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Assise sur le rebord de la fenêtre de son bureau, Dahlia rêvassait. Cela faisait déjà plusieurs jours que certains de ses orphelins avaient quitté le nid, mais rien à faire, elle continuait à songer à eux. Chaque départ était à ses yeux autant une réjouissance qu’un crève-cœur. La Fae aimait penser que tous les moyens étaient propices pour arriver à ses fins, et tant que ses enfants finissaient par sortir d’ici heureux, il importait peu que ce soit avec une famille ou non. Bien entendu, dans le meilleur des mondes, la directrice aurait préféré que chacun reparte avec une nouvelle fratrie, des parents aimants et s’installe dans une charmante maison au beau milieu de la capitale. Mais le meilleur des mondes n’existait pas. Le véritable monde était une brutalité que Dahlia avait appris à dompter au fil des années, et aujourd’hui ne serait pas une exception à la règle.
Elle se redressa péniblement avant de s’approcher du tas de courrier qui gisait sur le côté gauche de son bureau. Contrairement à beaucoup de personnes, la jeune Fae n’abhorrait pas particulièrement le côté administratif de son travail. Elle se plaisait à prendre son temps pour gérer chaque demande, pour noter soigneusement chaque donation dans son petit carnet. Son assistante venait toquer à sa porte régulièrement pour la corriger, mais qu’importe. Elle était directrice, le dernier mot finissait toujours par lui revenir. La demoiselle tendit la main vers la pile de papiers et en saisit un au hasard. Une lettre d’un nouveau donateur. Elle la déposa sur la droite, faisant un petit tas pour séparer les différentes missives de la journée, quand soudain une d’entre elles attira son attention. Il s’agissait d’une lettre somme toute banale, si ce n’est à l’exception qu’il n’y figurait aucun expéditeur. Dahlia haussa un sourcil. C’était rare qu’on la contacte sans déclarer son identité, mais elle haussa les épaules. Il s’agissait probablement d’un oubli, tant qu’à faire, autant vérifier.
Ses doigts s’agitèrent dans un tiroir pour trouver les ciseaux qu’elle sortit avant de découper une ouverture dans l’enveloppe en prenant soin de ne pas en abîmer son contenu. Ses yeux parcoururent les lignes lentement et son regard se durcit un peu plus à chaque mot. Serrant le parchemin dans sa main tremblotante, elle se leva de son fauteuil et sortit en trombe de la pièce, en se remémorant chaque phrase qui venait de lui être transmise.
« Oliver est en ma possession, il vous sera rendu si Dame Ssisska accepte d’arrêter de se mêler des affaires des autres. Dans le cas contraire, je me verrais obligé de prendre des décisions radicales concernant votre petit oiseau ainsi que votre établissement. Si vous ne voulez pas que votre petit complot s’ébruite, rendez-vous à Liberty demain, dans les bas fonds. Seule. ».
Dahlia s’enfonça dans la pénombre de Liberty à une vitesse ahurissante, rabaissant sa capuche sur ses yeux. Se fondant dans la foule, elle s’arrêta devant une taverne mal famée dans laquelle elle s’engouffra. La jeune femme prit place au fond de la salle sur un tabouret branlant et croisa les bras. Ses petits arrangements avec la serpente lui apportaient énormément de bénéfices : une fois ses orphelins majeurs, elle les confiait à sa complice qui s’occupait de leur trouver un rôle à assumer. C’était souvent peu ragoûtant, mais elle laissait le choix à ses petits, et aucun ne partait la boule au ventre. En cas de soucis, la porte de l’orphelinat restait grande ouverte. Jusqu’ici, sa collaboration avait été extrêmement fructueuse, et en échange de sa main d’oeuvre, Dahlia disposait d’une protection rapprochée de son établissement, ce qui l’arrangeait grandement. Mais à cet instant précis, toute positivité avait quitté son esprit empli de colère. Retrouver Ssisska pouvait être une plaie, si cette dernière ne désirait pas être retrouvée. Par chance, la Fae savait reconnaître ses enfants entre milles, aussi quand l’un d’entre eux franchit les portes à son tour, elle se dépêcha d’aller le quérir afin de faire passer le message à l’hybride. Elle l’attendait, de pied ferme, et il y avait un problème à régler. Un gros problème.
Elle se redressa péniblement avant de s’approcher du tas de courrier qui gisait sur le côté gauche de son bureau. Contrairement à beaucoup de personnes, la jeune Fae n’abhorrait pas particulièrement le côté administratif de son travail. Elle se plaisait à prendre son temps pour gérer chaque demande, pour noter soigneusement chaque donation dans son petit carnet. Son assistante venait toquer à sa porte régulièrement pour la corriger, mais qu’importe. Elle était directrice, le dernier mot finissait toujours par lui revenir. La demoiselle tendit la main vers la pile de papiers et en saisit un au hasard. Une lettre d’un nouveau donateur. Elle la déposa sur la droite, faisant un petit tas pour séparer les différentes missives de la journée, quand soudain une d’entre elles attira son attention. Il s’agissait d’une lettre somme toute banale, si ce n’est à l’exception qu’il n’y figurait aucun expéditeur. Dahlia haussa un sourcil. C’était rare qu’on la contacte sans déclarer son identité, mais elle haussa les épaules. Il s’agissait probablement d’un oubli, tant qu’à faire, autant vérifier.
Ses doigts s’agitèrent dans un tiroir pour trouver les ciseaux qu’elle sortit avant de découper une ouverture dans l’enveloppe en prenant soin de ne pas en abîmer son contenu. Ses yeux parcoururent les lignes lentement et son regard se durcit un peu plus à chaque mot. Serrant le parchemin dans sa main tremblotante, elle se leva de son fauteuil et sortit en trombe de la pièce, en se remémorant chaque phrase qui venait de lui être transmise.
« Oliver est en ma possession, il vous sera rendu si Dame Ssisska accepte d’arrêter de se mêler des affaires des autres. Dans le cas contraire, je me verrais obligé de prendre des décisions radicales concernant votre petit oiseau ainsi que votre établissement. Si vous ne voulez pas que votre petit complot s’ébruite, rendez-vous à Liberty demain, dans les bas fonds. Seule. ».
Dahlia s’enfonça dans la pénombre de Liberty à une vitesse ahurissante, rabaissant sa capuche sur ses yeux. Se fondant dans la foule, elle s’arrêta devant une taverne mal famée dans laquelle elle s’engouffra. La jeune femme prit place au fond de la salle sur un tabouret branlant et croisa les bras. Ses petits arrangements avec la serpente lui apportaient énormément de bénéfices : une fois ses orphelins majeurs, elle les confiait à sa complice qui s’occupait de leur trouver un rôle à assumer. C’était souvent peu ragoûtant, mais elle laissait le choix à ses petits, et aucun ne partait la boule au ventre. En cas de soucis, la porte de l’orphelinat restait grande ouverte. Jusqu’ici, sa collaboration avait été extrêmement fructueuse, et en échange de sa main d’oeuvre, Dahlia disposait d’une protection rapprochée de son établissement, ce qui l’arrangeait grandement. Mais à cet instant précis, toute positivité avait quitté son esprit empli de colère. Retrouver Ssisska pouvait être une plaie, si cette dernière ne désirait pas être retrouvée. Par chance, la Fae savait reconnaître ses enfants entre milles, aussi quand l’un d’entre eux franchit les portes à son tour, elle se dépêcha d’aller le quérir afin de faire passer le message à l’hybride. Elle l’attendait, de pied ferme, et il y avait un problème à régler. Un gros problème.
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Peu de personnes arrivent à trouver grâce à mes yeux d’hybride. La Gorgone est secrète et rétive, comptant sur ses petits moineaux pour s’acquitter des nombreuses tâches qui lui incombent. C’est à se demander parfois si je n’aime pas plus mes petits bébés, ces reptiles exotiques que je fais venir des quatre coins du Sekaï pour peupler la solitude que je m’impose, que les êtres qui, comme moi, se meuvent sur deux pattes plutôt que de ramper.
Alors il est fort rare que je porte un tant soi peu de respect à une personne venant d’un monde que j’abhorre.
Mais comme dit l’adage, l’exception confirme la règle et il existe quelques individus que je tiens en estime. Oh, ne cherchez pas trop, ils se comptent sur les doigts d’une main, signe que j’accorde très rarement ma confiance à ceux qui ne me servent pas directement. La fée Dahlia en fait partie et ce n’est pas à cause de sa beauté pure et fragile qui doit faire battre bien des cœurs. Peut-être que si sa peau de nacre avait été couverte d’écailles brillantes, alors j’aurai envisagé de développer des relations autres que professionnelles. Mais d’écailles elle n’en a point et c’est finalement à se demander ce qui a bien pu nous rapprocher.
Il se trouve que nous nous avons un but commun. Offrir à des orphelins abandonnés de tous un avenir, un objectif dans une vie qui a bien mal commencé pour eux. Car Dahlia gère un orphelinat, joliment surnommé les Jardins du Destin et elle élève des pauvres enfants comme si c’étaient les siens. Vous ne voyez toujours pas le rapport avec moi, l’ignoble Gorgone qui fait faire des cauchemars même aux adultes. Vraiment pas ?
Pourtant je me sers de tous les oubliés, les désœuvrés, les rejetés qui peuplent cette ville et constituent une armée presqu’invisible qui m’est entièrement dévouée. Et dans cette armée, les orphelins agiles et dégourdis occupent une place de choix, yeux curieux et petites mains lestes, surtout ceux qui viennent des Jardins. Même si les bien-pensants hurleraient d’effroi, j’offre à ces pauvres hères un but dans la vie. Me servir.
Et n’est-ce pas ce que Dahlia veut pour ses enfants ? Qu'ils ne soient plus jamais abandonnés à leur triste sort ?
Une demi-douzaine de jeunes à l’œil vif pénètre dans l’établissement dans un bel ensemble. Ils naviguent alors de tables en tables pour venir chuchoter aux clients quelques mots. Suffisant pour que les chaises se vident brusquement comme si un vent d’effroi avait soufflé dans la salle puante. Tel est le pouvoir d’un seul et unique mot. Gorgone.
En quelques minutes, la fée se retrouve seule, après que deux poivrots aient été jetés prestement au dehors et que le tenancier se soit réfugié dans ses quartiers. Alors seulement je parais, telle une reine pénétrant en territoire conquis, approchant de cette démarche ondulante qui n’appartient qu’à moi. Je rabats l’épaisse capuche qui couvrait les tentacules qui me font office de chevelure et ces derniers s’agitent furieusement en tout sens comme pour se plaindre d’avoir été ainsi maltraités. J’approche de la jolie fée sans un mot, croisant mes mains griffues sur mon ventre avant de m’adresser à elle.
- Que ssse passse-t-il Dahlia ?
Une pointe d’anxiété dans la voix car je sais qu’elle ne se serait pas déplacée en personne sans une très bonne raison.
Alors il est fort rare que je porte un tant soi peu de respect à une personne venant d’un monde que j’abhorre.
Mais comme dit l’adage, l’exception confirme la règle et il existe quelques individus que je tiens en estime. Oh, ne cherchez pas trop, ils se comptent sur les doigts d’une main, signe que j’accorde très rarement ma confiance à ceux qui ne me servent pas directement. La fée Dahlia en fait partie et ce n’est pas à cause de sa beauté pure et fragile qui doit faire battre bien des cœurs. Peut-être que si sa peau de nacre avait été couverte d’écailles brillantes, alors j’aurai envisagé de développer des relations autres que professionnelles. Mais d’écailles elle n’en a point et c’est finalement à se demander ce qui a bien pu nous rapprocher.
Il se trouve que nous nous avons un but commun. Offrir à des orphelins abandonnés de tous un avenir, un objectif dans une vie qui a bien mal commencé pour eux. Car Dahlia gère un orphelinat, joliment surnommé les Jardins du Destin et elle élève des pauvres enfants comme si c’étaient les siens. Vous ne voyez toujours pas le rapport avec moi, l’ignoble Gorgone qui fait faire des cauchemars même aux adultes. Vraiment pas ?
Pourtant je me sers de tous les oubliés, les désœuvrés, les rejetés qui peuplent cette ville et constituent une armée presqu’invisible qui m’est entièrement dévouée. Et dans cette armée, les orphelins agiles et dégourdis occupent une place de choix, yeux curieux et petites mains lestes, surtout ceux qui viennent des Jardins. Même si les bien-pensants hurleraient d’effroi, j’offre à ces pauvres hères un but dans la vie. Me servir.
Et n’est-ce pas ce que Dahlia veut pour ses enfants ? Qu'ils ne soient plus jamais abandonnés à leur triste sort ?
*********
J’ai des yeux partout et rien dans les bas-fonds de cette ville ne peut se produire sans que je sois mise au courant. Alors lorsqu’une amie requiert ma présence, je daigne quitter ma retraite, privilège rare que je réserve à si peu de personnes…Une demi-douzaine de jeunes à l’œil vif pénètre dans l’établissement dans un bel ensemble. Ils naviguent alors de tables en tables pour venir chuchoter aux clients quelques mots. Suffisant pour que les chaises se vident brusquement comme si un vent d’effroi avait soufflé dans la salle puante. Tel est le pouvoir d’un seul et unique mot. Gorgone.
En quelques minutes, la fée se retrouve seule, après que deux poivrots aient été jetés prestement au dehors et que le tenancier se soit réfugié dans ses quartiers. Alors seulement je parais, telle une reine pénétrant en territoire conquis, approchant de cette démarche ondulante qui n’appartient qu’à moi. Je rabats l’épaisse capuche qui couvrait les tentacules qui me font office de chevelure et ces derniers s’agitent furieusement en tout sens comme pour se plaindre d’avoir été ainsi maltraités. J’approche de la jolie fée sans un mot, croisant mes mains griffues sur mon ventre avant de m’adresser à elle.
- Que ssse passse-t-il Dahlia ?
Une pointe d’anxiété dans la voix car je sais qu’elle ne se serait pas déplacée en personne sans une très bonne raison.
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Peu après son installation, la taverne se vida complètement. Un très léger sourire orna le visage mélancolique de la Fae. Sa complice s'approchait des lieux, et son arrivée s'accompagnait d'une crainte qui surpassait les frontières de Liberty, poussant autrui à quitter les lieux dans la précipitation pour les laisser s'entretenir seules. En effet la serpente avait une réputation de fer, et évoquer son nom en public suffisait à faire tressaillir la populace. Pourtant Dahlia ne ressentait aucune crainte à son égard. La perte de ses émotions lui octroyait certains bénéfices, dont celui-ci et pour être tout à fait honnête, la demoiselle n'était pas non plus sotte. L'hybride n'avait aucune raison de s'en prendre à sa vie. Elle lui rendait service, et la fée aimait penser qu'elle s'entendait même bien avec la criminelle. De là à la considérer comme une amie, il y avait un fossé. Dahlia n'avait pas d'amis. Dahlia n'avait personne, à part ses enfants.
Elle distingua la silhouette de l'hybride sortir du cadre de la porte abîmée de la taverne. Ssisska ne marchait pas, elle dansait. Chacun de ses pas faisait onduler le reste de son corps sensuellement, glissant sur le parquet troué avec élégance. La Fae ne pouvait nier une certaine admiration. Ssisska était tout ce qu'elle ne pourrait jamais être, belle, forte, respectée.. Crainte? Dahlia désirait elle réellement être crainte ? La réalité était que la demoiselle aurait désiré susciter n'importe quelle réaction, tant qu'elle ne laissait point autrui indifférent. Elle jaugea la serpente du regard pendant un bref instant, tentant d'amenuiser la colère qui faisait bouillir ses veines. Elle devait se rappeler qu'elle ne se trouvait pas en face d'un problème, mais bel et bien d'une solution.
