qui m’entouraient pour m’installer contre un mur situé à l’opposé de mes quartiers, afin de pouvoir scruter les allées et venues de chacun, et surtout pour que la personne, devant me rencontrer, puisse m’identifier.
Laissant la faible brise matinale caresser mes cheveux, encore trempés, je fermais les yeux, temporairement, et savourais la chaleur des premiers éclats de l’astre du jour sur ma peau humide. Je restais ainsi, pendant un long moment, avant de me concentrer à nouveau sur mon environnement et surtout sur l’objet de mes pensées. Même si je n’étais pas en mesure d’identifier pleinement l’origine de cette soudaine malédiction, j’estimais qu’elle avait un lien probable avec une quelconque perte d’identité bien que cela soit, sans nul doute, tiré par les cheveux. Après tout, je demeurais l’un des derniers janissaires « recrutés » avant notre victoire « finale » sur les troupes des Titans. J’avais conscience que les prisonniers, faits au cours du conflit, finiraient, tout comme moi il y a de cela trois ans, par mesurer l’amplitude de leur faute et accepteraient de prendre leurs responsabilités et de servir l’Empire du Reike en tant qu’esclaves de guerre.
Néanmoins, il n’en demeurait pas moins que ces futures recrues n’étaient que des étrangers. Je n’avais fait, à la mesure, que croiser le fer avec certaines de ces personnes. Au-delà, nous n’avions, pour l’instant, rien en commun. À l’inverse de leurs prédécesseurs, ils n’avaient pas partagé mon quotidien durant trois ans. Ils n’avaient pas combattu, sué et saigné à mes côtés pendant trois ans. Ils n’étaient pas morts dans mes bras. Ils n’avaient pas conscience des épreuves que nous avions subies. En somme, je n’avais aucun lien avec ces personnes qui tôt ou tard rejoindraient un corps dont ils ignoraient tout. J’étais, pour ainsi dire, la dernière représentante d’une « caste » de janissaires. Le dernier témoin... En un sens, cette donnée devait être probablement à l’origine de mes tourments. Je n’étais que le vestige d’une époque révolue comme en attestaient d’ailleurs les cellules vides situées aux côtés de la mienne et dans lesquelles l’on trouvait encore les possessions de ceux qui, jadis, les avaient occupés. Certes, je savais que ces recrues seraient, tout comme moi, fidèles aux souverains de l’Empire, mais, pour autant, au regard de leur provenance, il ne faisait aucun doute que la venue de ces esclaves de guerre bouleverserait le monde dans lequel j’avais évolué jusque là.
Peut-être était-ce même là l’origine de la requête à laquelle on m’avait astreinte aujourd’hui. Après tout, la personne devant me rencontrer aujourd’hui était possiblement l’un de mes rares camarades ayant survécu au conflit et ayant été affranchi. C’était une probabilité bien que je ne comprenais pas les raisons d’une telle conduite. J’imaginais assez mal un officier venir en ces lieux pour converser de nos souvenirs respectifs de ces trois dernières années. C’était quelque peu incongru et surtout assez malvenu tant, par bien des aspects, je n’avais jamais appris à connaître mes anciens camarades pour des raisons qui m’appartenaient.
Je suivais, sans toutefois faire un seul mouvement, du regard les personnes qui avaient, en cette matinée, décidé d’occuper également la cour. Il est vrai qu’il s’agissait d’un des rares endroits au sein des baraquements qui était appréciables. Si j’exceptais ma condition servile et la température ambiante, j’aurais presque pu prétendre me trouver à Melorn. Hélas ! Ce n’était guère le cas alors que mes deux oreilles se raidirent soudainement suite aux éclats de rire gras de deux gardes qui passaient par là et qui, si j’en croyais leur direction, partaient patrouiller en ville. Je notais également la présence de deux hommes attablés à l’une des rares tables disponibles en train de jouer aux osselets. Visiblement, ils étaient probablement affectés à la surveillance de cette section des baraquements ce qui devait probablement les arranger étant donné que j’étais le seul janissaire présent en ces lieux. Par conséquent, non seulement ils savaient qu’ils ne seraient pas débordés par « l’ampleur de la tâche », mais en plus, ils avaient conscience que je ne leur poserais pas de problème tant la majeure partie du temps, dernièrement, je me contentais de m’exercer, d’écrire sur mon carnet ou de rester ici, le dos allongé contre un arbre.
Entendant quelques cliquetis de pièces métalliques ainsi que des bruits de pas rapide, je portais mon regard bleuté vers la silhouette qui se profilait à l’horizon. Visiblement, cette personne, plutôt grande, était un guerrier si j’en croyais l’armure de plate noire qui le recouvrait entièrement. Celle-ci ne semblait pas de première jeunesse ce qui laissait à penser qu’il s’agissait d’un vétéran qui avait connu sa part de combats. Le fait qu’il possédait un tel équipement laissait également à supposer qu’il devait être aisé ou qu’il occupait une fonction assez importante au sein de la hiérarchie reikoise. Tout comme moi, les gardes, présents non loin de moi, se tournèrent vers la source de ce remue-ménage puis en revinrent à leurs affaires. Tel que je les connaissais, bien que leur curiosité dût les titiller, ils préféraient éviter de s’attarder sur cette personne dont l’aspect était quelque peu menaçant.
Effectivement, à s’y méprendre l’on aurait pu, si elle n’avait pas une forme tangible, prendre cette armure pour l’un de ces spectres qui, occasionnellement, en venait à hanter les lieux sur lesquels s’étaient déroulées des batailles. Pour ma part, je ne bronchais pas malgré son allure et même s’il semblait se diriger vers moi. Après tout, si cette personne avait été un intrus, il n’aurait pu avoir accès à cette section des baraquements. De même, si ce mystérieux quidam était un envahisseur, ses armes auraient dû être sorties de leur fourreau. Aussi, n’avais-je aucun souci à me faire bien que sa présence ne manquât pas de réveiller ma curiosité alors que je fermais à nouveau les yeux pour pleinement savourer les rayons du soleil. Bien que j’ignorasse l’identité de cet inconnu, j’imaginais assez mal l’un de mes anciens camarades être ainsi vêtu. Vraisemblablement, même s’il s’agissait de l’officier que je devais rencontrer, il était venu pour un tout autre motif dont j’ignorais la teneur.
Finalement, cette personne en vint à s’arrêter à quelques pas de moi si j’en croyais les sons que je percevais, ce qui me poussa, à nouveau à ouvrir les yeux et à poser mon regard à l’aura azurée sur celle-ci. Dès lors qu’elle fut assurée de mon attention, cet inconnu me salua, d’une voix grave et ô combien monocorde, et se présenta. Ainsi, il s’agissait bien de l’officier de l’armée reikoise qui avait sollicité une rencontre avec moi. Cet homme… Ce Deydreus était même, selon ses dires, le dirigeant des Serres Pourpres. Or, ce nom ne m’était pas totalement étranger. Si ma mémoire ne me faisait pas défaut, ces hommes avaient une assez bonne réputation. Il me semblait, d’ailleurs, avoir pu croiser l’un de ces membres au cours de l’une des batailles ayant opposé le Reike aux troupes des Titans, mais peut-être était-ce une erreur.
Aussi par respect et par habitude, je me redressais quelque peu pour faire pleinement face à Fictilem, fît claquer mes bottes, et ce dans l’optique de me saluer, selon la plus pure tradition militaire, mon supérieur hiérarchique. Je me contentais également de lui répondre, d’un ton laconique, ces seuls mots dont l’écho, du fait de la nature quelque peu troublée de ma voix persista une seconde après que je les eusse prononcés :
« Enchanté. Je suis à vos ordres, officiarius. »
Il poursuivit ensuite en m’indiquant très clairement qu’il ne s’intéressait ni à ma situation, ni à mon passé, ni même à ma vision de l’Empereur. Bien que je n’en montrais rien, cette simple déclaration me démontra que mes suppositions avaient été, comme je l’avais estimé, purement et simplement erronées. De ce fait, ma curiosité envers cet homme, qui en profita d’ailleurs pour retirer son heaume et balayer sa chevelure d’ébène, n’en fut que renouvelée. Je ne manquais pas, alors que j’attendais non sans une certaine impatience d’entendre les raisons de sa présence en ces lieux d’attarder mon regard sur son visage pâle aux traits anguleux. Ce n’était qu’un simple humain, quelque peu barbu au vu de son bouc et de sa moustache, qui, pour autant, n’était pas dénué de charmes tant il incarnait, sous certains aspects, une forme de beauté froide. Ce qui me frappa le plus fut, en revanche, ses yeux vairons. Je n’étais visiblement pas la seule à avoir hérité d’une spécificité oculaire.
Très rapidement, l’intérêt que je portais vers le physique de cet homme se transféra vers la nature des mots qu’il prononça et qui, alors que je les saisissais, firent redresser ostensiblement mes longues oreilles et durent ostensiblement faire apparaitre, dans mon regard, une lueur d’intérêt. Ainsi, cet officier désirait avoir le fond de ma pensée dans un domaine que je n’avais fait qu’effleurer du doigt et auquel j’avais, dédié mon existence entière. Voilà qui était pour le moins surprenant, curieux et surtout bienvenue même si je m’interrogeais quant au fait qu’il n’ait pas eu recours aux enseignements de l’université Draakstrang. Néanmoins, je tâchais de lui répondre non sans laisser poindre une pointe de sarcasme.
« La guerre est le seul domaine au monde au sein duquel les êtres vivants sont honnêtes dans les rapports qu’ils entretiennent les uns avec les autres et surtout vis-à-vis d’eux-mêmes. Ils savent que c’est un champ d’expertise où il faut tuer ou être tué. Peu importe ce que vous êtes : janissaires, cavaliers, fantassins, archers, vous avez conscience de cette réalité, mais plus encore, vous savez qu’afin d’obtenir la victoire, il vous faudra vous montrer plus retors et malin que votre ennemi afin de le leurrer. Au vu des réalités d’un champ de bataille, certains réussiront à faire fi de leur peur et à se montrer courageux, d’autres, au contraire, ne pourront pas contenir le contenu de leur estomac et de leur intestin et le déverseront au sol ou sur eux-mêmes. De même, des hommes et des femmes laisseront leurs pulsions s’exprimer, quelles que soient leurs croyances, leurs vices ou leurs penchants ou encore démontreront leurs vertus. Enfin, c’est le seul endroit où l’on a conscience des aspirations et des priorités de chacun dans l’existence. Étrangement, la perspective d’une mort imminente a tendance à réveiller les consciences des races mortelles qui en viennent à s’accrocher à ce qui leur tient le plus à cœur quitte à devoir formuler l’absence de ces fameux concepts à leurs camarades. La guerre est surtout un milieu où l’on peut observer la dualité qui caractérise les espèces conscientes de notre monde. Nous laissons nos instincts primaires prendre le dessus pour tenter de survivre, mais nous usons également de notre intellect pour y parvenir. » Je m’arrêtais un court instant avant de conclure. « Qu’importe ce que les aèdes et autres poètes content, la guerre n’a rien de glorieux, ne serait-ce que par l’odeur de merde, de fumée et de chairs putréfiées qui se dégage du lieu d’une bataille. La guerre, c’est observer vos camarades et vos alliés avec leurs vices et leurs verrues et accepter de les protéger dans tous les cas. »
Cette simple déclaration était pourtant loin de répondre à la question de Fictilem. En vérité, j’étais bien en peine de pouvoir lui donner satisfaction. Sa requête demeurait bien trop générale et m’obligeait à tenir compte de multiples facteurs qui n’étaient pas nécessairement pertinents. De même, il m’était impossible d’aborder cette problématique, car je n’avais fait que l’effleurer du doigt au cours des deux derniers siècles. Bien que j’eus, bien plus d’expérience qu’il n’en aurait jamais du fait de son espérance de vie, des plus limitées, il n’en demeurait pas moins que je demeurais une néophyte. Du moins, c’est ainsi que je le voyais tant ce domaine n’était limité que par la vision des hommes et des femmes d’une époque donnée et surtout d’une origine donnée.
