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Le soleil s’était couché sur les toits de Hoffenburg, petite ville de campagne en bord de route à quarante lieues de Liberty. Progressivement, les rues s’étaient vidées à l’exception des ruelles attenantes à l’unique taverne de la ville, dont les clients entraient à jeun et ressortaient égayés par le bon vivre et la boisson. Les fenêtres de la taverne luisaient dans la nuit à la flambée du feu de cheminée et des bougies, quelques soulards titubaient au-devant, des groupes de jeunes gens riaient bruyamment, et des couples en ressortaient en se tenant tantôt par la taille, tantôt par la main.
A l’intérieur on n’entendait qu’un brouhaha, des rires et des verres qui s’entrechoquaient. Quelques voyageurs silencieux mangeaient encore des plats chauds et copieux dans des assiettes de terre cuite, tandis que des ouvriers fatigués partageaient boissons et plaisanteries grivoises. Le mauvais vin coulait à flot, et les discussions allaient bon train dans une humeur de convivialité générale.
Dans un coin de la salle, un groupe d’hommes entourait un jeu de table exposant diverses billes de bois coloré, et s’exclamait haut et fort chaque fois qu’elles s’entrechoquaient. Tous parlaient bruyamment avec une queue de bois ou une pinte à la main. Certains faisaient de grands gestes en désignant sur la table deux billes qui venaient de se percuter, d’autres secouaient la tête en signe de désaccord.
Le plus agité de tous, un jeune bourgeois - peut-être étudiant et certainement fils de médecin ou d’avocat - dont l’habit et les manières détonnaient au milieu de ses camarades de jeu, semblait bien loin de ses cafés mondains.
La table de jeu qui accaparait leur attention était un imposant meuble de bois aux bords arrondis et dont la surface était tapissée de vert. Ses deux plus côtés les plus longs étaient agrémentés d’un tissu de même couleur que le tapis de jeu, qui tombait des deux côtés comme des rideaux. Dans le sens de la largeur, point de rideaux mais des panneaux de bois solide munis de poignées de fer. Sur un coin se trouvait une montre à gousset en or et une bourse bedonnante, de l’autre des gobelets de vin à moitié vide.
- Bressac ! Entendit-on hurler subitement.
Le brouhaha s’estompa, faisant presque aussitôt silence autour des joueurs. Le bourgeois pointait du doigt un homme à l’épaisse tignasse brune, dont les manches de chemise étaient retroussées, et qui riait allègrement.
- Tu ne peux pas gagner trois fois de suite comme ça ! C’est impossible !
Les autres hommes éclatèrent de rire, mais le bourgeois écumait de rage et ne quittait pas son adversaire des yeux.
- Tu ris ? On va laisser la police régler ça !
Son interlocuteur haussa les épaules, surpris.
- Soyez bon perdant, mon ami. Qu’allez-vous dire ? Que vous avez joué votre argent dans une taverne ?
Cette réponse fut suivie d’une hilarité générale. De son côté, le jeune homme, qui n’avait décidément pas froid aux yeux, semblait avoir atteint le stade où la colère dépasse la raison.
- Je sais que tu triches ! Tout le monde le sait ! Accusa-t-il, cherchant en vain des regards approbateurs dans l’assemblée.
Son interlocuteur leva les mains en signe d’apaisement.
- Allons ! Restons courtois et évitons les mots qui fâchent. Du reste, croyez-vous devoir faire une scène pour si peu ?
La partie tournait à l’esclandre, et le jeune bourgeois, se tournant en tous sens, ne savait plus qui accuser.
- Ces coquins sont de mèche avec toi. Escrocs ! Tous autant que vous êtes !
Le petit groupe s’embrasa, chacun s’accusant ou se menaçant mutuellement, et en arriva bientôt aux provocations et bousculades. Honorant leur distraction, Bressac ramassa tranquillement sa bourse ainsi que la montre qu’il venait fort loyalement de gagner et se dirigea vers le bar. Le bourgeois, qui avait déjà échangé quelques coups avec deux autres personnes, s’était extrait de la cohue et empoigna Bressac par le col. Malheureusement pour lui, les deux autres qu’il venait de cogner le rattrapèrent aussitôt et leur altercation se poursuivit dans la rue. Pour ceux qui étaient restés dans la taverne, l’incident était clos.
Bressac rajusta son col et ses manches de chemise et se joignit à la joyeuse compagnie qui était restée au bar pour y commander une bière.
A l’intérieur on n’entendait qu’un brouhaha, des rires et des verres qui s’entrechoquaient. Quelques voyageurs silencieux mangeaient encore des plats chauds et copieux dans des assiettes de terre cuite, tandis que des ouvriers fatigués partageaient boissons et plaisanteries grivoises. Le mauvais vin coulait à flot, et les discussions allaient bon train dans une humeur de convivialité générale.
Dans un coin de la salle, un groupe d’hommes entourait un jeu de table exposant diverses billes de bois coloré, et s’exclamait haut et fort chaque fois qu’elles s’entrechoquaient. Tous parlaient bruyamment avec une queue de bois ou une pinte à la main. Certains faisaient de grands gestes en désignant sur la table deux billes qui venaient de se percuter, d’autres secouaient la tête en signe de désaccord.
Le plus agité de tous, un jeune bourgeois - peut-être étudiant et certainement fils de médecin ou d’avocat - dont l’habit et les manières détonnaient au milieu de ses camarades de jeu, semblait bien loin de ses cafés mondains.
La table de jeu qui accaparait leur attention était un imposant meuble de bois aux bords arrondis et dont la surface était tapissée de vert. Ses deux plus côtés les plus longs étaient agrémentés d’un tissu de même couleur que le tapis de jeu, qui tombait des deux côtés comme des rideaux. Dans le sens de la largeur, point de rideaux mais des panneaux de bois solide munis de poignées de fer. Sur un coin se trouvait une montre à gousset en or et une bourse bedonnante, de l’autre des gobelets de vin à moitié vide.
- Bressac ! Entendit-on hurler subitement.
Le brouhaha s’estompa, faisant presque aussitôt silence autour des joueurs. Le bourgeois pointait du doigt un homme à l’épaisse tignasse brune, dont les manches de chemise étaient retroussées, et qui riait allègrement.
- Tu ne peux pas gagner trois fois de suite comme ça ! C’est impossible !
Les autres hommes éclatèrent de rire, mais le bourgeois écumait de rage et ne quittait pas son adversaire des yeux.
- Tu ris ? On va laisser la police régler ça !
Son interlocuteur haussa les épaules, surpris.
- Soyez bon perdant, mon ami. Qu’allez-vous dire ? Que vous avez joué votre argent dans une taverne ?
Cette réponse fut suivie d’une hilarité générale. De son côté, le jeune homme, qui n’avait décidément pas froid aux yeux, semblait avoir atteint le stade où la colère dépasse la raison.
- Je sais que tu triches ! Tout le monde le sait ! Accusa-t-il, cherchant en vain des regards approbateurs dans l’assemblée.
Son interlocuteur leva les mains en signe d’apaisement.
- Allons ! Restons courtois et évitons les mots qui fâchent. Du reste, croyez-vous devoir faire une scène pour si peu ?
La partie tournait à l’esclandre, et le jeune bourgeois, se tournant en tous sens, ne savait plus qui accuser.
- Ces coquins sont de mèche avec toi. Escrocs ! Tous autant que vous êtes !
Le petit groupe s’embrasa, chacun s’accusant ou se menaçant mutuellement, et en arriva bientôt aux provocations et bousculades. Honorant leur distraction, Bressac ramassa tranquillement sa bourse ainsi que la montre qu’il venait fort loyalement de gagner et se dirigea vers le bar. Le bourgeois, qui avait déjà échangé quelques coups avec deux autres personnes, s’était extrait de la cohue et empoigna Bressac par le col. Malheureusement pour lui, les deux autres qu’il venait de cogner le rattrapèrent aussitôt et leur altercation se poursuivit dans la rue. Pour ceux qui étaient restés dans la taverne, l’incident était clos.
Bressac rajusta son col et ses manches de chemise et se joignit à la joyeuse compagnie qui était restée au bar pour y commander une bière.
Citoyen du monde
Altarus Aearon
Messages : 414
crédits : 1476
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Info personnage
Race: Humain-elfe
Vocation: Guerrier combattant
Alignement: Loyal neutre
Rang: C
Une légère brise fraîche passa vivement dans les rues de la petite bourgade campagnarde, chassant les derniers brins de chaleurs qui s'accrochaient encore à la surface des murs, après avoir été baigné de la lumière chaleureuse du soleil. Dans son petit passage, le petit mouvement aérien souleva les pans abîmés d'une longue pèlerine. Une main gantée de cuir noir retint la partie supérieure, qui s'apprêtait à virevolter à son tour. Dans un soupir fatigué, le voyageur hésitait à avancer en direction de la taverne. Des rires et des éclats de voix résonnaient en son sein. Pour qui cherchait un recoin reposant et tranquille, ce n'était pas là-dedans qu'il fallait espérer en trouver. Le demi-elfe fixait encore la vive animation des clients. Ses épaules s'affaissèrent. Dormir était tout ce qu'il aspirait. Quoi de plus normal après avoir voyagé plusieurs jours, voir un ou deux de plus encore, il n'avait pas compté, et ce, depuis Liberty.
Jusqu'ici, il n'avait fait que dormir là où il pouvait et de manger quelques rations froides ou des morceaux de viande séchée. Cette fois, il avait besoin d'un bon repas chaud. Il avait été habitué à manger ce qu'il avait sous la main, c'est-à-dire pas grand-chose. Mais il y avait des limites. Ses brûlures étaient loin d'être guéries encore. Et marcher comme il le faisait l'épuisait plus que prévu. Il était endurant, mais en mer, pas sur terre. Rien que de songer qu'il avait mis plus d'une semaine à ne plus ressentir le malaise du mal de terre... il frémit. Soupirant une nouvelle fois, il savait qu'il avait besoin de manger quelque chose de plus consistant. Un bon repas chaud le poussait à reconsidérer son hésitation.
Indécis, il fixait encore par les fenêtres l'ambiance joyeuse et enivrée de cette taverne. Ah, tiens, ca braillait sur un autre ton maintenant. Il crut voir un début de rixe... Un instant, il manqua de passer son chemin, avant de voir que la suite de la bagarre se poursuivit dans la rue, non loin de sa position. La porte s'était ouverte d'un coup, avant qu'un corps gesticulant n'y passa à moitié poussé par d'autres gaillards. Altarus ne s'attarda sur les excités du soir, profitant que la porte demeurée ouverte pour entrer dans la taverne.
L'odeur d'alcool et de sueur fut la première chose qui assaillit ses narines. Se retenant de grimacer, il balaya la salle commune à la recherche d'une table pour être tranquille dans son coin. La chance fut pour lui, quand un duo d'ouvriers agricoles, encore en tenue de travail et quelques fétus de paille collés à leurs mèches, quittèrent celle de coin non loin du feu qui crépitait joyeusement dans son âtre de pierre. Quelques clients fixaient le nouveau venu, vêtus de pied en cap d'une pèlerine grise aux bords élimés. La capuche masquait en partie son visage, mais à la lumière mouvante du feu tout proche de là où il s'installa, on pouvait discerner quelques traits d'un homme d'un certain âge, avec la moitié gauche de son visage pansé par de fines bandes blanches de lin. Un seul oeil était visible, luisant d'un reflet farouche.
Un des buveurs se demandait si c'était là un vagabond, ou encore un de ces loqueteux de Shoumei qui n'avait toujours pas trouvé sa place au sein de la République. Mais un regard averti verra que l'errant avait une posture autre que celle d'une âme en peine. Malgré son épuisement, Altarus gardait toujours une posture droite et digne. D'une main, il attira l'attention du tavernier, histoire qu'il envoie à lui une servante ou un gosse pour passer commande. Il était hors de question pour lui de se lever, maintenant qu'il était assis. Tous ses muscles raides savouraient le repos mérité...
Jusqu'ici, il n'avait fait que dormir là où il pouvait et de manger quelques rations froides ou des morceaux de viande séchée. Cette fois, il avait besoin d'un bon repas chaud. Il avait été habitué à manger ce qu'il avait sous la main, c'est-à-dire pas grand-chose. Mais il y avait des limites. Ses brûlures étaient loin d'être guéries encore. Et marcher comme il le faisait l'épuisait plus que prévu. Il était endurant, mais en mer, pas sur terre. Rien que de songer qu'il avait mis plus d'une semaine à ne plus ressentir le malaise du mal de terre... il frémit. Soupirant une nouvelle fois, il savait qu'il avait besoin de manger quelque chose de plus consistant. Un bon repas chaud le poussait à reconsidérer son hésitation.
Indécis, il fixait encore par les fenêtres l'ambiance joyeuse et enivrée de cette taverne. Ah, tiens, ca braillait sur un autre ton maintenant. Il crut voir un début de rixe... Un instant, il manqua de passer son chemin, avant de voir que la suite de la bagarre se poursuivit dans la rue, non loin de sa position. La porte s'était ouverte d'un coup, avant qu'un corps gesticulant n'y passa à moitié poussé par d'autres gaillards. Altarus ne s'attarda sur les excités du soir, profitant que la porte demeurée ouverte pour entrer dans la taverne.