Dahlia se racla la gorge avant de commencer à s'expliquer. « Je suis navrée de t'avoir fait déplacer. Tu sais que je ne te dérangerais pas pour rien. » La Fae ferma les yeux, plongeant sa main dans la poche de son manteau avant d'en sortir la missive et de la poser sur la table. Ses bras se croisèrent en dessous de sa poitrine, ne pouvant masquer son inquiétude manifeste. « J'ai reçu cette lettre dans mon bureau ce matin. Elle est datée d'hier. Je ne sais pas comment cette... personne s'est rendue compte de notre... partenariat.». La situation était bien plus grave que la Fae ne le faisait paraître, refusant de céder à la panique. Si leurs petites manigances étaient découvertes, elle risquait la chute de son établissement, en d'autres termes, la destruction de son univers. Elle redressa la tête et planta son regard dans celui de Ssisska. « Je savais qu'il existait des risques à notre collaboration, cependant je ne peux pas laisser quelqu'un mettre en danger tout ce pourquoi je me suis battue jusqu'ici. ».
Son regard quitta celui de l'hybride pour se diriger sur le sol. Triturant ses doigts, Dahlia peinait à cacher sa nervosité. « Et Oliver... Je te l'ai confié il y a quelques temps maintenant. C'est un brave petit. Il ne faudrait pas qu'il lui arrive quelque chose. ». Elle secoua la tête pour reprendre ses esprits. « Cette lettre n'est pas signée, j'espérais que tu puisses en reconnaître l'écriture, ou peut-être la formulation. Mes gardiens n'ont rien vu de particulier, personne n'a l'air de rôder autour de l'orphelinat. Je ne connais pas les bas fonds de la ville, mais ça devrait être facile pour toi de t'y retrouver, j'imagine. ». Elle marqua une pause avant de reprendre. « Evidemment, je viens avec toi. ». C'était une idée complètement stupide, mais la Fae n'arrivait pas à se détâcher de la situation. Elle devait le sauver, lui, comme tous les autres avant et après lui. C'était son devoir, sa raison de vivre.
Elle distingua la silhouette de l'hybride sortir du cadre de la porte abîmée de la taverne. Ssisska ne marchait pas, elle dansait. Chacun de ses pas faisait onduler le reste de son corps sensuellement, glissant sur le parquet troué avec élégance. La Fae ne pouvait nier une certaine admiration. Ssisska était tout ce qu'elle ne pourrait jamais être, belle, forte, respectée.. Crainte? Dahlia désirait elle réellement être crainte ? La réalité était que la demoiselle aurait désiré susciter n'importe quelle réaction, tant qu'elle ne laissait point autrui indifférent. Elle jaugea la serpente du regard pendant un bref instant, tentant d'amenuiser la colère qui faisait bouillir ses veines. Elle devait se rappeler qu'elle ne se trouvait pas en face d'un problème, mais bel et bien d'une solution.
Dahlia se racla la gorge avant de commencer à s'expliquer. « Je suis navrée de t'avoir fait déplacer. Tu sais que je ne te dérangerais pas pour rien. » La Fae ferma les yeux, plongeant sa main dans la poche de son manteau avant d'en sortir la missive et de la poser sur la table. Ses bras se croisèrent en dessous de sa poitrine, ne pouvant masquer son inquiétude manifeste. « J'ai reçu cette lettre dans mon bureau ce matin. Elle est datée d'hier. Je ne sais pas comment cette... personne s'est rendue compte de notre... partenariat.». La situation était bien plus grave que la Fae ne le faisait paraître, refusant de céder à la panique. Si leurs petites manigances étaient découvertes, elle risquait la chute de son établissement, en d'autres termes, la destruction de son univers. Elle redressa la tête et planta son regard dans celui de Ssisska. « Je savais qu'il existait des risques à notre collaboration, cependant je ne peux pas laisser quelqu'un mettre en danger tout ce pourquoi je me suis battue jusqu'ici. ».
Son regard quitta celui de l'hybride pour se diriger sur le sol. Triturant ses doigts, Dahlia peinait à cacher sa nervosité. « Et Oliver... Je te l'ai confié il y a quelques temps maintenant. C'est un brave petit. Il ne faudrait pas qu'il lui arrive quelque chose. ». Elle secoua la tête pour reprendre ses esprits. « Cette lettre n'est pas signée, j'espérais que tu puisses en reconnaître l'écriture, ou peut-être la formulation. Mes gardiens n'ont rien vu de particulier, personne n'a l'air de rôder autour de l'orphelinat. Je ne connais pas les bas fonds de la ville, mais ça devrait être facile pour toi de t'y retrouver, j'imagine. ». Elle marqua une pause avant de reprendre. « Evidemment, je viens avec toi. ». C'était une idée complètement stupide, mais la Fae n'arrivait pas à se détâcher de la situation. Elle devait le sauver, lui, comme tous les autres avant et après lui. C'était son devoir, sa raison de vivre.
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J’écoute attentivement la fée et je peux voir dans son regard cette volonté et cette détermination qui m’avaient profondément marquée lors de notre première rencontre. Malgré son apparence fragile, elle est de ceux qui ne recule pas devant le danger et qui est prêt à mettre sa vie en danger pour autrui.
Je m’empare du papier et le lis avec attention avant de la froisser dans ma main dans un mouvement d’humeur. Instinctivement je sais qui est le responsable, je le sais mais pourtant je n’ai rien d’autre pour le prouver qu’un très mauvais pressentiment.
La fée est nerveuse. On le serait à moins. Tout son petit monde pourrait s’écrouler comme un château de cartes si quelqu’un parvenait à prouver les liens qui nous unissent. Pourtant je sais qu’elle n’est pas la véritable cible, elle est juste une opportunité qui se présente pour m’atteindre moi, Ssisska, la Gorgone qui veut être la reine des bas-fonds de Liberty. Mais certains s’y opposent et plus particulièrement une personne en particulier.
Mon regard jaune fendu de noir croise celui de la fée comme si je cherchais à savoir dans quelle mesure je peux lui faire confiance. Elle ne fait pas vraiment partie de mon organisation, c’est juste un « fournisseur » comme tant d’autres, même si la « marchandise » qu’elle offre nous a rapproché. Car ses enfants chéris deviennent mes précieux petits moineaux. J’hésite un instant avant de soupirer et de me diriger vers une table située dans un coin pour m’y asseoir. J’attends qu’elle m’y rejoigne avant de prendre la parole d’une voix basse et sifflante.
- Tu sssais que mon pouvoir sss’étend jour après jour. Jusqu’à présent sssela a été relativement aisé, je me sssuis…
Je semble chercher le mot le plus adapté.
- …débarrassssé de quelques personnes indélicates qui ssse sssont mis en travers de mon chemin.
Les rumeurs parlent d’hommes et de femmes retrouvés morts, leurs corps horriblement boursouflés par le venin de serpent. Les autorités ont essayé de faire croire qu’il s’agissait de bêtes exotiques enfuies de la collection particulière d’un illuminé. Mais personne n’est dupe dans les bas-fonds et les gens savent maintenant ce qu’il en coûté de s’opposer à moi.
- Mais il y a quelques sssemaines, mes affaires sssont entrées en concurrenssse avec ssselle d’une persssonne qui ssse fait appeler le Masssque.
Une légende urbaine bien réelle, comme l’est l’ignoble Gorgone. Un poing qui se serre de frustration.
- Je n’arrive pas à sssavoir qui il est. Sss’est la première fois que mes petits moineaux n’arrivent pas à débusssquer quelqu’un.
Ma main qui cherche la sienne comme pour la rassurer.
- Je sssuis désolée, sss’est après moi qu’il en a et il ssse sssert de toi pour me faire sssortir de mon antre.
Je serre sa main une dernière fois avant de m’échapper. Ce que j’ai à lui dire risque de ne pas lui plaire.
- Sss'est un piège Dahlia.
Mon regard qui se détourne.
- Le Masssque est sssuffisamment retord et visssieux pour nous tendre une embussscade. Ssse n’est pas un vulgaire malandrin ou un chef de gang de bas étage. Il est très dangereux et je crains qu’Oliver ne sssoit déjà mort…
Je m’empare du papier et le lis avec attention avant de la froisser dans ma main dans un mouvement d’humeur. Instinctivement je sais qui est le responsable, je le sais mais pourtant je n’ai rien d’autre pour le prouver qu’un très mauvais pressentiment.
La fée est nerveuse. On le serait à moins. Tout son petit monde pourrait s’écrouler comme un château de cartes si quelqu’un parvenait à prouver les liens qui nous unissent. Pourtant je sais qu’elle n’est pas la véritable cible, elle est juste une opportunité qui se présente pour m’atteindre moi, Ssisska, la Gorgone qui veut être la reine des bas-fonds de Liberty. Mais certains s’y opposent et plus particulièrement une personne en particulier.
Mon regard jaune fendu de noir croise celui de la fée comme si je cherchais à savoir dans quelle mesure je peux lui faire confiance. Elle ne fait pas vraiment partie de mon organisation, c’est juste un « fournisseur » comme tant d’autres, même si la « marchandise » qu’elle offre nous a rapproché. Car ses enfants chéris deviennent mes précieux petits moineaux. J’hésite un instant avant de soupirer et de me diriger vers une table située dans un coin pour m’y asseoir. J’attends qu’elle m’y rejoigne avant de prendre la parole d’une voix basse et sifflante.
- Tu sssais que mon pouvoir sss’étend jour après jour. Jusqu’à présent sssela a été relativement aisé, je me sssuis…
Je semble chercher le mot le plus adapté.
- …débarrassssé de quelques personnes indélicates qui ssse sssont mis en travers de mon chemin.
Les rumeurs parlent d’hommes et de femmes retrouvés morts, leurs corps horriblement boursouflés par le venin de serpent. Les autorités ont essayé de faire croire qu’il s’agissait de bêtes exotiques enfuies de la collection particulière d’un illuminé. Mais personne n’est dupe dans les bas-fonds et les gens savent maintenant ce qu’il en coûté de s’opposer à moi.
- Mais il y a quelques sssemaines, mes affaires sssont entrées en concurrenssse avec ssselle d’une persssonne qui ssse fait appeler le Masssque.
Une légende urbaine bien réelle, comme l’est l’ignoble Gorgone. Un poing qui se serre de frustration.
- Je n’arrive pas à sssavoir qui il est. Sss’est la première fois que mes petits moineaux n’arrivent pas à débusssquer quelqu’un.
Ma main qui cherche la sienne comme pour la rassurer.
- Je sssuis désolée, sss’est après moi qu’il en a et il ssse sssert de toi pour me faire sssortir de mon antre.
Je serre sa main une dernière fois avant de m’échapper. Ce que j’ai à lui dire risque de ne pas lui plaire.
- Sss'est un piège Dahlia.
Mon regard qui se détourne.
- Le Masssque est sssuffisamment retord et visssieux pour nous tendre une embussscade. Ssse n’est pas un vulgaire malandrin ou un chef de gang de bas étage. Il est très dangereux et je crains qu’Oliver ne sssoit déjà mort…
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Dahlia écoutait attentivement les explications de la serpente. La logique aurait voulu que la Fae s’effondre en larmes, qu’elle soit anéantie par le possible décès d’un de ses protégés, encore plus par la menace qui planait sur son établissement et présageait la chute du travail de toute une vie. Pourtant, il n’en fut rien. Les marques d’affection de l’hybride étaient une belle tentative d’apaisement, mais tous ses efforts seraient vains. Elle appréciait Ssisska, mais la criminelle n’était pas celle qui possédait la clef de son cœur. Elles ne se connaissaient que trop peu, et si cette proximité confortable avait été un avantage autant pour l’une que pour l’autre, à cet instant précis, c’était une véritable malédiction. Le regard de la directrice partit dans le vide, fixant la table qui les séparait. Pendant quelques secondes qui parurent des heures, un silence pesant s’installa dans la taverne. Ses prochaines décisions versaient dans un registre qui ne figurait pas dans les habitudes de la jeune femme : l’imprévisible.
Lentement, ses yeux se plissèrent et ses poings commencèrent à se refermer sur le rebord de son tabouret, ses phalanges blanchissant légèrement sous la pression. « Es-tu en train de me dire que la grande Ssisska… ». Elle fit une pause, redressant progressivement la tête jusqu’à arriver à croiser son regard jaune fendu de noir. Elle l’admirait tant que ses propres mots, ses propres accusations, lui arrachaient le cœur. « La Gorgone, la maîtresse des bas-fonds de Liberty… Le nouveau foyer de mes enfants… ». Elle avala sa salive, tandis que le ton de sa voix commençait à être déformé par la colère qui faisait bouillir ses veines. « A peur ?! ». Sa main libre attrapa celle de la serpente qui venait de la lâcher quelques secondes plus tôt. Ses sourcils se froncèrent, tremblants de haine et d’incompréhension. S’était-elle alliée à une poule mouillée ? Avait-elle fait le mauvais choix ? Oh, Dahlia ne faisait pas de mauvais choix. Dahlia ne se trompait jamais. Elle entrelaça ses doigts avec ceux de Ssisska, parcourant ses écailles du bout des doigts. « C’est peut-être un piège, tu as raison. Après tout, qu’est-ce qu’une petite Fae comme moi peut prétendre connaître sur ton propre territoire ? ». La Fae ferma les yeux et laissa une grande respiration parcourir son corps. Puis, elle les rouvrit. « Cependant, ce n’est pas sur nous que le piège se refermera. ».
« Je ne suis pas inconnue aux dangers de cette ville. Je ne me suis pas alliée à toi sans faire mes recherches. Le Masque, comme tu l’appelles, n’est qu’un obstacle de plus sur ma route, sur ta route. ». La Fae se releva lentement tout en maintenant le contact visuel avec l’hybride. « Je me rendrais au rendez-vous, Ssisska. Libre à toi de m’accompagner, je ne te ferais pas l’affront de remettre en question notre engagement. ». Elle se dirigea ensuite petit à petit vers la porte de l’établissement miteux et posa une main sur la poignée froide et cassée sans pour autant l’enclencher. « Je ne connais pas le pardon, Ssisska. Je connais encore moins l’humiliation. Si Oliver est mort, alors je dois user de ce que je connais le mieux. ». Elle fit une pause de quelques secondes. « Ce que tu connais le mieux, Gorgone. ». Elle enclencha la poignée et s’enfonça dans la nuit de quelques pas, encore éclairée par la faible lumière des lanternes qui dessinaient sa silhouette dans la pénombre. « La vengeance. ».
Lentement, ses yeux se plissèrent et ses poings commencèrent à se refermer sur le rebord de son tabouret, ses phalanges blanchissant légèrement sous la pression. « Es-tu en train de me dire que la grande Ssisska… ». Elle fit une pause, redressant progressivement la tête jusqu’à arriver à croiser son regard jaune fendu de noir. Elle l’admirait tant que ses propres mots, ses propres accusations, lui arrachaient le cœur. « La Gorgone, la maîtresse des bas-fonds de Liberty… Le nouveau foyer de mes enfants… ». Elle avala sa salive, tandis que le ton de sa voix commençait à être déformé par la colère qui faisait bouillir ses veines. « A peur ?! ». Sa main libre attrapa celle de la serpente qui venait de la lâcher quelques secondes plus tôt. Ses sourcils se froncèrent, tremblants de haine et d’incompréhension. S’était-elle alliée à une poule mouillée ? Avait-elle fait le mauvais choix ? Oh, Dahlia ne faisait pas de mauvais choix. Dahlia ne se trompait jamais. Elle entrelaça ses doigts avec ceux de Ssisska, parcourant ses écailles du bout des doigts. « C’est peut-être un piège, tu as raison. Après tout, qu’est-ce qu’une petite Fae comme moi peut prétendre connaître sur ton propre territoire ? ». La Fae ferma les yeux et laissa une grande respiration parcourir son corps. Puis, elle les rouvrit. « Cependant, ce n’est pas sur nous que le piège se refermera. ».