Bien que je ne susse comment combler ses attentes, je comptais bien tenter de fournir à cet homme des éléments de réponse ce qui risquait de me prendre un certain temps. Aussi, pour plus de confort, je lui intimais d’un discret signe de tête de me suivre à la table située non loin de notre position, puis, une fois sur place, le laissais s’asseoir avant de prendre place à mon tour sur ce qui ressemblait plus à un tonneau qu’à un tabouret. Je joignais aussitôt les mains sur la table et repris mon exposé d’un ton calme au sein duquel l’on pouvait sentir, toutefois une pointe de passion qui gagna d’ailleurs en importance progressivement.
« Pour tout à fait franche avec vous, officier Fictilem, j’ignore comment répondre de manière judicieuse à votre question. Elle est bien trop généraliste. Tel que vous l’avez formulé, je serais tentée de vous affirmer que je ne pense rien de la guerre si vous entendez ce terme dans son ensemble et sous toutes ses formes. Pour quelle raison me demanderiez-vous ? Très simplement, car je ne connais pas toutes ses dimensions. Or, à moins d’être un simple d’esprit ou un serviteur des Titans, ce qui revient plus ou moins à la même chose, formuler un avis sur un point que je ne maîtrise que partiellement n’aurait pas grand sens et n’aurait aucune pertinence. » Je fis une nouvelle pause avant de répondre. « En revanche, si vous me questionnez d’un point de vue moral ou éthique, j’admettrais bien volontiers, et dans ce cas veuillez bien excuser mon honnêteté, que je vous aurais probablement ri au nez lorsque j’étais encore capitaine de l’armée reikoise. Oser aborder cet art, car ne vous y trompez pas il s’agit bien d’un art que peu savent reconnaître, en faisant preuve de manichéisme n’est en fait qu’une simple et pure ineptie. La guerre n’est qu’un prolongement de la politique par d’autres moyens. Le vrai but d’une guerre est de servir une fin politique ou de répondre à un impératif. C’est bien pour cela que bien souvent, pour déclencher un conflit ou l’entretenir, certains dirigeants n’hésitent pas à affirmer qu’il existe des principes et des valeurs supérieures à la vie. Ironiquement, il n’est pas rare que l’on prétende l’inverse, en cas de statu quo, pour y mettre fin. Quoi qu’il en soit, la nature profonde d’une guerre est de s’autojustifier. En d’autres termes, pour remporter une victoire, il faut participer au débat politique et ignorer tout le reste si ce n’est détruire son ennemi. »
Je laissais le temps à l’humain de digérer mes paroles et en profitais pour faire craquer mes phalanges. Il me restait un dernier point à aborder. Aussi, je tenais à le traiter avant qu’il ne pût me répondre. Aussi, le regardais-je fixement et poursuivis d’un ton sec, voire même quelque peu inquisiteurs, qui n’aurait admis, à une époque, aucune contestation. Je n'ignorais pas, en ces circonstances, que mon comportement risquait d'être assimilé par certains comme relevant de l'insolence mais je n'en avais cure. Je désirais satisfaire ma curiosité
« Je ne vous apprendrais rien en vous dévoilant que ce domaine demeure au centre de mon existence. Je m’y suis dédiée corps et âme depuis ma naissance pour certaines raisons au point qu’aujourd’hui, j’affirme sans nulle honte que cet art, dont je suis la dévouée disciple, est mon maître et le constitue le caementum de mon âme. Aussi, afin de répondre pleinement à vos attentes, je me vois contrainte de vous interroger à mon tour. Que recherchez-vous véritablement ? Quel aspect de ma modeste vision sur l’art de la guerre attire votre attention ? Pourquoi consulter un janissaire et non un membre de l’université de Drakstrang dont les enseignements sont tournés vers cette spécialité bien qu’ils soient, selon moi, bien trop théoriques et limités. »
Le Chevalier Noir
Deydreus Fictilem
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Info personnage
Race: Vampire
Vocation: Guerrier combattant
Alignement: Loyal mauvais
Rang: B - Griffe
Observant l'elfe, Deydreus était resté silencieux tout le long de sa réponse. Sa première vision sur les conflits et la guerre coincidait étrangement bien avec ce que le vétéran pensait. Il en fut rassuré. A vrai dire, communiquer avec une personne ayant vécu aux travers des conflits et dont l'existence même demeurait toujours aujourd'hui ce domaine précis aurait été... Désappointant. Lorsqu'elle invita l'armure noire à la suivre pour aller s'installer à une table, l'officier se doutait intérieurement qu'outre le confort préférable, cela annonçait un nouveau monologue qu'il allait devoir aussi bien écouter qu'analyser.
Les explications qui suivirent, notamment sur la morale et l'éthique d'une guerre furent également très intéressantes. Il n'y avait pas de "bonne guerre" comme certains abrutis honorables aimaient le dire. Il n'y avait que ça, la guerre. Un conflit sanglant opposant différents groupes. Parfois pour des terres, des ressources. Parfois pour des idées. Chaque fois, le sang coulait de la même façon. Chaque fois, la violence régnait en maîtresse absolue, seulement dominée par une mort inéluctable pour bon nombres de guerriers. Vaesidia avait raison sur de nombreux points et, à mesure qu'il l'écoutait, Deydreus fut rassuré sur la personne qui se trouvait en face de lui. On l'avait définie comme une plante verte, une janissaire bonne à juste faire son travail et sans profondeur. En vérité, cette dernière démontrait déjà plus de réflexion et d'intellect que bon nombres d'officiers de l'armée qui se prenaient pour des rois alors qu'il venaient de trous paumés et s'étaient hissés à leur place uniquement grâce à un duel judiciaire ou un pot de vin bien placé. Pitoyable. Il fallait de la réflexion, de la philosophie, si l'on désirait grandir et comprendre toutes les profondeurs du métier que l'on pratiquait. Sinon, rien ne différenciait véritablement l'officier du soldat de base, si ce n'est un peu de technique. Croisant ses deux mains gantées, Deydreus retira auparavant son heaume qu'il déposa sur la table. Ses deux yeux vairons vinrent percer le regard de la janissaire, tandis que ses cheveux de jais tombaient sur les côtés, de nouveaux à l'air libre.
- Je suis heureux de voir que nous sommes plus ou moins sur la même longueur d'ondes. Il prit quelques secondes avant de continuer. Je pense également qu'il faut être prêt à tout pour écraser son ennemi. Que la moindre ressource, amie comme ennemie, doit être analysée et utilisée à bon escient. Il n'y a pas de morale, de logique honorable, lorsque sa survie dépend de la mort de l'autre. Nous l'avons vu avec les titans.
L'officier décroisa alors de nouveau les bras, s'adossant un peu plus à la chaise tandis que dans son dos cliquetaient ses deux épées.
- Vous vous demandez donc pourquoi je suis venu vous voir spécifiquement? Pourquoi une janissaire plutôt que des instructeurs de Drakstraang? Il émit un léger rire, faisant résonner sa voix rauque. Je connais tous les instructeurs de l'université. J'y ai été diplômé et major de ma promotion. Je sais ce qu'ils pensent de la guerre et comment ils y voient un potentiel honneur. Balivernes. Je préfère de loin discuter de cet art avec des personnes s'étant plongées corps et âmes dans ce domaine précis. Vous l'avez dit vous même, votre vie entière est dédiée à la Guerre et ses subtilités. Vous êtes d'un âge bien plus avancé que le mien et votre race a connu des conflits qu'il nous est à peine difficile de concevoir. Alors, je trouvais cela amusant de comparer nos visions. Voir si le temps altérait ce que je considère aujourd'hui comme une réalité absolue. Visiblement, ce n'est pas le cas.
Il s'étira alors, se redressant pour quitter la table en faisant signe à Vaesidia de rester sur place. Revenant par la suite avec une carafe et deux godets, l'officier versa dans chacun d'eux un long liquide carmin. Du vin. Prenant un des récipients, l'homme aux yeux vairons but quelques gorgées du liquide fruité avant de reporter son attention sur la janissaire qui lui faisait face.
- Ne vous méprenez pas, je ne suis pas uniquement là pour faire la causette et vous faire perdre un temps qui pourrait être utilisé pour parfaire votre entraînement quotidien. Voyez cela comme... Un entretien d'embauche. Un échange ayant pour but de me permettre de voir le potentiel que vous détenez, non pas militairement parlant et encore moins physiquement. Mais psychique. Marquant une nouvelle pause, il but de nouveau une gorgée de vin. Mon cadre de métier m'envoie dans des zones difficiles, souvent sans bannière pour me soutenir et souvent sans même l'honneur de porter le nom de l'empire. Mais, dans cette fange, j'ai pu voir l'horreur de la guerre et ce qui la compose. Comme vous l'avez dit, la guerre n'est que le fait de voir les vices de ses camarades et d'accepter de les protéger malgré tout. C'est aussi, selon moi, un moyen de se parfaire et de connaitre son véritable soi. Faire tomber les masques, en somme. J'ai également lu votre dossier. Même ce qui était sensé être raturé. J'ai vu que vous aviez combattu pour les forces loyalistes lors de la guerre civile. Jusqu'au bout. Je trouve cela intéressant, non parce que vous vous êtes efforcée de combattre dans un conflit perdu d'avance, mais plutôt pour la férocité avec laquelle vous avez choisi de continuer le combat. Cet appel du devoir, c'est remarquable. Surtout lorsque l'on peut voir la façon dont certains quartiers de la capitale se sont rendus en comparaison.
Repoussant le godet un peu plus vers le milieu de la table, Deydreus vint alors presque s'appuyer contre le bois asséché de la table, tandis qu'il ne lâchait pas l'elfe des yeux.
- Mon poste est voué à évoluer. Mon travail à changer. Aussi, je préfère commencer à observer mon potentiel futur entourage. Mes potentiels alliés et autres camarades de l'armée. Je sais tout de vos capacités martiales. Les officiers qui vous ont dirigés m'en ont déjà parlé, les rapports sont suffisamment nombreux. Et inintéressants. Aussi, je m'excuse de cette approche étrange à votre égard. Ces questions larges et volontairement peu précises. Elles ne sont là que pour pouvoir suivre votre chemin de pensée, observer votre façon d'analyser les choses et de choisir vos mots. Cela peut paraître insolent de ma part en raison de mon jeune âge en comparaison de votre sagesse elfique mais, j'ai mes raisons. Ne voyez cependant pas notre échange comme celui entre un officier et une janissaire, mais plutôt entre deux vétérans qui se montrent leurs cicatrices. Vous pouvez parlez sans retenue, je ne prendrais ombrage d'aucune phrase... Comment dire... Insolente? Répondez simplement à mes questions comme vous l'entendez, comme vous venez de le faire.
Il laissa quelques secondes à l'elfe pour qu'elle comprenne ce qu'il sous entendait par là. Sa démarche était après tout confuse et cavalière. Rares étaient les officiers qui prenaient la peine d'aller voir des soldats de rangs, encore moins des "esclaves guerriers". Mais Deydreus n'était pas comme les autres officiers. Toutes ses recrues potentielles, il avait pris le soin de les surveiller quelques jours et étaient tout d'abord entré en contact avec elle. Il se souvenait, d'ailleurs, des nombreux jours qu'il avait mis à observer Alasker dans l'arène, avant de se décider à venir voir celui qui était devenu avec les années son plus fidèle ami. Les mains toujours jointes, l'armure noire continuait de fixer l'elfe de ses deux yeux hétérochromes.
