La dernière fois qu'Huldrom était venu dans cette partie du Palais, le Nain était en panique, croulant sous les sanctions disciplinaires et craignant d'avoir des ennuis avec le Contrôleur Royal qui l'avait convoqué. Aujourd'hui, alors que Sam, l'accompagnateur envoyé par Tagar Reys, était venu le chercher pour l'amener dans son bureau, le Nain marchait avec confiance. Il avait bien entendu parler de la nomination de Tagar Reys au poste de Coeur, le ministre en charge des finances du Reike ! Voilà une promotion qui avait fait parler dans les tavernes et les casernes ! Dans le cas d'Huldrom, il n'avait pas fait de commentaire, même s'il avait croisé à plusieurs reprises la personne en question. On pourrait même dire que les deux rekois se connaissaient un minimum.

Comme à son habitude, l'accompagnateur n'avait pipé mot sur le motif de l'invitation, et fit patienter Huldrom dans une pièce du Palais. Les deux rekois allèrent ensuite vers le bureau de la secrétaire du gratte papier, qui leur adressa un sourire à tous les deux, son regard s'attardant sur Huldrom quelques secondes supplémentaires. L'ex-janissaire lui fit un clin d'oeil, se rappelant la soirée qu'ils avaient passé ensemble après sa convocation antérieure. Ce qu'il s’était passé, Huldrom le garderait pour lui, mais la jolie créature lui avait fait passer une nuit qu'il n'oublierait pas de sitôt.

- Monsieur Huldrom ! Le Coeur vous attend ! Par ici je vous prie -

Le Nain laissa la secrétaire ouvrir la porte du bureau, profitant de l'occasion pour se rincer l'oeil, et entra tout en adressant un sourire à la splendide jeune femme, qui le lui rendit en le poussant gentiment à l'intérieur.

Le gratte papier était assis devant une table basse, un tonnelet de bière à ses côtés. À l'évidence, il s'agissait d'une vraie invitation, et non d'une nouvelle réprimande. Le Nain s'autorisa alors une petite remarque en guise de bonjour !

- Ha ! J'vois qu'vous avez enfin choisi un vrai alcool, M'sieur l'Contrôleur ! Enfin, j'dverais plutôt dire M'sieur l'Coeur ! Comment ça va ? -


CENDRES

Ha ! De la Bleuette Grisepierre ! La fameuse bière faisant uriner bleu, mise au point par Gerda Grisepierre et son associée cornue ! Huldrom se souvenait du succès que cet alcool avait eu pendant le festival de la bière naine, et avait même pu en déguster un peu pendant son service. La marchande du Nord avait donc réussi à s'insinuer jusqu'au Palais Impérial grâce à sa recette pour le moins intéressante !

Engloutissant son verre d'une traite, le Nain répondit à la première question du Coeur :

- Très bien ! Et toi ? -

Une fois les salutations effectuées, Tagar entra directement dans le vif du sujet : une proposition pour rejoindre la garde personnelle du Coeur, de manière ponctuelle. Le gratte papier n'y était pas allé par quatre chemins, et semblait décidé à le recruter. Huldrom, quant à lui, était à la fois interloqué et flatté. Flatté que le nouveau Coeur du Reike ai pensé à un simple soldat comme lui comme membre de sa garde rapprochée, et interloqué car le Nain ne se considérait justement que comme un simple soldat en bas de l'échelle.

À vrai dire, depuis qu'il avait regagné sa liberté, le Nain n'avait jamais pensé à prendre du galon l'armée, ni manifesté une quelconque ambition dans ce sens, la faute à de longues années passées à subir le conditionnement réservé aux janissaires du Reike. On ne demandait pas au premier planton venu d'assurer la protection d'un personnage aussi important que le ministre des Finances du Reike, membre de la main de l'Empereur et répondant directement à l'Impératrice.

Le Nain ne voyait pas de raison pour refuser l'offre de Tagar. Les tâches dangereuses et lui, ça faisait deux. Néanmoins, comme lors de leur première rencontre dans ce bureau, Huldrom décida de poser la question fatidique :

- Hum, v'là une offre intéressante ! Et qu'est-ce que j'y gagne ? -

Tant qu'à faire, autant s'assurer que les services de protection du Nain seraient bien récompensés !