« Je ne suis pas inconnue aux dangers de cette ville. Je ne me suis pas alliée à toi sans faire mes recherches. Le Masque, comme tu l’appelles, n’est qu’un obstacle de plus sur ma route, sur ta route. ». La Fae se releva lentement tout en maintenant le contact visuel avec l’hybride. « Je me rendrais au rendez-vous, Ssisska. Libre à toi de m’accompagner, je ne te ferais pas l’affront de remettre en question notre engagement. ». Elle se dirigea ensuite petit à petit vers la porte de l’établissement miteux et posa une main sur la poignée froide et cassée sans pour autant l’enclencher. « Je ne connais pas le pardon, Ssisska. Je connais encore moins l’humiliation. Si Oliver est mort, alors je dois user de ce que je connais le mieux. ». Elle fit une pause de quelques secondes. « Ce que tu connais le mieux, Gorgone. ». Elle enclencha la poignée et s’enfonça dans la nuit de quelques pas, encore éclairée par la faible lumière des lanternes qui dessinaient sa silhouette dans la pénombre. « La vengeance. ».
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Je reste un moment immobile et silencieuse après que la fée soit partie. Dire que je suis surprise est un euphémisme. Je ne m’attendais vraiment pas à cette réaction de la part de Dahlia, une réaction qui ne correspond pas au calme et à la maîtrise de soi qu’elle déploie habituellement sous la forme d’une gentillesse candide. Cela prouve à quel point elle tient aux orphelins qu’elle élève, comme une mère prête à tout sacrifier pour sa progéniture. Rien à voir avec moi pour qui mes petits moineaux sont avant tout des outils au service de mes ambitions, même si je me sens proche d’eux pour savoir ce qu’il en coûte de vivre dans les ruelles sordides des bas-fonds de cette ville. Pas suffisamment cependant pour prendre des risques pour l’un d’entre eux, comme Oliver.
Mais je dois dire qu’elle a fait mouche en insinuant que je puisse avoir peur de quelqu’un. Une expression malsaine étire mes lèvres fines alors que mes griffes déchirent le bois tendre de la table qui subit l’effet de la colère froide qui s’est emparée de moi. Car personne ne parle à la Gorgone de cette manière et l’impertinente devrait payer pour m’avoir manqué de respect de la sorte.
Mais elle a raison.
Je serre les poings, des souvenirs douloureux remontant à la surface. Je ne connais que trop bien la vengeance car c’est elle qui m’anime, qui me donne la force de surmonter toutes les adversités, tel un poison virulent qui assombrit mon cœur. J’ai en moi ce puissant désir de vengeance né de la haine de ceux qui m’ont humilié toute ma vie pour tenter de faire de moi une esclave. Mon visage reste impassible, figé dans un marbre froid et dur, mais sur ma tête, mes tentacules s’agitent furieusement témoignant de la violente colère qui s’est emparée de moi.
Le Masque s’oppose depuis trop longtemps à moi, il se joue de ma personne comme si j’étais encore une enfant apeurée. Il remet en cause ma… grandeur et ma domination sur mon royaume de l’ombre.
Je me lève brusquement pour sortir, déployant ma haute silhouette filiforme, et mes hommes savent instantanément qu’il ne vaut mieux pas m’adresser la parole.
J’attends patiemment dans l’ombre de la ruelle, dissimulée sous un épais manteau à capuche. Elle approche, à petits pas nerveux sûrement sans savoir que des yeux l’espionnent depuis qu’elle s’est mise en route pour rejoindre le rendez-vous spécifié par le Masque.
Je sors de l’ombre pour lui faire face, rabattant ma capuche pour qu’elle sache à qui elle a affaire.
- Tu vas quelque part ?
Un léger sourire s’inscrit sur mes lèvres, mais il s’évanouit bien vite alors que mon regard jaune fendu de noir qui ne cille jamais se pose sur elle, dur et froid. Ma voix est sifflante, lente et sinistre.
- Persssonne ne dit que la Gorgone a peur sssans en sssubir de funessstes conssséquenssses.
Un étrange voile doré illumine mes yeux mais il s’efface comme il est apparu. Je la jauge encore quelques secondes, avant de tourner les talons en l’invitant à me suivre.
- Dépêche-toi, nous allons être en retard.
Personne. Cela ne m’étonne guère à vrai dire, le Masque n’est pas du genre à se montrer si facilement. La petite placette humide et puante est vide à l’exception de cet épouvantail en paille placé en son centre, les deux bras écartés sur sa croix de bois. Cela prêterait sûrement à sourire, mais il se dégage de la scène une ambiance sinistre et malaisante.
Je m’approche. L’épouvantail porte une enveloppe attachée autour de son cou où sont inscrits nos deux noms dans cette écriture toute en rondeur si caractéristique.
« Pour Sssisska et Dahlia ».
Je l’ouvre lentement pour en extraire une lettre. Toujours la même écriture.
« Très chères amies, je suis si heureux de constater que vous êtes prêtes à jouer avec moi. Si vous gagnez, Oliver vous sera rendu, mais si vous échouez ou perdez trop de temps pour résoudre mes énigmes alors je me verrai dans l’obligation de vous le renvoyer en tous petits morceaux. Ah oui, une chose, Dame Dahlia il faudra que vous expliquiez à vos chers locataires qu’il est très malpoli de pointer du ……. . »
Je dois me retenir pour ne pas froisser la lettre. J’ai l’impression d’être un pion sur un échiquier, manipulée par un maître du jeu invisible et je déteste ça.
Je respire profondément avant de lire de nouveau le message. Il manque un mot. Mais cela paraît si évident...
J’extrais un petit paquet cylindrique enveloppé dans une feuille de papier retenue par une cordelette d’une des manches de l’épouvantail. Je défais délicatement l’emballage. Des mots sont inscrits dessus et je le tends à la fée pour me concentrer sur le tissu tâché d’écarlate que je tiens maintenant dans les mains. Je déplie l’étoffe lentement pour découvrir un index fraîchement tranché. Je murmure.
- Pointer du doigt.
Mon regard croise celui de la fée.
- Je crois que le jeu a commensssé…
Mais je dois dire qu’elle a fait mouche en insinuant que je puisse avoir peur de quelqu’un. Une expression malsaine étire mes lèvres fines alors que mes griffes déchirent le bois tendre de la table qui subit l’effet de la colère froide qui s’est emparée de moi. Car personne ne parle à la Gorgone de cette manière et l’impertinente devrait payer pour m’avoir manqué de respect de la sorte.
Mais elle a raison.
Je serre les poings, des souvenirs douloureux remontant à la surface. Je ne connais que trop bien la vengeance car c’est elle qui m’anime, qui me donne la force de surmonter toutes les adversités, tel un poison virulent qui assombrit mon cœur. J’ai en moi ce puissant désir de vengeance né de la haine de ceux qui m’ont humilié toute ma vie pour tenter de faire de moi une esclave. Mon visage reste impassible, figé dans un marbre froid et dur, mais sur ma tête, mes tentacules s’agitent furieusement témoignant de la violente colère qui s’est emparée de moi.
Le Masque s’oppose depuis trop longtemps à moi, il se joue de ma personne comme si j’étais encore une enfant apeurée. Il remet en cause ma… grandeur et ma domination sur mon royaume de l’ombre.
Je me lève brusquement pour sortir, déployant ma haute silhouette filiforme, et mes hommes savent instantanément qu’il ne vaut mieux pas m’adresser la parole.
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J’attends patiemment dans l’ombre de la ruelle, dissimulée sous un épais manteau à capuche. Elle approche, à petits pas nerveux sûrement sans savoir que des yeux l’espionnent depuis qu’elle s’est mise en route pour rejoindre le rendez-vous spécifié par le Masque.
Je sors de l’ombre pour lui faire face, rabattant ma capuche pour qu’elle sache à qui elle a affaire.
- Tu vas quelque part ?
Un léger sourire s’inscrit sur mes lèvres, mais il s’évanouit bien vite alors que mon regard jaune fendu de noir qui ne cille jamais se pose sur elle, dur et froid. Ma voix est sifflante, lente et sinistre.
- Persssonne ne dit que la Gorgone a peur sssans en sssubir de funessstes conssséquenssses.
Un étrange voile doré illumine mes yeux mais il s’efface comme il est apparu. Je la jauge encore quelques secondes, avant de tourner les talons en l’invitant à me suivre.
- Dépêche-toi, nous allons être en retard.
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Personne. Cela ne m’étonne guère à vrai dire, le Masque n’est pas du genre à se montrer si facilement. La petite placette humide et puante est vide à l’exception de cet épouvantail en paille placé en son centre, les deux bras écartés sur sa croix de bois. Cela prêterait sûrement à sourire, mais il se dégage de la scène une ambiance sinistre et malaisante.
Je m’approche. L’épouvantail porte une enveloppe attachée autour de son cou où sont inscrits nos deux noms dans cette écriture toute en rondeur si caractéristique.
« Pour Sssisska et Dahlia ».
Je l’ouvre lentement pour en extraire une lettre. Toujours la même écriture.
« Très chères amies, je suis si heureux de constater que vous êtes prêtes à jouer avec moi. Si vous gagnez, Oliver vous sera rendu, mais si vous échouez ou perdez trop de temps pour résoudre mes énigmes alors je me verrai dans l’obligation de vous le renvoyer en tous petits morceaux. Ah oui, une chose, Dame Dahlia il faudra que vous expliquiez à vos chers locataires qu’il est très malpoli de pointer du ……. . »
Je dois me retenir pour ne pas froisser la lettre. J’ai l’impression d’être un pion sur un échiquier, manipulée par un maître du jeu invisible et je déteste ça.
Je respire profondément avant de lire de nouveau le message. Il manque un mot. Mais cela paraît si évident...
J’extrais un petit paquet cylindrique enveloppé dans une feuille de papier retenue par une cordelette d’une des manches de l’épouvantail. Je défais délicatement l’emballage. Des mots sont inscrits dessus et je le tends à la fée pour me concentrer sur le tissu tâché d’écarlate que je tiens maintenant dans les mains. Je déplie l’étoffe lentement pour découvrir un index fraîchement tranché. Je murmure.
- Pointer du doigt.
Mon regard croise celui de la fée.
- Je crois que le jeu a commensssé…
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Chacun des pas de la directrice résonna dans la ruelle qu’elle parcourait, accompagnés d’un léger bruit d’eau, du « plic, ploc » caractéristique d’une goutte qui tombait inlassablement sur le rebord d’une fenêtre, sur une vieille poutre en métal qui gisait sur son chemin. Dahlia avançait le cœur en flammes, la tête embrouillée par la haine qui se manifestait comme une tornade, balayant toute raison de son esprit. D’ordinaire la Fae était régie par une logique implacable, une prudence, mais surtout une patience qui lui valait les éloges de ses donateurs, de ceux qui au final ne connaissaient que cette belle façade qu’elle arborait constamment. La vérité était tout autre : personne ne s’en prenait à ses enfants et même si sa réputation ne la précédait point, il était arrivé plusieurs fois qu’un mécréant trouve la mort après avoir dit un mot de trop en sa présence. Dahlia agissait dans l’ombre, plus mystérieuse encore que la serpente avec laquelle elle collaborait. Ssisska était une créature majestueuse et charismatique, un monstre de la nuit, mais elle ne se cachait point. Elle assumait cette part d’obscurité, elle embrassait sa nature de criminelle, elle s’en réjouissait et s’épanouissait éperdument de ce statut qu’elle avait gagné à la sueur de son front. La Fae ne pouvait en dire autant.
Quand l’hybride fit irruption dans son passage, un sursaut parcourut le corps de la jeune femme. Ssisska aimait instaurer la peur, malheureusement cela ne fonctionnait point avec Dahlia, car elle ne la ressentait tout simplement pas. Son soubresaut n’était le résultat que d’une honnête surprise, et les menaces de la Gorgone glissaient sur elle sans jamais l’atteindre. Elle s’apprêtait à lui répondre quand elle se ravisa. Si la Fae ne connaissait que peu d’émotions, elle savait reconnaître la colère et elle n’était pas assez sotte pour ne pas connecter les deux événements entre eux. Elle avait froissé l’égo de Ssisska en insinuant qu’elle craignait Le Masque et même si sa crise de colère avait eu des résultats bénéfiques, Dahlia était assez intelligente pour ne pas tenter le diable encore une fois. Sa collaboratrice pouvait la faire disparaître en un claquement de doigts, mais elle ne s’y attela point. Sa fin n’était pas pour aujourd’hui, ou tout du moins, pas des mains de la serpente.
La directrice tiqua légèrement à l’absence de leur ennemi commun. Elle se savait surveillée et détestait cette sensation de malaise qui s’emparait de son corps à l’approche de l’épouvantail. Elle pencha la tête à droite de Ssisska pour quérir l’information, le mot qui manquait dans cette phrase qui sembla ne jamais finir et son sang se glaça. Il aurait été exagéré de déclarer que la Fae reconnaissait les siens jusqu’aux bouts de leurs doigts, cependant si Le Masque se jouait d’elle trop longtemps, il risquait de ne pas perdre que ses extrémités. Un grognement s’échappa de sa gorge et elle prit une grande inspiration pour tenter de retrouver son calme. Se laisser assaillir par ses émotions ne lui permettrait pas de faire preuve de réflexion, et leur opposant savait exactement où appuyer pour provoquer la Fae. Craquant les os de sa nuque, la directrice s’intéressa un peu plus au contenu de la lettre ainsi qu’à ses alentours. Si Le Masque était aussi rusé et dangereux que Ssisska l’avait laissé entendre, alors rien n’était laissé au hasard.
« Qu’est-ce qui se remplit par le bas et se vide par le haut ? ». Une grimace étira les traits de la jeune femme. D’ordinaire ce genre de questions ne lui aurait causé aucun désarroi, mais de la part d’un ennemi, cela sonnait profondément macabre. Un esprit aussi dérangé que le sien aurait autant pu parler d’un lieu que d’une personne. Dahlia ne connaissait point les habitudes des criminels, mais elle se doutait que pour poser un problème à Ssisska, cet individu devait aller bien plus loin que la profanation de cadavres. Par acquit de conscience, elle fouilla un peu plus l’épouvantail dans l’espoir qu’un indice la guide un peu plus vers la solution, mais également, car si elle gardait ses mains immobiles, elle risquait à nouveau de tendre vers la folie. Car même s’il s’agissait d’une course contre-la-montre, rien ne pouvait prouver que Le Masque disait la vérité. Sa voix fluette vint briser le silence, s’adressant à la serpente qui se tenait à ses côtés. « Je suis consciente de l’affront que je t’ai fait. Je comprends par ailleurs que tout ceci ne peut mener à rien. Oliver est probablement décédé, comme tu l’as affirmé auparavant. ». Cette déclaration sembla lui arracher le cœur ainsi que la gorge, qu’elle se racla une fois sa phrase terminée. Elle hésita à s’excuser, mais se résigna. Ssisska se fichait bien de ses mots. Ce qui l’intéressait, c'étaient ses actes.