- Comme je l'ai dit, je compte vous employer plus tard, potentiellement au sein de ma troupe ou bien en tant que simple alliée, je ne me suis pas encore décidé. Et avant que vous ne rétorquiez que que cela ne relèverait pas de mon autorité, croyez moi. J'aurais mes moyens. En toute chose, cette volonté de vous voir à l'oeuvre passe comme je l'ai dit plus tôt par notre entretien actuel. En échanges de mes questions, vous m'apportez un point de vue qui vous est propre. J'en apprends aussi plus sur vous et sur le raisonnement que l'on obtient via des centaines d'années de pratique guerrière. C'est, en somme, une expérience bien plus riche que de parler avec des instructeurs censurés et piégés dans leurs propres codes moraux, pour en revenir à votre question d'il y a quelques instants. Aussi, j'aimerais vous poser une nouvelle qestion. Elle aussi, tout aussi large et peu précise que ma première. J'en suis navré.
Il décroisa alors les mains, s'adossant de nouveau contre le dossier de sa chaise.
- Dites moi ce que vous pensez, de la paix.
Les explications qui suivirent, notamment sur la morale et l'éthique d'une guerre furent également très intéressantes. Il n'y avait pas de "bonne guerre" comme certains abrutis honorables aimaient le dire. Il n'y avait que ça, la guerre. Un conflit sanglant opposant différents groupes. Parfois pour des terres, des ressources. Parfois pour des idées. Chaque fois, le sang coulait de la même façon. Chaque fois, la violence régnait en maîtresse absolue, seulement dominée par une mort inéluctable pour bon nombres de guerriers. Vaesidia avait raison sur de nombreux points et, à mesure qu'il l'écoutait, Deydreus fut rassuré sur la personne qui se trouvait en face de lui. On l'avait définie comme une plante verte, une janissaire bonne à juste faire son travail et sans profondeur. En vérité, cette dernière démontrait déjà plus de réflexion et d'intellect que bon nombres d'officiers de l'armée qui se prenaient pour des rois alors qu'il venaient de trous paumés et s'étaient hissés à leur place uniquement grâce à un duel judiciaire ou un pot de vin bien placé. Pitoyable. Il fallait de la réflexion, de la philosophie, si l'on désirait grandir et comprendre toutes les profondeurs du métier que l'on pratiquait. Sinon, rien ne différenciait véritablement l'officier du soldat de base, si ce n'est un peu de technique. Croisant ses deux mains gantées, Deydreus retira auparavant son heaume qu'il déposa sur la table. Ses deux yeux vairons vinrent percer le regard de la janissaire, tandis que ses cheveux de jais tombaient sur les côtés, de nouveaux à l'air libre.
- Je suis heureux de voir que nous sommes plus ou moins sur la même longueur d'ondes. Il prit quelques secondes avant de continuer. Je pense également qu'il faut être prêt à tout pour écraser son ennemi. Que la moindre ressource, amie comme ennemie, doit être analysée et utilisée à bon escient. Il n'y a pas de morale, de logique honorable, lorsque sa survie dépend de la mort de l'autre. Nous l'avons vu avec les titans.
L'officier décroisa alors de nouveau les bras, s'adossant un peu plus à la chaise tandis que dans son dos cliquetaient ses deux épées.
- Vous vous demandez donc pourquoi je suis venu vous voir spécifiquement? Pourquoi une janissaire plutôt que des instructeurs de Drakstraang? Il émit un léger rire, faisant résonner sa voix rauque. Je connais tous les instructeurs de l'université. J'y ai été diplômé et major de ma promotion. Je sais ce qu'ils pensent de la guerre et comment ils y voient un potentiel honneur. Balivernes. Je préfère de loin discuter de cet art avec des personnes s'étant plongées corps et âmes dans ce domaine précis. Vous l'avez dit vous même, votre vie entière est dédiée à la Guerre et ses subtilités. Vous êtes d'un âge bien plus avancé que le mien et votre race a connu des conflits qu'il nous est à peine difficile de concevoir. Alors, je trouvais cela amusant de comparer nos visions. Voir si le temps altérait ce que je considère aujourd'hui comme une réalité absolue. Visiblement, ce n'est pas le cas.
Il s'étira alors, se redressant pour quitter la table en faisant signe à Vaesidia de rester sur place. Revenant par la suite avec une carafe et deux godets, l'officier versa dans chacun d'eux un long liquide carmin. Du vin. Prenant un des récipients, l'homme aux yeux vairons but quelques gorgées du liquide fruité avant de reporter son attention sur la janissaire qui lui faisait face.
- Ne vous méprenez pas, je ne suis pas uniquement là pour faire la causette et vous faire perdre un temps qui pourrait être utilisé pour parfaire votre entraînement quotidien. Voyez cela comme... Un entretien d'embauche. Un échange ayant pour but de me permettre de voir le potentiel que vous détenez, non pas militairement parlant et encore moins physiquement. Mais psychique. Marquant une nouvelle pause, il but de nouveau une gorgée de vin. Mon cadre de métier m'envoie dans des zones difficiles, souvent sans bannière pour me soutenir et souvent sans même l'honneur de porter le nom de l'empire. Mais, dans cette fange, j'ai pu voir l'horreur de la guerre et ce qui la compose. Comme vous l'avez dit, la guerre n'est que le fait de voir les vices de ses camarades et d'accepter de les protéger malgré tout. C'est aussi, selon moi, un moyen de se parfaire et de connaitre son véritable soi. Faire tomber les masques, en somme. J'ai également lu votre dossier. Même ce qui était sensé être raturé. J'ai vu que vous aviez combattu pour les forces loyalistes lors de la guerre civile. Jusqu'au bout. Je trouve cela intéressant, non parce que vous vous êtes efforcée de combattre dans un conflit perdu d'avance, mais plutôt pour la férocité avec laquelle vous avez choisi de continuer le combat. Cet appel du devoir, c'est remarquable. Surtout lorsque l'on peut voir la façon dont certains quartiers de la capitale se sont rendus en comparaison.
Repoussant le godet un peu plus vers le milieu de la table, Deydreus vint alors presque s'appuyer contre le bois asséché de la table, tandis qu'il ne lâchait pas l'elfe des yeux.
- Mon poste est voué à évoluer. Mon travail à changer. Aussi, je préfère commencer à observer mon potentiel futur entourage. Mes potentiels alliés et autres camarades de l'armée. Je sais tout de vos capacités martiales. Les officiers qui vous ont dirigés m'en ont déjà parlé, les rapports sont suffisamment nombreux. Et inintéressants. Aussi, je m'excuse de cette approche étrange à votre égard. Ces questions larges et volontairement peu précises. Elles ne sont là que pour pouvoir suivre votre chemin de pensée, observer votre façon d'analyser les choses et de choisir vos mots. Cela peut paraître insolent de ma part en raison de mon jeune âge en comparaison de votre sagesse elfique mais, j'ai mes raisons. Ne voyez cependant pas notre échange comme celui entre un officier et une janissaire, mais plutôt entre deux vétérans qui se montrent leurs cicatrices. Vous pouvez parlez sans retenue, je ne prendrais ombrage d'aucune phrase... Comment dire... Insolente? Répondez simplement à mes questions comme vous l'entendez, comme vous venez de le faire.
Il laissa quelques secondes à l'elfe pour qu'elle comprenne ce qu'il sous entendait par là. Sa démarche était après tout confuse et cavalière. Rares étaient les officiers qui prenaient la peine d'aller voir des soldats de rangs, encore moins des "esclaves guerriers". Mais Deydreus n'était pas comme les autres officiers. Toutes ses recrues potentielles, il avait pris le soin de les surveiller quelques jours et étaient tout d'abord entré en contact avec elle. Il se souvenait, d'ailleurs, des nombreux jours qu'il avait mis à observer Alasker dans l'arène, avant de se décider à venir voir celui qui était devenu avec les années son plus fidèle ami. Les mains toujours jointes, l'armure noire continuait de fixer l'elfe de ses deux yeux hétérochromes.
- Comme je l'ai dit, je compte vous employer plus tard, potentiellement au sein de ma troupe ou bien en tant que simple alliée, je ne me suis pas encore décidé. Et avant que vous ne rétorquiez que que cela ne relèverait pas de mon autorité, croyez moi. J'aurais mes moyens. En toute chose, cette volonté de vous voir à l'oeuvre passe comme je l'ai dit plus tôt par notre entretien actuel. En échanges de mes questions, vous m'apportez un point de vue qui vous est propre. J'en apprends aussi plus sur vous et sur le raisonnement que l'on obtient via des centaines d'années de pratique guerrière. C'est, en somme, une expérience bien plus riche que de parler avec des instructeurs censurés et piégés dans leurs propres codes moraux, pour en revenir à votre question d'il y a quelques instants. Aussi, j'aimerais vous poser une nouvelle qestion. Elle aussi, tout aussi large et peu précise que ma première. J'en suis navré.
Il décroisa alors les mains, s'adossant de nouveau contre le dossier de sa chaise.
- Dites moi ce que vous pensez, de la paix.
- Apparence des épées de Deydreus:
Citoyen du Reike
Vaesidia Inviere
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crédits : 1632
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La présence de cet homme, ici, continuait de m’interloquer, comme en témoignaient les questions que je lui avais soumises et pour lesquelles j’attendais une réponse. Il n’était pas commun qu’un officier émette le désir de connaître les pensées et opinions d’une janissaire quant au concept même de guerre. C’était quelque peu étrange, mais nullement dérangeant, bien que frustrant. En effet, même si j’avais tenté de fournir quelques éléments sur le sujet, il n’en demeurait pas moins que j’avais été dans l’obligation d’occulter certains aspects de ce domaine, dont un qui m’intéressait tout particulièrement, à savoir l’imperium. Néanmoins, je n’étais pas sans savoir qu’en dépit de ma longue expérience, certains officiers n’affectionnaient guère qu’un outil puisse s’étendre dans leur champ d’expertise. Je comprenais cela, mais je ne cautionnais pas ces attitudes. Aussi avais-je déjà tâté du fouet pour mon « insolence » et ce en de multiples occurrences. L’on ne pouvait affirmer que ces « représailles » eussent été d’une quelconque efficacité. À qui la faute après tout ? Il était naturel, à mes yeux, de servir le Reike au mieux de mes capacités. De faire mon devoir, en somme. En comparaison, quelques séances de flagellation n’étaient rien. C’était d’ailleurs, probablement, ce que je risquais d’encourir en ce moment même comme châtiment. À l’inverse de ce que l’on aurait pu attendre d’une esclave, j’avais osé questionner un officier sur ses motivations. Pire, j’avais souligné l’illogisme de sa démarche ainsi que mon dédain pour une institution militaire, pourtant réputé dans le Royaume.
Penchant ma tête sur le côté, j’ignorais les quelques mèches de cheveux rebelles qui, entrainées par le mouvement, se glissèrent devant ma vision sans pour autant l’obstruer et fixais du regard mon interlocuteur non sans joindre mes mains sur la table et tapoter mon index contre une de mes phalanges. Quelle serait sa réaction ? Du mépris ? De la colère ? De l’amusement ? Son visage ne trahissait absolument aucune émotion. Aucun tic nerveux n’était perceptible. Était-ce de l’apathie ? Ou était-ce au contraire une démonstration de son impassibilité et de sa discipline ? Impossible à savoir. J’avais conscience que ce Deydreus Fictilem était un vétéran. Par conséquent, il aurait été logique d’affirmer qu’il s’agissait là d’un signe attestant que cet homme savait se maîtriser et faire preuve d’aplomb sur-le-champ de bataille. Cependant, il y avait un hic. Sa voix monotone. Son souvenir suffit à faire parcourir mon corps d’un frisson. Ce timbre était bien trop monocorde. Non que je fusse différente dans l’exercice de mes fonctions. Toutefois, dans son cas, l’on avait clairement la sensation qu’il était tout simplement dépourvu d’émotions…que derrière ses cheveux noirs, son regard, sa moustache et ce teint pâle, il n’y avait que du vide. Nulle âme ne semblait siéger dans cet amas de chair, de sang et d’os.