L'odeur d'alcool et de sueur fut la première chose qui assaillit ses narines. Se retenant de grimacer, il balaya la salle commune à la recherche d'une table pour être tranquille dans son coin. La chance fut pour lui, quand un duo d'ouvriers agricoles, encore en tenue de travail et quelques fétus de paille collés à leurs mèches, quittèrent celle de coin non loin du feu qui crépitait joyeusement dans son âtre de pierre. Quelques clients fixaient le nouveau venu, vêtus de pied en cap d'une pèlerine grise aux bords élimés. La capuche masquait en partie son visage, mais à la lumière mouvante du feu tout proche de là où il s'installa, on pouvait discerner quelques traits d'un homme d'un certain âge, avec la moitié gauche de son visage pansé par de fines bandes blanches de lin. Un seul oeil était visible, luisant d'un reflet farouche.
Un des buveurs se demandait si c'était là un vagabond, ou encore un de ces loqueteux de Shoumei qui n'avait toujours pas trouvé sa place au sein de la République. Mais un regard averti verra que l'errant avait une posture autre que celle d'une âme en peine. Malgré son épuisement, Altarus gardait toujours une posture droite et digne. D'une main, il attira l'attention du tavernier, histoire qu'il envoie à lui une servante ou un gosse pour passer commande. Il était hors de question pour lui de se lever, maintenant qu'il était assis. Tous ses muscles raides savouraient le repos mérité...
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Au bar, un marchand joufflu et son épouse, beaucoup plus jeune, honoraient Bressac de leur compagnie. Le mari dut faire quelque plaisanterie osée car tandis que Bressac en riait de bon cœur, sa femme lui tapa sur le bras, cachant elle-même difficilement son hilarité. Face à eux, le tavernier, quadragénaire au front luisant et à l’air maussade, les écoutait sans rire et essuyait des verres avec son chiffon.
Mais derrière ses manières au demeurant fort aimables et amicales, Bressac était préoccupé. Il lui était malheureusement inutile de chercher un nouvel adversaire parmi ceux qui avaient assisté à la rouste qu’il venait d’infliger au jeu au jeune bourgeois. Il ne pouvait pas non-plus se contenter de ses gains de la soirée, qui se résumaient à une montre en or et quelques pièces d’argent. Il pourrait certes en tirer deux, peut-être trois pièces d’or s’il négociait correctement, mais l’ensemble des bénéfices qu’il avait réalisés jusqu’ici était loin de couvrir les dettes qu’il avait contractées. Il avait en effet employé sa maigre fortune en apport d’un crédit, contracté auprès de gens pour le moins douteux, de huit pièces d’or, à un taux d’intérêt exorbitant qu’il lui fallait désormais rembourser avant la fin de la semaine. Le tavernier, dont il avait acheté la complicité quelques jours auparavant, lui avait extorqué pas moins de deux pièces d’or, et la table de jeu qu’il avait faite fabriquer sur-mesure lui en avait coûté quatre. Les deux restantes lui avaient servi à se vêtir, se loger, se nourrir, et acheter la coopération d’un second complice qui s’était habilement dissimulé quelque part ailleurs dans la taverne.
Périodiquement, Bressac jetait donc un œil attentif en direction de l’entrée pour repérer de potentiels clients parmi les nouveaux arrivants. Il finit par remarquer, non-loin du feu, un homme vêtu d’une pèlerine sombre qui était assis seul. Il venait probablement d’arriver car il n’avait devant lui ni plat ni boisson, et il devait avoir été suffisamment discret pour que Bressac ne l’ait pas vu entrer. Une barbe blanche, quelques rides, et des bandages masquaient la partie gauche de son visage. Sous l’ombre de sa capuche, la lumière dansante du feu qui crépitait dans l’âtre révélait par moments un œil sévère. A en juger par son aspect et la droiture de son maintien, il semblait être un solide gaillard qui n’avait pas été choyé par la vie, ce que Bressac pouvait respecter.
Le tavernier remarqua bientôt le geste du voyageur et acquiesça pour signaler qu’il s’occupait de lui. Il ramassa les pots de vin et des pintes vides qui étaient restés sur le bar et essuya le bar non-loin de Bressac. N’ayant rien manqué de la scène, ce dernier glissa deux pièces d’argent sur le bois usé du bar et les glissa en direction du tavernier.
Approchant de l’homme solitaire, le tavernier se plaça à côté de lui, son fidèle chiffon sur le bras. Une cuiller, un plat fumant et une chope de bière se posèrent sur la table devant lui.
« De la part du Monsieur au bar », indiqua-t-il en désignant plus loin Bressac qui le salua d’un hochement de tête en levant sa chope.
Mais derrière ses manières au demeurant fort aimables et amicales, Bressac était préoccupé. Il lui était malheureusement inutile de chercher un nouvel adversaire parmi ceux qui avaient assisté à la rouste qu’il venait d’infliger au jeu au jeune bourgeois. Il ne pouvait pas non-plus se contenter de ses gains de la soirée, qui se résumaient à une montre en or et quelques pièces d’argent. Il pourrait certes en tirer deux, peut-être trois pièces d’or s’il négociait correctement, mais l’ensemble des bénéfices qu’il avait réalisés jusqu’ici était loin de couvrir les dettes qu’il avait contractées. Il avait en effet employé sa maigre fortune en apport d’un crédit, contracté auprès de gens pour le moins douteux, de huit pièces d’or, à un taux d’intérêt exorbitant qu’il lui fallait désormais rembourser avant la fin de la semaine. Le tavernier, dont il avait acheté la complicité quelques jours auparavant, lui avait extorqué pas moins de deux pièces d’or, et la table de jeu qu’il avait faite fabriquer sur-mesure lui en avait coûté quatre. Les deux restantes lui avaient servi à se vêtir, se loger, se nourrir, et acheter la coopération d’un second complice qui s’était habilement dissimulé quelque part ailleurs dans la taverne.
Périodiquement, Bressac jetait donc un œil attentif en direction de l’entrée pour repérer de potentiels clients parmi les nouveaux arrivants. Il finit par remarquer, non-loin du feu, un homme vêtu d’une pèlerine sombre qui était assis seul. Il venait probablement d’arriver car il n’avait devant lui ni plat ni boisson, et il devait avoir été suffisamment discret pour que Bressac ne l’ait pas vu entrer. Une barbe blanche, quelques rides, et des bandages masquaient la partie gauche de son visage. Sous l’ombre de sa capuche, la lumière dansante du feu qui crépitait dans l’âtre révélait par moments un œil sévère. A en juger par son aspect et la droiture de son maintien, il semblait être un solide gaillard qui n’avait pas été choyé par la vie, ce que Bressac pouvait respecter.
Le tavernier remarqua bientôt le geste du voyageur et acquiesça pour signaler qu’il s’occupait de lui. Il ramassa les pots de vin et des pintes vides qui étaient restés sur le bar et essuya le bar non-loin de Bressac. N’ayant rien manqué de la scène, ce dernier glissa deux pièces d’argent sur le bois usé du bar et les glissa en direction du tavernier.
Approchant de l’homme solitaire, le tavernier se plaça à côté de lui, son fidèle chiffon sur le bras. Une cuiller, un plat fumant et une chope de bière se posèrent sur la table devant lui.
« De la part du Monsieur au bar », indiqua-t-il en désignant plus loin Bressac qui le salua d’un hochement de tête en levant sa chope.
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Altarus Aearon
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Le borgne soupira des tensions musculaires qui faisaient trembler certains de ses muscles. La prochaine, il essaiera de mieux préparer son voyage, en louant un chariot et de quoi rentabiliser le déplacement. Quelle idée saugrenue de voyager de la sorte et à pied... Il se rembrunit en se rappelant les raisons, fermant un instant sa seule paupière. Il n'avait pas encore eu l'information si la République avait établi une liste des pirates à capturer. Il était connu comme armateur de base. Mais depuis que l'ennemi avait assis son autorité sur Kaizoku, qui sait comment les informations étaient exploitées... Il savait que bon nombre de connaissances pirates susceptibles d'avoir la langue trop pendue étaient morts dans l'offensive navale. Mais étaient-ils réellement tous morts, comme il l'avait pu apprendre durant sa traversée pour rejoindre le continent ? Rien n'était certain. Jusqu'ici, il n'y avait pas de mise à prix, pas d'affiches placardées dans les villes et villages républicains. Et pour ce qui était des Limiers ? Altarus préféra chasser ces sombres idées. Déjà qu'il avait veillé à communiquer avec ses seconds, qui commandaient ses bricks durant son absence. Maintenir ses affaires principales étaient primordiales, autant pour lui que pour ses équipages. Il avait déjà envoyé plusieurs missives pour donner des consignes et quelques opportunités commerciales pour rebondir après les conséquences qu'engendrait la République. Ses bricks commerciaux et ses hommes ne pouvaient pas rester sans travail. Ils devaient naviguer, et transporter des marchandises. Du temps... il faudra du temps pour retrouver un équilibre... Là où il avait un goût amer était qu'il devrait désormais composer avec cette foutue nation qui se disait au service de ses concitoyens. Quelle hypocrisie !
Peut-être que s'il se remettait à bord d'un de ses navires, ou même à bord du Cetus, il pourrait les emmerder un peu. Embarquer à bord... Il frémit à cette idée, manquant de sombrer dans son terrible naufrage. Lâchant un nouveau soupir, il manqua de sursauter quand le tavernier apporta en personne un plat fumant à l'odeur alléchante et une chope de bière. Un instant, il lorgna le tavernier. Il ne se rappelait pas avoir précisé ce qu'il voulait. Comme si le tenancier avait lu dans ses songes, il désigna celui qui lui offrait ce repas. Son oeil bleu solitaire se braqua alors sur l'individu, qui se signala en levant sa chope pleine. Un jeune homme dans la fleur de l'âge... À se demander pourquoi il lui avait commandé de quoi se sustenter et s'abreuver. Altarus n'était pas vraiment dupe, malgré son épuisement tant physique que mental, il y avait quelque chose derrière qui arrivera en contrepartie.
Il attrapa la manche du tavernier avant que celui-ci ne s'en retourne à ses autres commandes.
''Demande lui de se joindre à ma table... "
L'homme grommela, mais finit par hausser des épaules. Il accepta. Cela lui libérera une place pour un possible client assoiffé. Le temps que le jeunot vienne le rejoindre, il lorgna le contenu de son plat. Des morceaux de poulet baignant dans un bouillon crémeux, accompagnés de morceaux de carottes et de pommes de terre. Plus habitué à se sustenter des produits de la mer, il ne fit pas la fine bouche, saisit la cuillère et goutta une première bouchée. Son estomac se tordit de famine dès qu'il mastiqua les premiers morceaux. Par les abysses, il ne s'était même pas rendu compte à quel point il était affamé. L'Elfe Médecin qui l'avait trouvé et soigné avait fortement insisté à ce qu'il se nourrisse, même quand il n'avait pas faim. Pas étonnant qu'il était éreinté de son voyage d'aujourd'hui.
Il sut se retenir de pas se jeter sur le contenu son assiette pour répondre à ses besoins primaires. Entretemps, le jeune inconnu était venu le rejoindre. Altarus posa sa cuillère, pour se concentrer sur la conversation.
Après l'avoir salué d'un hochement de tête, il le regarda silencieusement, durant quelques secondes.
''Je tenais à vous remercier pour votre générosité... et pardonnez-moi le déplacement que je vous ai imposé, mais j'aimerais connaître les véritables raisons de votre geste..."
Le demi-elfe était direct. D'expérience, il savait que ce genre de geste était loin d'être désintéressé...
Peut-être que s'il se remettait à bord d'un de ses navires, ou même à bord du Cetus, il pourrait les emmerder un peu. Embarquer à bord... Il frémit à cette idée, manquant de sombrer dans son terrible naufrage. Lâchant un nouveau soupir, il manqua de sursauter quand le tavernier apporta en personne un plat fumant à l'odeur alléchante et une chope de bière. Un instant, il lorgna le tavernier. Il ne se rappelait pas avoir précisé ce qu'il voulait. Comme si le tenancier avait lu dans ses songes, il désigna celui qui lui offrait ce repas. Son oeil bleu solitaire se braqua alors sur l'individu, qui se signala en levant sa chope pleine. Un jeune homme dans la fleur de l'âge... À se demander pourquoi il lui avait commandé de quoi se sustenter et s'abreuver. Altarus n'était pas vraiment dupe, malgré son épuisement tant physique que mental, il y avait quelque chose derrière qui arrivera en contrepartie.
Il attrapa la manche du tavernier avant que celui-ci ne s'en retourne à ses autres commandes.