Sa main s’arrêta sur la paille qui ornait les doigts de l’épouvantail et elle en sortit un nouveau bout de parchemin qu’elle s’empressa de lire à haute voix. « Un petit oiseau m’a raconté qu’un jour, notre chère Dahlia s’en est servi pour arriver à ses fins, dans un village non loin de Courage… ». Ses doigts se mirent à trembler. Ce salaud en savait trop, surtout sur des événements aussi lointains. Son visage prit une teinte encore plus blanche tandis qu’elle posa ses mains sur les épaules écailleuses de l’hybride. Elle ne pouvait s’en sortir sans elle, sans sa connaissance des lieux, du milieu dans lequel la jeune femme venait à peine de mettre les pieds. Le Masque s’en prenait à la plus fragile des deux, à celle qui possédait des secrets qu’il valait mieux enfouir, mais qu’il avait réussi, par miracle, à dénicher. « … C’est un puits. Nous cherchons un puits, Ssisska. ». Elle ferma les yeux. « Un puits dont plus personne ne boit l’eau. Un puits empoisonné. ».
Quand l’hybride fit irruption dans son passage, un sursaut parcourut le corps de la jeune femme. Ssisska aimait instaurer la peur, malheureusement cela ne fonctionnait point avec Dahlia, car elle ne la ressentait tout simplement pas. Son soubresaut n’était le résultat que d’une honnête surprise, et les menaces de la Gorgone glissaient sur elle sans jamais l’atteindre. Elle s’apprêtait à lui répondre quand elle se ravisa. Si la Fae ne connaissait que peu d’émotions, elle savait reconnaître la colère et elle n’était pas assez sotte pour ne pas connecter les deux événements entre eux. Elle avait froissé l’égo de Ssisska en insinuant qu’elle craignait Le Masque et même si sa crise de colère avait eu des résultats bénéfiques, Dahlia était assez intelligente pour ne pas tenter le diable encore une fois. Sa collaboratrice pouvait la faire disparaître en un claquement de doigts, mais elle ne s’y attela point. Sa fin n’était pas pour aujourd’hui, ou tout du moins, pas des mains de la serpente.
La directrice tiqua légèrement à l’absence de leur ennemi commun. Elle se savait surveillée et détestait cette sensation de malaise qui s’emparait de son corps à l’approche de l’épouvantail. Elle pencha la tête à droite de Ssisska pour quérir l’information, le mot qui manquait dans cette phrase qui sembla ne jamais finir et son sang se glaça. Il aurait été exagéré de déclarer que la Fae reconnaissait les siens jusqu’aux bouts de leurs doigts, cependant si Le Masque se jouait d’elle trop longtemps, il risquait de ne pas perdre que ses extrémités. Un grognement s’échappa de sa gorge et elle prit une grande inspiration pour tenter de retrouver son calme. Se laisser assaillir par ses émotions ne lui permettrait pas de faire preuve de réflexion, et leur opposant savait exactement où appuyer pour provoquer la Fae. Craquant les os de sa nuque, la directrice s’intéressa un peu plus au contenu de la lettre ainsi qu’à ses alentours. Si Le Masque était aussi rusé et dangereux que Ssisska l’avait laissé entendre, alors rien n’était laissé au hasard.
« Qu’est-ce qui se remplit par le bas et se vide par le haut ? ». Une grimace étira les traits de la jeune femme. D’ordinaire ce genre de questions ne lui aurait causé aucun désarroi, mais de la part d’un ennemi, cela sonnait profondément macabre. Un esprit aussi dérangé que le sien aurait autant pu parler d’un lieu que d’une personne. Dahlia ne connaissait point les habitudes des criminels, mais elle se doutait que pour poser un problème à Ssisska, cet individu devait aller bien plus loin que la profanation de cadavres. Par acquit de conscience, elle fouilla un peu plus l’épouvantail dans l’espoir qu’un indice la guide un peu plus vers la solution, mais également, car si elle gardait ses mains immobiles, elle risquait à nouveau de tendre vers la folie. Car même s’il s’agissait d’une course contre-la-montre, rien ne pouvait prouver que Le Masque disait la vérité. Sa voix fluette vint briser le silence, s’adressant à la serpente qui se tenait à ses côtés. « Je suis consciente de l’affront que je t’ai fait. Je comprends par ailleurs que tout ceci ne peut mener à rien. Oliver est probablement décédé, comme tu l’as affirmé auparavant. ». Cette déclaration sembla lui arracher le cœur ainsi que la gorge, qu’elle se racla une fois sa phrase terminée. Elle hésita à s’excuser, mais se résigna. Ssisska se fichait bien de ses mots. Ce qui l’intéressait, c'étaient ses actes.
Sa main s’arrêta sur la paille qui ornait les doigts de l’épouvantail et elle en sortit un nouveau bout de parchemin qu’elle s’empressa de lire à haute voix. « Un petit oiseau m’a raconté qu’un jour, notre chère Dahlia s’en est servi pour arriver à ses fins, dans un village non loin de Courage… ». Ses doigts se mirent à trembler. Ce salaud en savait trop, surtout sur des événements aussi lointains. Son visage prit une teinte encore plus blanche tandis qu’elle posa ses mains sur les épaules écailleuses de l’hybride. Elle ne pouvait s’en sortir sans elle, sans sa connaissance des lieux, du milieu dans lequel la jeune femme venait à peine de mettre les pieds. Le Masque s’en prenait à la plus fragile des deux, à celle qui possédait des secrets qu’il valait mieux enfouir, mais qu’il avait réussi, par miracle, à dénicher. « … C’est un puits. Nous cherchons un puits, Ssisska. ». Elle ferma les yeux. « Un puits dont plus personne ne boit l’eau. Un puits empoisonné. ».
Invité
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Une énigme, typique de ce dont le Masque est capable, en maître du jeu odieux et pervers. Je réfléchis pour essayer de trouver une réponse, qu’est ce qui se remplit par le bas et se vide par le haut ? La voix de la fée me tire de mes réflexions alors qu’elle s’excuse de son comportement à mon encontre. Étrangement je n’arrive pas à lui en vouloir et je ressens presque une forme de gêne d’en avoir fait une cible pour mon ennemi, une cible à l’apparence bien fragile alors que je vois son visage qui se décompose lorsqu’elle semble comprendre ce qui a traversé l’esprit dérangé de notre adversaire.
Apparemment il vient d’exhumer un secret bien enfoui du passé de Dahlia, un secret dont je ne connais aucunement la teneur mais il me suffit de voir la réaction de la fée pour voir qu’elle est bouleversée alors qu’elle cherche un appui contre moi. Que cherche-t-il en s’en prenant à elle ? Elle n’est qu’un fournisseur parmi tant d’autres dans la nébuleuse opaque de mes relations professionnelles. Alors pourquoi elle ?
De nouveau la voix tremblante de la fée me tire de mes pensées, un puits, un puits empoisonné. J’énonce alors d’une voix sans timbre, presque mécanique.
- Le puits aux cadavres.
Un lieu maudit des bas-fonds de cette ville. On dit que son eau ne peut être bue à cause des cadavres jetés dans son trou béant par les gangs des rues. Est-ce vrai ? Je ne sais pas vraiment, cette légende fait partie de ces rumeurs dont on ne saura sûrement jamais si elles sont vraies ou non. Ce qui est sûr c’est que les gens censés évitent ce lieu et que l’eau est, effectivement, empoisonnée. De pauvres hères bravaches et stupides en ont payé trop souvent le prix.
Les tentacules sur ma tête sont étrangement calmes et je pose une main griffue sur la joue de la fée alors que mon regard se perd dans le reflet doré de ses yeux.
- Écoute-moi bien Dahlia. Le Masssque cherche à nous entraîner dans un jeu pervers pour nous détruire. La raison voudrait que l’on ssse retire tout de sssuite.
Un léger sourire s’inscrit sur mes lèvres.
- Mais quoique je dise tu ne voudras pas abandonner Oliver tant qu’il ressste un essspoir qu’il sssoit encore en vie.
Son empathie pour ses orphelins est peut-être sa plus grande faiblesse, mais c’est aussi sa plus grande force. Je m’approche légèrement pour lui glisser dans un murmure.
- Mais nous sssommes deux pour l’affronter. Ne l’oublie pas. Je sssuis là.
Ma main s’envole en une caresse fugace alors que mon regard se fait de nouveau dur et déterminé.
- Sssuis-moi.
Je m’engage alors dans le dédale de ruelles de cette démarche ondulante et silencieuse qui n’appartient qu’à moi. Les bas-fonds sont mon domaine, mon royaume, c’est là que je suis née et enfant j’ai arpenté ses allées boueuses et sordides tant de fois que ce labyrinthe n’a plus aucun secret pour moi.
Une petite place, calme, trop calme que je traverse sans un mot pour me diriger sous le large porche d’un bâtiment branlant dont on se demande encore comment il peut tenir debout. Quelques marches d’escalier mènent jusqu’à une sorte de cave humide et sombre à moitié taillée dans la roche. Une fraîcheur morbide me saisit et je sens mon corps incapable de réguler thermiquement qui s’engourdit. Au centre de la pièce un puits, à la margelle à moitié effondré. Une odeur atroce semble émerger du gouffre noir sur lequel il donne, une odeur de mort qui lui vaut son nom. Une arche de métal l’enjambe encore, seul témoin du mécanisme qui permettait jadis de puiser de l’eau. Mais ce qui attire mon regard c’est la corde qui pend dans le trou béant, une corde que l’on a nouée récemment…
J’approche avec circonspection, avant de tirer la corde. L’odeur est insupportable et je dois réprimer un haut le cœur pour pouvoir en remonter le petit sac en toile de jute qui y est attaché. Je l’ouvre pour en extraire un nouveau message et un autre objet entouré dans un tissu ensanglanté.
« Ssisska, la Gorgone si redoutable, il faudrait que tu apprennes à tes petits moineaux qu’il est dangereux d’écouter aux portes. »
J’écarte le tissu d’une main tremblante pour découvrir une oreille fraîchement coupée. Cet homme est malade, il est en train de découper Oliver petit à petit et même si je ne suis pas autant attachée que Dahlia à ceux qui me servent cela ne fait qu’attiser ma colère.
Mais le message n’est pas terminé et c’est à mon tour de trembler en déchiffrant les mots qui me frappent directement au cœur.
Ma voix se fait souffle pathétique…
- Le bordel…
… avant de se briser dans un sanglot.
Il n’a pas le droit, pas le droit de m’imposer une telle épreuve. Retourner dans cet endroit maudit où j’aurai dû mourir.
Apparemment il vient d’exhumer un secret bien enfoui du passé de Dahlia, un secret dont je ne connais aucunement la teneur mais il me suffit de voir la réaction de la fée pour voir qu’elle est bouleversée alors qu’elle cherche un appui contre moi. Que cherche-t-il en s’en prenant à elle ? Elle n’est qu’un fournisseur parmi tant d’autres dans la nébuleuse opaque de mes relations professionnelles. Alors pourquoi elle ?
De nouveau la voix tremblante de la fée me tire de mes pensées, un puits, un puits empoisonné. J’énonce alors d’une voix sans timbre, presque mécanique.
- Le puits aux cadavres.
Un lieu maudit des bas-fonds de cette ville. On dit que son eau ne peut être bue à cause des cadavres jetés dans son trou béant par les gangs des rues. Est-ce vrai ? Je ne sais pas vraiment, cette légende fait partie de ces rumeurs dont on ne saura sûrement jamais si elles sont vraies ou non. Ce qui est sûr c’est que les gens censés évitent ce lieu et que l’eau est, effectivement, empoisonnée. De pauvres hères bravaches et stupides en ont payé trop souvent le prix.
Les tentacules sur ma tête sont étrangement calmes et je pose une main griffue sur la joue de la fée alors que mon regard se perd dans le reflet doré de ses yeux.
- Écoute-moi bien Dahlia. Le Masssque cherche à nous entraîner dans un jeu pervers pour nous détruire. La raison voudrait que l’on ssse retire tout de sssuite.
Un léger sourire s’inscrit sur mes lèvres.
- Mais quoique je dise tu ne voudras pas abandonner Oliver tant qu’il ressste un essspoir qu’il sssoit encore en vie.
Son empathie pour ses orphelins est peut-être sa plus grande faiblesse, mais c’est aussi sa plus grande force. Je m’approche légèrement pour lui glisser dans un murmure.
- Mais nous sssommes deux pour l’affronter. Ne l’oublie pas. Je sssuis là.
Ma main s’envole en une caresse fugace alors que mon regard se fait de nouveau dur et déterminé.
- Sssuis-moi.
Je m’engage alors dans le dédale de ruelles de cette démarche ondulante et silencieuse qui n’appartient qu’à moi. Les bas-fonds sont mon domaine, mon royaume, c’est là que je suis née et enfant j’ai arpenté ses allées boueuses et sordides tant de fois que ce labyrinthe n’a plus aucun secret pour moi.
Une petite place, calme, trop calme que je traverse sans un mot pour me diriger sous le large porche d’un bâtiment branlant dont on se demande encore comment il peut tenir debout. Quelques marches d’escalier mènent jusqu’à une sorte de cave humide et sombre à moitié taillée dans la roche. Une fraîcheur morbide me saisit et je sens mon corps incapable de réguler thermiquement qui s’engourdit. Au centre de la pièce un puits, à la margelle à moitié effondré. Une odeur atroce semble émerger du gouffre noir sur lequel il donne, une odeur de mort qui lui vaut son nom. Une arche de métal l’enjambe encore, seul témoin du mécanisme qui permettait jadis de puiser de l’eau. Mais ce qui attire mon regard c’est la corde qui pend dans le trou béant, une corde que l’on a nouée récemment…
J’approche avec circonspection, avant de tirer la corde. L’odeur est insupportable et je dois réprimer un haut le cœur pour pouvoir en remonter le petit sac en toile de jute qui y est attaché. Je l’ouvre pour en extraire un nouveau message et un autre objet entouré dans un tissu ensanglanté.
« Ssisska, la Gorgone si redoutable, il faudrait que tu apprennes à tes petits moineaux qu’il est dangereux d’écouter aux portes. »
J’écarte le tissu d’une main tremblante pour découvrir une oreille fraîchement coupée. Cet homme est malade, il est en train de découper Oliver petit à petit et même si je ne suis pas autant attachée que Dahlia à ceux qui me servent cela ne fait qu’attiser ma colère.
Mais le message n’est pas terminé et c’est à mon tour de trembler en déchiffrant les mots qui me frappent directement au cœur.
Ma voix se fait souffle pathétique…
- Le bordel…
… avant de se briser dans un sanglot.
Il n’a pas le droit, pas le droit de m’imposer une telle épreuve. Retourner dans cet endroit maudit où j’aurai dû mourir.
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Tout était de sa faute. Plus Dahlia réfléchissait à la situation dans laquelle elle se trouvait, plus elle s’en voulait de s’être rendue coupable de tant de méfaits dans sa jeunesse. La Fae avait, elle aussi, eu des « années folles », cependant elles ne s’apparentaient point à ce qu’on pouvait imaginer. Son adolescence fut un ramassis d’erreurs en tous genres qui eurent des conséquences désastreuses. Le puits empoisonné ne faisait pas exception à la règle. Un maire d’un petit village avait eu l’audace de parler négativement de son établissement, ainsi que de ses pratiques. A l’époque elle n’était point directrice, cependant elle possédait déjà un attachement maladif à l’orphelinat ainsi qu’à ses petits camarades.
Dahlia aurait aimé considérer cet incident comme un « élan de rage incontrôlé » mais la vérité était tout autre. C’était un acte complètement prémédité, réfléchi pendant plusieurs semaines et mis en place petit à petit pour n’évoquer aucun soupçon. Visiblement Le Masque avait réussi à mettre la main sur des documents classifiés sur l’affaire. Une fois son calme retrouvé, elle laissa un « tss… » s’échapper de l’entre ouverture de ses lèvres. Sa panique passagère l’avait au moins convaincue d’une chose : elle devait se débarrasser de toutes les preuves qui l’accablaient, dans le double fond d’un des tiroirs de son bureau. Et s’il s’était procuré cette information ailleurs, alors elle devait absolument apprendre qui en savait autant sur sa petite personne.