Une telle idée était absurde en soi. Je n’étais pas sans l’ignorer. Pourtant une question demeurait. Qu’est-ce qui motivait un homme aussi détaché ? À quoi aspirait-il ? N’était-il que devoir ? Ou bien avait-il une autre raison d’être ? Impossible à savoir à moins de le côtoyer au combat. Cet homme était une énigme…énigme qui me fixa de ses yeux vairons ce qui me poussa, à mon tour, à me plonger dans son regard. À défaut de pouvoir me faire une idée précise de cet officier, je savais ce qu’il faisait en cet instant même. Il m’analysait, me jaugeait. En un sens, j’avais le sentiment de subir une sorte d’entretien. Non que cela changeât quelque chose à mes yeux. J’étais une janissaire. Je servais le Reike. Aussi, je comptais remplir ma tâche comme il se devait. Que Fictilem eut apprécié ou non la teneur de mon propos sur l’art de la guerre m’importait assez peu. Il n’était pas dans ma nature d’être aussi prosaïque. Il m’avait posé une question, je lui avais répondu. Cela s’arrêtait là.
Quoi qu’il en soit, cet humain eut tôt fait de me fournir une réponse. À première vue, à défaut de paraitre ravi, il souligna la proximité de nos points de vue sur ce sujet. En un sens, cela n’était guère étonnant. J’avais été, autrefois, une capitaine au service de la dynastie régnante et avais survécu jusqu’ici. Lui était un officier et un vétéran. Il avait, comme en témoignait son apparence, l’habitude de côtoyer les champs de bataille. Aussi, il paraissait assez normal que nous ayons la même vision de la guerre. Seuls une recrue, un idéaliste, un sot, un homme éloigné de la ligne de front ou un meurtrier auraient cherché à remettre en cause une telle opinion. Néanmoins, j’ignorais s’il l’occultait pour les besoins de cette conversation, mais il existait, selon moi, une utilité à ce que le commun des mortels ait une vision biaisée de la guerre. Elle permettait à un État de faciliter la conscription dès lors que l’on mettait en avant des récits de gloire, des exploits ou même des soldats pouvant faire office de recrues. En revanche, elle détenait un pendant négatif : certains officiers eux-mêmes y croyaient ce qui causait parfois quelques problèmes.
Alors qu’il s’adossait un peu plus à sa chaise et que je continuais à taper ma phalange avec mon index, Fictilem finit enfin par me révéler la raison de sa présence en ces lieux, ici avec moi ce qui me poussa automatiquement à me redresser. Qu’allait-il me relever ? Telle était LA question. Pourquoi effectivement, m’avait-il choisi moi et non des officiers de Drakstraang ? J’étais suspendue à ses lèvres prête à boire chacune de ses paroles et le moindre de ses mots…jusqu’à ce qu’il se mette à rire ! Cette réaction ô combien inattendue me fit aussitôt sursauter et me fit arquer un sourcil. Pourquoi était-il amusé ? Qu’avais-je bien pu dire d’aussi drôle ? Je n’eus pas le temps de pousser plus loin mon « investigation » que l’homme me révéla que non seulement il connaissait tous les instructeurs de l’université, mais qu’en plus il était diplômé et major de sa promotion. Pire encore ! Il n’ignorait pas l’avis qu’avaient les théoriciens de cette prétendue « vénérable » institution.
Cette confidence me fit quelque peu grimacer même si je saisissais pleinement l’ironie qu’avait revêtue ma question. Il est vrai qu’en tant que capitaine, à l’époque, je n’avais jamais affectionné l’idéologie de cette faculté. Qu’elle ait pu perdurer encore aujourd’hui malgré les évènements récents était fâcheux, voire périlleux. L’humain n’était probablement pas le seul à penser ainsi au sein de l’armée. Toutefois, les officiels de Drakstraang avaient de l’influence ce qui était dangereux tant ils pouvaient faire rentrer dans le moule quantités d’hommes et de femmes qui finiraient tôt ou tard par avoir des responsabilités à divers échelons. Je ne comprenais pas pourquoi le couple royal n’avait toujours pas réformé cet endroit. C’était purement et simplement invraisemblable. Hélas ! Que ce fût à l’époque ou même aujourd’hui, je n’avais nullement mon mot à dire. J’avais été, autrefois, une étrangère. Maintenant, j’étais une esclave. Quand bien même, je pouvais émettre une opinion sur le sujet, personne ne m’écouterait. En vérité, je serais très certainement châtié pour avoir tenu des propos inconvenants envers des figures respectées du Reike.
Apparemment, Fictilem éprouvait le même dédain que moi pour ce dogme. Il préférait converser avec des personnes qui, à mon instar, avaient consacré leur vie à cet art. En un sens, il cherchait à confronter sa vision afin de l’évaluer et de la parfaire. C’était judicieux, bien que sans nul doute imparfait. Aussi, ma « singularité » l’avait quelque peu interpellé durant sa quête. Il est vrai que mon âge quelque peu avancé pour un humain m’offrait bien plus d’expérience qu’il n’en aurait jamais. À moins que je ne passe de vie à trépas lors d’une bataille, je savais que Deydreus périrait avant moi. Une centaine d’années équivalait, selon certains, au battement d’un cil chez mes compatriotes. Le fait d’être une elfe native de Melorn me permettait de m’affranchir des concepts locaux. Après tout, mon enfance ainsi que mon adolescence n’avaient pas été influencées par une éducation Reikoise à l’inverse de lui. Quand bien même il en avait conscience et qu’il se remettait en question, il demeurait le fruit d’une époque et surtout d’une société…tout comme moi-même si ici je pouvais apporter un regard neuf sur certains préceptes.
En revanche, j’étais quelque peu sceptique sur un point alors que je le suivais du regard pendant qu’il se levait de table. Je ne pouvais décemment croire qu’il était venu ici pour simplement confronter son point de vue au mien. Certains officiers et nobles en auraient été capables, mais au regard de son apparence, de ses propos et de son apparence, cela ne pouvait lui correspondre selon moi. Il ne semblait pas irréfléchi et encore moins capricieux… Je n’étais, toutefois, pas à l’abri de faire une erreur. Néanmoins, je continuais à m’interroger sur le second motif de sa visite. Soit ! Profitant de son absence, j’en profitais pour énumérer sur mes doigts les informations que j’avais à ma disposition à son sujet.
Premièrement, Il était venu jusqu’ici. C’était un officier et un vétéran étant sorti de Drakstraang avec les honneurs. Par conséquent, j’avais affaire à un homme qui avait choisi de faire carrière dans l’armée, par devoir très probablement et possiblement par ambition. C’était évident. En rejoignant une institution militaire, il était commun ensuite de vouloir grimper les échelons. Restait à savoir s’il s’agissait de visées personnelles ou si au contraire, ses prétentions étaient plus pragmatiques. Peut-être souhaitait-il atteindre le sommet de la hiérarchie afin de disposer pleinement de l’imperium et de remplir son devoir tout en évitant qu’un des coureurs de rempart de l’université ne mette en péril l’Empire en parvenant au même poste. C’était une possibilité. Je comprenais l’attrait que revêtait la conception selon laquelle l’on n’était jamais mieux servi que par soi-même surtout lorsque l’on désirait éviter de dépendre des aléas du hasard et que le sort d’une nation était en jeu.
Deuxièmement, il cherchait à confronter ses visions. Certes pour les enrichir, mais je n’étais pas totalement dupe. J’avais été dans l’armée. Je n’étais pas sans savoir qu’un officier, selon son poste, avait des ordonnances, des aides et aussi des conseillers qui étaient bien souvent des subalternes. Or, il était commun, du moins lorsque l’on n’était pas un imbécile, de vouloir s’entourer, dans l’optique d’une bataille, de personnes compétentes qui pourraient, remettre en question certaines décisions ou au contraire la soutenir. Bien qu’aucun plan ne survivait à la réalité du champ de bataille, il fallait bien organiser les troupes avant le début d’un conflit. Cela passait donc par des heures de concertation.
Troisièmement, il y avait les évènements récents et la mention des Titans. Quand bien même, nous avions gagné, il était fort probable que ce petit contretemps n’arrêterait pas ces derniers. Ils reviendraient et chercheraient à nouveau à nous anéantir. Tout ceci n’était au fond qu’une étape vers un projet plus global. Fictilem ne l’ignorait pas. Aussi, était-il assez lucide pour saisir qu’il devait se préparer à la guerre qui s’annonçait. Il lui fallait des hommes qui sauraient en mesure d’incarner un rempart solide face à cette menace qui ne manquerait pas de nous submerger tel un raz de marée.
Si l’on associait le tout…l’on parvenait à….Je fus brusquement arrachée à mes pensées par le retour de l’officier. Celui-ci s’était procuré une carafe ainsi que deux godets dans lesquels il versa ce qui s’apparentait être du vin. L’odeur de ce liquide vermillon titilla mes narines qui se plissèrent. Ce n’était probablement pas un alcool de bonne qualité, mais je ne pouvais nier son odeur sucrée et quelque peu fruitée. Mon sens olfactif était assailli par une combinaison d’arômes de miel, de caramel et de notes légèrement épicées. Il devait probablement s’agir d’un vin fait à partir de dattes ce que mon palais me confirma aussitôt lorsque, après avoir remercié d’un signe de tête Fictilem je portais le récipient à mes lèvres afin de déguster une partie du contenu. Il n’était pas mauvais en soi, mais j’avais connu mieux.
Reposant le godet sur la table, j’en profitais pour croiser les jambes et faire passer derrière mon oreille gauche certaine de mes mèches de cheveux avant croiser les bras sous ma poitrine. Mon interlocuteur continua sa démonstration. Comme je l’avais présumé, il s’agissait bien d’un entretien destiné à me jauger. Cette révélation me fit toutefois quelque peu tiquer au point que mes sourcils se froncèrent naturellement. Avait-il oublié qu’il était simple officier et moi janissaire ? Lui obéir faisait certes partie de mes attributions, mais en aucun cas il ne pouvait décider de mon affectation. Aussi, je ne comprenais pas sa démarche. Peut-être était-il proche de la famille impériale ? Si tel était le cas, cela pouvait expliquer qu’il puisse me faire une proposition aussi chevaleresque. En revanche, s’il ne disposait d’aucun appui au niveau hiérarchique, je ne voyais pas trop comment il pourrait, si cet échange s’avérait concluant, disposer de ma personne comme il l’entendait. Un oubli ou une erreur sans doute. Personne n’était à l’abri d’en faire une après tout. C’était même humain. Sa « quête » devait un brin l’obnubiler pour qu’il en vienne à occulter la réalité de ma situation.