''Demande lui de se joindre à ma table... "
L'homme grommela, mais finit par hausser des épaules. Il accepta. Cela lui libérera une place pour un possible client assoiffé. Le temps que le jeunot vienne le rejoindre, il lorgna le contenu de son plat. Des morceaux de poulet baignant dans un bouillon crémeux, accompagnés de morceaux de carottes et de pommes de terre. Plus habitué à se sustenter des produits de la mer, il ne fit pas la fine bouche, saisit la cuillère et goutta une première bouchée. Son estomac se tordit de famine dès qu'il mastiqua les premiers morceaux. Par les abysses, il ne s'était même pas rendu compte à quel point il était affamé. L'Elfe Médecin qui l'avait trouvé et soigné avait fortement insisté à ce qu'il se nourrisse, même quand il n'avait pas faim. Pas étonnant qu'il était éreinté de son voyage d'aujourd'hui.
Il sut se retenir de pas se jeter sur le contenu son assiette pour répondre à ses besoins primaires. Entretemps, le jeune inconnu était venu le rejoindre. Altarus posa sa cuillère, pour se concentrer sur la conversation.
Après l'avoir salué d'un hochement de tête, il le regarda silencieusement, durant quelques secondes.
''Je tenais à vous remercier pour votre générosité... et pardonnez-moi le déplacement que je vous ai imposé, mais j'aimerais connaître les véritables raisons de votre geste..."
Le demi-elfe était direct. D'expérience, il savait que ce genre de geste était loin d'être désintéressé...
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Jean était encore au bar lorsque le tavernier vint lui faire signe que son stratagème avait fonctionné. Il se rendit donc, titubant légèrement, à la table de l’inconnu qui le remercia de son geste et lui en demanda fort poliment les raisons. Bressac s’assit aussitôt à sa table, l’air aussi jovial qu’éméché, posant sa chope devant lui.
- Puisque vous me demandez de parler franchement, Monsieur, mes raisons sont fort simples et j’ai de vous à moi presque honte de les confesser. Le fait est que j’ai de l’argent et que vous me sembliez homme à apprécier un plat chaud et une boisson fraîche. Apprenez que j’ai consacré jusqu’à présent l’entièreté de mon existence à développer les modestes investissements de mon père pour bâtir peu à peu une fortune que je ne sais aujourd’hui plus comment dépenser. Mais après avoir travaillé nuit et jour et pendant tant d’années, je souffre aujourd’hui d’une solitude qui m’est tout simplement devenue infernale. Aussi je passe mon temps à boire et me lier d’amitié avec des inconnus, ainsi qu’à perdre mon argent au billard, noble jeu auquel je suis si maladroit qu’il n’est guère possible de ne pas gagner contre moi, même en le voulant expressément. Peut-être aurez-vous l’occasion de le constater si nous disputons quelque partie tout à l’heure. En attendant vous comprenez mieux, Monsieur, pourquoi j’étais honteux de vous exposer mes raisons ; mais je constate que la bière et le vin sont de puissants sérums de vérité. Enfin, mon malheur se résume en ceci que je suis riche et seul, et j’ai trouvé par le billard le moyen de me guérir de ces deux maux d’un seul coup.
Bressac venait de parler longuement et, en homme à qui l’alcool délie la langue mais que parler assoiffe, se désaltéra aussitôt d’une longue gorgée de bière.
- Pardonnez mon humeur, dit-il finalement en reposant sa chope, je suis ce soir très volubile et ne me suis même pas présenté. Jean Bressac, Monsieur, votre bienfaiteur et serviteur, ajouta-t-il en lui tendant la main.
Cette gorgée était en réalité et de loin la plus grande quantité d’alcool que Bressac avait ingurgité de toute la soirée, son ivresse étant évidemment simulée et ses verres discrètement vidés dans ceux des autres sitôt qu’ils avaient le dos tourné. Mais ne pouvant risquer la moindre incohérence de personnage face à un homme aussi observateur que son interlocuteur, il lui avait bien fallu montrer patte blanche et lever généreusement le coude.
- Puisque vous me demandez de parler franchement, Monsieur, mes raisons sont fort simples et j’ai de vous à moi presque honte de les confesser. Le fait est que j’ai de l’argent et que vous me sembliez homme à apprécier un plat chaud et une boisson fraîche. Apprenez que j’ai consacré jusqu’à présent l’entièreté de mon existence à développer les modestes investissements de mon père pour bâtir peu à peu une fortune que je ne sais aujourd’hui plus comment dépenser. Mais après avoir travaillé nuit et jour et pendant tant d’années, je souffre aujourd’hui d’une solitude qui m’est tout simplement devenue infernale. Aussi je passe mon temps à boire et me lier d’amitié avec des inconnus, ainsi qu’à perdre mon argent au billard, noble jeu auquel je suis si maladroit qu’il n’est guère possible de ne pas gagner contre moi, même en le voulant expressément. Peut-être aurez-vous l’occasion de le constater si nous disputons quelque partie tout à l’heure. En attendant vous comprenez mieux, Monsieur, pourquoi j’étais honteux de vous exposer mes raisons ; mais je constate que la bière et le vin sont de puissants sérums de vérité. Enfin, mon malheur se résume en ceci que je suis riche et seul, et j’ai trouvé par le billard le moyen de me guérir de ces deux maux d’un seul coup.
Bressac venait de parler longuement et, en homme à qui l’alcool délie la langue mais que parler assoiffe, se désaltéra aussitôt d’une longue gorgée de bière.
- Pardonnez mon humeur, dit-il finalement en reposant sa chope, je suis ce soir très volubile et ne me suis même pas présenté. Jean Bressac, Monsieur, votre bienfaiteur et serviteur, ajouta-t-il en lui tendant la main.
Cette gorgée était en réalité et de loin la plus grande quantité d’alcool que Bressac avait ingurgité de toute la soirée, son ivresse étant évidemment simulée et ses verres discrètement vidés dans ceux des autres sitôt qu’ils avaient le dos tourné. Mais ne pouvant risquer la moindre incohérence de personnage face à un homme aussi observateur que son interlocuteur, il lui avait bien fallu montrer patte blanche et lever généreusement le coude.
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Info personnage
Race: Humain-elfe
Vocation: Guerrier combattant
Alignement: Loyal neutre
Rang: C
Altarus avait observé l'approche de son "bienfaiteur". Était-il réellement éméché, pour arriver à sa table en titubant en toute légèreté, un large sourire enjoué à son visage ? Peut-être... il était encore trop tôt pour conclure de la situation. Ce que le borgne priorisait était la raison véritable de ce geste. À travers le Sekaï les gestes désintéressées étaient plus rares. Même lui n'agissait pas sans un but ou un objectif précis derrière, qui soit profitable pour du court ou du long terme. Du moins, dans une grande majorité des cas…
L'humain répondit presque aussitôt à la question posée au pourquoi de ce repas offert. Le demi-elfe l'écouta avec attention, essayant de saisir la moindre incohérence dans son parler, ou alors le moindre indice qui peaufinerait plusieurs hypothèses qu'il avait en tête. Silencieux, il ne le quittait pas du regard ; où plutôt de son seul œil valide. Pour un homme qui paraissait avoir bu avant de voir le "pauvre" hère débarquer, il tenait bien le discours et dans un certain parler. Apparence verbale ou parce qu'il était issu d'un milieu social aisé ? Il était là encore trop tôt pour avoir une véritable réponse. Chose certaine était qu'il enchaînait les mots sans vraiment fourcher la langue. Il tenait bien l'alcool ou alors, il n'avait pas encore assez et véritablement bu...
Toujours plongé dans son mutisme, le borgne le regarda boire une bonne gorgée de sa chope de bière. Hum... il devrait en faire tout autant, du moins à plus petite dose pour ne pas paraître mal poli et permettre une meilleure entrée en matière dans le dialogue qui était désormais ouvert. Bon certes, par le biais ce jeune inconnu dont il n'avait pas encore la moindre idée de pourquoi son geste de bon samaritain, mais il ne resterait pas taciturne dans son coin.
''Vous êtes pardonné.... Il attrapa sa propre chope et la lorgna avec circonspection, ne buvant pas ce style de breuvage. Comme il n'était pas un gaspilleur, il la porta à ses lèvres, après avoir un peu retiré de moitié sa capuche, pour ne pas être gêné. Il avala qu'une petite gorgée, avant de reposer la chope sur la table. Derrière le comptoir, là bas, le tavernier qui était de mèche avec le "bienfaiseur", eut peine à dissimuler un bien étrange rictus, avant de s'occuper de contenants à nettoyer. Altarus ne vit rien, trop concentré sur son interlocuteur. À son tour, il tendit sa main pour empoigner avec vigueur celle tendue le dénommé Jean Bressac.
''Aearon, simple voyageur...."Il prit la cuillère pour reprendre un peu son repas. Il voulait éviter de manger un plat refroidi. Après quelques bouchées, il se permit de reprendre la parole.
''Je me demande comment vous arrivez à souffrir de la solitude, malgré votre fortune…"Il plongea sa cuillère dans le contenu de son assiette, prenant quelques légumes cuites à l'eau qui surnageait dans une sauce un peu gluante, mais pas mauvaise au goût. ''Vous avez mené quelques affaires et maintenant que vous récoltez les fruits de votre travail... ouvrir un commerce, trouver une activité qui apporte liens et contacts, n'y avez-vous pas songé ? Vous me paraissez bien plus dégourdi que vous ne le laissez transparaître. ".Il porta la cuillère en bouche, ne quittant pas Jean de son œil bleu. Les gens fortunés arrivaient toujours à s'entourer d'ordinaire, même si l'amitié n'existait que par le jeu des finances. Après, il y avait des exceptions, comme les solitaires. Ce Jean était loin d'être un individu en quête de tranquillité loin de ses pairs. Se vautrer dans l'alcool et le jeu était plausible...
Il se reprit une dernière bouchée et n'avala rien de plus, faisant passer le solide avec une autre petite gorgée de liquide mousseux. Cette bière ne pourra jamais rivaliser avec les spiritueux qu'il savourait de temps en temps. Ce n'était pas ici, dans ce village qu'il pourra chatouiller ses papilles de plaisir avec un bon porto ou avec un hydromel bien sucré. Se retenant de soupirer, il fixa un bref instant ledit billard.
''En fait, vous cherchiez une nouvelle tête pour jouer à ce... billard ? "Il n'était guère convaincu que c'était la véritable approche du jeunot. Après tout, pourquoi pas tenter une partie... il avait besoin d'exercer son oeil pour l'accoutumer à compenser la précision de sa vision. Sa vue monoculaire n'était pas encore tout à fait performante, selon ses critères personnels. Se battre à l'épée quand on peine à évaluer les distances et les gestes de l'adversaire pouvait être dangereux, voir mortelle. En l'état des choses, il ne pouvait se permettre de demeurer "diminué".
Il passa une main sur son visage. Par les Abysses, il avait l'impression que la fatigue le prenait d'un coup. L'épuisement du voyage couplé à deux gorgées ridicules de bière devait en être la cause. Il soupira cette fois
''Bon... vous m'avez offert ce repas et cette boisson, je vous dois bien une ou deux parties, pour vous tenir un peu compagnie... "
Et si Jean buvait aussi vite sa bière, il en boirait sans doute d'autres. Sa langue se déliera d'autant plus et là, il saura ce qu'il lui voulait vraiment
L'humain répondit presque aussitôt à la question posée au pourquoi de ce repas offert. Le demi-elfe l'écouta avec attention, essayant de saisir la moindre incohérence dans son parler, ou alors le moindre indice qui peaufinerait plusieurs hypothèses qu'il avait en tête. Silencieux, il ne le quittait pas du regard ; où plutôt de son seul œil valide. Pour un homme qui paraissait avoir bu avant de voir le "pauvre" hère débarquer, il tenait bien le discours et dans un certain parler. Apparence verbale ou parce qu'il était issu d'un milieu social aisé ? Il était là encore trop tôt pour avoir une véritable réponse. Chose certaine était qu'il enchaînait les mots sans vraiment fourcher la langue. Il tenait bien l'alcool ou alors, il n'avait pas encore assez et véritablement bu...
Toujours plongé dans son mutisme, le borgne le regarda boire une bonne gorgée de sa chope de bière. Hum... il devrait en faire tout autant, du moins à plus petite dose pour ne pas paraître mal poli et permettre une meilleure entrée en matière dans le dialogue qui était désormais ouvert. Bon certes, par le biais ce jeune inconnu dont il n'avait pas encore la moindre idée de pourquoi son geste de bon samaritain, mais il ne resterait pas taciturne dans son coin.
''Vous êtes pardonné.... Il attrapa sa propre chope et la lorgna avec circonspection, ne buvant pas ce style de breuvage. Comme il n'était pas un gaspilleur, il la porta à ses lèvres, après avoir un peu retiré de moitié sa capuche, pour ne pas être gêné. Il avala qu'une petite gorgée, avant de reposer la chope sur la table. Derrière le comptoir, là bas, le tavernier qui était de mèche avec le "bienfaiseur", eut peine à dissimuler un bien étrange rictus, avant de s'occuper de contenants à nettoyer. Altarus ne vit rien, trop concentré sur son interlocuteur. À son tour, il tendit sa main pour empoigner avec vigueur celle tendue le dénommé Jean Bressac.
''Aearon, simple voyageur...."Il prit la cuillère pour reprendre un peu son repas. Il voulait éviter de manger un plat refroidi. Après quelques bouchées, il se permit de reprendre la parole.