La directrice profita du contact avec la Gorgone pendant quelques secondes. Même s’il s’agissait d’une serpente, même si sa main pourvue de griffes n’égalerait jamais la douceur sa peau immaculée, la Fae s’enivra de sa tendresse et de son empathie, deux sentiments qu’elle ne rencontrait que trop peu à son goût. Malgré son image de sainte, la jeune femme ne parvenait point à se lier à autrui et pour cause : elle craignait qu’on la détruise, qu’on anéantisse ses projets mais plus encore, elle avait peur de l’abandon. Si l’hybride décidait de la laisser faire cavalier seul au dernier moment, elle en serait probablement incapable.
Entendre que la Gorgone était là lui réchauffait le coeur et la renforçait considérablement. Ssisska l’accompagnerait du début à la fin. Dahlia aimait se dire qu’elle ne restait pas car elle se sentait responsable de la disparition d’Oliver, mais parce qu’elle ressentait une certaine loyauté envers la Fae, peut-être même un semblant d’amitié qui les liait. Après tout, elles faisaient affaire depuis plusieurs années déjà et en cas de danger, la serpente avait toujours tenu parole. « Tu.. Tu as raison. ».
Elle suivit alors sa guide dans les méandres des bas fonds de Liberty, un univers qu’elle ne connaissait que trop mal, un dédale morbide et dangereux dans lequel une petite Fae n’avait normalement pas sa place. Au long de leur marche, Dahlia observait chaque recoin, chaque pavé sur lequel elle marchait, comme si elle attendait un indice, une erreur qu’aurait pu commettre leur assaillant. Il n’en fut rien, à son plus grand désespoir. Le Masque était une créature vicieuse et discrète et la directrice se devait de rester calme. Elle avait compris qu’il utiliserait malicieusement ses faiblesses contre elle : ses enfants ainsi que sa réputation d’ange. L’odeur âcre des cadavres ne fit pas trembler la jeune femme. A vrai dire, le seul souvenir qu’elle rattachait à cette senteur si particulière était la mort de ses parents. La peur ou le dégoût ne pouvaient l’atteindre, la culpabilité était trop forte.
Dahlia observa Ssisska remonter le sac en jute et elle dut réprimer un grommellement de rage. Ce n’était pas elle l’hybride, pourtant elle se sentait bien plus sauvage, bien plus en proie à ses instincts qu’une bête trop longtemps enfermée dans sa cage. Lorsqu’un sanglot s’échappa de la bouche de la Gorgone, tous les signaux d’alertes de la Fae se mirent à hurler dans sa tête. Saisissant le bout de parchemin avant qu’il n’atteigne le sol, elle le lut en une fraction de seconde et bien qu’elle ne connaissait que trop peu le passé de la serpente, le lien fut rapide à faire.
Ssisska n’était pas aisément perturbée et la voir dans cet état déclenchait une impulsion de protection qui l’envahissait. Elle passa devant la Gorgone et posa ses doigts fins sur son menton qu’elle redressa, plongeant son regard orangé dans le sien. « Ssisska… Je ne sais pas ce qui t’es arrivé. Je ne te le demanderais pas, tu n’as pas à m’expliquer. Mais... ». La simple idée d’abandonner ne faisait qu’accentuer sa haine, pourtant la raison lui dictait de s’arrêter là. « Je ne veux pas qu’il joue avec toi. Tout part d’Oliver, et j’en suis responsable. Je veux et je vais en assumer les conséquences. ».
Jouer avec Dahlia était une chose qu’elle pouvait tolérer, qu’elle acceptait même. Par habitude, sans doute, mais également parce qu’elle pensait mériter un tel traitement. La Fae était un être abject sous couvert d’une innocence factice, se faire traiter ainsi n’était à ses yeux que le juste revers de la médaille. Pour la première fois, la jeune femme pouvait sentir la fragilité de son interlocutrice. Une vulnérabilité tangible qui lui faisait reconsidérer toute cette opération. Dahlia laissa planer un long silence durant lequel elle ne quitta pas la serpente des yeux, avant d’enfin le briser, la voix posée et pleine de détermination. « Dis moi où il se trouve, et j’irais pour toi. Il n’y a aucune raison que tu y remettes les pieds. ».
La Fae n’avait point l’habitude de côtoyer ce genre d’établissements mais elle possédait un atout qui l’aiderait à y entrer : son physique. De plus elle ne craignait pas réellement d’y être agressée, considérant que ceux qui fréquentaient ce genre d’endroits ne prenaient pas réellement la peine de protéger leurs esprits. Dahlia ne disposait que d’une dague en apparence mais dans les faits, elle pouvait causer des dommages irréversibles. Si un malotru tentait de l’approcher, il le regretterait amèrement. Sagement, la Fae attendit la réponse de Ssisska, le coeur lourd de la sentir peinée. Ce qui n’aurait du jamais arriver arriva : elle allait la protéger, coûte que coûte, contre ses propres démons.
Dahlia aurait aimé considérer cet incident comme un « élan de rage incontrôlé » mais la vérité était tout autre. C’était un acte complètement prémédité, réfléchi pendant plusieurs semaines et mis en place petit à petit pour n’évoquer aucun soupçon. Visiblement Le Masque avait réussi à mettre la main sur des documents classifiés sur l’affaire. Une fois son calme retrouvé, elle laissa un « tss… » s’échapper de l’entre ouverture de ses lèvres. Sa panique passagère l’avait au moins convaincue d’une chose : elle devait se débarrasser de toutes les preuves qui l’accablaient, dans le double fond d’un des tiroirs de son bureau. Et s’il s’était procuré cette information ailleurs, alors elle devait absolument apprendre qui en savait autant sur sa petite personne.
La directrice profita du contact avec la Gorgone pendant quelques secondes. Même s’il s’agissait d’une serpente, même si sa main pourvue de griffes n’égalerait jamais la douceur sa peau immaculée, la Fae s’enivra de sa tendresse et de son empathie, deux sentiments qu’elle ne rencontrait que trop peu à son goût. Malgré son image de sainte, la jeune femme ne parvenait point à se lier à autrui et pour cause : elle craignait qu’on la détruise, qu’on anéantisse ses projets mais plus encore, elle avait peur de l’abandon. Si l’hybride décidait de la laisser faire cavalier seul au dernier moment, elle en serait probablement incapable.
Entendre que la Gorgone était là lui réchauffait le coeur et la renforçait considérablement. Ssisska l’accompagnerait du début à la fin. Dahlia aimait se dire qu’elle ne restait pas car elle se sentait responsable de la disparition d’Oliver, mais parce qu’elle ressentait une certaine loyauté envers la Fae, peut-être même un semblant d’amitié qui les liait. Après tout, elles faisaient affaire depuis plusieurs années déjà et en cas de danger, la serpente avait toujours tenu parole. « Tu.. Tu as raison. ».
Elle suivit alors sa guide dans les méandres des bas fonds de Liberty, un univers qu’elle ne connaissait que trop mal, un dédale morbide et dangereux dans lequel une petite Fae n’avait normalement pas sa place. Au long de leur marche, Dahlia observait chaque recoin, chaque pavé sur lequel elle marchait, comme si elle attendait un indice, une erreur qu’aurait pu commettre leur assaillant. Il n’en fut rien, à son plus grand désespoir. Le Masque était une créature vicieuse et discrète et la directrice se devait de rester calme. Elle avait compris qu’il utiliserait malicieusement ses faiblesses contre elle : ses enfants ainsi que sa réputation d’ange. L’odeur âcre des cadavres ne fit pas trembler la jeune femme. A vrai dire, le seul souvenir qu’elle rattachait à cette senteur si particulière était la mort de ses parents. La peur ou le dégoût ne pouvaient l’atteindre, la culpabilité était trop forte.
Dahlia observa Ssisska remonter le sac en jute et elle dut réprimer un grommellement de rage. Ce n’était pas elle l’hybride, pourtant elle se sentait bien plus sauvage, bien plus en proie à ses instincts qu’une bête trop longtemps enfermée dans sa cage. Lorsqu’un sanglot s’échappa de la bouche de la Gorgone, tous les signaux d’alertes de la Fae se mirent à hurler dans sa tête. Saisissant le bout de parchemin avant qu’il n’atteigne le sol, elle le lut en une fraction de seconde et bien qu’elle ne connaissait que trop peu le passé de la serpente, le lien fut rapide à faire.
Ssisska n’était pas aisément perturbée et la voir dans cet état déclenchait une impulsion de protection qui l’envahissait. Elle passa devant la Gorgone et posa ses doigts fins sur son menton qu’elle redressa, plongeant son regard orangé dans le sien. « Ssisska… Je ne sais pas ce qui t’es arrivé. Je ne te le demanderais pas, tu n’as pas à m’expliquer. Mais... ». La simple idée d’abandonner ne faisait qu’accentuer sa haine, pourtant la raison lui dictait de s’arrêter là. « Je ne veux pas qu’il joue avec toi. Tout part d’Oliver, et j’en suis responsable. Je veux et je vais en assumer les conséquences. ».
Jouer avec Dahlia était une chose qu’elle pouvait tolérer, qu’elle acceptait même. Par habitude, sans doute, mais également parce qu’elle pensait mériter un tel traitement. La Fae était un être abject sous couvert d’une innocence factice, se faire traiter ainsi n’était à ses yeux que le juste revers de la médaille. Pour la première fois, la jeune femme pouvait sentir la fragilité de son interlocutrice. Une vulnérabilité tangible qui lui faisait reconsidérer toute cette opération. Dahlia laissa planer un long silence durant lequel elle ne quitta pas la serpente des yeux, avant d’enfin le briser, la voix posée et pleine de détermination. « Dis moi où il se trouve, et j’irais pour toi. Il n’y a aucune raison que tu y remettes les pieds. ».
La Fae n’avait point l’habitude de côtoyer ce genre d’établissements mais elle possédait un atout qui l’aiderait à y entrer : son physique. De plus elle ne craignait pas réellement d’y être agressée, considérant que ceux qui fréquentaient ce genre d’endroits ne prenaient pas réellement la peine de protéger leurs esprits. Dahlia ne disposait que d’une dague en apparence mais dans les faits, elle pouvait causer des dommages irréversibles. Si un malotru tentait de l’approcher, il le regretterait amèrement. Sagement, la Fae attendit la réponse de Ssisska, le coeur lourd de la sentir peinée. Ce qui n’aurait du jamais arriver arriva : elle allait la protéger, coûte que coûte, contre ses propres démons.
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J’ai du mal à respirer et j’ai l’impression d’être une de mes victimes qui cherche désespérément à reprendre son souffle alors que mon venin paralyse ses fonctions respiratoires. Mais cela n’a rien à voir, c’est juste une angoisse terrible qui ressurgit, menaçant de m’engloutir dans des souvenirs douloureux.
Heureusement je ne suis pas seule, même si la petite fae est loin d’être impressionnante, sa force de volonté est indéniable. Je sens ses doigts fins et délicats sur mon menton qui me forcent à croiser son regard déterminé qui me ramène brusquement à la réalité. Me protéger ? Cela prêterait surement à sourire si la situation n’était pas aussi dramatique. La redoutable Gorgone, le fléau des bas-fonds, protégée par une petite fée à l’apparence si innocente ?
Je reste un instant interdite, sans trop savoir quoi répondre. Il faut dire que je n’ai pas vraiment l’habitude que l’on prenne soin de moi, tellement peu, que j’ai appris à ne compter que sur une seule et unique personne. Moi. Mon regard jaune fendu de noir change alors subtilement, comme si je prenais conscience de… quelque chose.
D’autres souvenirs affluent alors, la première fois que j’ai croisé le regard ambré de la fée, notre première « affaire » et d’autres apparemment futiles. Ces années de collaboration ont fait subtilement évoluer une relation strictement professionnelle en quelque chose de bien plus fort et intime, un sentiment teinté de respect et d’une forme d’admiration acquise au fil du temps. Et c’est face à l’adversité vicieuse du Masque que je me rends compte que ce qui me lie aujourd’hui à la petite fée têtue prête à prendre des risques insensés pour me préserver est la clé qui nous permettra de surmonter cette épreuve.
Ma voix a repris un peu de sa superbe.
- Non.
Un léger sourire s’inscrit sur mes lèvres, un sourire rare et reconnaissant alors que je présente deux doigts griffus devant son visage.
Nous sommes deux, et ensemble nous sommes toujours plus fortes…
J’ai beau essayer de lutter contre, la peur s’insinue vicieusement en moi alors que j’approche du lieu où j’ai tant souffert. Sans même que je m’en rendre compte, ma main griffue s’est glissé dans celle, douce et fine de la fée. J’y trouve de la chaleur, mais surtout la force de continuer à avancer, de faire un pas après l’autre en direction de l’enfer…
L’établissement se trouve en bordure des bas-fonds. Un territoire que j’’évite comme la peste et sur lequel mon influence ne s’exerce guère, comme si je voulais nier totalement son existence. A bien y réfléchir, cela est normal que mon pire ennemi ait pris possession de cet endroit, sachant pertinemment ce qu’il représentait pour moi.
Je m’arrête devant la façade au luxe faux et tapageur du bordel. Il n’a presque pas changé par rapport à mes souvenirs, toujours un ilot de débauche dans un quartier peu reluisant mais qui attire une clientèle venue des beaux-quartiers. Pour une seule et unique raison, dans cette maison de la débauche, il est possible de satisfaire ses fantasmes les plus ignobles sans que personne n’y trouve rien à redire. Les filles et les garçons forcés de « travailler » sont de véritables esclaves à la merci des pires vices des « clients ».
Je serre la main de la fée un peu trop fort et ma voix est blanche lorsque je m’adresse enfin à elle.
- Sss’est isssi.
L’endroit qui a failli me détruite à jamais…
Heureusement je ne suis pas seule, même si la petite fae est loin d’être impressionnante, sa force de volonté est indéniable. Je sens ses doigts fins et délicats sur mon menton qui me forcent à croiser son regard déterminé qui me ramène brusquement à la réalité. Me protéger ? Cela prêterait surement à sourire si la situation n’était pas aussi dramatique. La redoutable Gorgone, le fléau des bas-fonds, protégée par une petite fée à l’apparence si innocente ?
Je reste un instant interdite, sans trop savoir quoi répondre. Il faut dire que je n’ai pas vraiment l’habitude que l’on prenne soin de moi, tellement peu, que j’ai appris à ne compter que sur une seule et unique personne. Moi. Mon regard jaune fendu de noir change alors subtilement, comme si je prenais conscience de… quelque chose.
D’autres souvenirs affluent alors, la première fois que j’ai croisé le regard ambré de la fée, notre première « affaire » et d’autres apparemment futiles. Ces années de collaboration ont fait subtilement évoluer une relation strictement professionnelle en quelque chose de bien plus fort et intime, un sentiment teinté de respect et d’une forme d’admiration acquise au fil du temps. Et c’est face à l’adversité vicieuse du Masque que je me rends compte que ce qui me lie aujourd’hui à la petite fée têtue prête à prendre des risques insensés pour me préserver est la clé qui nous permettra de surmonter cette épreuve.
Ma voix a repris un peu de sa superbe.
- Non.
Un léger sourire s’inscrit sur mes lèvres, un sourire rare et reconnaissant alors que je présente deux doigts griffus devant son visage.