Préférant ne pas l’interrompre, je continuais à l’écouter attentivement. Mon intérêt ainsi que ma curiosité furent quelque peu renouvelés à son égard quand Fictilem fît mention du contexte dans lequel il exécutait ses prérogatives. Ainsi, il était accoutumé au fait de se rendre en territoire hostile pour mener certaines actions au nom du Reike, sans pour autant que l’on ne puisse identifier le commanditaire. Cela en disait long à son sujet. L’on ne mandatait pas un tel officier ainsi que ses hommes si celui-ci n’était pas loyal et surtout si celui-ci ne savait pas faire preuve d’adaptabilité. Toutefois, je devais bien reconnaître que mon champ de compétence était aux antipodes du sien. Oh ! Je saisissais sans peine les tenants et aboutissants propres à son domaine, mais à l’inverse de lui, j’avais toujours combattu sous l’enseigne du Reike. Certes, en tant qu’archère de formation, j’avais déjà dû me confronter aux principes des opérations de harcèlement de l’ennemi … Mais…en aucun cas je ne me permettrais d’affirmer que ces deux préceptes étaient semblables. Ils avaient, tout au plus, une vague similarité. Mon interlocuteur le savait forcément ! Surtout si celui-ci avait pu consulter mon dossier dans son intégralité, comme il me le révéla.
Pourtant ce ne fut pas le point le plus troublant. Tant s’en faut. Certes, je trouvais quelque peu étrange que Fictilem soit ici devant moi… Cependant, le point le plus insolite provint de ma propre personne sans que je ne puisse appréhender les raisons de cette réaction. En effet, lorsque l’humain mentionna mes « exploits passés » ainsi que ma prétendue férocité au combat, mon regard se durcit et je serrais automatiquement les poings au point de laisser mes ongles pénétrer ma chair et ressentis une profonde animosité envers… Je n’aurais su le dire. En revanche, je manquais un court instant de laisser éclate cette colère par le biais des paroles que l’on souffla à « l’oreille » de mon âme et qui pour ainsi dire voulait souligner à mon visiteur que ce combat n’était pas terminé et ne le saurait jamais tant que « je » respirerais. Cette haine, que je parvins, je ne sais comment, à réfréner, me désarçonna. À s’y méprendre, l’on aurait cru que ces sentiments étaient les miens… Or ce n’était pas absolument pas le cas. Pourquoi en venais-je à éprouver cette émotion ? Pourquoi désirais-je poursuivre cette lutte ? J’avais saisi mon erreur grâce aux actions des contrôleurs royaux et acceptais d’en porter la responsabilité aujourd’hui en tant que janissaire. Alors, pourquoi ? C’était comme si une partie de moi gardait en travers de la gorge cette défaite. Il est vrai que j’étais une très mauvaise perdante, mais de là à éprouver un tel ressentiment…une telle envie de revanche… Ou était-ce de la vengeance ? J’espérais, bien naïvement, n’avoir rien laissé transparaitre même si j’en doutais.
Aussi, afin de me calmer quelque peu et de reprendre mes esprits, j’en profitais pour porter, à nouveau, le contenu du godet à mes lèvres dans l’espoir que le vin parvienne à chasser ce goût amer que j’avais dans la gorge… Sans grand succès, malheureusement. Mon interlocuteur, pour sa part, poursuivit ses explications comme si de rien n’était et en profita pour souligner un point que je comptais bien aborder. Selon lui, d’ici peu, son poste viendrait à évoluer. En d’autres termes, il allait disposer probablement d’un nouveau grade. Peut-être à cause de ses actes durant la guerre face aux Titans. Cependant, je doutais que cela fût assez pour décider de mon avenir…à moins qu’il ne devienne Griffe ce qui paraissait absurde. Néanmoins, je pris bonne note de ne rien dire à ce sujet. S’il estimait pouvoir disposer de ma personne avec ses nouvelles attributions, c’est qu’il avait probablement de bonnes raisons de le penser…même si j’eusse été curieuse de les connaître… Lorsque l’on faisait preuve d’autant d’assurance, l’on était soit un idiot, soit une personne réfléchie…et au regard de son comportement jusqu’à présent, il paraissait évident qu’il n’était pas un baveux.
En revanche, son entretien était plus qu’original ! Quoique je comprenais le bienfondé de sa démarche maintenant qu’il me l’explicita. Ainsi, il avait fait exprès de se montrer aussi peu précis dans ses questions, car il désirait connaître ma manière de raisonner. Il est vrai qu’en se montrant aussi permissif, il pourrait potentiellement comprendre ma logique. Toutefois, à mon humble avis, un seul échange ne suffirait pas. C’était présomptueux de sa part. Non que je fusse difficile à analyser, mais il lui faudrait mener d’autres conciliabules. En revanche, une partie de sa tirade m’amusa et fit naître un sourire sur mes lèvres. Très vraisemblablement, les personnes que Deydreus avait rencontrées à mon sujet l’avaient mis en garde contre ma propension à me montrer quelque peu insolente. J’avais sa permission pour pleinement m’exprimer…non que cela m’eût empêché de le faire. Mes interlocuteurs avaient tendance à confondre mon honnêteté avec de l’effronterie. Mais soit ! Je me plierais à sa demande. Auparavant, j’avais fait preuve de retenue. Non dans le contenu de mes paroles, mais plus dans la longueur de mon exposé. L’assommer de conceptions aussi diverses que variées ne m’avait pas semblé utile sur l’instant. Désormais, je ne comptais pas faire cet effort si une de ses questions me poussait à soliloquer.
Me redressant quelque peu sur mon tabouret , j’en profitais pour pousser le godet et faire craquer mes doigts avant de le regarder droit dans les yeux afin de l’intimer à poursuivre, ce qu’il fit. Encore une fois, il sous-entendit qu’il trouverait un moyen de m’exploiter, en dépit de mon statut, si je m’avérais suffisamment intéressante. Cette nouvelle assertion, non dénuée d’aplomb, acheva de me convaincre que derrière cette armure et ses yeux hétérochromes, se cachait quelqu’un de résolu, mais aussi de dangereux au combat du fait de son opiniâtreté. Avec des hommes comme lui, la guerre contre l’Empereur, à l’époque, aurait eu une issue différente. J’étais prête à mettre ma main à couper.
Finalement, il en vint à me poser une nouvelle question qui, comme il me l’avait souligné, était tout aussi imprécise que la précédente. Ironiquement, sa requête n’était pas sans lien avec la dernière…bien qu’elle me demandait un brin de réflexion tant cette notion était particulière au regard des changements qu’elle pouvait apporter à une société. Inconsciemment, j’en vins aussitôt à nouer autour de mon index une de mes mèches de cheveux pendant que je tentais de mettre de l’ordre dans mes idées. J’avais d’ores et déjà un premier avis sur la question, mais il ne constituait en soi qu’un prélude à une analyse bien plus aboutie et possiblement plus elfique au vu d’une certaine donnée. Je regardais Fictilem dans les yeux et d’asséner sur un ton péremptoire qui eut tôt fait d’attirer l’attention des deux gardes étant donné l’aspect quelque peu éthéré de ma voix.
« La paix est un mensonge. »
C’était la vérité. Cette notion n’existait pas. Même si elle disposait d’une définition précise, il n’en demeurait pas moins qu’elle était illusoire. Oh ! Pour les simples mortels, elle était une réalité, mais lorsque l’on se renseignait suffisamment, l’on savait qu’il n’en était rien, et ce pour de multiples raisons que je comptais expliciter à Deydreus.
« Pourquoi puis-je me montrer aussi catégorique ? L’Histoire et la nature humaine tout simplement. Une paix n’est que temporaire. Elle n’est pas, contrairement à ce que certains politiques aiment affirmer pour rassurer les soldats et le peuple, perpétuelle. Il n’existe pas de lendemains qui chantent. Ce n’est qu’une illusion. La vérité est toute autre. Lorsque une « paix » » je singeais avec mes mains les guillemets. « Est signée entre deux pays, il s’agit en vérité d’une trêve. Que ce soit, 10, 20 ou 30 ans plus tard, une autre guerre entre ces deux pays finira par voir le jour à cause des griefs de l’ancienne. La « paix », comme vous dites, n’est en réalité qu’une arme destinée à faire en sorte de préparer le prochain conflit. Elle offre le temps nécessaire à un État de remplir ses coffres ainsi que ses greniers, de revoir sa doctrine de guerre, de tenir compte des enseignements du conflit passé, de former ses officiers et elle permet à ses citoyens de fonder une famille et d’avoir de nombreux enfants. Elle permet à ces derniers de grandir pour rejoindre l’armée…reconstituant de fait les effectifs et procurant suffisamment de réserves à un État pour remplacer les hommes d’armes tombés au combat. Elle permet d’influencer toute une génération afin qu’elle puisse soit prendre sa revanche sur le pays voisin, soit faire son devoir soit encore aider l’Etat qui les a nourris au sein et qui leur promet gloire et richesse au nom de la réalisation de ses ambitions. »
J’eus un petit rire.
« Cette soi-disant concorde n’est qu’une vaste mystification. L’encre ayant servi à la signature du traité n’est pas en mesure de faire disparaitre les griefs des soldats et des citoyens des deux pays les uns envers les autres. Pire encore ! Elle a plutôt l’effet inverse et peut mener, selon la situation de l’une des deux nations, à des troubles intérieurs pour diverses raisons. Si tel est le cas, je doute que le mot « paix » soit adapté pour une telle réalité, ne croyez-vous pas ? Je pourrais également mettre en exergue le fait que la ratification d’une telle entente ne met pas fin à certains conflits plus localisés. Elles n’atténuent pas non plus les tensions. Combien de fois, des « accidents » frontaliers ont-ils eu lieu ? De même, cet armistice ne concerne que les hostilités sur le champ de bataille. Elle n’empêche nullement de mener une guerre économique ou diplomatique. L’on peut être en paix et vouloir apporter la ruine à l’économie de son rival ! L’on peut être en paix et souhaiter isoler diplomatiquement son rival, ce qui permettra de le vaincre plus facilement une fois la guerre déclarée. Je vous l’ai dit quelques instants auparavant : la guerre n’est qu’un prolongement de la politique par d’autres moyens. Le vrai but d’une guerre est de servir une fin politique ou de répondre à un impératif. »
J’étais très loin d’avoir fini mon exposé. Cependant, afin de le laisser méditer sur ce que je venais de dire, je lui laissais quelques minutes pendant lesquelles je me resservis à boire et savourais le contenu de mon godet, non sans penser à la suite de ma plaidoirie, car je comptais aborder les points que je jugeais être le plus important. L’une des composantes de ma réponse serait facile à saisir. En revanche, je craignais que les autres s’avèrent plus étranges ce qui n’aurait pas été étonnant au vu de notre différence d’âge. Néanmoins, j’espérais bien lui saisir celui-ci quand bien même il me faudrait l’expliciter plus longuement.
« Bien évidemment, mon opinion se base sur l’existence d’une paix entre deux États. Mais qu’en est-il dès lors que vous parvenez à conquérir la surface de ce monde ? J’ignore quel est votre avis sur la question, mais j’estime, pour ma part, qu’une telle réalité n’est pas souhaitable. L’existence d’un tel monde laisserait supposer l’absence d’ennemi conventionnel à affronter par le biais d’armées interposées. Or, avec le temps, le régime étant parvenu à un tel tour de Force s’effondrerait tant il serait sûr de sa suprématie. D’abord, il ne disposerait plus de troupes expérimentées, ni ayant à cœur de faire leur devoir. À vrai dire, c’est à se demander si une armée continuerait d’exister au sein d’un tel monde. Ensuite, les dirigeants ainsi que le peuple de cet État se complairaient dans l’insouciance, la corruption et la décadence. Un tel comportement finirait tôt ou tard par générer des velléités autonomistes aux marges de cet Empire, qui après un certain laps de temps, déferleraient sur la carcasse de ce dernier tel des vautours pour se partager les restes. En somme, cette paix n’aurait été qu’un poison qui aurait lentement mais surement tué sa cible.» Je fermais les yeux un court instant. « L’existence d’un ennemi n’est pas nécessaire. Elle est vitale. »
Venait enfin la dernière partie de mon exposé. Celle que je jugeais être la plus importante, mais aussi, probablement, la plus elfique. Avec les bons mots, je savais être en mesure de pouvoir faire comprendre à mon interlocuteur le fond de ma pensée. En revanche, il y avait fort peu de chances pour qu’il puisse pleinement l’exploiter étant donné son espérance de vie ridicule.