CENDRES

Le Nain écouta la proposition du ministre, ainsi que ses déboires. Décidément, le nouveau rôle du gratte-papier ne semblait pas être de tout repos :

- 'Fectivement, si y t'faut une dizaine de gars en escorte, c'est qu'le job doit être difficile ! -

Le Nain avala une nouvelle gorgée du liquide bleu, tout en réfléchissant. Tout compte fait, il n'avait pas grand-chose à perdre à accepter la proposition de l'homme aux cheveux blancs. La tâche était certes dangereuse, mais pour un ancien janissaire, ce n'était que de la routine. De plus, le soldat ne cracherait pas sur les primes qu'engendreraient ces affectations. Si le Reike avait mis en place ces primes de risques pendant la guerre, Huldrom serait le plus riche des Nains aujourd'hui !

Le guerrier reposa sa chope, avant de répondre :

- J'suis flatté qu'tai pensé à moi pour c'type de mission ! J'vois pas d'raison d'pas accepter ! Et puis ça m'changera des tours de gardes ou d'faire le planton ! C'est quoi l'profil des aut' types de ta garde rapprochée ? -

Une question plutôt importante ! Tagar étant une cible de choix pour quiconque souhaiterait déstabiliser le Reike, Huldrom voulait savoir si les membres de sa garde étaient des soldats compétents, car ils seraient sûrement amenés à se battre côtes à côtes.


CENDRES

Huldrom écoutait la description des soldats reikois affectés à la protection du ministre. Il trouvait étonnant que cette charge n'incombe pas à la garde royale, car Tagar faisait maintenant partie du plus haut cercle d'influence de l'Empire. Enfin, si les primes étaiejt aussi conséquentes que le laissait penser l'homme aux cheveux blancs, le jeu en vaudrait la chandelle !

Concernant le choix des hommes de sa garde, Huldrom n'avait rien à dire : des vétérans avec une hiérarchie clairement établie. Le choix des armes courtes et des armures légères était également un bon choix pour le combat rapproché en quartiers confinés, un endroit de prédilection pour les tentatives d'assassinat. En bref, le Coeur du Reike avait su bien s'entourer.

- 'Coutes, tout m'a l'air bien !  Où j'signes ? -

Avec un grand sourire, le Nain s'envoya une nouvelle gorgée de bière bleue. Janissaire, puis soldat, pui membre de la garde d'une pointure du Reike, la condition d'Huldrom ne cessait de s'améliorer ! Comme quoi, il avait bien fait de ne pas payer ses impôts ! Sinon, il n'aurait jamais rencontré cet homme singulier qui lui fournissait une opportunité d'améliorer son quotidien de guerrier de l'Empire, tout en s'enrichissant !


CENDRES

Tout était en ordre ! Décidement, Tagar n'avait rien perdu de son efficacité avec sa nouvelle affectation. Huldrom engloutit la bière qu'il restait dans son verre, et reposa le récipient sur la table devant lui, comme pour annoncer qu'il était partant ! Quand les informations circuleraient dans la caserne, ceux qui riaient encore des déboirres du Nain devraient se taire pour de bon ! Pas mal pour un soldat qui s'était mesuré à une garde royale et avait écopé des sanctions du siècle quelques semaines auparavant !

Avant de partir, Huldrom hasarda une question, afin d'avoir un peu d'information sur quand il serait amené à protéger l'homme aux cheveux blancs :

- Parfait, Tagar ! Du coup, quand est-c'que j'dois m'attendre à venir renforcer ta garde ? Des déplacements d'prévus bientôt ? -


CENDRES

La réponse de Tagar convint parfaitement au Nain, qui savait à quoi s'attendre. Il était trop tôt pour demander plus de détails, et le Nain en resta donc là, remerciant le ministre pour l'entrevue tout en se levant :

- Parfait ! Tu m'tiendras au courant ! -

Une fois sorti du bureau du fonctionnaire, le Nain arborait un léger sourire caché sous sa barbe. Finalement, il n'avait pas survécu à l’esclavage pour rien, et la chance lui souriait ces temps-ci ! Tournant la tête, il posa son regard sur la secrétaire de Tagar, qui lui fit signe d'approcher en lui faisant un clin d'oeil. Une fois à sa portée, la jeune femme glissa un bout de papier dans la main de soldat, tout en passant "innocemment" sa propre main sur son bras et son torse. La scène ne dura que quelques secondes, mais le message était on ne peut plus clair !

Une fois sorti du Palais, le sourire du Nain s'élargit quand il scruta le bout de papier :

- 20h. Ce soir. Auberge habituelle. Ne sois pas en retard. -

La nuit allait être intense pour le Nain, qui s'en réjouissait d'avance !


CENDRES