Nous sommes deux, et ensemble nous sommes toujours plus fortes…
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J’ai beau essayer de lutter contre, la peur s’insinue vicieusement en moi alors que j’approche du lieu où j’ai tant souffert. Sans même que je m’en rendre compte, ma main griffue s’est glissé dans celle, douce et fine de la fée. J’y trouve de la chaleur, mais surtout la force de continuer à avancer, de faire un pas après l’autre en direction de l’enfer…
L’établissement se trouve en bordure des bas-fonds. Un territoire que j’’évite comme la peste et sur lequel mon influence ne s’exerce guère, comme si je voulais nier totalement son existence. A bien y réfléchir, cela est normal que mon pire ennemi ait pris possession de cet endroit, sachant pertinemment ce qu’il représentait pour moi.
Je m’arrête devant la façade au luxe faux et tapageur du bordel. Il n’a presque pas changé par rapport à mes souvenirs, toujours un ilot de débauche dans un quartier peu reluisant mais qui attire une clientèle venue des beaux-quartiers. Pour une seule et unique raison, dans cette maison de la débauche, il est possible de satisfaire ses fantasmes les plus ignobles sans que personne n’y trouve rien à redire. Les filles et les garçons forcés de « travailler » sont de véritables esclaves à la merci des pires vices des « clients ».
Je serre la main de la fée un peu trop fort et ma voix est blanche lorsque je m’adresse enfin à elle.
- Sss’est isssi.
L’endroit qui a failli me détruite à jamais…
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Dahlia fixait la Gorgone, tentant d’enfouir le torrent d’émotions qui la traversaient. D’ordinaire la Fae ne ressentait que la tristesse ou la colère, dans de rares occasions un semblant de joie la parcourait mais dans l’ensemble, son panel s’arrêtait ici. Dans les faits, la directrice ignorait tout des pulsions qui la poussaient à protéger la serpente à tout prix. Craignait-elle de perdre la protection de l’orphelinat ? Etait-ce un sens du devoir, une quelconque loyauté qui la poussait à agir ainsi ? Le désir de retrouver Oliver qui surpassait l’entendement ? Ou encore le fait de ne pas pouvoir retrouver son chemin en dehors des bas fonds seule ? Des hypothèses probables, pourtant aucune ne détenait la vérité sur le lien qu’elle entretenait avec Ssisska. Des années de collaboration avaient créé une relation forgée dans le fer et dans les flammes. La Fae n’aurait pu associer ceci à une amitié, non, c’était bien plus complexe qu’une simple appréciation, qu’un plaisir à passer du temps ensemble. L’hybride n’était ni son amie, ni sa collègue. Elle était… plus.
Elle accueillit son refus avec un doux sourire, rendant à la Gorgone ce qu’elle venait de lui offrir. Les deux jeunes femmes ne souriaient jamais, alors cet instant hors du temps, cette exclusivité qu’elles se donnaient à cœur ouvert, devait être choyé et préservé dans leurs mémoires. Le duo prit la route vers la maison close à pas de velours, Dahlia ayant fait le choix de ne plus se préoccuper des alentours, d’un possible espionnage. Après tout, leurs faits et gestes étaient épiés, peu importe si elle le remarquait. Toute son attention était portée sur la serpente qui affichait un visage neutre, contrastant profondément avec la peur qui guidait sa main griffue contre la sienne. La Fae laissa leurs doigts s’entrelacer et resserra un peu plus son étreinte chaque fois qu’elle la sentit chavirer. Elle avait tenté de la protéger d’elle-même, de se rendre seule sur les lieux, néanmoins elle ne pouvait que comprendre son refus. Ssisska était une femme forte, fière et indétrônable. Un jour où l’autre, elle aurait du affronter son passé, et Dahlia se sentait honorée de pouvoir l’accompagner.
Une fois arrivée devant l’établissement, la directrice prit le temps de le jauger. Une façade aux allures luxueuses, des candélabres savamment installés pour tamiser l’entrée… Si Dahlia ne savait pas ce qui se cachait derrière ces murs, elle aurait sans doute pu se faire avoir. Elle se retourna vers la Gorgone, murmurant doucement dans son oreille. « Si quelqu’un tente de t’approcher, il le regrettera. Concentre-toi sur ce que nous sommes venues chercher. Je m’occupe du reste. ». Elle attendit quelques secondes avant de s’engager dans l’ouverture du bordel, plaçant méthodiquement une main devant son visage alors que l’odeur d’alcool et les nombreux parfums qui s’infiltraient dans ses narines. Sa vision, elle, fut légèrement obstruée par le brouillard qui se baladait de pièces en pièces, causé par les nombreuses substances consommées dans l’établissement. Elle s’arrêta pour prendre un temps d’adaptation puis se mit à observer ses alentours. L’intérieur affichait la même superficialité que l’extérieur : de grands divans en velours rouges, une réception ainsi que de longs couloirs donnant probablement sur des chambres privées. Les clients se baladaient d’un coin à l’autre, la plupart sans même remarquer la présence de la Fae et de la serpente.
Pourtant l’un d’entre eux finit par s’arrêter devant elles, les reluquant de la tête aux pieds. Dahlia était habituée à ce genre de regards lubriques, pour autant elle ne tolérait pas qu’on regarde l’hybride de la sorte. « Bonjour mesdemoiselles… C’est combien pour vous deux ? C’est pas tous les jours qu’on croise des bestioles dans ton genre. Et toi… Oh tu dois coûter cher, mais ça en vaut la peine. Ton prix sera le mien, avoir un corps pareil sans l’utiliser c’est pas permis... ». La Fae fronça les sourcils et planta son regard dans celui de l’inconnu, lâchant temporairement la main de Ssisska pour pointer du doigt l’individu qui les importunait, tout en réduisant la distance qui les séparait progressivement. Une fois à quelques centimètres de son visage, elle laissa un doux murmure s’échapper d’entre ses lèvres. « Hors de mon chemin, cafard. ».
L’inconnu se mit soudainement à se tordre de douleur, se retrouvant au sol, la tête entre ses mains. Son visage déformé par la douleur passa du rouge au blanc et rapidement, il se mit à vomir de façon complètement incontrôlée sur les tapis vermeils de l’entrée. Bientôt il se mit à pleurer à grosses larmes, suppliant que cette torture cesse, regrettant même d’être venu au monde pendant quelques instants. « Non, non arrêtez, je vous en supplie, je… AAAHHHH. ». Sans la moindre once de compassion, Dahlia reprit la main de sa compagne et enjamba le souffrant pour avancer dans le bordel. Elle se retourna vers l’hybride, un doux sourire rassurant sur le visage contrastant complètement avec la cruauté dont elle venait de faire preuve. « Que cherchons-nous, Ssisska ? ». La Gorgone avait toujours eu une réputation particulièrement effrayante, et on pouvait maintenant y ajouter la protection farouche d’une créatrice de maladies aux ambitions délirantes. Une peste qui vous donne la peste.
Elle accueillit son refus avec un doux sourire, rendant à la Gorgone ce qu’elle venait de lui offrir. Les deux jeunes femmes ne souriaient jamais, alors cet instant hors du temps, cette exclusivité qu’elles se donnaient à cœur ouvert, devait être choyé et préservé dans leurs mémoires. Le duo prit la route vers la maison close à pas de velours, Dahlia ayant fait le choix de ne plus se préoccuper des alentours, d’un possible espionnage. Après tout, leurs faits et gestes étaient épiés, peu importe si elle le remarquait. Toute son attention était portée sur la serpente qui affichait un visage neutre, contrastant profondément avec la peur qui guidait sa main griffue contre la sienne. La Fae laissa leurs doigts s’entrelacer et resserra un peu plus son étreinte chaque fois qu’elle la sentit chavirer. Elle avait tenté de la protéger d’elle-même, de se rendre seule sur les lieux, néanmoins elle ne pouvait que comprendre son refus. Ssisska était une femme forte, fière et indétrônable. Un jour où l’autre, elle aurait du affronter son passé, et Dahlia se sentait honorée de pouvoir l’accompagner.
Une fois arrivée devant l’établissement, la directrice prit le temps de le jauger. Une façade aux allures luxueuses, des candélabres savamment installés pour tamiser l’entrée… Si Dahlia ne savait pas ce qui se cachait derrière ces murs, elle aurait sans doute pu se faire avoir. Elle se retourna vers la Gorgone, murmurant doucement dans son oreille. « Si quelqu’un tente de t’approcher, il le regrettera. Concentre-toi sur ce que nous sommes venues chercher. Je m’occupe du reste. ». Elle attendit quelques secondes avant de s’engager dans l’ouverture du bordel, plaçant méthodiquement une main devant son visage alors que l’odeur d’alcool et les nombreux parfums qui s’infiltraient dans ses narines. Sa vision, elle, fut légèrement obstruée par le brouillard qui se baladait de pièces en pièces, causé par les nombreuses substances consommées dans l’établissement. Elle s’arrêta pour prendre un temps d’adaptation puis se mit à observer ses alentours. L’intérieur affichait la même superficialité que l’extérieur : de grands divans en velours rouges, une réception ainsi que de longs couloirs donnant probablement sur des chambres privées. Les clients se baladaient d’un coin à l’autre, la plupart sans même remarquer la présence de la Fae et de la serpente.
Pourtant l’un d’entre eux finit par s’arrêter devant elles, les reluquant de la tête aux pieds. Dahlia était habituée à ce genre de regards lubriques, pour autant elle ne tolérait pas qu’on regarde l’hybride de la sorte. « Bonjour mesdemoiselles… C’est combien pour vous deux ? C’est pas tous les jours qu’on croise des bestioles dans ton genre. Et toi… Oh tu dois coûter cher, mais ça en vaut la peine. Ton prix sera le mien, avoir un corps pareil sans l’utiliser c’est pas permis... ». La Fae fronça les sourcils et planta son regard dans celui de l’inconnu, lâchant temporairement la main de Ssisska pour pointer du doigt l’individu qui les importunait, tout en réduisant la distance qui les séparait progressivement. Une fois à quelques centimètres de son visage, elle laissa un doux murmure s’échapper d’entre ses lèvres. « Hors de mon chemin, cafard. ».
L’inconnu se mit soudainement à se tordre de douleur, se retrouvant au sol, la tête entre ses mains. Son visage déformé par la douleur passa du rouge au blanc et rapidement, il se mit à vomir de façon complètement incontrôlée sur les tapis vermeils de l’entrée. Bientôt il se mit à pleurer à grosses larmes, suppliant que cette torture cesse, regrettant même d’être venu au monde pendant quelques instants. « Non, non arrêtez, je vous en supplie, je… AAAHHHH. ». Sans la moindre once de compassion, Dahlia reprit la main de sa compagne et enjamba le souffrant pour avancer dans le bordel. Elle se retourna vers l’hybride, un doux sourire rassurant sur le visage contrastant complètement avec la cruauté dont elle venait de faire preuve. « Que cherchons-nous, Ssisska ? ». La Gorgone avait toujours eu une réputation particulièrement effrayante, et on pouvait maintenant y ajouter la protection farouche d’une créatrice de maladies aux ambitions délirantes. Une peste qui vous donne la peste.
- Utilisation de pouvoirs:
- Attaque mentale Palier II sur le malpoli !
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La présence de la fée est rassurante et sa main ferme dans la mienne m’aide à avancer. Malgré tout je sens ma détermination vaciller lorsque mon regard se pose sur cette maison de l’horreur. De l’extérieur, l’établissement semble pourtant tout à fait honorable et sa façade reluisante se remarque aisément dans ce quartier situé à la limite des bas-fonds. Mais derrière ses murs décorés de stucs d’un goût douteux des êtres soumis à la volonté de la propriétaire des lieux vivent un véritable enfer.
Les souvenirs affluent, ravivés par la fragrance forte des encens qui peinent à masquer les odeurs de tabac, d’alcool et de sueur qui se mêlent en un cocktail nauséeux. Les clients, la plupart enthousiastes et enivrés, font le tour des filles et garçons de joie, les détaillant d’un regard lubrique de la tête au pied comme s’il s’agissait de morceaux de viande à déguster. Je me souviens encore de cette épreuve, alors que l’on nous forçait à sourire et à être tactiles pour appâter le client, pour lui donner envie de nous emmener dans notre chambre. Comme ces pauvres hères, à l’époque, je n’étais plus une personne, j’étais juste un corps qu’il fallait vendre pour générer du profit.
Un homme s’approche, un client, et je n’ai même pas la force de le repousser, comme si mon esprit glissait lentement sans que je le souhaite dans cette posture de soumission qui était la mienne. Heureusement la fée ne se laisse pas faire, punissant l’outrecuidant qui se tord de douleur sur le sol, son esprit déchiré par l’attaque mentale de Dahlia.
- Que cherchons-nous, Ssisska ?
Je ne sais pas, je ne sais plus, mon esprit a du mal à faire le tri entre ce qui est réel et ce qui est de l’ordre du souvenir. Des images se surimposent comme par magie sur ce que je vois en un tableau à demi-illusoire qui fausse tous mes sens. Un tremblement irrépressible s’empare de moi et je serre la main fine glissée dans la mienne si fort que je crains de la briser.
- SSisska !
Je me fige brusquement, alors que mon sang se glace en reconnaissant cette voix dans mon dos. Un frisson de pure terreur remonte le long de mon échine et mon cœur manque plusieurs battements alors que je n’arrive plus à respirer.
La voix, faussement mielleuse retentit de nouveau.
- Tu nous as tellement manqué. Il faut dire que tu es partie sans dire au revoir.
Je me retourne lentement, comme mue par une force impossible, lâchant la main de la fée pour nouer mes bras contre ma poitrine, pure réaction d’autoprotection.
Elle est toujours là, la marâtre, le démon aux traits de vieille femme qui dirige cet enfer d’une main de fer. Elle n’a pas vraiment changé malgré toutes ses années, portant cette ridicule perruque blonde et bouclée, son visage recouvert d’une couche impressionnante de fond de teint pour dissimuler ses rides, engoncée dans une robe d’un rose criard et un corset trop serré d’où s’échappe une chair flasque.
Gilda…
- Je vois que tu es venue avec une de tes amis.
Elle glousse, son regard détaillant son pudeur l’anatomie avantageuse de la fée, comme si elle en évaluait le potentiel pécunier. Étrangement, une forme de colère s’empare de moi, surpassant ma peur, et ma voix s’élève à son tour, sinistre et sifflante.
- Ne t’avise pas de la toucher…
Gilda semble surprise devant cette réaction imprévue. Mais la Ssisska qu’elle a connu n’est plus, elle est devenue maintenant cette Gorgone qui fait régner sa loi dans les bas-fonds. Elle recule d’un pas, perdant brusquement de sa superbe. Mais bien vite un sourire malveillant étire ses lèvres gercées et écarlates. Elle se révèle alors sous son vrai jour.
- Le Masque m’avait prévenu que la petite Ssisska avait grandi.
Elle glousse avant de cracher.
- Mais tu n’es pas ici chez toi serpente !
Les tentacules sur ma tête commencent à s’agiter furieusement et elle recule de nouveau. Pourtant elle part dans un grand rire avant de continuer.
- Tu sais encore où est ta chambre j’imagine. C’est votre prochaine étape.
De nouveau, la peur qui remonte le long de mon échine. Ma chambre, cette prison où je suis restée enfermée de longues années, soumise à la volonté de Gilda et proie des vices et des fantasmes les plus abjects de clients. De nouveau, je tremble et la vieille femme rit de plus belle en s’éloignant, nous laissant seule devant notre prochaine épreuve.