« Enfin, la paix est une arme servant à faire la guerre. À double tranchant ceci dit. Je m’explique. Si l’on part du principe que votre nation a institué un conflit, c’est bien souvent pour servir un intérêt : gain territorial, conversion religieuse, revendication, gain économique, etc. J’exclus volontairement de mon exposé les impératifs à l’image de l’invasion des titans, car il s’agit d’une tout autre réalité. Une guerre, par essence, est plus facile à déclarer que la paix n’est facile à organiser ce qui est quelque peu problématique. Pourquoi ? Car si vous ne parvenez pas à la conclure, une campagne pourtant victorieuse pourrait virer en débâcle. Or, vous ne devez pas oublier, en dépit de vos conquêtes, que vous avez des objectifs à accomplir. Le reste n’est que secondaire. Le but est, lors de vos négociations, du moins si vous êtes victorieux, de tout faire pour défendre vos intérêts tout en acceptant de faire des concessions sur le reste. Vous avez conquis trois territoires alors qu’un seul vous intéressait ? Acceptez de restituer les deux territoires de trop. Le but est, au travers de cette manœuvre, de trouver une issue convenable à cette guerre afin d’éviter une autre période de préparation au prochain conflit chez votre ennemi. Si vous l’humiliez ou le laissez exsangue, vous risquez de le voir adopter une attitude revancharde à votre égard. De même, si vous accumulez les gains territoriaux sur un laps de temps trop court ou extensions agressive, comme je les nomme, vous risquez qu’un troisième État ne se mêle de la situation et ne décide de former une coalition avec le vaincu afin de vous combattre. Il faut ABSOLUMENT » je tapais mon poing sur la table, manquant renverser les godets « éviter que cela n’ait lieu ! »
J’adoptais un air plus malicieux.
« Si vous parvenez à signer cette paix et à conserver de bons rapports avec vos voisins, vous adoptez une position attentiste. Non pas pendant 10, 20 ou 30 ans. Mais pendant 100 ans si ce n’est plus. Pourquoi ? Déjà, vous aurez assimilé et converti, si du moins vous êtes un politique et administrateur adroit, le territoire que vous avez conquis, mais surtout…vos ennemis, du fait de leur mortalité - car n’oublions pas qu’à l’exception de Melorn, la République est gouvernée par des humains - seront passés de vie à trépas ! Ils auront oublié les affres de la guerre qui vous aura opposé à eux alors que vous, si vous êtes un elfe par exemple, pendant ces 100 ans, vous vous seriez préparé à mener une nouvelle campagne militaire pour accomplir une nouvelle fois vos objectifs sans que l’on ne vous accuse de générer de l’extension agressive remettant en cause l’équilibre du monde. Voici pourquoi, je considère que la paix est une arme au service de la guerre. »
Je déposais ma main gauche sur la table et ouvris la paume avant de faire apparaitre une flamme dans son creux.
« J’aurais très bien pu faire une analogie avec le feu. Si vous ne le contrôlez pas, les flammes de la destruction vous consumeront vous, en plus de votre adversaire, laissant seulement un champ de ruines. » Je laissais cette démonstration magique gagner en intensité pour qu’elle devienne plus menaçante, voire plus sauvage, tout en faisant en sorte qu’elle recouvre totalement ma main. « En revanche, si vous entretenez ce brasier patiemment et que vous le disciplinez pour qu’il progresse selon votre bon vouloir à l’instar de ce que font certains bergers, vous pourriez profiter de ses effets bénéfiques… » Je fis diminuer la taille de cette flamme et m’amusait à lui faire prendre l’apparence d’un petit humanoïde dans le creux de ma main qui gagnait progressivement en taille et qui pourtant demeurait soumise à ma volonté, avant de le faire disparaitre en refermant mon poing. « Vous pourriez même, avec un peu d’astuce, en faire un phare qui guiderait vos hommes vers un objectif simple : une victoire totale. Je reconnais ceci dit que ce stratagème a ses limites. L’usité trop souvent le rendrait irrémédiablement obsolète, c’est une évidence. Cependant, comprenez-moi bien. Vous raisonnez à l’échelle d’un mortel. C’est normal, me direz-vous. Mais qu’arrive-t-il si l’on décide d’analyser tout ce que je viens de vous présenter à une tout autre échelle temporelle telle que la mienne ? Oh ! Il y a des lacunes. C’est indéniable. Raisonner comme un elfe peut-être un problème. Je l’ai constaté quand j’avais approximativement votre âge. Les races moins éphémères ont tendance parfois à prendre trop leur temps et à sous-estimer la vitesse de réaction des humains. Peut-être y suis-je moins sujette, car cela fait plusieurs décennies que je vis ici… Cela dit, réfléchissez-y… L’on pourrait dans votre cas parler de continuité dynastique. Si votre descendance s’accordait à accomplir une tâche que vous auriez vous-même décidée, peut-être pourriez-vous parvenir au même résultat…bien que cela me semble relativement peu aisé. »
Je m’étirais quelque peu.
« Ma réponse vous satisfait-elle, officiarius ? »
Penchant ma tête sur le côté, j’ignorais les quelques mèches de cheveux rebelles qui, entrainées par le mouvement, se glissèrent devant ma vision sans pour autant l’obstruer et fixais du regard mon interlocuteur non sans joindre mes mains sur la table et tapoter mon index contre une de mes phalanges. Quelle serait sa réaction ? Du mépris ? De la colère ? De l’amusement ? Son visage ne trahissait absolument aucune émotion. Aucun tic nerveux n’était perceptible. Était-ce de l’apathie ? Ou était-ce au contraire une démonstration de son impassibilité et de sa discipline ? Impossible à savoir. J’avais conscience que ce Deydreus Fictilem était un vétéran. Par conséquent, il aurait été logique d’affirmer qu’il s’agissait là d’un signe attestant que cet homme savait se maîtriser et faire preuve d’aplomb sur-le-champ de bataille. Cependant, il y avait un hic. Sa voix monotone. Son souvenir suffit à faire parcourir mon corps d’un frisson. Ce timbre était bien trop monocorde. Non que je fusse différente dans l’exercice de mes fonctions. Toutefois, dans son cas, l’on avait clairement la sensation qu’il était tout simplement dépourvu d’émotions…que derrière ses cheveux noirs, son regard, sa moustache et ce teint pâle, il n’y avait que du vide. Nulle âme ne semblait siéger dans cet amas de chair, de sang et d’os.
Une telle idée était absurde en soi. Je n’étais pas sans l’ignorer. Pourtant une question demeurait. Qu’est-ce qui motivait un homme aussi détaché ? À quoi aspirait-il ? N’était-il que devoir ? Ou bien avait-il une autre raison d’être ? Impossible à savoir à moins de le côtoyer au combat. Cet homme était une énigme…énigme qui me fixa de ses yeux vairons ce qui me poussa, à mon tour, à me plonger dans son regard. À défaut de pouvoir me faire une idée précise de cet officier, je savais ce qu’il faisait en cet instant même. Il m’analysait, me jaugeait. En un sens, j’avais le sentiment de subir une sorte d’entretien. Non que cela changeât quelque chose à mes yeux. J’étais une janissaire. Je servais le Reike. Aussi, je comptais remplir ma tâche comme il se devait. Que Fictilem eut apprécié ou non la teneur de mon propos sur l’art de la guerre m’importait assez peu. Il n’était pas dans ma nature d’être aussi prosaïque. Il m’avait posé une question, je lui avais répondu. Cela s’arrêtait là.
Quoi qu’il en soit, cet humain eut tôt fait de me fournir une réponse. À première vue, à défaut de paraitre ravi, il souligna la proximité de nos points de vue sur ce sujet. En un sens, cela n’était guère étonnant. J’avais été, autrefois, une capitaine au service de la dynastie régnante et avais survécu jusqu’ici. Lui était un officier et un vétéran. Il avait, comme en témoignait son apparence, l’habitude de côtoyer les champs de bataille. Aussi, il paraissait assez normal que nous ayons la même vision de la guerre. Seuls une recrue, un idéaliste, un sot, un homme éloigné de la ligne de front ou un meurtrier auraient cherché à remettre en cause une telle opinion. Néanmoins, j’ignorais s’il l’occultait pour les besoins de cette conversation, mais il existait, selon moi, une utilité à ce que le commun des mortels ait une vision biaisée de la guerre. Elle permettait à un État de faciliter la conscription dès lors que l’on mettait en avant des récits de gloire, des exploits ou même des soldats pouvant faire office de recrues. En revanche, elle détenait un pendant négatif : certains officiers eux-mêmes y croyaient ce qui causait parfois quelques problèmes.
Alors qu’il s’adossait un peu plus à sa chaise et que je continuais à taper ma phalange avec mon index, Fictilem finit enfin par me révéler la raison de sa présence en ces lieux, ici avec moi ce qui me poussa automatiquement à me redresser. Qu’allait-il me relever ? Telle était LA question. Pourquoi effectivement, m’avait-il choisi moi et non des officiers de Drakstraang ? J’étais suspendue à ses lèvres prête à boire chacune de ses paroles et le moindre de ses mots…jusqu’à ce qu’il se mette à rire ! Cette réaction ô combien inattendue me fit aussitôt sursauter et me fit arquer un sourcil. Pourquoi était-il amusé ? Qu’avais-je bien pu dire d’aussi drôle ? Je n’eus pas le temps de pousser plus loin mon « investigation » que l’homme me révéla que non seulement il connaissait tous les instructeurs de l’université, mais qu’en plus il était diplômé et major de sa promotion. Pire encore ! Il n’ignorait pas l’avis qu’avaient les théoriciens de cette prétendue « vénérable » institution.
Cette confidence me fit quelque peu grimacer même si je saisissais pleinement l’ironie qu’avait revêtue ma question. Il est vrai qu’en tant que capitaine, à l’époque, je n’avais jamais affectionné l’idéologie de cette faculté. Qu’elle ait pu perdurer encore aujourd’hui malgré les évènements récents était fâcheux, voire périlleux. L’humain n’était probablement pas le seul à penser ainsi au sein de l’armée. Toutefois, les officiels de Drakstraang avaient de l’influence ce qui était dangereux tant ils pouvaient faire rentrer dans le moule quantités d’hommes et de femmes qui finiraient tôt ou tard par avoir des responsabilités à divers échelons. Je ne comprenais pas pourquoi le couple royal n’avait toujours pas réformé cet endroit. C’était purement et simplement invraisemblable. Hélas ! Que ce fût à l’époque ou même aujourd’hui, je n’avais nullement mon mot à dire. J’avais été, autrefois, une étrangère. Maintenant, j’étais une esclave. Quand bien même, je pouvais émettre une opinion sur le sujet, personne ne m’écouterait. En vérité, je serais très certainement châtié pour avoir tenu des propos inconvenants envers des figures respectées du Reike.