''Je me demande comment vous arrivez à souffrir de la solitude, malgré votre fortune…"Il plongea sa cuillère dans le contenu de son assiette, prenant quelques légumes cuites à l'eau qui surnageait dans une sauce un peu gluante, mais pas mauvaise au goût. ''Vous avez mené quelques affaires et maintenant que vous récoltez les fruits de votre travail... ouvrir un commerce, trouver une activité qui apporte liens et contacts, n'y avez-vous pas songé ? Vous me paraissez bien plus dégourdi que vous ne le laissez transparaître. ".Il porta la cuillère en bouche, ne quittant pas Jean de son œil bleu. Les gens fortunés arrivaient toujours à s'entourer d'ordinaire, même si l'amitié n'existait que par le jeu des finances. Après, il y avait des exceptions, comme les solitaires. Ce Jean était loin d'être un individu en quête de tranquillité loin de ses pairs. Se vautrer dans l'alcool et le jeu était plausible...
Il se reprit une dernière bouchée et n'avala rien de plus, faisant passer le solide avec une autre petite gorgée de liquide mousseux. Cette bière ne pourra jamais rivaliser avec les spiritueux qu'il savourait de temps en temps. Ce n'était pas ici, dans ce village qu'il pourra chatouiller ses papilles de plaisir avec un bon porto ou avec un hydromel bien sucré. Se retenant de soupirer, il fixa un bref instant ledit billard.
''En fait, vous cherchiez une nouvelle tête pour jouer à ce... billard ? "Il n'était guère convaincu que c'était la véritable approche du jeunot. Après tout, pourquoi pas tenter une partie... il avait besoin d'exercer son oeil pour l'accoutumer à compenser la précision de sa vision. Sa vue monoculaire n'était pas encore tout à fait performante, selon ses critères personnels. Se battre à l'épée quand on peine à évaluer les distances et les gestes de l'adversaire pouvait être dangereux, voir mortelle. En l'état des choses, il ne pouvait se permettre de demeurer "diminué".
Il passa une main sur son visage. Par les Abysses, il avait l'impression que la fatigue le prenait d'un coup. L'épuisement du voyage couplé à deux gorgées ridicules de bière devait en être la cause. Il soupira cette fois
''Bon... vous m'avez offert ce repas et cette boisson, je vous dois bien une ou deux parties, pour vous tenir un peu compagnie... "
Et si Jean buvait aussi vite sa bière, il en boirait sans doute d'autres. Sa langue se déliera d'autant plus et là, il saura ce qu'il lui voulait vraiment
Invité
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Derrière le comptoir, le tavernier avait un sourire presque malsain que Bressac ne s’expliquait pas. Ou bien ce fripon s’évertuait à se faire repérer, ou bien il projetait quelque fourberie en-dehors de leurs arrangements. Le gredin prévoyait-il de le doubler ? Chassant cette idée improbable de son esprit, il reporta aussitôt son attention sur son compagnon de table dont il voulait gagner peu à peu la confiance. Tout se passait pour l’instant sans encombre et les deux hommes échangèrent une franche poignée de main.
- Aearon, répéta Bressac, ignorant s’il s’agissait de son nom ou de son prénom. Ravi de faire votre connaissance.
La poigne du voyageur était ferme et son air était serein. Il semblait fier, nota mentalement Bressac, et la fierté était quelque chose qu’un escroc se délectait à offenser ou à flatter pour pousser quelqu’un à miser son argent. Son nouveau compagnon de table mangeait en tout cas de bon appétit. Il semblait plus détendu qu’auparavant, nonobstant une certaine réserve au demeurant parfaitement saine, et la discussion s’engagea naturellement. L’homme, qui semblait taciturne et solitaire au premier abord, était également capable de se montrer courtois et respectueux en société, chose que Bressac apprécia.
La sagacité du vieil homme transparu rapidement au fil de la discussion, particulièrement lorsqu’arriva la question de savoir comment Bressac pouvait souffrir de solitude malgré sa fortune. Perspicace, songea-t-il, trait de caractère qui n’allait pas lui simplifier la tâche. Mais nul homme n’était à l’abri d’une erreur de jugement, fût-il le plus perspicace d’entre tous. S’ensuivit presque aussitôt une remarque qui le désarçonna par son toupet et sa candeur. Il était, d’après son interlocuteur, plus dégourdi qu’il n’en avait l’air !
- Eh bien ! Merci ! s’exclama Bressac en éclatant de rire. Je dois dire que vous ne m’épargnez guère, mais je crois entre nous que votre observation est méritée. Laissez-moi donc vous expliquer mes raisons, car je vous crois homme d’esprit et j’apprécie votre franc-parler.
Regardant autour d’eux comme pour s’assurer que personne ne les entendît, le trentenaire se pencha vers son nouveau compagnon de table, affectant l’air de gravité d’un homme qui se livre malgré lui à la confidence.
- Vous savez, reprit-il en baissant la voix, la fortune a ceci de tragique qu’elle nous entoure de nombreux amis, mais l’homme qui la possède n’en est que plus seul. Et il faut être sot ou bien fou pour rester au milieu de tous ces gens qui vous veulent du bien. Je ne dis pas que dilapider mon argent dans des jeux de taverne est de meilleur goût ; mais enfin, je l’ai gagné et j’en fais ce qu’il me plaît. Vous conviendrez sans doute qu’il n’y a de mauvaise occupation que celle qui ne nous donne point d’ivresse. Et sans vouloir sembler cynique, car ce serait méconnaître grandement ma nature, la vie est bien trop brève pour être vécue sérieusement. Ce n’est pas de moi, je l’ai entendu quelque part et j’ai trouvé la formule heureuse. Mais parlons plutôt de vous, mon ami. Que faites-vous dans la vie ? La question me brûle les lèvres, car enfin vous ne me semblez pas être marchand, et voyageur n’est sûrement pas une activité que je décrirais comme lucrative, puisqu’il nous faut désormais nous parler franchement.
Sous l’innocente apparence de curiosité que revêtait son personnage bavard, riche et ivrogne, cette dernière question n’était pas désintéressée. Ce souper impromptu n’avait en effet pas pour seul but de convaincre le voyageur de disputer une partie de billard ; Bressac entendait également jauger son caractère et évaluer sa dangerosité. L’homme représenterait-il une menace, légale ou physique, une fois qu’il se serait fait détrousser comme un enfant dans une confiserie ? En l’occurrence, ce qu’il cherchait à déterminer ici était de savoir si cet homme n’était pas un mercenaire ou un gros-bras de la pègre. Et, en à juger par son attitude calme, presque martiale et non exempte de méfiance, il y avait de fortes chances qu’il le fût. Aussi, après avoir descendu une bonne moitié de sa chope, pour maintenir les apparences, mais aussi pour se rafraîchir le gosier, Bressac acquiesça à la question de savoir s’il cherchait une nouvelle tête pour jouer au billard. Il valait mieux pour l’instant jouer franc-jeu et voir où leur échange les mènerait.
Il leva donc sa chope à l’intention de son compagnon de table lorsque ce dernier lui offrit de disputer une ou deux parties avec lui.
- Vous m’obligeriez, mon ami. Trinquons d’abord à notre amitié et allons frapper quelques billes. J’ai fait installer à mes frais une table de jeu dans cette taverne que je serai bien heureux de vous montrer si le cœur vous en dit.
- Aearon, répéta Bressac, ignorant s’il s’agissait de son nom ou de son prénom. Ravi de faire votre connaissance.
La poigne du voyageur était ferme et son air était serein. Il semblait fier, nota mentalement Bressac, et la fierté était quelque chose qu’un escroc se délectait à offenser ou à flatter pour pousser quelqu’un à miser son argent. Son nouveau compagnon de table mangeait en tout cas de bon appétit. Il semblait plus détendu qu’auparavant, nonobstant une certaine réserve au demeurant parfaitement saine, et la discussion s’engagea naturellement. L’homme, qui semblait taciturne et solitaire au premier abord, était également capable de se montrer courtois et respectueux en société, chose que Bressac apprécia.
La sagacité du vieil homme transparu rapidement au fil de la discussion, particulièrement lorsqu’arriva la question de savoir comment Bressac pouvait souffrir de solitude malgré sa fortune. Perspicace, songea-t-il, trait de caractère qui n’allait pas lui simplifier la tâche. Mais nul homme n’était à l’abri d’une erreur de jugement, fût-il le plus perspicace d’entre tous. S’ensuivit presque aussitôt une remarque qui le désarçonna par son toupet et sa candeur. Il était, d’après son interlocuteur, plus dégourdi qu’il n’en avait l’air !
- Eh bien ! Merci ! s’exclama Bressac en éclatant de rire. Je dois dire que vous ne m’épargnez guère, mais je crois entre nous que votre observation est méritée. Laissez-moi donc vous expliquer mes raisons, car je vous crois homme d’esprit et j’apprécie votre franc-parler.
Regardant autour d’eux comme pour s’assurer que personne ne les entendît, le trentenaire se pencha vers son nouveau compagnon de table, affectant l’air de gravité d’un homme qui se livre malgré lui à la confidence.
- Vous savez, reprit-il en baissant la voix, la fortune a ceci de tragique qu’elle nous entoure de nombreux amis, mais l’homme qui la possède n’en est que plus seul. Et il faut être sot ou bien fou pour rester au milieu de tous ces gens qui vous veulent du bien. Je ne dis pas que dilapider mon argent dans des jeux de taverne est de meilleur goût ; mais enfin, je l’ai gagné et j’en fais ce qu’il me plaît. Vous conviendrez sans doute qu’il n’y a de mauvaise occupation que celle qui ne nous donne point d’ivresse. Et sans vouloir sembler cynique, car ce serait méconnaître grandement ma nature, la vie est bien trop brève pour être vécue sérieusement. Ce n’est pas de moi, je l’ai entendu quelque part et j’ai trouvé la formule heureuse. Mais parlons plutôt de vous, mon ami. Que faites-vous dans la vie ? La question me brûle les lèvres, car enfin vous ne me semblez pas être marchand, et voyageur n’est sûrement pas une activité que je décrirais comme lucrative, puisqu’il nous faut désormais nous parler franchement.
Sous l’innocente apparence de curiosité que revêtait son personnage bavard, riche et ivrogne, cette dernière question n’était pas désintéressée. Ce souper impromptu n’avait en effet pas pour seul but de convaincre le voyageur de disputer une partie de billard ; Bressac entendait également jauger son caractère et évaluer sa dangerosité. L’homme représenterait-il une menace, légale ou physique, une fois qu’il se serait fait détrousser comme un enfant dans une confiserie ? En l’occurrence, ce qu’il cherchait à déterminer ici était de savoir si cet homme n’était pas un mercenaire ou un gros-bras de la pègre. Et, en à juger par son attitude calme, presque martiale et non exempte de méfiance, il y avait de fortes chances qu’il le fût. Aussi, après avoir descendu une bonne moitié de sa chope, pour maintenir les apparences, mais aussi pour se rafraîchir le gosier, Bressac acquiesça à la question de savoir s’il cherchait une nouvelle tête pour jouer au billard. Il valait mieux pour l’instant jouer franc-jeu et voir où leur échange les mènerait.
Il leva donc sa chope à l’intention de son compagnon de table lorsque ce dernier lui offrit de disputer une ou deux parties avec lui.
- Vous m’obligeriez, mon ami. Trinquons d’abord à notre amitié et allons frapper quelques billes. J’ai fait installer à mes frais une table de jeu dans cette taverne que je serai bien heureux de vous montrer si le cœur vous en dit.
Citoyen du monde
Altarus Aearon
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Info personnage
Race: Humain-elfe
Vocation: Guerrier combattant
Alignement: Loyal neutre
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Altarus n'arrivait pas à comprendre le rire de son interlocuteur. Parce qu'il le trouvait plus dégourdi qu'il en avait l'air ? Peut-être était trop fatigué mieux appréhender la réaction de Jean. Il avait l'air assez ravi d'avoir été percé à jour. Il y aura toujours des humains exclusivement terriens qu'Altarus ne comprendra jamais totalement. En tout cas, Jean était bien décidé à lui expliquer les raisons ne pourquoi il ne cherchait pas à trouver une occupation bien plus saine. Il s'était rapproché, pour que seul le borgne eut connaissance de ses mots murmurés. Altarus regrettait de pas avoir plus faim pour se préoccuper que du contenu de son assiette.
Il l'écouta donc s'expliquer, ne retenant pas ses sourcils se froncer légèrement. Ses dires le rendaient perplexes. Lui-même n'avait pas à se plaindre de sa situation, mais sa nature solitaire ne le poussait pas à dilapider sa fortune pour le simple plaisir de... profiter de la vie ? Ce jeune homme avait une conception étrange de jouir de l'existence courte qui était effectivement la sienne. De l'alcool, des jeux, des rencontres d'un soir pour disputer une partie de... billard, ou d'autres jeux de taverne. N'avait-il pas autre chose dans l'existence ?