Je lance un regard désemparé vers la fée, avant de m’engager dans les couloirs, telle une condamnée que l’on mène à l’échafaud…
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Les souvenirs affluent, ravivés par la fragrance forte des encens qui peinent à masquer les odeurs de tabac, d’alcool et de sueur qui se mêlent en un cocktail nauséeux. Les clients, la plupart enthousiastes et enivrés, font le tour des filles et garçons de joie, les détaillant d’un regard lubrique de la tête au pied comme s’il s’agissait de morceaux de viande à déguster. Je me souviens encore de cette épreuve, alors que l’on nous forçait à sourire et à être tactiles pour appâter le client, pour lui donner envie de nous emmener dans notre chambre. Comme ces pauvres hères, à l’époque, je n’étais plus une personne, j’étais juste un corps qu’il fallait vendre pour générer du profit.
Un homme s’approche, un client, et je n’ai même pas la force de le repousser, comme si mon esprit glissait lentement sans que je le souhaite dans cette posture de soumission qui était la mienne. Heureusement la fée ne se laisse pas faire, punissant l’outrecuidant qui se tord de douleur sur le sol, son esprit déchiré par l’attaque mentale de Dahlia.
- Que cherchons-nous, Ssisska ?
Je ne sais pas, je ne sais plus, mon esprit a du mal à faire le tri entre ce qui est réel et ce qui est de l’ordre du souvenir. Des images se surimposent comme par magie sur ce que je vois en un tableau à demi-illusoire qui fausse tous mes sens. Un tremblement irrépressible s’empare de moi et je serre la main fine glissée dans la mienne si fort que je crains de la briser.
- SSisska !
Je me fige brusquement, alors que mon sang se glace en reconnaissant cette voix dans mon dos. Un frisson de pure terreur remonte le long de mon échine et mon cœur manque plusieurs battements alors que je n’arrive plus à respirer.
La voix, faussement mielleuse retentit de nouveau.
- Tu nous as tellement manqué. Il faut dire que tu es partie sans dire au revoir.
Je me retourne lentement, comme mue par une force impossible, lâchant la main de la fée pour nouer mes bras contre ma poitrine, pure réaction d’autoprotection.
Elle est toujours là, la marâtre, le démon aux traits de vieille femme qui dirige cet enfer d’une main de fer. Elle n’a pas vraiment changé malgré toutes ses années, portant cette ridicule perruque blonde et bouclée, son visage recouvert d’une couche impressionnante de fond de teint pour dissimuler ses rides, engoncée dans une robe d’un rose criard et un corset trop serré d’où s’échappe une chair flasque.
Gilda…
- Je vois que tu es venue avec une de tes amis.
Elle glousse, son regard détaillant son pudeur l’anatomie avantageuse de la fée, comme si elle en évaluait le potentiel pécunier. Étrangement, une forme de colère s’empare de moi, surpassant ma peur, et ma voix s’élève à son tour, sinistre et sifflante.
- Ne t’avise pas de la toucher…
Gilda semble surprise devant cette réaction imprévue. Mais la Ssisska qu’elle a connu n’est plus, elle est devenue maintenant cette Gorgone qui fait régner sa loi dans les bas-fonds. Elle recule d’un pas, perdant brusquement de sa superbe. Mais bien vite un sourire malveillant étire ses lèvres gercées et écarlates. Elle se révèle alors sous son vrai jour.
- Le Masque m’avait prévenu que la petite Ssisska avait grandi.
Elle glousse avant de cracher.
- Mais tu n’es pas ici chez toi serpente !
Les tentacules sur ma tête commencent à s’agiter furieusement et elle recule de nouveau. Pourtant elle part dans un grand rire avant de continuer.
- Tu sais encore où est ta chambre j’imagine. C’est votre prochaine étape.
De nouveau, la peur qui remonte le long de mon échine. Ma chambre, cette prison où je suis restée enfermée de longues années, soumise à la volonté de Gilda et proie des vices et des fantasmes les plus abjects de clients. De nouveau, je tremble et la vieille femme rit de plus belle en s’éloignant, nous laissant seule devant notre prochaine épreuve.
Je lance un regard désemparé vers la fée, avant de m’engager dans les couloirs, telle une condamnée que l’on mène à l’échafaud…
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Invité
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Immobilisée à côté de l’hybride, Dahlia scrutait les environs avec un profond dégoût. Les plaisirs charnels n’étaient pas la cause de son malaise, cependant elle savait reconnaître un établissement malsain quand elle en voyait un. Le peu de travailleurs qu’elle put croiser n’affichait sur leur visage que tristesse et désolation, vaguant de clients en clients sans même oser les regarder dans les yeux. L’atmosphère de soumission et de souffrance lui donnait la nausée, ne pouvant imaginer comment qui que ce soit pouvait prendre du plaisir dans ces conditions.
La Fae n’était pas un enfant de chœur. Elle tuait, torturait, propageait des maladies sans vergogne. Cependant, s’il y avait bien un point commun à chacune de ses incartades, il s’agissait du simple fait que la directrice n’agissait jamais dans son propre intérêt. Ceux qui étaient morts de ses mains, qui avaient laissé du sang sur ses doigts, ne s’en prenaient jamais réellement à sa petite personne. Certains attaquaient son orphelinat, d’autres ses proches… Nul ne repartait indemne.
La voix d’une inconnue vint perturber les pensées de la Fae, qui se retourna vers son origine, ne manquant pas de remarquer que Ssisska s’était détachée d’elle. Elle se tenait fièrement, les bras croisés sous sa poitrine, dans une posture défensive qui mit rapidement la puce à l’oreille de la directrice. Le duo ne se trouvait pas en face de n’importe qui. Dahlia croisa ses mains devant son bassin, plantant ses yeux orangés dans celui de la marâtre, cherchant à la décontenancer. La directrice avait un physique d’ange et un regard de démon, des yeux emplis de colère, meurtriers et sans pitié. Ses sourcils légèrement froncés, son menton relevé, elle laissa sa haine la gagner, s’emparer de chacun des membres de son corps, faisant bouillir ses veines. Si la Gorgone la détestait du plus profond de son être, alors elle en ferait de même.
« Je vous en prie, regardez. Admirez ce que vous n’aurez plus jamais. Et rêvez, tant que vous le pouvez, pourriture. ». Elle passa à côté de la propriétaire des lieux, lui donnant un coup d’épaule sur son passage, profondément dédaigneuse. Elle ne la tuerait pas, non, pas tout de suite. Un individu de cette importance méritait plus d’attention, plus de préparation. Elle aurait pu l’éliminer en lui donnant la peste obscure, en savourant sa souffrance et ses supplices de loin, cependant un ennemi pareil méritait un destin bien plus funeste. Et surtout, Dahlia ne se serait pas permis de voler cet honneur à la serpente. Il s’agissait de son histoire, et à l’intérieur du livre de la vie de l’hybride, la directrice n’était qu’un chapitre comme un autre.
Face au regard désemparé de l’hybride, les émotions hostiles qui envahissaient la Fae s’apaisèrent. Ses yeux jaunes fendus de noirs exprimaient une peur, une appréhension palpable. Malheureusement, Dahlia était consciente de ses capacités. Elle ne pourrait l’empêcher de s’effondrer face à ses démons, elle ne pourrait la protéger de tout ce qui se mettrait sur sa route. Ses pouvoirs étaient limités, et ce sentiment d’impuissance la mettait en échec.
S’approchant de la porte en compagnie de l’hybride, elle reste interdite devant ce lieu qui porte tant de souvenirs désastreux, tant de cauchemars pour la Gorgone. Elle observe silencieusement la chambre, le cœur meurtri de voir le visage de sa compagne se décomposer à chaque fois que son regard se pose à un endroit. La crise approche, elle est inévitable. Elle est voulue, elle est calculée. Le Masque est un monstre qui ne mérite qu’une mort lente et intense, pour l’affront qu’il est en train de commettre.
La Fae la suit comme son ombre et lorsque Ssisska commence à tomber, elle la rattrape de justesse par les épaules, empêchant son corps de prendre un énième choc aux genoux. Devant ses spasmes, Dahlia oublie même jusqu’à la présence de l’atrocité qu’elle vient de découvrir et vient la serrer dans ses bras, caressant sa joue tendrement, plaçant son visage juste au-dessus du sien. Elle reste pendant de longues secondes dans un mutisme, caractéristique de son incapacité profonde à ressentir autre chose que la haine et la tristesse. Elle détestait son passé, ce même passé qui l’avait rendue inapte à comprendre le monde qui l’entourait, ce destin atroce qui l’avait pourtant unie à la Gorgone.
« Tu es en sécurité, Ssisska. ». Elle vint poser son front contre le sien, une larme coulant le long de sa joue droite pour arriver dans les écailles du cou de la serpente. « Il ne t’arrivera plus jamais rien. Plus personne ne te touchera sans que tu ne l’acceptes. L’époque où tu étais prisonnière ici est révolue. ». Ses doigts vinrent se faufiler entre les serpents ornant sa tête, comme si elle cherchait également à les apaiser par son toucher. « Tu es la Gorgone, la reine des bas-fonds de Liberty. ». Son cœur se serra à la simple pensée de la perdre ici même, de ne pas pouvoir la sortir de sa torpeur.
« Tu es plus forte que ton passé. Reviens-moi, je t’en prie… ». Dans un soupir, elle souleva lentement le corps inerte de l’hybride pour le réchauffer contre le sien. Ses ailes de Fae vinrent se déployer dans son dos, teintées d’un orange semblable au coucher du soleil et doucement, elles se mirent à envelopper la serpente, changeant progressivement d’une couleur à l’autre en suivant sa respiration. Au milieu de cet enfer, de ce cauchemar sans nom, Dahlia voulait pour Ssisska créer une échappatoire, un arc-en-ciel sous une pluie battante. « J’ai besoin de toi. ».
La Fae n’était pas un enfant de chœur. Elle tuait, torturait, propageait des maladies sans vergogne. Cependant, s’il y avait bien un point commun à chacune de ses incartades, il s’agissait du simple fait que la directrice n’agissait jamais dans son propre intérêt. Ceux qui étaient morts de ses mains, qui avaient laissé du sang sur ses doigts, ne s’en prenaient jamais réellement à sa petite personne. Certains attaquaient son orphelinat, d’autres ses proches… Nul ne repartait indemne.
La voix d’une inconnue vint perturber les pensées de la Fae, qui se retourna vers son origine, ne manquant pas de remarquer que Ssisska s’était détachée d’elle. Elle se tenait fièrement, les bras croisés sous sa poitrine, dans une posture défensive qui mit rapidement la puce à l’oreille de la directrice. Le duo ne se trouvait pas en face de n’importe qui. Dahlia croisa ses mains devant son bassin, plantant ses yeux orangés dans celui de la marâtre, cherchant à la décontenancer. La directrice avait un physique d’ange et un regard de démon, des yeux emplis de colère, meurtriers et sans pitié. Ses sourcils légèrement froncés, son menton relevé, elle laissa sa haine la gagner, s’emparer de chacun des membres de son corps, faisant bouillir ses veines. Si la Gorgone la détestait du plus profond de son être, alors elle en ferait de même.
« Je vous en prie, regardez. Admirez ce que vous n’aurez plus jamais. Et rêvez, tant que vous le pouvez, pourriture. ». Elle passa à côté de la propriétaire des lieux, lui donnant un coup d’épaule sur son passage, profondément dédaigneuse. Elle ne la tuerait pas, non, pas tout de suite. Un individu de cette importance méritait plus d’attention, plus de préparation. Elle aurait pu l’éliminer en lui donnant la peste obscure, en savourant sa souffrance et ses supplices de loin, cependant un ennemi pareil méritait un destin bien plus funeste. Et surtout, Dahlia ne se serait pas permis de voler cet honneur à la serpente. Il s’agissait de son histoire, et à l’intérieur du livre de la vie de l’hybride, la directrice n’était qu’un chapitre comme un autre.
Face au regard désemparé de l’hybride, les émotions hostiles qui envahissaient la Fae s’apaisèrent. Ses yeux jaunes fendus de noirs exprimaient une peur, une appréhension palpable. Malheureusement, Dahlia était consciente de ses capacités. Elle ne pourrait l’empêcher de s’effondrer face à ses démons, elle ne pourrait la protéger de tout ce qui se mettrait sur sa route. Ses pouvoirs étaient limités, et ce sentiment d’impuissance la mettait en échec.
S’approchant de la porte en compagnie de l’hybride, elle reste interdite devant ce lieu qui porte tant de souvenirs désastreux, tant de cauchemars pour la Gorgone. Elle observe silencieusement la chambre, le cœur meurtri de voir le visage de sa compagne se décomposer à chaque fois que son regard se pose à un endroit. La crise approche, elle est inévitable. Elle est voulue, elle est calculée. Le Masque est un monstre qui ne mérite qu’une mort lente et intense, pour l’affront qu’il est en train de commettre.
La Fae la suit comme son ombre et lorsque Ssisska commence à tomber, elle la rattrape de justesse par les épaules, empêchant son corps de prendre un énième choc aux genoux. Devant ses spasmes, Dahlia oublie même jusqu’à la présence de l’atrocité qu’elle vient de découvrir et vient la serrer dans ses bras, caressant sa joue tendrement, plaçant son visage juste au-dessus du sien. Elle reste pendant de longues secondes dans un mutisme, caractéristique de son incapacité profonde à ressentir autre chose que la haine et la tristesse. Elle détestait son passé, ce même passé qui l’avait rendue inapte à comprendre le monde qui l’entourait, ce destin atroce qui l’avait pourtant unie à la Gorgone.
« Tu es en sécurité, Ssisska. ». Elle vint poser son front contre le sien, une larme coulant le long de sa joue droite pour arriver dans les écailles du cou de la serpente. « Il ne t’arrivera plus jamais rien. Plus personne ne te touchera sans que tu ne l’acceptes. L’époque où tu étais prisonnière ici est révolue. ». Ses doigts vinrent se faufiler entre les serpents ornant sa tête, comme si elle cherchait également à les apaiser par son toucher. « Tu es la Gorgone, la reine des bas-fonds de Liberty. ». Son cœur se serra à la simple pensée de la perdre ici même, de ne pas pouvoir la sortir de sa torpeur.
« Tu es plus forte que ton passé. Reviens-moi, je t’en prie… ». Dans un soupir, elle souleva lentement le corps inerte de l’hybride pour le réchauffer contre le sien. Ses ailes de Fae vinrent se déployer dans son dos, teintées d’un orange semblable au coucher du soleil et doucement, elles se mirent à envelopper la serpente, changeant progressivement d’une couleur à l’autre en suivant sa respiration. Au milieu de cet enfer, de ce cauchemar sans nom, Dahlia voulait pour Ssisska créer une échappatoire, un arc-en-ciel sous une pluie battante. « J’ai besoin de toi. ».
Invité
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Je me perds dans un océan de ténèbres, mon esprit glissant lentement dans les eaux sombres de mes cauchemars. Cette noirceur s’insinue partout en moi, emportant tout sur son passage, menaçant de me briser à jamais. J’ai l’impression d’étouffer, de ne plus arriver à respirer, et mes tentacules, pourtant habituellement si pleins de vie, retombent, inertes, sur mes épaules. Je ne ressens plus rien qu’un vide immense, mon regard jaune fendu de noir est perdu dans le vague, mon esprit s’est déconnecté de mon corps pour ne plus ressentir cette atroce douleur dans mon bas-ventre, pour tenter d’oublier ces ignobles souvenirs. A quoi bon lutter, autant abandonner, se laisser engloutir et ne plus penser à rien.