Apparemment, Fictilem éprouvait le même dédain que moi pour ce dogme. Il préférait converser avec des personnes qui, à mon instar, avaient consacré leur vie à cet art. En un sens, il cherchait à confronter sa vision afin de l’évaluer et de la parfaire. C’était judicieux, bien que sans nul doute imparfait. Aussi, ma « singularité » l’avait quelque peu interpellé durant sa quête. Il est vrai que mon âge quelque peu avancé pour un humain m’offrait bien plus d’expérience qu’il n’en aurait jamais. À moins que je ne passe de vie à trépas lors d’une bataille, je savais que Deydreus périrait avant moi. Une centaine d’années équivalait, selon certains, au battement d’un cil chez mes compatriotes. Le fait d’être une elfe native de Melorn me permettait de m’affranchir des concepts locaux. Après tout, mon enfance ainsi que mon adolescence n’avaient pas été influencées par une éducation Reikoise à l’inverse de lui. Quand bien même il en avait conscience et qu’il se remettait en question, il demeurait le fruit d’une époque et surtout d’une société…tout comme moi-même si ici je pouvais apporter un regard neuf sur certains préceptes.
En revanche, j’étais quelque peu sceptique sur un point alors que je le suivais du regard pendant qu’il se levait de table. Je ne pouvais décemment croire qu’il était venu ici pour simplement confronter son point de vue au mien. Certains officiers et nobles en auraient été capables, mais au regard de son apparence, de ses propos et de son apparence, cela ne pouvait lui correspondre selon moi. Il ne semblait pas irréfléchi et encore moins capricieux… Je n’étais, toutefois, pas à l’abri de faire une erreur. Néanmoins, je continuais à m’interroger sur le second motif de sa visite. Soit ! Profitant de son absence, j’en profitais pour énumérer sur mes doigts les informations que j’avais à ma disposition à son sujet.
Premièrement, Il était venu jusqu’ici. C’était un officier et un vétéran étant sorti de Drakstraang avec les honneurs. Par conséquent, j’avais affaire à un homme qui avait choisi de faire carrière dans l’armée, par devoir très probablement et possiblement par ambition. C’était évident. En rejoignant une institution militaire, il était commun ensuite de vouloir grimper les échelons. Restait à savoir s’il s’agissait de visées personnelles ou si au contraire, ses prétentions étaient plus pragmatiques. Peut-être souhaitait-il atteindre le sommet de la hiérarchie afin de disposer pleinement de l’imperium et de remplir son devoir tout en évitant qu’un des coureurs de rempart de l’université ne mette en péril l’Empire en parvenant au même poste. C’était une possibilité. Je comprenais l’attrait que revêtait la conception selon laquelle l’on n’était jamais mieux servi que par soi-même surtout lorsque l’on désirait éviter de dépendre des aléas du hasard et que le sort d’une nation était en jeu.
Deuxièmement, il cherchait à confronter ses visions. Certes pour les enrichir, mais je n’étais pas totalement dupe. J’avais été dans l’armée. Je n’étais pas sans savoir qu’un officier, selon son poste, avait des ordonnances, des aides et aussi des conseillers qui étaient bien souvent des subalternes. Or, il était commun, du moins lorsque l’on n’était pas un imbécile, de vouloir s’entourer, dans l’optique d’une bataille, de personnes compétentes qui pourraient, remettre en question certaines décisions ou au contraire la soutenir. Bien qu’aucun plan ne survivait à la réalité du champ de bataille, il fallait bien organiser les troupes avant le début d’un conflit. Cela passait donc par des heures de concertation.
Troisièmement, il y avait les évènements récents et la mention des Titans. Quand bien même, nous avions gagné, il était fort probable que ce petit contretemps n’arrêterait pas ces derniers. Ils reviendraient et chercheraient à nouveau à nous anéantir. Tout ceci n’était au fond qu’une étape vers un projet plus global. Fictilem ne l’ignorait pas. Aussi, était-il assez lucide pour saisir qu’il devait se préparer à la guerre qui s’annonçait. Il lui fallait des hommes qui sauraient en mesure d’incarner un rempart solide face à cette menace qui ne manquerait pas de nous submerger tel un raz de marée.
Si l’on associait le tout…l’on parvenait à….Je fus brusquement arrachée à mes pensées par le retour de l’officier. Celui-ci s’était procuré une carafe ainsi que deux godets dans lesquels il versa ce qui s’apparentait être du vin. L’odeur de ce liquide vermillon titilla mes narines qui se plissèrent. Ce n’était probablement pas un alcool de bonne qualité, mais je ne pouvais nier son odeur sucrée et quelque peu fruitée. Mon sens olfactif était assailli par une combinaison d’arômes de miel, de caramel et de notes légèrement épicées. Il devait probablement s’agir d’un vin fait à partir de dattes ce que mon palais me confirma aussitôt lorsque, après avoir remercié d’un signe de tête Fictilem je portais le récipient à mes lèvres afin de déguster une partie du contenu. Il n’était pas mauvais en soi, mais j’avais connu mieux.
Reposant le godet sur la table, j’en profitais pour croiser les jambes et faire passer derrière mon oreille gauche certaine de mes mèches de cheveux avant croiser les bras sous ma poitrine. Mon interlocuteur continua sa démonstration. Comme je l’avais présumé, il s’agissait bien d’un entretien destiné à me jauger. Cette révélation me fit toutefois quelque peu tiquer au point que mes sourcils se froncèrent naturellement. Avait-il oublié qu’il était simple officier et moi janissaire ? Lui obéir faisait certes partie de mes attributions, mais en aucun cas il ne pouvait décider de mon affectation. Aussi, je ne comprenais pas sa démarche. Peut-être était-il proche de la famille impériale ? Si tel était le cas, cela pouvait expliquer qu’il puisse me faire une proposition aussi chevaleresque. En revanche, s’il ne disposait d’aucun appui au niveau hiérarchique, je ne voyais pas trop comment il pourrait, si cet échange s’avérait concluant, disposer de ma personne comme il l’entendait. Un oubli ou une erreur sans doute. Personne n’était à l’abri d’en faire une après tout. C’était même humain. Sa « quête » devait un brin l’obnubiler pour qu’il en vienne à occulter la réalité de ma situation.
Préférant ne pas l’interrompre, je continuais à l’écouter attentivement. Mon intérêt ainsi que ma curiosité furent quelque peu renouvelés à son égard quand Fictilem fît mention du contexte dans lequel il exécutait ses prérogatives. Ainsi, il était accoutumé au fait de se rendre en territoire hostile pour mener certaines actions au nom du Reike, sans pour autant que l’on ne puisse identifier le commanditaire. Cela en disait long à son sujet. L’on ne mandatait pas un tel officier ainsi que ses hommes si celui-ci n’était pas loyal et surtout si celui-ci ne savait pas faire preuve d’adaptabilité. Toutefois, je devais bien reconnaître que mon champ de compétence était aux antipodes du sien. Oh ! Je saisissais sans peine les tenants et aboutissants propres à son domaine, mais à l’inverse de lui, j’avais toujours combattu sous l’enseigne du Reike. Certes, en tant qu’archère de formation, j’avais déjà dû me confronter aux principes des opérations de harcèlement de l’ennemi … Mais…en aucun cas je ne me permettrais d’affirmer que ces deux préceptes étaient semblables. Ils avaient, tout au plus, une vague similarité. Mon interlocuteur le savait forcément ! Surtout si celui-ci avait pu consulter mon dossier dans son intégralité, comme il me le révéla.
Pourtant ce ne fut pas le point le plus troublant. Tant s’en faut. Certes, je trouvais quelque peu étrange que Fictilem soit ici devant moi… Cependant, le point le plus insolite provint de ma propre personne sans que je ne puisse appréhender les raisons de cette réaction. En effet, lorsque l’humain mentionna mes « exploits passés » ainsi que ma prétendue férocité au combat, mon regard se durcit et je serrais automatiquement les poings au point de laisser mes ongles pénétrer ma chair et ressentis une profonde animosité envers… Je n’aurais su le dire. En revanche, je manquais un court instant de laisser éclate cette colère par le biais des paroles que l’on souffla à « l’oreille » de mon âme et qui pour ainsi dire voulait souligner à mon visiteur que ce combat n’était pas terminé et ne le saurait jamais tant que « je » respirerais. Cette haine, que je parvins, je ne sais comment, à réfréner, me désarçonna. À s’y méprendre, l’on aurait cru que ces sentiments étaient les miens… Or ce n’était pas absolument pas le cas. Pourquoi en venais-je à éprouver cette émotion ? Pourquoi désirais-je poursuivre cette lutte ? J’avais saisi mon erreur grâce aux actions des contrôleurs royaux et acceptais d’en porter la responsabilité aujourd’hui en tant que janissaire. Alors, pourquoi ? C’était comme si une partie de moi gardait en travers de la gorge cette défaite. Il est vrai que j’étais une très mauvaise perdante, mais de là à éprouver un tel ressentiment…une telle envie de revanche… Ou était-ce de la vengeance ? J’espérais, bien naïvement, n’avoir rien laissé transparaitre même si j’en doutais.
Aussi, afin de me calmer quelque peu et de reprendre mes esprits, j’en profitais pour porter, à nouveau, le contenu du godet à mes lèvres dans l’espoir que le vin parvienne à chasser ce goût amer que j’avais dans la gorge… Sans grand succès, malheureusement. Mon interlocuteur, pour sa part, poursuivit ses explications comme si de rien n’était et en profita pour souligner un point que je comptais bien aborder. Selon lui, d’ici peu, son poste viendrait à évoluer. En d’autres termes, il allait disposer probablement d’un nouveau grade. Peut-être à cause de ses actes durant la guerre face aux Titans. Cependant, je doutais que cela fût assez pour décider de mon avenir…à moins qu’il ne devienne Griffe ce qui paraissait absurde. Néanmoins, je pris bonne note de ne rien dire à ce sujet. S’il estimait pouvoir disposer de ma personne avec ses nouvelles attributions, c’est qu’il avait probablement de bonnes raisons de le penser…même si j’eusse été curieuse de les connaître… Lorsque l’on faisait preuve d’autant d’assurance, l’on était soit un idiot, soit une personne réfléchie…et au regard de son comportement jusqu’à présent, il paraissait évident qu’il n’était pas un baveux.
En revanche, son entretien était plus qu’original ! Quoique je comprenais le bienfondé de sa démarche maintenant qu’il me l’explicita. Ainsi, il avait fait exprès de se montrer aussi peu précis dans ses questions, car il désirait connaître ma manière de raisonner. Il est vrai qu’en se montrant aussi permissif, il pourrait potentiellement comprendre ma logique. Toutefois, à mon humble avis, un seul échange ne suffirait pas. C’était présomptueux de sa part. Non que je fusse difficile à analyser, mais il lui faudrait mener d’autres conciliabules. En revanche, une partie de sa tirade m’amusa et fit naître un sourire sur mes lèvres. Très vraisemblablement, les personnes que Deydreus avait rencontrées à mon sujet l’avaient mis en garde contre ma propension à me montrer quelque peu insolente. J’avais sa permission pour pleinement m’exprimer…non que cela m’eût empêché de le faire. Mes interlocuteurs avaient tendance à confondre mon honnêteté avec de l’effronterie. Mais soit ! Je me plierais à sa demande. Auparavant, j’avais fait preuve de retenue. Non dans le contenu de mes paroles, mais plus dans la longueur de mon exposé. L’assommer de conceptions aussi diverses que variées ne m’avait pas semblé utile sur l’instant. Désormais, je ne comptais pas faire cet effort si une de ses questions me poussait à soliloquer.