''Donc..."fit le vieil homme en empruntant le ton bas de son généreux donateur d'un repas d'un soir. "... si j'ai bien saisi vos mots, vous tenez à profiter au maximum de la vie en agissant comme vous le souhaitez, à tout instant... trouvant plaisir et réconfort dans la bière, les rencontres fortuites et les petites confrontations à base de jeux... quand bien même cela ne tourne pas en rixe. La fortune qui coule à profusion ne vous donne qu'envie à tout cela... et à côté, vous déplorez la solitude… "
Un humain qui restait cliver dans les mêmes activités finissaient par se lasser. Altarus n'avait pas d'éléments depuis quand Jean était plongé dans ce genre de morosité. Oui, c'était de la morosité pour lui, ce que faisait le trentenaire. "Avouez que ce train de vie n'a rien de bien attrayant, à bien y regarder. Est-ce vraiment si plaisant que cela de repousser la solitude avec des gens que vous ne reverrez peut être plus par la suite ? Ne serait-il pas plus constructif de mener quelque chose sur du plus long terme ?
À défaut de trouver quelque chose de plus motivant pour lui, il le compensait d'une fausse manière... sauf si... une bête hypothèse effleurait son esprit fatigué.
''Je suis négociant dans les marchandises classiques... nourritures, tissus, matériels et fournitures d'ateliers. Rien de passionnant à la base, mais permet de voyager, de voir du monde, de se tisser des liens professionnels, comme amicaux et qui perdurent. D'ailleurs, vous parliez d'avoir procédé à de modestes investissements. Dans quel domaine ? Qui sait, j'ai peut-être eu à intervenir indirectement dans une de vos affaires. Le hasard n'en serait que plus drôle. "
Ce qu'il supposait était que Jean avait une autre activité lucratif derrière.... ou une profession guère légal... qu'il serait là à traîner dans la taverne pour repérer quelques possibles cibles et... il n'arriva plus à réfléchir, son esprit se bloquant... comme s'il se gelait... Par les Abysses, son esprit vrillait ! Comment pouvait-il être aussi fatigué ! Il avait présumé de ses capacités de récupération. Non, ce qu'il songeait, c'était complètement idiot...Dans un port, il aurait été "normal" de croiser ce genre de filou, mais ici, on était bien trop loin des grandes villes pour que ce genre d'individus sévissent dans les parages. Il cessa d'y penser.
Imitant son compagnon d'un soir, il attrapa sa chope, la leva et la percuta doucement contre celle de Jean, juste assez pour la faire teinter. Et il but une autre petite gorgée. Après quoi, de sa main libre, il repoussa sa capuche pour dévoiler l'entièreté de son visage. Jean aura tout le loisir d'observer la courtesse de sa chevelure blanchi par le temps. Une barbe courte et impeccablement taillée encadrait son menton et le bas de ses mâchoires carrés. On pouvait voir qu'elle peinant encore à se densifier sur une partie, marbrée par des brûlures récemment cicatrisée, qui descendaient plus bas dans le coup et supposément sous sa tunique. Ce qui pourrait attirer le regard de notre beau parleur est l'aspect légèrement pointu de ses oreilles.
''Alors montrez-moi cela, et expliquez-moi les règles, afin de voir si un négociant proche de la retraite peut encore apprendre quelque chose..."
Il l'écouta donc s'expliquer, ne retenant pas ses sourcils se froncer légèrement. Ses dires le rendaient perplexes. Lui-même n'avait pas à se plaindre de sa situation, mais sa nature solitaire ne le poussait pas à dilapider sa fortune pour le simple plaisir de... profiter de la vie ? Ce jeune homme avait une conception étrange de jouir de l'existence courte qui était effectivement la sienne. De l'alcool, des jeux, des rencontres d'un soir pour disputer une partie de... billard, ou d'autres jeux de taverne. N'avait-il pas autre chose dans l'existence ?
''Donc..."fit le vieil homme en empruntant le ton bas de son généreux donateur d'un repas d'un soir. "... si j'ai bien saisi vos mots, vous tenez à profiter au maximum de la vie en agissant comme vous le souhaitez, à tout instant... trouvant plaisir et réconfort dans la bière, les rencontres fortuites et les petites confrontations à base de jeux... quand bien même cela ne tourne pas en rixe. La fortune qui coule à profusion ne vous donne qu'envie à tout cela... et à côté, vous déplorez la solitude… "
Un humain qui restait cliver dans les mêmes activités finissaient par se lasser. Altarus n'avait pas d'éléments depuis quand Jean était plongé dans ce genre de morosité. Oui, c'était de la morosité pour lui, ce que faisait le trentenaire. "Avouez que ce train de vie n'a rien de bien attrayant, à bien y regarder. Est-ce vraiment si plaisant que cela de repousser la solitude avec des gens que vous ne reverrez peut être plus par la suite ? Ne serait-il pas plus constructif de mener quelque chose sur du plus long terme ?
À défaut de trouver quelque chose de plus motivant pour lui, il le compensait d'une fausse manière... sauf si... une bête hypothèse effleurait son esprit fatigué.
''Je suis négociant dans les marchandises classiques... nourritures, tissus, matériels et fournitures d'ateliers. Rien de passionnant à la base, mais permet de voyager, de voir du monde, de se tisser des liens professionnels, comme amicaux et qui perdurent. D'ailleurs, vous parliez d'avoir procédé à de modestes investissements. Dans quel domaine ? Qui sait, j'ai peut-être eu à intervenir indirectement dans une de vos affaires. Le hasard n'en serait que plus drôle. "
Ce qu'il supposait était que Jean avait une autre activité lucratif derrière.... ou une profession guère légal... qu'il serait là à traîner dans la taverne pour repérer quelques possibles cibles et... il n'arriva plus à réfléchir, son esprit se bloquant... comme s'il se gelait... Par les Abysses, son esprit vrillait ! Comment pouvait-il être aussi fatigué ! Il avait présumé de ses capacités de récupération. Non, ce qu'il songeait, c'était complètement idiot...Dans un port, il aurait été "normal" de croiser ce genre de filou, mais ici, on était bien trop loin des grandes villes pour que ce genre d'individus sévissent dans les parages. Il cessa d'y penser.
Imitant son compagnon d'un soir, il attrapa sa chope, la leva et la percuta doucement contre celle de Jean, juste assez pour la faire teinter. Et il but une autre petite gorgée. Après quoi, de sa main libre, il repoussa sa capuche pour dévoiler l'entièreté de son visage. Jean aura tout le loisir d'observer la courtesse de sa chevelure blanchi par le temps. Une barbe courte et impeccablement taillée encadrait son menton et le bas de ses mâchoires carrés. On pouvait voir qu'elle peinant encore à se densifier sur une partie, marbrée par des brûlures récemment cicatrisée, qui descendaient plus bas dans le coup et supposément sous sa tunique. Ce qui pourrait attirer le regard de notre beau parleur est l'aspect légèrement pointu de ses oreilles.
''Alors montrez-moi cela, et expliquez-moi les règles, afin de voir si un négociant proche de la retraite peut encore apprendre quelque chose..."
Invité
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Bressac avait écouté son compagnon de table tenter de comprendre sa situation, ou du moins celle de son personnage. Il semblait, par curiosité ou sollicitude, réfléchir critiquement et logiquement à ce qu’il lui disait, offrant ponctuellement des remarques et des questions dont la pertinence ne cessaient de le mettre dans l’embarras malgré l’énergie qu’il engouffrait dans son numéro de vain parvenu. Cet homme semblait presque trop perspicace, et Bressac aurait probablement laissé tomber s’il n’avait pas eu un si cruel besoin d’argent le soir-même. Le métier qu’exerçait cet homme ne le rassura d’ailleurs qu’à moitié, pour ne pas dire guère. Toujours vêtu de sa capuche – comme s’il souhaitait ne pas être reconnu – il semblait être un ancien mercenaire ou un ancien marin à la retraite, si l’on en croyait sa carrure et sa façon de se tenir à table.
Finalement, Aearon enleva sa capuche, révélant un visage marqué par des cicatrices – probablement de brûlures – qui attirèrent le regard de Bressac, bien plus d’ailleurs que ses oreilles, qui semblaient atteintes d’une curieuse difformité, toutes deux plus pointues que la norme. Décidément, ce négociant de « marchandises classiques » n’était pas commun, et avait un air de dur à cuir qui ne lui disait rien qui vaille.
Bressac l’avait longuement écouté, réfléchissant aux mots qu’il avait employés et l’intention qui pouvait se cacher derrière. Le bougre visait juste, et il décochait sans prévenir. Songeur, mais toujours courtois, Jean tapotait la table du bout des doigts tandis qu’il réfléchissait.
- Vous êtes un homme intéressant, Aearon, et je crois que je vous apprécie. Vous avez fort bien résumé ma situation ; de façon négative, j’en conviens, mais tout est question de point de vue et je n’en prends pas offense. Permettez-moi plutôt de vous poser la question à ma manière, car je crois que vous y répondrez mieux que moi : qu’y a-t-il de si attrayant à vouloir « construire quelque chose sur du long terme », lorsque l’on peut « agir comme on le souhaite et à tout instant » ?
Bressac avala une généreuse gorgée de bière, reposa sa chope, et réfléchit un instant.
- Vous semblez penser – mais je peux aussi bien me tromper – que je ne suis pas heureux. Par le diable ! Je ne serais en ce cas guère différent de tous ces malheureux que vous voyez ici autour de vous. Sortez de cette taverne et regardez tout autour, vous ne verrez pas plus de bienheureux. Non, mon problème, si je devais m’examiner, c’est que je suis un homme de passion. Je désire ardemment quelque chose, et il y a en moi une force – que dis-je ! – une sauvagerie, qui me pousse à vouloir l’obtenir à tout prix. Vous n’imaginez pas comme je suis prêt à me damner dans la poursuite de mes désirs, tant que cela me permet de les satisfaire. Et mon malheur vient le plus souvent de ce que j’y parviens ! Là est ma malédiction ! Car l’extase que l’on éprouve dans ces moments-là… oh ! elle laisse bientôt place à autre chose. Peut-être avez-vous déjà ressenti cette… le mot ne me vient pas… « chose » que l’on ressent à cet instant. Mon enfer, Monsieur, ce n’est pas d’être malheureux, c’est de n’être jamais satisfait.
Bressac marqua une pause, regarda son interlocuteur de haut en bas, et éclata de rire en se calant contre le dossier de sa chaise.
- Vous savez écouter, Aearon, je le reconnais, murmura-t-il en faisant tourner distraitement sa chope sur la table. Derrière votre modestie, je vois une grande expérience et un vécu peu ordinaire. Je pense que vous devez connaître le cœur des hommes bien mieux que moi, et si tel est le cas je vous plains à mon tour, car je ne vois pas quel bonheur cela peut vous apporter. Sans doute l’un des malheurs qui nous vient avec l’âge, je suppose. Je suis moi-même beaucoup moins sot en vieillissant, mais je ne crois pas que cela me bonifie. Je deviens tout au plus plus exigeant et implacable dans la poursuite de mes passions. Oh ! avant, je me satisfaisais de peu. Mais regardez-moi maintenant : je suis une bête affamée ! Je finirais par me dévorer moi-même si on me laissait faire. Ce qu’il me manque, c’est peut-être de la patience. Qui sait ? Donnez-moi quelques années, et lorsque ma barbe aura la couleur de la vôtre, je me serai sans doute assagi !
Bressac rit de bon cœur, vida le reste de sa pinte d’une traite et la reposa sans ménagement sur la table. Il réalisait qu’il s’était laissé emporter, peut-être à cause de l’alcool, sans doute à cause des questions malicieuses du vieillard qui décortiquait chaque aspect de ses réponses. Mais dans le cas présent, c’était peut-être pour le mieux. Il y avait quelque chose que Bressac avait compris très tôt dans son existence : on n’escroque pas avec des mensonges, mais avec des vérités. Et s’il avait laissé transparaître quelque chose du véritable Jean Bressac dans son discours, cela ne pouvait donner que plus de corps à son personnage qui avait jusqu’ici eut peine à convaincre cet ami par trop perspicace.
Malgré tout, l’estime qu’il commençait à porter à son compagnon de table était bien réelle, et le sujet qu’ils venaient d’aborder, autour d’un verre, créait dans son esprit une proximité qui le rendait réticent à mener l’escroquerie à son terme. Malheureusement, Bressac était pris à la gorge. S’il ne remboursait pas ce qu’il devait prestement, il n’assisterait pas au début de la prochaine semaine. Et l’échéance était trop proche pour reculer maintenant. Sa première intention en apercevant le voyageur avait bien entendu été de lui faire le fond des poches. Mais désormais, il réalisait qu’il n’en n’aurait pas le cœur, et qu’il se contenterait probablement d’une pièce d’or à titre de compromis. Le trentenaire décida donc de reprendre pleinement son rôle, fermement convaincu que cette minute d’égarement ne pouvait être interprétée que comme le résultat de la confidence de son personnage fat et ivrogne.