Lumière ? Non, pas de la lumière, des couleurs qui percent les ténèbres de mes cauchemars. Un kaléidoscope de couleurs chaudes qui me rappellent quelque chose, cet arc-en-ciel qui égaie un ciel sombre et triste après l’orage. J’essaie de me focaliser sur ces couleurs, elles changent subtilement, elles sont douces et… chaudes ? Non, ce ne sont pas les couleurs qui sont chaudes, c’est… une sensation, agréable, je ressens, de nouveau, alors que mon esprit se reconnecte avec mon corps. La douleur est toujours là, lancinante, prégnante, mais elle est atténuée par l’infinie tendresse que déploie la fée pour me ramener à la vie, pour m’extraire de l’océan de ténèbres dans lequel je me suis perdue. Je ressens, je sens, ses mains qui caresse fébrilement mes tentacules pour essayer de les ranimer, je perçois sa voix si douce à mon oreille, cet aveu troublant « J’ai besoin de toi ». Elle m’enlace, des ses bras, de ses… ailes ? J’ai l’impression d’être dans un cocon, un délicieux cocon, une barrière érigée autour de moi pour me protéger de moi-même, de mes démons, de mes faiblesses, de mon passé.
Et les ténèbres se craquellent, ils s’ouvrent devant la force de cet amour improbable d’une fée pour une serpente. J’ai l’impression que mes cauchemars crient, ils hurlent en se tordant de douleur face à ses rayons de couleur qui semblent les transpercer jusqu’à les chasser, loin, très loin. L’enfer se mue alors en paradis, un paradis fluctuant de violet, d’indigo, de bleu, de vert, de jaune, d’orangé et de rouge qui se mêlent en de délicieuses nuances.
Un frémissement faible dans mes tentacules, ma main qui se pose lentement sur une hanche fragile, le contact timide de mes griffes et ma voix qui n’est plus qu’un souffle.
- Il regarde.
Je le sais, je le sens, il se repaît de nos souffrances, jubile d’imaginer qu’il ait pu me briser. Mais je suis trop faible pour l’affronter, malgré la force que me donne la fée, la douleur est toujours là, mon esprit est embrumé.
- Fait mine de m’abandonner.
Un plan fou, lui faire croire qu’il a gagné, pour l’appâter, l’attirer, le faire sortir de sa cachette. Peut-être une erreur tant je suis affaiblie. Mais je ne suis pas seule, j’ai mon ange protecteur, non, mieux qu’un ange, une fée aux ailes multicolores.
Et le même aveu qui glisse d’entre mes lèvres.
- J’ai besoin de toi…
Lumière ? Non, pas de la lumière, des couleurs qui percent les ténèbres de mes cauchemars. Un kaléidoscope de couleurs chaudes qui me rappellent quelque chose, cet arc-en-ciel qui égaie un ciel sombre et triste après l’orage. J’essaie de me focaliser sur ces couleurs, elles changent subtilement, elles sont douces et… chaudes ? Non, ce ne sont pas les couleurs qui sont chaudes, c’est… une sensation, agréable, je ressens, de nouveau, alors que mon esprit se reconnecte avec mon corps. La douleur est toujours là, lancinante, prégnante, mais elle est atténuée par l’infinie tendresse que déploie la fée pour me ramener à la vie, pour m’extraire de l’océan de ténèbres dans lequel je me suis perdue. Je ressens, je sens, ses mains qui caresse fébrilement mes tentacules pour essayer de les ranimer, je perçois sa voix si douce à mon oreille, cet aveu troublant « J’ai besoin de toi ». Elle m’enlace, des ses bras, de ses… ailes ? J’ai l’impression d’être dans un cocon, un délicieux cocon, une barrière érigée autour de moi pour me protéger de moi-même, de mes démons, de mes faiblesses, de mon passé.
Et les ténèbres se craquellent, ils s’ouvrent devant la force de cet amour improbable d’une fée pour une serpente. J’ai l’impression que mes cauchemars crient, ils hurlent en se tordant de douleur face à ses rayons de couleur qui semblent les transpercer jusqu’à les chasser, loin, très loin. L’enfer se mue alors en paradis, un paradis fluctuant de violet, d’indigo, de bleu, de vert, de jaune, d’orangé et de rouge qui se mêlent en de délicieuses nuances.
Un frémissement faible dans mes tentacules, ma main qui se pose lentement sur une hanche fragile, le contact timide de mes griffes et ma voix qui n’est plus qu’un souffle.
- Il regarde.
Je le sais, je le sens, il se repaît de nos souffrances, jubile d’imaginer qu’il ait pu me briser. Mais je suis trop faible pour l’affronter, malgré la force que me donne la fée, la douleur est toujours là, mon esprit est embrumé.
- Fait mine de m’abandonner.
Un plan fou, lui faire croire qu’il a gagné, pour l’appâter, l’attirer, le faire sortir de sa cachette. Peut-être une erreur tant je suis affaiblie. Mais je ne suis pas seule, j’ai mon ange protecteur, non, mieux qu’un ange, une fée aux ailes multicolores.
Et le même aveu qui glisse d’entre mes lèvres.
- J’ai besoin de toi…
Invité
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Impuissante, Dahlia serrait l’hybride dans ses bras fins, craignant que si elle venait à la lâcher, elle ne parviendrait plus jamais à la faire revenir. Autour du duo, ses ailes s’illuminaient de couleurs chatoyantes, suivant la respiration calme de la Fae. Cette fois, elle ne céderait point à la panique. Elle devait tenir le coup, pour elle, pour Ssisska. Le monstre s’attaquait aux points faibles de la serpente, se délectait de sa souffrance. La directrice ne lui ferait pas ce plaisir. Personne ne s’en prenait à ses proches sans en subir les conséquences et si au départ la serpente n’était qu’une collaboratrice, aujourd’hui leur relation s’était transformée en une union bien plus forte. Une union dévastatrice, le poison et les maladies. Seul un fou aurait tenté de s’en prendre à elle. Et c’était ce qu’était Le Masque, un fou à lier, un personnage macabre dont le sang coulerait bientôt. Le murmure de sa compagne lui arriva jusqu’aux oreilles et le temps sembla s’arrêter.
Elle la regardait tendrement, passant toujours sa main entre les serpents qui ornaient sa tête avec une douceur sans pareille. Si la Gorgone avait eu la moindre idée de la peur la plus profonde de la Fae, elle n’aurait jamais daigné lui demander de commettre un tel affront. L’abandonner alors qu’elle-même craignait plus l’abandon que la mort, la laisser à son triste sort… Même s’il ne s’agissait que d’une supercherie, même si elle reviendrait à l’instant où leur ennemi commun sortait de sa cachette, Dahlia resta muette et paralysée pendant plusieurs secondes. Les mots restaient bloqués dans sa gorge, incapable de formuler son dégoût profond pour l’atrocité que Ssisska lui demandait de commettre. Le temple des souffrances de la serpente commençait à resserrer son étreinte malsaine sur la jeune femme à la chevelure dorée qui avala sa salive, avant de prendre une grande respiration.
Elle déposa lentement le corps inerte de l’hybride sur le plancher, essuyant une larme du revers de la main. Dans un geste brusque, Dahlia se releva, saisissant le dernier message du Masque et s’approcha de la fenêtre de la chambre, qu’elle ouvrit pour laisser entrer de l’air frais. Elle se dirigea ensuite vers la porte de l’enfer et saisit la poignée pour l’enclencher, disparaissant dans les méandres du bordel, abandonnant derrière elle une des seules amies qu’elle possédait réellement. Le cœur en miettes, elle descendit les escaliers et emprunta une ruelle adjacente, vérifiant méthodiquement qu’elle n’était pas suivie. Le Masque ne prendrait pas le risque de la poursuivre en laissant la serpente sans surveillance. Il sortirait de sa cachette, et elle serait prête à l’affronter. Tout du moins c’est ce dont elle voulait se convaincre.
Quelques minutes après le départ de la demoiselle ailée, il apparut. Sortant de l’ombre, il claqua un doigt de sa main libre, l’autre étant appuyée sur une canne qui faisait vibrer le sol à chacun de ses pas. L’illusion de la chambre de Ssisska s’évapora complètement, ne laissant place qu’à une pièce miteuse dépourvue de toutes les fioritures placées pour rappeler à la serpente ses plus anciens traumatismes. Il s’approcha lentement de l’hybride, s’agenouillant devant elle pour la surplomber, son masque cachant un sourire que l’on pouvait deviner aisément au ton de sa voix. « Tu choisis mal tes alliés, Gorgone. ». Un petit rire s’échappa de sa bouche. « Je ne te blâme pas. Cette Fae cache bien son jeu. Personne ne peut lui faire confiance, pas même toi. Ta grande amie t’a abandonnée, comme tous les autres. ».
Le Masque leva sa main pour la déposer sur la joue de Ssisska quand un violent mal de tête le fit tanguer en arrière. Il grimaça, activant son bouclier psychique pour faire disparaître la douleur qui le tourmentait, sans prendre la peine de se retourner. Dahlia se tenait debout sur le rebord de la fenêtre, ailes battantes, dague en main. Elle sauta du rebord pour atterrir élégamment sur le sol, le pointant de sa lame. « Tu aurais mieux fait de rester tapi dans l’ombre. ». L’ennemi se retourna enfin, toisant la directrice du regard, un autre rire s’échappant de son masque. « Et qu’est-ce que tu vas faire, ma belle Fae ? Sans ta petite magie de l’esprit, tu n’as rien. ». Elle fronça les sourcils. Le Masque était hautain, profondément arrogant, néanmoins il n’avait pas tort. S’il résistait aux attaques mentales, alors elle se retrouvait démunie. « Oh, je sais. Tu vas me rendre malade. Me tuer, comme tes parents ? Erik et Mariette, si tu t’en souviens encore. Quelle tragédie, massacrés par leur propre fille. ».
La main de Dahlia se resserra sur son arme et ses membres se mirent à trembler de colère. Il avait osé. Emportée par la tornade crée par sa rage insatiable, la Fae se mit à courir vers Le Masque pour le planter. Elle ne voyait plus que son corps, n’imaginait plus que son visage qu’elle rendrait méconnaissable tant elle le déchiquèterait. Le Masque disparut dans une fumée épaisse à l’instant où sa lame vint trancher sa peau, apparaissant à nouveau de l’autre côté de la pièce, ne riant que de plus belle face aux tentatives de celle qu’on appelait autrefois « la bienveillante ». Muée par sa haine ainsi que par sa culpabilité profonde, la jeune femme tomba face à ses démons, incapable de retrouver son calme, ne voyant plus que la mort pour apaiser le chagrin qui faisait bouger son corps à sa place. Elle continuait de le suivre, lui assénant coup sur coup sans jamais l’atteindre, s’épuisant à chaque fois un peu plus, des larmes coulant inlassablement sur ses joues. « Ne prononce plus jamais leurs noms ! Je te tuerai, je te retrouverai, où que tu ailles, quoi que tu fasses ! ».
Elle la regardait tendrement, passant toujours sa main entre les serpents qui ornaient sa tête avec une douceur sans pareille. Si la Gorgone avait eu la moindre idée de la peur la plus profonde de la Fae, elle n’aurait jamais daigné lui demander de commettre un tel affront. L’abandonner alors qu’elle-même craignait plus l’abandon que la mort, la laisser à son triste sort… Même s’il ne s’agissait que d’une supercherie, même si elle reviendrait à l’instant où leur ennemi commun sortait de sa cachette, Dahlia resta muette et paralysée pendant plusieurs secondes. Les mots restaient bloqués dans sa gorge, incapable de formuler son dégoût profond pour l’atrocité que Ssisska lui demandait de commettre. Le temple des souffrances de la serpente commençait à resserrer son étreinte malsaine sur la jeune femme à la chevelure dorée qui avala sa salive, avant de prendre une grande respiration.
Elle déposa lentement le corps inerte de l’hybride sur le plancher, essuyant une larme du revers de la main. Dans un geste brusque, Dahlia se releva, saisissant le dernier message du Masque et s’approcha de la fenêtre de la chambre, qu’elle ouvrit pour laisser entrer de l’air frais. Elle se dirigea ensuite vers la porte de l’enfer et saisit la poignée pour l’enclencher, disparaissant dans les méandres du bordel, abandonnant derrière elle une des seules amies qu’elle possédait réellement. Le cœur en miettes, elle descendit les escaliers et emprunta une ruelle adjacente, vérifiant méthodiquement qu’elle n’était pas suivie. Le Masque ne prendrait pas le risque de la poursuivre en laissant la serpente sans surveillance. Il sortirait de sa cachette, et elle serait prête à l’affronter. Tout du moins c’est ce dont elle voulait se convaincre.
Quelques minutes après le départ de la demoiselle ailée, il apparut. Sortant de l’ombre, il claqua un doigt de sa main libre, l’autre étant appuyée sur une canne qui faisait vibrer le sol à chacun de ses pas. L’illusion de la chambre de Ssisska s’évapora complètement, ne laissant place qu’à une pièce miteuse dépourvue de toutes les fioritures placées pour rappeler à la serpente ses plus anciens traumatismes. Il s’approcha lentement de l’hybride, s’agenouillant devant elle pour la surplomber, son masque cachant un sourire que l’on pouvait deviner aisément au ton de sa voix. « Tu choisis mal tes alliés, Gorgone. ». Un petit rire s’échappa de sa bouche. « Je ne te blâme pas. Cette Fae cache bien son jeu. Personne ne peut lui faire confiance, pas même toi. Ta grande amie t’a abandonnée, comme tous les autres. ».
Le Masque leva sa main pour la déposer sur la joue de Ssisska quand un violent mal de tête le fit tanguer en arrière. Il grimaça, activant son bouclier psychique pour faire disparaître la douleur qui le tourmentait, sans prendre la peine de se retourner. Dahlia se tenait debout sur le rebord de la fenêtre, ailes battantes, dague en main. Elle sauta du rebord pour atterrir élégamment sur le sol, le pointant de sa lame. « Tu aurais mieux fait de rester tapi dans l’ombre. ». L’ennemi se retourna enfin, toisant la directrice du regard, un autre rire s’échappant de son masque. « Et qu’est-ce que tu vas faire, ma belle Fae ? Sans ta petite magie de l’esprit, tu n’as rien. ». Elle fronça les sourcils. Le Masque était hautain, profondément arrogant, néanmoins il n’avait pas tort. S’il résistait aux attaques mentales, alors elle se retrouvait démunie. « Oh, je sais. Tu vas me rendre malade. Me tuer, comme tes parents ? Erik et Mariette, si tu t’en souviens encore. Quelle tragédie, massacrés par leur propre fille. ».
La main de Dahlia se resserra sur son arme et ses membres se mirent à trembler de colère. Il avait osé. Emportée par la tornade crée par sa rage insatiable, la Fae se mit à courir vers Le Masque pour le planter. Elle ne voyait plus que son corps, n’imaginait plus que son visage qu’elle rendrait méconnaissable tant elle le déchiquèterait. Le Masque disparut dans une fumée épaisse à l’instant où sa lame vint trancher sa peau, apparaissant à nouveau de l’autre côté de la pièce, ne riant que de plus belle face aux tentatives de celle qu’on appelait autrefois « la bienveillante ». Muée par sa haine ainsi que par sa culpabilité profonde, la jeune femme tomba face à ses démons, incapable de retrouver son calme, ne voyant plus que la mort pour apaiser le chagrin qui faisait bouger son corps à sa place. Elle continuait de le suivre, lui assénant coup sur coup sans jamais l’atteindre, s’épuisant à chaque fois un peu plus, des larmes coulant inlassablement sur ses joues. « Ne prononce plus jamais leurs noms ! Je te tuerai, je te retrouverai, où que tu ailles, quoi que tu fasses ! ».
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