Les élémentaires ont une longue espérance de vie, et ainsi, on pourrait croire qu’ils restent longtemps dans la fleur de l’âge. Albus est une exception à cette règle, puisqu’on dirait qu’il a déjà passé la cinquantaine. Des rides parsèment son front et ses cheveux sont devenus gris depuis quelques décennies déjà. Il arrive donc que, lorsqu’on le rencontre pour la première fois, on le prenne pour un vieillard qui a fait son temps. Ce n’est pourtant qu’un leurre, car ses yeux sont toujours alertes et vifs. Sa posture, droite et fière, vient accentuer la gravité de son regard, et son costume impeccable montre qu’on a affaire à un homme qui respecte les règles de la bienséance.  Le majordome a l’habitude d’être silencieux, mais rien ne lui échappe dans le domaine des Storm. Après tout, il tient profondément à cette demeure et à cette jeune femme ingénue qu’est sa maîtresse.  

Sa voix est douce et toujours calme. Rares sont les moments où il montre sa colère. Même quand Neera n’en fait qu’à sa tête, l’homme reste lucide et réfléchi et il arrive (généralement) à lui faire entendre raison. C’est la logique qui le guide plus que les sentiments. Pour autant, Albus reste profondément humain avec les quelques domestiques qui l’aident à prendre soin du manoir de la magicienne. L’intendant est bien souvent à leur écoute et est toujours disposé à chercher des solutions avec l’ensemble du personnel. Lorsqu’il se doit d’accueillir des hôtes, il s’arrange pour qu’un maximum de choses concordent avec les desirata de leurs convives. Finalement, il est un peu le chef d’orchestre qui assure le maintien du patrimoine des Storm. Ses talents d’intendant ne sont plus à prouver, et sa vaste compréhension de la République l’aide à préserver l’image des Storm au sein de la noblesse républicaine.

On peut certainement lui reprocher sa rigidité et sa froideur apparente, mais sa loyauté comme son professionnalisme ne sont plus à prouver. Il ferait tout pour protéger Neera, mais comme celle-ci a un fort caractère, qui peut droit la mener vers les problèmes, il se contente de la conseiller du mieux qu’il le peut. Leur longévité respective leur a appris à se faire confiance et à compter l’un sur l’autre comme s'ils étaient un membre de leur propre famille.

Albus était destiné à périr au bord de la route, dans la misère et dans la crasse. C’est que ses parents sont morts très jeunes, et le jeune élémentaire n’a que sept ans quand il se met à mendier dans la chaine rocheuse proche de Courage. Grâce à sa jeunesse, il réussit à s’attirer la pitié des voyageurs, et c’est ainsi qu’il tombe par hasard sur le père de Neera Storm. Celui-ci est alors pleinement concentré sur son entreprise, qui cherche à développer des boissons exotiques. Mais il a aussi un autre problème : lui et son épouse désirent profondément un enfant. Malheureusement, tout semble indiquer que leur mariage est stérile, et l’homme n’est pas un croyant aussi convaincu que sa femme. Quand il voit donc cet orphelin démuni, pauvre et affamé, il se dit qu’il fera une bonne action en le prenant sous son aile. C’est ainsi qu’il le recueille, qu’il le remet sur pied, et qu’il le ramène au manoir des Storm. Cela leur fera au moins une présence, se dit-il. Et peut-être même que cela consolera sa tendre moitié qui voudrait désespérément avoir un garçon ou une petite fille.

Autant dire que l’accueil de la Républicaine est particulièrement glacial. La mère de Neera ne voit en Albus qu’un usurpateur : il ne sera jamais son enfant, la chair de sa chair. Dans un premier temps, donc, l’élémentaire préfère se faire tout petit. Il voit bien que la maîtresse de maison lui porte une animosité flagrante. Tout l’inverse du chef de famille qui est chaleureux, bon et patient. Le chef des Storm découvre d’ailleurs bien vite la curiosité et l’intelligence d’Albus. Il lui propose alors d’être son homme de main pour gérer son entreprise. Il lui apprend la finesse du commerce, la ruse des marchands, la corruption latente de la République, aussi. Albus est d’autant plus content qu’il doit faire des voyages avec cet homme : il évite donc la future mère de Neera, qui n’est pas mécontente d’avoir à éviter sa présence. Pour autant, elle reste une femme droite, et lui enseigne tous les rudiments nécessaires pour bien se comporter dans la noblesse.

Quand la diviniste tombe enceinte, c’est la surprise, et l’élémentaire craint un instant tous les changements que cela va opérer. Celles-ci s’évanouissent pourtant comme de la neige au soleil quand il découvre le bambin dans son berceau. Les premières années, rien ne se développe vraiment, puisque la petite reste dans les jupes de sa mère. Mais la demoiselle s’en affranchit bien vite et elle ne tarde pas à voir en Albus un complice de jeux. C’est que la demi-titan trouve ça très amusant de se cacher dans le manoir pendant des heures ou de tester son affinité si naturelle avec la foudre. Il faut bien qu’elle ait un spectateur ou un camarade avec qui elle puisse partager ça, sinon, ce n’est pas drôle.

Les deux protagonistes vont apprendre à s’apprivoiser avec le temps. Si Albus cache parfois les quelques coquilles de la jeune fille, la sang-mêlée, elle, n’hésite pas à vanter les mérites d’Albus près de ses parents et à le soutenir quoi qu’il en coûte. Ces derniers se rendent bien compte de leur complicité, et contre toute-attente, la mère de Neera se radoucit un peu à l’encontre du majordome. Tant qu’il reste à sa place, tout va bien.

Etonamment, Albus n’a jamais cherché à aller voir ailleurs. Il l’a bien envisagé, en pensant quitter le service des Storm à la mort de Neera mais… C’est que cette dernière est sacrément résistante. L’intendant sait qu’elle n’est pas la véritable fille de son père, mais il n’arrive pas à déterminer par qui elle est venue au monde. D’autant plus que la matriarche des Storm a toujours été fidèle, ce qui rend cette énigme encore plus compliquée qu’elle ne l’est au départ.

Lorsqu’Albus se rend compte que, comme lui, Neera défie la courbe du temps, il décide de rester à ses côtés. C’est également une promesse qu’il prononce sur le lit de mort de son père, qui s’inquiète de la longévité surprenante de sa fille. La magicienne, du reste, considère tellement l'élémentaire comme un membre de sa famille qu’il est hors de question de le renvoyer. Elle apprécie d’avoir une personne loyale à ses côtés, qui n’a pas froid aux yeux et qui sait la conseiller. Dans ce monde si changeant, où les générations se succèdent les unes après les autres, elle a au moins une figure qui ne change pas et qui reste fidèle à elle-même. Cela la conforte et renforce leur lien au cours des siècles.

Depuis, la Tornade a une confiance absolue en Albus et lui confie notamment la gestion de son patrimoine. C’est toujours elle qui a le dernier mot, et c’est elle qui prend les grandes décisions, mais elle peut se fier à sa sagesse, et cela l’arrange bien vu ses nombreuses recherches académiques. L’un et l’autre se complètent et jusqu’à ce jour, aucun des deux protagoniste n’ont eu à le regretter.