- Revenons à nos moutons si vous le voulez bien, reprit-il, car j’ai si longtemps parlé de moi que je me suis endormi moi-même. Vous voyez, vous me posez des questions de haute philosophie, et moi j’en perds mon latin. Où en étions-nous ? Bien ! vous me parliez finance, si je suis encore assez sobre pour ne pas dire n’importe quoi. Pour vous répondre en deux mots, car je pense que vous et moi avons mieux à faire que de m’entendre parler plus longtemps de ma personne, mon travail a principalement été de faire fructifier les investissements que mon père – paix à son âme – avait réalisés de son vivant. La plupart des actifs étaient déjà investis dans des mines de fer, et moi, je me suis simplement attaché à les diversifier ; rails, fonderies, sidérurgies, matériaux de construction... je vous épargnerai la liste complète, car je vois bien que je m’adresse à un homme instruit. Le résultat est que je possède aujourd’hui des parts dans de nombreux acteurs de la métallurgie, notamment deux aciéries que je possède en nom propre. Les industries Bressac. Peut-être avez-vous déjà transporté certains de nos produits par la mer ; cela ne m’étonnerait guère si vous faites aussi dans le transport de fret. Mais trêve de paroles, car je vous ennuie, et je ne suis pas ici pour parler travail, comme je vous l’ai expliqué tout à l’heure.
A ces mots, Bressac se leva et fit un signe de la main au tavernier pour qu’il leur apporte deux pintes à la table de jeu. Après avoir traversé la salle, les deux hommes s’installèrent devant la fameuse table de billard, tandis que le tavernier leur apportait les boissons demandées.
Bressac disposa trois billes de couleur sur le tapis de jeu : d’abord une blanche, puis une rouge, et enfin une bille jaune. Ces préparatifs terminés, il se tourna pour offrir une queue de billard à son futur adversaire.
- Les règles sont très simples, mon ami. Nous avons ici trois billes ; la vôtre, jaune, la mienne, rouge, et celle-ci, la blanche. Nous frappons tour à tour notre propre bille afin de heurter les deux autres pour marquer le point. Le premier parvenu à trois points remporte la partie et la mise.
Un tintement métallique retentit lorsqu’une pièce d’or heurta joyeusement le rebord de la table, avant que Bressac ne l’arrête du bout de l’index.
- Voilà ma mise. Vous êtes assurément homme à relever un défi si peu risqué ? Je voudrais vous convaincre que vous puissiez perdre pour vous promettre quelque excitation, mais je crains entre nous que vous ne ressortiez de cette taverne deux fois plus riche que vous n’y êtes entré.
Finalement, Aearon enleva sa capuche, révélant un visage marqué par des cicatrices – probablement de brûlures – qui attirèrent le regard de Bressac, bien plus d’ailleurs que ses oreilles, qui semblaient atteintes d’une curieuse difformité, toutes deux plus pointues que la norme. Décidément, ce négociant de « marchandises classiques » n’était pas commun, et avait un air de dur à cuir qui ne lui disait rien qui vaille.
Bressac l’avait longuement écouté, réfléchissant aux mots qu’il avait employés et l’intention qui pouvait se cacher derrière. Le bougre visait juste, et il décochait sans prévenir. Songeur, mais toujours courtois, Jean tapotait la table du bout des doigts tandis qu’il réfléchissait.
- Vous êtes un homme intéressant, Aearon, et je crois que je vous apprécie. Vous avez fort bien résumé ma situation ; de façon négative, j’en conviens, mais tout est question de point de vue et je n’en prends pas offense. Permettez-moi plutôt de vous poser la question à ma manière, car je crois que vous y répondrez mieux que moi : qu’y a-t-il de si attrayant à vouloir « construire quelque chose sur du long terme », lorsque l’on peut « agir comme on le souhaite et à tout instant » ?
Bressac avala une généreuse gorgée de bière, reposa sa chope, et réfléchit un instant.
- Vous semblez penser – mais je peux aussi bien me tromper – que je ne suis pas heureux. Par le diable ! Je ne serais en ce cas guère différent de tous ces malheureux que vous voyez ici autour de vous. Sortez de cette taverne et regardez tout autour, vous ne verrez pas plus de bienheureux. Non, mon problème, si je devais m’examiner, c’est que je suis un homme de passion. Je désire ardemment quelque chose, et il y a en moi une force – que dis-je ! – une sauvagerie, qui me pousse à vouloir l’obtenir à tout prix. Vous n’imaginez pas comme je suis prêt à me damner dans la poursuite de mes désirs, tant que cela me permet de les satisfaire. Et mon malheur vient le plus souvent de ce que j’y parviens ! Là est ma malédiction ! Car l’extase que l’on éprouve dans ces moments-là… oh ! elle laisse bientôt place à autre chose. Peut-être avez-vous déjà ressenti cette… le mot ne me vient pas… « chose » que l’on ressent à cet instant. Mon enfer, Monsieur, ce n’est pas d’être malheureux, c’est de n’être jamais satisfait.
Bressac marqua une pause, regarda son interlocuteur de haut en bas, et éclata de rire en se calant contre le dossier de sa chaise.
- Vous savez écouter, Aearon, je le reconnais, murmura-t-il en faisant tourner distraitement sa chope sur la table. Derrière votre modestie, je vois une grande expérience et un vécu peu ordinaire. Je pense que vous devez connaître le cœur des hommes bien mieux que moi, et si tel est le cas je vous plains à mon tour, car je ne vois pas quel bonheur cela peut vous apporter. Sans doute l’un des malheurs qui nous vient avec l’âge, je suppose. Je suis moi-même beaucoup moins sot en vieillissant, mais je ne crois pas que cela me bonifie. Je deviens tout au plus plus exigeant et implacable dans la poursuite de mes passions. Oh ! avant, je me satisfaisais de peu. Mais regardez-moi maintenant : je suis une bête affamée ! Je finirais par me dévorer moi-même si on me laissait faire. Ce qu’il me manque, c’est peut-être de la patience. Qui sait ? Donnez-moi quelques années, et lorsque ma barbe aura la couleur de la vôtre, je me serai sans doute assagi !
Bressac rit de bon cœur, vida le reste de sa pinte d’une traite et la reposa sans ménagement sur la table. Il réalisait qu’il s’était laissé emporter, peut-être à cause de l’alcool, sans doute à cause des questions malicieuses du vieillard qui décortiquait chaque aspect de ses réponses. Mais dans le cas présent, c’était peut-être pour le mieux. Il y avait quelque chose que Bressac avait compris très tôt dans son existence : on n’escroque pas avec des mensonges, mais avec des vérités. Et s’il avait laissé transparaître quelque chose du véritable Jean Bressac dans son discours, cela ne pouvait donner que plus de corps à son personnage qui avait jusqu’ici eut peine à convaincre cet ami par trop perspicace.
Malgré tout, l’estime qu’il commençait à porter à son compagnon de table était bien réelle, et le sujet qu’ils venaient d’aborder, autour d’un verre, créait dans son esprit une proximité qui le rendait réticent à mener l’escroquerie à son terme. Malheureusement, Bressac était pris à la gorge. S’il ne remboursait pas ce qu’il devait prestement, il n’assisterait pas au début de la prochaine semaine. Et l’échéance était trop proche pour reculer maintenant. Sa première intention en apercevant le voyageur avait bien entendu été de lui faire le fond des poches. Mais désormais, il réalisait qu’il n’en n’aurait pas le cœur, et qu’il se contenterait probablement d’une pièce d’or à titre de compromis. Le trentenaire décida donc de reprendre pleinement son rôle, fermement convaincu que cette minute d’égarement ne pouvait être interprétée que comme le résultat de la confidence de son personnage fat et ivrogne.
- Revenons à nos moutons si vous le voulez bien, reprit-il, car j’ai si longtemps parlé de moi que je me suis endormi moi-même. Vous voyez, vous me posez des questions de haute philosophie, et moi j’en perds mon latin. Où en étions-nous ? Bien ! vous me parliez finance, si je suis encore assez sobre pour ne pas dire n’importe quoi. Pour vous répondre en deux mots, car je pense que vous et moi avons mieux à faire que de m’entendre parler plus longtemps de ma personne, mon travail a principalement été de faire fructifier les investissements que mon père – paix à son âme – avait réalisés de son vivant. La plupart des actifs étaient déjà investis dans des mines de fer, et moi, je me suis simplement attaché à les diversifier ; rails, fonderies, sidérurgies, matériaux de construction... je vous épargnerai la liste complète, car je vois bien que je m’adresse à un homme instruit. Le résultat est que je possède aujourd’hui des parts dans de nombreux acteurs de la métallurgie, notamment deux aciéries que je possède en nom propre. Les industries Bressac. Peut-être avez-vous déjà transporté certains de nos produits par la mer ; cela ne m’étonnerait guère si vous faites aussi dans le transport de fret. Mais trêve de paroles, car je vous ennuie, et je ne suis pas ici pour parler travail, comme je vous l’ai expliqué tout à l’heure.
A ces mots, Bressac se leva et fit un signe de la main au tavernier pour qu’il leur apporte deux pintes à la table de jeu. Après avoir traversé la salle, les deux hommes s’installèrent devant la fameuse table de billard, tandis que le tavernier leur apportait les boissons demandées.
Bressac disposa trois billes de couleur sur le tapis de jeu : d’abord une blanche, puis une rouge, et enfin une bille jaune. Ces préparatifs terminés, il se tourna pour offrir une queue de billard à son futur adversaire.
- Les règles sont très simples, mon ami. Nous avons ici trois billes ; la vôtre, jaune, la mienne, rouge, et celle-ci, la blanche. Nous frappons tour à tour notre propre bille afin de heurter les deux autres pour marquer le point. Le premier parvenu à trois points remporte la partie et la mise.
Un tintement métallique retentit lorsqu’une pièce d’or heurta joyeusement le rebord de la table, avant que Bressac ne l’arrête du bout de l’index.
- Voilà ma mise. Vous êtes assurément homme à relever un défi si peu risqué ? Je voudrais vous convaincre que vous puissiez perdre pour vous promettre quelque excitation, mais je crains entre nous que vous ne ressortiez de cette taverne deux fois plus riche que vous n’y êtes entré.
- Résumé des règles du jeu:
Le jeu auquel jouent les deux protagonistes est le billard carambole, version française du billard aux règles minimalistes :- La table n’a pas de poches (trous)
- Le jeu ne compte que trois billes : une rouge, une blanche, et une jaune.
- Chaque joueur possède une bille avec laquelle il jouera toute la partie.
- Le but du jeu est de toucher les deux autres billes avec sa bille en un coup. Autrement dit, chaque fois que les trois billes bougent en un coup (= caramboler), le joueur marque un point.
- La table n’a pas de poches (trous)
Citoyen du monde
Altarus Aearon
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Info personnage
Race: Humain-elfe
Vocation: Guerrier combattant
Alignement: Loyal neutre
Rang: C
Altarus repoussa la chope, même s'il restait un peu de bière. Déjà qu'elle n'était pas vraiment fraîche et elle s'était vite éventée. Par les Abysses, il se damnerait presque pour avoir de l'hydromel, sur l'instant même, pour passer l'arrière-goût de cette boisson qu'on prétendait être de l'alcool. Du regard scrutateur du jeune homme, il en avait cure. Il s'était déjà fait à l'idée que les brûlures qui marquaient une partie de son visage et de son coup, en plus de son œil borgne, sera la première chose que les gens fixeront. Son apparence ainsi plus farouche par les conséquences de sa défaite et de son naufrage feront qu'on l'approchera moins... Le seul avantage à bien y regarder... Sauf pour le cas qu'il avait en face de lui. Le dénommé Jean Bressac ne devait pas en être à sa première conversation avec un individu dont l'existence n'avait pas été guère épargnée. Voilà qui n'était pas anodin à garder dans un recoin de son esprit... S'il ne le perdait pas dans le fil de sa réflexion, perturbée par la fatigue lente et croissante
Son interlocuteur avait bien écouté ses mots, et dans sa réplique, il retourna la question précédente, afin de creuser plus en profondeur les dires d'Altarus. Prendre le problème à l'envers n'était pas bête de sa part. Mais avant de répondre à tout cela, il le laissa débiter la suite. Il y avait tellement à dire sur chacun des éléments qui lui offrait... mais il se sentait trop épuisé mentalement pour entrer dans une profonde analyse. Cette damnée fatigue... et le jeune homme devait l'avoir ressenti pour converser autant. Même lui n'était pas aussi loquace.
''De ce que je comprends... dans ce que vous me décrivez de vous... vous n'avez pas fixé de points pour l'avenir. Vous vivotez au jour le jour, jouissant de ce que vous aimez le plus... Vous dites avoir travaillé toute votre vie pour profiter de ce que vous récoltez maintenant. Pourquoi ne pas avoir de nouvels objectifs sur le long terme, si vous en aviez fait d'avant ? "
Il ne lui aurait pas demandé de pourquoi on cherchait à construire quelque chose sur du long terme...
"Je vais répondre à votre question inversée, qui nommera en même temps cette passion qui vous anime... qui vous pousse à vous damner pour obtenir ce que vous souhaitez par-dessus tout... ... La satisfaction de réussir, la satisfaction de remplir un but… Pensez-vous être heureux, ou n'est-ce qu'une façade ? Les malheureux autour de nous, comme vous les décrivez, se complaisent de leur vie simple. Vous, ce que vous semblez rechercher, c'est la satisfaction dans de la stimulation, que cela vous fasse vibrer, que cela vous donne du piment dans le fil de votre existence. Plus qu'une passion....."