Me redressant quelque peu sur mon tabouret , j’en profitais pour pousser le godet et faire craquer mes doigts avant de le regarder droit dans les yeux afin de l’intimer à poursuivre, ce qu’il fit. Encore une fois, il sous-entendit qu’il trouverait un moyen de m’exploiter, en dépit de mon statut, si je m’avérais suffisamment intéressante. Cette nouvelle assertion, non dénuée d’aplomb, acheva de me convaincre que derrière cette armure et ses yeux hétérochromes, se cachait quelqu’un de résolu, mais aussi de dangereux au combat du fait de son opiniâtreté. Avec des hommes comme lui, la guerre contre l’Empereur, à l’époque, aurait eu une issue différente. J’étais prête à mettre ma main à couper.
Finalement, il en vint à me poser une nouvelle question qui, comme il me l’avait souligné, était tout aussi imprécise que la précédente. Ironiquement, sa requête n’était pas sans lien avec la dernière…bien qu’elle me demandait un brin de réflexion tant cette notion était particulière au regard des changements qu’elle pouvait apporter à une société. Inconsciemment, j’en vins aussitôt à nouer autour de mon index une de mes mèches de cheveux pendant que je tentais de mettre de l’ordre dans mes idées. J’avais d’ores et déjà un premier avis sur la question, mais il ne constituait en soi qu’un prélude à une analyse bien plus aboutie et possiblement plus elfique au vu d’une certaine donnée. Je regardais Fictilem dans les yeux et d’asséner sur un ton péremptoire qui eut tôt fait d’attirer l’attention des deux gardes étant donné l’aspect quelque peu éthéré de ma voix.
« La paix est un mensonge. »
C’était la vérité. Cette notion n’existait pas. Même si elle disposait d’une définition précise, il n’en demeurait pas moins qu’elle était illusoire. Oh ! Pour les simples mortels, elle était une réalité, mais lorsque l’on se renseignait suffisamment, l’on savait qu’il n’en était rien, et ce pour de multiples raisons que je comptais expliciter à Deydreus.
« Pourquoi puis-je me montrer aussi catégorique ? L’Histoire et la nature humaine tout simplement. Une paix n’est que temporaire. Elle n’est pas, contrairement à ce que certains politiques aiment affirmer pour rassurer les soldats et le peuple, perpétuelle. Il n’existe pas de lendemains qui chantent. Ce n’est qu’une illusion. La vérité est toute autre. Lorsque une « paix » » je singeais avec mes mains les guillemets. « Est signée entre deux pays, il s’agit en vérité d’une trêve. Que ce soit, 10, 20 ou 30 ans plus tard, une autre guerre entre ces deux pays finira par voir le jour à cause des griefs de l’ancienne. La « paix », comme vous dites, n’est en réalité qu’une arme destinée à faire en sorte de préparer le prochain conflit. Elle offre le temps nécessaire à un État de remplir ses coffres ainsi que ses greniers, de revoir sa doctrine de guerre, de tenir compte des enseignements du conflit passé, de former ses officiers et elle permet à ses citoyens de fonder une famille et d’avoir de nombreux enfants. Elle permet à ces derniers de grandir pour rejoindre l’armée…reconstituant de fait les effectifs et procurant suffisamment de réserves à un État pour remplacer les hommes d’armes tombés au combat. Elle permet d’influencer toute une génération afin qu’elle puisse soit prendre sa revanche sur le pays voisin, soit faire son devoir soit encore aider l’Etat qui les a nourris au sein et qui leur promet gloire et richesse au nom de la réalisation de ses ambitions. »
J’eus un petit rire.
« Cette soi-disant concorde n’est qu’une vaste mystification. L’encre ayant servi à la signature du traité n’est pas en mesure de faire disparaitre les griefs des soldats et des citoyens des deux pays les uns envers les autres. Pire encore ! Elle a plutôt l’effet inverse et peut mener, selon la situation de l’une des deux nations, à des troubles intérieurs pour diverses raisons. Si tel est le cas, je doute que le mot « paix » soit adapté pour une telle réalité, ne croyez-vous pas ? Je pourrais également mettre en exergue le fait que la ratification d’une telle entente ne met pas fin à certains conflits plus localisés. Elles n’atténuent pas non plus les tensions. Combien de fois, des « accidents » frontaliers ont-ils eu lieu ? De même, cet armistice ne concerne que les hostilités sur le champ de bataille. Elle n’empêche nullement de mener une guerre économique ou diplomatique. L’on peut être en paix et vouloir apporter la ruine à l’économie de son rival ! L’on peut être en paix et souhaiter isoler diplomatiquement son rival, ce qui permettra de le vaincre plus facilement une fois la guerre déclarée. Je vous l’ai dit quelques instants auparavant : la guerre n’est qu’un prolongement de la politique par d’autres moyens. Le vrai but d’une guerre est de servir une fin politique ou de répondre à un impératif. »
J’étais très loin d’avoir fini mon exposé. Cependant, afin de le laisser méditer sur ce que je venais de dire, je lui laissais quelques minutes pendant lesquelles je me resservis à boire et savourais le contenu de mon godet, non sans penser à la suite de ma plaidoirie, car je comptais aborder les points que je jugeais être le plus important. L’une des composantes de ma réponse serait facile à saisir. En revanche, je craignais que les autres s’avèrent plus étranges ce qui n’aurait pas été étonnant au vu de notre différence d’âge. Néanmoins, j’espérais bien lui saisir celui-ci quand bien même il me faudrait l’expliciter plus longuement.
« Bien évidemment, mon opinion se base sur l’existence d’une paix entre deux États. Mais qu’en est-il dès lors que vous parvenez à conquérir la surface de ce monde ? J’ignore quel est votre avis sur la question, mais j’estime, pour ma part, qu’une telle réalité n’est pas souhaitable. L’existence d’un tel monde laisserait supposer l’absence d’ennemi conventionnel à affronter par le biais d’armées interposées. Or, avec le temps, le régime étant parvenu à un tel tour de Force s’effondrerait tant il serait sûr de sa suprématie. D’abord, il ne disposerait plus de troupes expérimentées, ni ayant à cœur de faire leur devoir. À vrai dire, c’est à se demander si une armée continuerait d’exister au sein d’un tel monde. Ensuite, les dirigeants ainsi que le peuple de cet État se complairaient dans l’insouciance, la corruption et la décadence. Un tel comportement finirait tôt ou tard par générer des velléités autonomistes aux marges de cet Empire, qui après un certain laps de temps, déferleraient sur la carcasse de ce dernier tel des vautours pour se partager les restes. En somme, cette paix n’aurait été qu’un poison qui aurait lentement mais surement tué sa cible.» Je fermais les yeux un court instant. « L’existence d’un ennemi n’est pas nécessaire. Elle est vitale. »
Venait enfin la dernière partie de mon exposé. Celle que je jugeais être la plus importante, mais aussi, probablement, la plus elfique. Avec les bons mots, je savais être en mesure de pouvoir faire comprendre à mon interlocuteur le fond de ma pensée. En revanche, il y avait fort peu de chances pour qu’il puisse pleinement l’exploiter étant donné son espérance de vie ridicule.
« Enfin, la paix est une arme servant à faire la guerre. À double tranchant ceci dit. Je m’explique. Si l’on part du principe que votre nation a institué un conflit, c’est bien souvent pour servir un intérêt : gain territorial, conversion religieuse, revendication, gain économique, etc. J’exclus volontairement de mon exposé les impératifs à l’image de l’invasion des titans, car il s’agit d’une tout autre réalité. Une guerre, par essence, est plus facile à déclarer que la paix n’est facile à organiser ce qui est quelque peu problématique. Pourquoi ? Car si vous ne parvenez pas à la conclure, une campagne pourtant victorieuse pourrait virer en débâcle. Or, vous ne devez pas oublier, en dépit de vos conquêtes, que vous avez des objectifs à accomplir. Le reste n’est que secondaire. Le but est, lors de vos négociations, du moins si vous êtes victorieux, de tout faire pour défendre vos intérêts tout en acceptant de faire des concessions sur le reste. Vous avez conquis trois territoires alors qu’un seul vous intéressait ? Acceptez de restituer les deux territoires de trop. Le but est, au travers de cette manœuvre, de trouver une issue convenable à cette guerre afin d’éviter une autre période de préparation au prochain conflit chez votre ennemi. Si vous l’humiliez ou le laissez exsangue, vous risquez de le voir adopter une attitude revancharde à votre égard. De même, si vous accumulez les gains territoriaux sur un laps de temps trop court ou extensions agressive, comme je les nomme, vous risquez qu’un troisième État ne se mêle de la situation et ne décide de former une coalition avec le vaincu afin de vous combattre. Il faut ABSOLUMENT » je tapais mon poing sur la table, manquant renverser les godets « éviter que cela n’ait lieu ! »
J’adoptais un air plus malicieux.
« Si vous parvenez à signer cette paix et à conserver de bons rapports avec vos voisins, vous adoptez une position attentiste. Non pas pendant 10, 20 ou 30 ans. Mais pendant 100 ans si ce n’est plus. Pourquoi ? Déjà, vous aurez assimilé et converti, si du moins vous êtes un politique et administrateur adroit, le territoire que vous avez conquis, mais surtout…vos ennemis, du fait de leur mortalité - car n’oublions pas qu’à l’exception de Melorn, la République est gouvernée par des humains - seront passés de vie à trépas ! Ils auront oublié les affres de la guerre qui vous aura opposé à eux alors que vous, si vous êtes un elfe par exemple, pendant ces 100 ans, vous vous seriez préparé à mener une nouvelle campagne militaire pour accomplir une nouvelle fois vos objectifs sans que l’on ne vous accuse de générer de l’extension agressive remettant en cause l’équilibre du monde. Voici pourquoi, je considère que la paix est une arme au service de la guerre. »
Je déposais ma main gauche sur la table et ouvris la paume avant de faire apparaitre une flamme dans son creux.
« J’aurais très bien pu faire une analogie avec le feu. Si vous ne le contrôlez pas, les flammes de la destruction vous consumeront vous, en plus de votre adversaire, laissant seulement un champ de ruines. » Je laissais cette démonstration magique gagner en intensité pour qu’elle devienne plus menaçante, voire plus sauvage, tout en faisant en sorte qu’elle recouvre totalement ma main. « En revanche, si vous entretenez ce brasier patiemment et que vous le disciplinez pour qu’il progresse selon votre bon vouloir à l’instar de ce que font certains bergers, vous pourriez profiter de ses effets bénéfiques… » Je fis diminuer la taille de cette flamme et m’amusait à lui faire prendre l’apparence d’un petit humanoïde dans le creux de ma main qui gagnait progressivement en taille et qui pourtant demeurait soumise à ma volonté, avant de le faire disparaitre en refermant mon poing. « Vous pourriez même, avec un peu d’astuce, en faire un phare qui guiderait vos hommes vers un objectif simple : une victoire totale. Je reconnais ceci dit que ce stratagème a ses limites. L’usité trop souvent le rendrait irrémédiablement obsolète, c’est une évidence. Cependant, comprenez-moi bien. Vous raisonnez à l’échelle d’un mortel. C’est normal, me direz-vous. Mais qu’arrive-t-il si l’on décide d’analyser tout ce que je viens de vous présenter à une tout autre échelle temporelle telle que la mienne ? Oh ! Il y a des lacunes. C’est indéniable. Raisonner comme un elfe peut-être un problème. Je l’ai constaté quand j’avais approximativement votre âge. Les races moins éphémères ont tendance parfois à prendre trop leur temps et à sous-estimer la vitesse de réaction des humains. Peut-être y suis-je moins sujette, car cela fait plusieurs décennies que je vis ici… Cela dit, réfléchissez-y… L’on pourrait dans votre cas parler de continuité dynastique. Si votre descendance s’accordait à accomplir une tâche que vous auriez vous-même décidée, peut-être pourriez-vous parvenir au même résultat…bien que cela me semble relativement peu aisé. »
Je m’étirais quelque peu.
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