Était-ce également une tête brûlée ? Ou juste un homme en mal d'aventures ? L'adrénaline pouvait devenir une véritable drogue chez certains, au mal de sensations pour sortir de l'ordinaire et qui pousse à aller toujours plus loin dans le danger et les risques.
''Ne pensez pas que j'ai mené une existence extraordinaire. Elle a été banale... rien de plus. Quant à connaître le cœur des hommes... cela m'a permis de préserver ma vie, de m'épargner des risques et d'esquiver certaines arnaques... Cela m'était amplement apporté à être là aujourd'hui... Par contre, et je vous prie de m'excuser si je parais être encore négatif, mais il ne faut pas attendre le passage des années pour acquérir la prudence. Je vous vois comme un jeune chien fou, qui finira avec une dague plantée entre les omoplates s'il ne prend pas garde… "
Par la suite, il passa une main gantée sur son visage, soupirant du harassement qu'il subissait. Bon sang... au plus lointain de ses souvenirs, jamais, il n'avait ressenti aussi désagréable impression. Même après une cuite, dans sa prime jeunesse, il n'avait été aussi vaseux. La bière, en serait-elle, responsable.
''Pardonnez-moi, un moment de vague... Donc vos histoires d'affaires... "
Les industries Bressac... il n'arrivait pas à mettre un souvenir avec ce nom-là... Il n'insista pas, au vu de son état.
''Possible..."dit-il tout simplement quant au fret par voie maritime, ne voulant pas l'aiguillonner sir ses véritables activités. "J'ai négocié tellement de transports..." . Il ne voulait pas éreinter plus que de raison sa pauvre tête...
Il finit par quitter la table, pour suivre Jean, non sans sentir des jambes flageolantes. Quelle impression atroce ! Il détestait être affaibli de la sorte. Il inspira un bon coup et rejoignit le billard. Il cala sa pèlerine à sa ceinture pour avoir les bras libres et prit l'étrange et longue canne qui lui fut tendu. Il l'observa quelques secondes, avant d'écouter avec attention les règles du billard. Il ravala un grognement en voyant deux chopes apportées par le tavernier. Hors de question de boire une gorgée en plus de ce breuvage. Puis, il sortit de sa bourse une pièce d'or, qu'il déposa sur la première. Il n'avait pas grande fortune avec lui, juste de quoi terminer son voyage jusqu'à sa destination. Perdre un ou deux pièces ne sera pas des soucis pour lui donc.
''Un défi sans guère de risque n'est pas vraiment un défi… Mais je relève votre mise."
Il se retint de sourciller aux dernières paroles du jouvenceau. Il n'avait jamais joué à ce genre de jeu et fut comment il en causait, Jean voyait déjà son adversaire repartir avec la bourse plus alourdie par la promesse de gains facilement gagnés. Sans mot dire, il se rapprocha de la table à billard, observa les boules qui y étaient disposées pour le lancement de la première partie. Il prit la canne, et comprenant déjà comme en user pour frapper la bille jaune, il l'aligna sur le dos de sa main gauche, bien calée entre deux phalanges. Il se pencha un peu, imaginant une ligne invisible entre sa bille et les autres. D'un coup sec et léger, il percuta la pointe de la queue de billard contre l'objet sphérique, qui roula d'une bonne vitesse, percutant la bille blanche, rebondit sur une des bordures de la table et manqua de peu la rouge. A cet instant, Altarus crut voir flou, certains de ses muscles se relâchant doucement contre sa volonté. Grognant, il se dressa.
''Un jeu alliant réflexion et précision... intéressant... Par contre, je reviens sur vos mots précédents... Comment pouvez-vous perdre aussi aisément, car nul doute que vous êtes un joueur émérite… où est l'embrouille quant à vos défaites précédentes ? "
Derrière son comptoir, le tavernier eut un doute. Dans quelle chope avait-il mis le somnifère de sa composition à base de plante déjà ? Déjà que l'autre vieillard à pèlerine n'avait pas tout bu, ce qui expliquait pourquoi il était encore debout... alors s'il se trompait de buveur. Diantre ! il pouvait pas prévenir Bressac, vu qu'il était lancé dans son jeu. BOn tant pis, il avisera. Le vieux avait de l'argent déjà, ce qui était une bonne chose à ses yeux. Bressac n'avait pas intérêt à foirer son coup.
Son interlocuteur avait bien écouté ses mots, et dans sa réplique, il retourna la question précédente, afin de creuser plus en profondeur les dires d'Altarus. Prendre le problème à l'envers n'était pas bête de sa part. Mais avant de répondre à tout cela, il le laissa débiter la suite. Il y avait tellement à dire sur chacun des éléments qui lui offrait... mais il se sentait trop épuisé mentalement pour entrer dans une profonde analyse. Cette damnée fatigue... et le jeune homme devait l'avoir ressenti pour converser autant. Même lui n'était pas aussi loquace.
''De ce que je comprends... dans ce que vous me décrivez de vous... vous n'avez pas fixé de points pour l'avenir. Vous vivotez au jour le jour, jouissant de ce que vous aimez le plus... Vous dites avoir travaillé toute votre vie pour profiter de ce que vous récoltez maintenant. Pourquoi ne pas avoir de nouvels objectifs sur le long terme, si vous en aviez fait d'avant ? "
Il ne lui aurait pas demandé de pourquoi on cherchait à construire quelque chose sur du long terme...
"Je vais répondre à votre question inversée, qui nommera en même temps cette passion qui vous anime... qui vous pousse à vous damner pour obtenir ce que vous souhaitez par-dessus tout... ... La satisfaction de réussir, la satisfaction de remplir un but… Pensez-vous être heureux, ou n'est-ce qu'une façade ? Les malheureux autour de nous, comme vous les décrivez, se complaisent de leur vie simple. Vous, ce que vous semblez rechercher, c'est la satisfaction dans de la stimulation, que cela vous fasse vibrer, que cela vous donne du piment dans le fil de votre existence. Plus qu'une passion....."
Était-ce également une tête brûlée ? Ou juste un homme en mal d'aventures ? L'adrénaline pouvait devenir une véritable drogue chez certains, au mal de sensations pour sortir de l'ordinaire et qui pousse à aller toujours plus loin dans le danger et les risques.
''Ne pensez pas que j'ai mené une existence extraordinaire. Elle a été banale... rien de plus. Quant à connaître le cœur des hommes... cela m'a permis de préserver ma vie, de m'épargner des risques et d'esquiver certaines arnaques... Cela m'était amplement apporté à être là aujourd'hui... Par contre, et je vous prie de m'excuser si je parais être encore négatif, mais il ne faut pas attendre le passage des années pour acquérir la prudence. Je vous vois comme un jeune chien fou, qui finira avec une dague plantée entre les omoplates s'il ne prend pas garde… "
Par la suite, il passa une main gantée sur son visage, soupirant du harassement qu'il subissait. Bon sang... au plus lointain de ses souvenirs, jamais, il n'avait ressenti aussi désagréable impression. Même après une cuite, dans sa prime jeunesse, il n'avait été aussi vaseux. La bière, en serait-elle, responsable.
''Pardonnez-moi, un moment de vague... Donc vos histoires d'affaires... "
Les industries Bressac... il n'arrivait pas à mettre un souvenir avec ce nom-là... Il n'insista pas, au vu de son état.
''Possible..."dit-il tout simplement quant au fret par voie maritime, ne voulant pas l'aiguillonner sir ses véritables activités. "J'ai négocié tellement de transports..." . Il ne voulait pas éreinter plus que de raison sa pauvre tête...
Il finit par quitter la table, pour suivre Jean, non sans sentir des jambes flageolantes. Quelle impression atroce ! Il détestait être affaibli de la sorte. Il inspira un bon coup et rejoignit le billard. Il cala sa pèlerine à sa ceinture pour avoir les bras libres et prit l'étrange et longue canne qui lui fut tendu. Il l'observa quelques secondes, avant d'écouter avec attention les règles du billard. Il ravala un grognement en voyant deux chopes apportées par le tavernier. Hors de question de boire une gorgée en plus de ce breuvage. Puis, il sortit de sa bourse une pièce d'or, qu'il déposa sur la première. Il n'avait pas grande fortune avec lui, juste de quoi terminer son voyage jusqu'à sa destination. Perdre un ou deux pièces ne sera pas des soucis pour lui donc.
''Un défi sans guère de risque n'est pas vraiment un défi… Mais je relève votre mise."
Il se retint de sourciller aux dernières paroles du jouvenceau. Il n'avait jamais joué à ce genre de jeu et fut comment il en causait, Jean voyait déjà son adversaire repartir avec la bourse plus alourdie par la promesse de gains facilement gagnés. Sans mot dire, il se rapprocha de la table à billard, observa les boules qui y étaient disposées pour le lancement de la première partie. Il prit la canne, et comprenant déjà comme en user pour frapper la bille jaune, il l'aligna sur le dos de sa main gauche, bien calée entre deux phalanges. Il se pencha un peu, imaginant une ligne invisible entre sa bille et les autres. D'un coup sec et léger, il percuta la pointe de la queue de billard contre l'objet sphérique, qui roula d'une bonne vitesse, percutant la bille blanche, rebondit sur une des bordures de la table et manqua de peu la rouge. A cet instant, Altarus crut voir flou, certains de ses muscles se relâchant doucement contre sa volonté. Grognant, il se dressa.
''Un jeu alliant réflexion et précision... intéressant... Par contre, je reviens sur vos mots précédents... Comment pouvez-vous perdre aussi aisément, car nul doute que vous êtes un joueur émérite… où est l'embrouille quant à vos défaites précédentes ? "
Derrière son comptoir, le tavernier eut un doute. Dans quelle chope avait-il mis le somnifère de sa composition à base de plante déjà ? Déjà que l'autre vieillard à pèlerine n'avait pas tout bu, ce qui expliquait pourquoi il était encore debout... alors s'il se trompait de buveur. Diantre ! il pouvait pas prévenir Bressac, vu qu'il était lancé dans son jeu. BOn tant pis, il avisera. Le vieux avait de l'argent déjà, ce qui était une bonne chose à ses yeux. Bressac n'avait pas intérêt à foirer son coup.
Invité
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Après avoir de nouveau décortiqué les questions du personnage de Jean et apporté des réponses précieuses, mûries par de longues années et d’expérience de vie, Aearon avait marqué un temps d’arrêt. L’alcool, ou plutôt le sédatif qui y avait été glissé par le tavernier pour une raison dont lui seul avait le secret, semblait avoir affecté la vigilance du voyageur. De l’autre côté de la table, Bressac faisait face à son adversaire, songeur.
- Vous voyez, Aearon, commença-t-il en se grattant le crâne à travers son épaisse tignasse brune, je pense que vous me comprenez mieux que je ne me comprends moi-même. Ce que vous dites me touche car vous touchez juste et vous dites vrai. Il y a ceux qui, dites-vous, se contentent d’une vie simple, et les gens qui comme moi vivent pour le frisson. Je l’admets et je crois que je ne l’aurais pas mieux dit moi-même. Mais alors pourquoi diable me parlez-vous d’être heureux ? C’est tout de même curieux ! Vous semblez croire en une sorte de but, une espèce de raison de vivre qui vous dépasse et qu’il faudrait atteindre pour assurer votre bonheur. D’où vous vient cette fantaisie ? Pour moi je ne sais rien de tout cela, si ce n’est que chaque jour nous rapproche du dernier. Et chaque fois que vous remettez à plus tard la satisfaction de vos désirs, vous faites un pari sur l’avenir que vous n’êtes pas en mesure de tenir. Je ne prétends pas que cela soit joli à entendre, mais enfin, c’est ce que je vois et c’est donc ce que je crois.
Sans les interrompre, le tavernier avait posé les deux pintes de bière sur une table qui jouxtait la table de jeu. Bressac se saisit aussitôt de la plus proche et en descendit la moitié d’une traite. Il n’était probablement pas raisonnable de boire autant dans le contexte de son travail, mais la journée avait été particulièrement longue et rude, et maintenant qu’il pouvait se rafraîchir le gosier, son esprit semblait résolu à mêler l’utile à l’agréable. Pendant ce temps, le tavernier n’avait cessé de le regarder étrangement. Mais qu’avait ce gredin – dont la mine maussade était déjà une gageure – à devenir depuis peu si patibulaire ? S’évertuait-il à devenir hors-concours ?
Reportant son attention sur la table de jeu, Bressac appliqua de la craie au bout de sa canne de billard et tendit la craie à son compagnon de jeu, puis descendit le reste de sa pinte, qu’il reposa brutalement sur la table.
- Savez-vous le fond de ma pensée ? reprit-il enfin, visiblement éméché. Je pense que ceux qui se satisfont d’une vie simple se contentent de ce qu’ils ont. Voilà leur force. Moi, je désire tout ce que je n’ai pas. Laissez-moi vous poser une question, car je crois que je vois où vous voulez en venir, et j’ai depuis tout à l’heure une pensée qui me tient en haleine que je ne puis différer plus longtemps. Je reconnais votre sagesse, j’en vois le prix et je crois même que je l’admire. Mais dois-je pour autant vous croire lorsque vous m’affirmez mener une vie banale, faite de sagesse et de raison, loin du tumulte des passions ? Car je crois que pour me comprendre si bien, il faut que vous en connaissiez au moins quelque chose. Nous ne souffrons sans doute pas du même mal, mais enfin, n’avez-vous pas vous aussi un feu, une mortelle dévotion qui vous dévore et vous mènerait à votre perte si vous l’écoutiez réellement ? A moins que vous ne l’ayez déjà domptée et êtes devenu le maître de vous-même, auquel cas je vous tire mon chapeau et je veux apprendre de vous. Mais dans le cas contraire, avez-vous déjà désiré une femme ? Un bijou, le pouvoir, une vengeance ? ou toute autre chose pour laquelle vous seriez prêt à vous damner corps et âme ? Que se passera-t-il lorsque vous l’obtiendrez enfin ? J’ai retrouvé le mot que je cherchais tout à l’heure. Lorsque vous obtenez enfin l’objet de vos désirs, l’inaccessible graal tant convoité… après l’extase, Monsieur, c’est le vide que vous contemplez. Je suis sûr que vous me comprenez sur ce point mieux que vous ne voulez l’admettre. Ai-je tort ? Car c’est de mon côté une quête incessante. Vous me parlez de malheur ; je vous parle d’insatisfaction. Sisyphe n’était rien d’autre qu’un homme, et son enfer n’est rien d’autre que notre purgatoire à tous. Nous courons vers les étoiles, nous les désirons de tout notre feu, mais nous n’attrapons que des vers lumineux. Que se passe-t-il ensuite ? Nous désirons la suivante ! Et nous ne réalisons pas qu’il n’y a jamais eu que des lucioles. Oh ! ça n’est pas glorieux, je vous l’accorde. Peut-être faut-il être un homme pour comprendre cela. Je ne sais pas comment font les femmes, ni comment elles peuvent supporter des enragés comme nous. Vous me parlez de vie simple, et vous avez bien raison : car là serait notre remède. Mais voyez les hommes ! Donnez-leur une terre et ils voudront un royaume. Donnez-leur un sceptre et il leur faudra celui des autres. Ciel ! Donnez-leur un empire ! et ils s’entretueront pour le peu qu’ils n’ont pas encore. Nous sommes tous pareils, que nous ayons le cul dans la boue ou sur un trône. Et c’est pour cela que votre vie simple n’a aucun attrait pour moi ; car je ne vis pas pour obtenir, Monsieur, mais pour désirer.
Bressac tituba en arrière, un soudain vertige ayant affecté son sens de l’équilibre. D’ivresse ? D’avoir trop parlé ? D’avoir mis tant d’énergie à incarner son personnage ? Ou d’avoir laissé à nouveau transparaître des pensées du véritable Jean Bressac ? Reprenant promptement son équilibre, le trentenaire s’appuya sur le rebord de la table d’une main.
- Vous voyez, convint-il amusé, votre image du chien fou n’était pas sans fondement. Pour ce qui est de la dague en revanche, ne vous inquiétez pas pour moi. J’ai les épaules larges et je crains les regrets bien plus que les remords.
En guise de conclusion, Bressac retroussa ses manches de chemise et se craqua les phalanges. Il commençait à sentir la fatigue le gagner et, s’il voulait mettre la rouste qu’il désirait à son adversaire, il avait tout intérêt à en finir pendant qu’il était encore vigoureux.
- Cessons là ces plaisanteries si vous le voulez bien mon ami, et que le meilleur gagne, annonça-t-il enfin d’un air aussi théâtral que déterminé.
Autour d’eux, une petite troupe de spectateurs avait commencé à se former pour observer les deux joueurs qui se préparaient à disputer la partie tant attendue. Quelques personnes s’empressaient déjà de remettre des pièces à un grand gaillard qui prenait visiblement des paris sur l’issue du jeu. Pendant ce temps, la majorité des clients vaquait à ses propres occupations sans se préoccuper de la scène qui se déroulait de ce côté de la taverne.
De son côté, Aearon avait parfaitement saisi l’essence de la carambole et venait d’ailleurs de jouer un joli coup. Presque trop beau pour un homme qui avait perdu le sens de la perspective en même temps que son œil borgne, ce qui témoignait d’un esprit résilient, méthodique et précis. Le coup n’avait pas seulement été adroit, il avait été calculé de sorte à faire coïncider l’angle et la force de frappe avec la disposition des billes sur la table, et il s’en était fallu de peu pour qu’il marque son premier point.
Autre signe d’un esprit vif, s’il en fallait encore : le voyageur s’était redressé et venait de poser la question qui s’imposait entre toutes : comment se faisait-il que son personnage, qui passait prétendument ses soirées à jouer au billard, se dise si mauvais à ce jeu qu’il n’était pas possible de perdre contre lui ?
- La raison de mes défaites précédentes ? répéta Bressac en levant sa pinte vide. Vous l’avez sous les yeux.
C’était donc à lui de jouer et de dérouler le script qu’il avait perfectionné au cours des derniers jours. D’abord, mettre l’adversaire en confiance. Pour cela, Bressac jouait toujours son premier coup de la même manière : en le manquant volontairement, de façon suffisamment subtile pour rassurer son adversaire et le conforter dans l’idée qu’il était maladroit au jeu. Si besoin, laisser l’adversaire marquer un point pour le pousser à demander une revanche après la fin de la partie, puis marquer coup sur coup les points manquants.
De son côté de la table, Bressac tapota deux fois le rebord en bois puis, semblant réfléchir, se déplaça autour de la table en observant la position des billes. Il s’arrêta finalement du côté opposé à Aearon puis se pencha sur la table, une main sur le tapis. Affectant une intense concentration, le trentenaire écarta les doigts, faisant coulisser la canne sur son pouce et son majeur tendu en visant la bille rouge. Il se pencha un peu plus en plissant les yeux, et décocha subitement le coup. La bille percuta aussitôt la jaune, et acheva sa course à l’extrémité gauche de la table, à peu près à équidistance des coins. La bille jaune, quant à elle, ricocha deux fois sur les bords de la table avant de s’arrêter non loin de la bille blanche, à l’opposé de la bille rouge.
- Vous voyez, vous ne risquez pas grand-chose, s'exclama Bressac en feignant une déception amusée. Nous sommes toujours à 0-0. A vous ! lança-t-il d’une tape amicale sur l’épaule de son adversaire.
- Vous voyez, Aearon, commença-t-il en se grattant le crâne à travers son épaisse tignasse brune, je pense que vous me comprenez mieux que je ne me comprends moi-même. Ce que vous dites me touche car vous touchez juste et vous dites vrai. Il y a ceux qui, dites-vous, se contentent d’une vie simple, et les gens qui comme moi vivent pour le frisson. Je l’admets et je crois que je ne l’aurais pas mieux dit moi-même. Mais alors pourquoi diable me parlez-vous d’être heureux ? C’est tout de même curieux ! Vous semblez croire en une sorte de but, une espèce de raison de vivre qui vous dépasse et qu’il faudrait atteindre pour assurer votre bonheur. D’où vous vient cette fantaisie ? Pour moi je ne sais rien de tout cela, si ce n’est que chaque jour nous rapproche du dernier. Et chaque fois que vous remettez à plus tard la satisfaction de vos désirs, vous faites un pari sur l’avenir que vous n’êtes pas en mesure de tenir. Je ne prétends pas que cela soit joli à entendre, mais enfin, c’est ce que je vois et c’est donc ce que je crois.
Sans les interrompre, le tavernier avait posé les deux pintes de bière sur une table qui jouxtait la table de jeu. Bressac se saisit aussitôt de la plus proche et en descendit la moitié d’une traite. Il n’était probablement pas raisonnable de boire autant dans le contexte de son travail, mais la journée avait été particulièrement longue et rude, et maintenant qu’il pouvait se rafraîchir le gosier, son esprit semblait résolu à mêler l’utile à l’agréable. Pendant ce temps, le tavernier n’avait cessé de le regarder étrangement. Mais qu’avait ce gredin – dont la mine maussade était déjà une gageure – à devenir depuis peu si patibulaire ? S’évertuait-il à devenir hors-concours ?
Reportant son attention sur la table de jeu, Bressac appliqua de la craie au bout de sa canne de billard et tendit la craie à son compagnon de jeu, puis descendit le reste de sa pinte, qu’il reposa brutalement sur la table.
- Savez-vous le fond de ma pensée ? reprit-il enfin, visiblement éméché. Je pense que ceux qui se satisfont d’une vie simple se contentent de ce qu’ils ont. Voilà leur force. Moi, je désire tout ce que je n’ai pas. Laissez-moi vous poser une question, car je crois que je vois où vous voulez en venir, et j’ai depuis tout à l’heure une pensée qui me tient en haleine que je ne puis différer plus longtemps. Je reconnais votre sagesse, j’en vois le prix et je crois même que je l’admire. Mais dois-je pour autant vous croire lorsque vous m’affirmez mener une vie banale, faite de sagesse et de raison, loin du tumulte des passions ? Car je crois que pour me comprendre si bien, il faut que vous en connaissiez au moins quelque chose. Nous ne souffrons sans doute pas du même mal, mais enfin, n’avez-vous pas vous aussi un feu, une mortelle dévotion qui vous dévore et vous mènerait à votre perte si vous l’écoutiez réellement ? A moins que vous ne l’ayez déjà domptée et êtes devenu le maître de vous-même, auquel cas je vous tire mon chapeau et je veux apprendre de vous. Mais dans le cas contraire, avez-vous déjà désiré une femme ? Un bijou, le pouvoir, une vengeance ? ou toute autre chose pour laquelle vous seriez prêt à vous damner corps et âme ? Que se passera-t-il lorsque vous l’obtiendrez enfin ? J’ai retrouvé le mot que je cherchais tout à l’heure. Lorsque vous obtenez enfin l’objet de vos désirs, l’inaccessible graal tant convoité… après l’extase, Monsieur, c’est le vide que vous contemplez. Je suis sûr que vous me comprenez sur ce point mieux que vous ne voulez l’admettre. Ai-je tort ? Car c’est de mon côté une quête incessante. Vous me parlez de malheur ; je vous parle d’insatisfaction. Sisyphe n’était rien d’autre qu’un homme, et son enfer n’est rien d’autre que notre purgatoire à tous. Nous courons vers les étoiles, nous les désirons de tout notre feu, mais nous n’attrapons que des vers lumineux. Que se passe-t-il ensuite ? Nous désirons la suivante ! Et nous ne réalisons pas qu’il n’y a jamais eu que des lucioles. Oh ! ça n’est pas glorieux, je vous l’accorde. Peut-être faut-il être un homme pour comprendre cela. Je ne sais pas comment font les femmes, ni comment elles peuvent supporter des enragés comme nous. Vous me parlez de vie simple, et vous avez bien raison : car là serait notre remède. Mais voyez les hommes ! Donnez-leur une terre et ils voudront un royaume. Donnez-leur un sceptre et il leur faudra celui des autres. Ciel ! Donnez-leur un empire ! et ils s’entretueront pour le peu qu’ils n’ont pas encore. Nous sommes tous pareils, que nous ayons le cul dans la boue ou sur un trône. Et c’est pour cela que votre vie simple n’a aucun attrait pour moi ; car je ne vis pas pour obtenir, Monsieur, mais pour désirer.
Bressac tituba en arrière, un soudain vertige ayant affecté son sens de l’équilibre. D’ivresse ? D’avoir trop parlé ? D’avoir mis tant d’énergie à incarner son personnage ? Ou d’avoir laissé à nouveau transparaître des pensées du véritable Jean Bressac ? Reprenant promptement son équilibre, le trentenaire s’appuya sur le rebord de la table d’une main.
- Vous voyez, convint-il amusé, votre image du chien fou n’était pas sans fondement. Pour ce qui est de la dague en revanche, ne vous inquiétez pas pour moi. J’ai les épaules larges et je crains les regrets bien plus que les remords.
En guise de conclusion, Bressac retroussa ses manches de chemise et se craqua les phalanges. Il commençait à sentir la fatigue le gagner et, s’il voulait mettre la rouste qu’il désirait à son adversaire, il avait tout intérêt à en finir pendant qu’il était encore vigoureux.
- Cessons là ces plaisanteries si vous le voulez bien mon ami, et que le meilleur gagne, annonça-t-il enfin d’un air aussi théâtral que déterminé.
Autour d’eux, une petite troupe de spectateurs avait commencé à se former pour observer les deux joueurs qui se préparaient à disputer la partie tant attendue. Quelques personnes s’empressaient déjà de remettre des pièces à un grand gaillard qui prenait visiblement des paris sur l’issue du jeu. Pendant ce temps, la majorité des clients vaquait à ses propres occupations sans se préoccuper de la scène qui se déroulait de ce côté de la taverne.
De son côté, Aearon avait parfaitement saisi l’essence de la carambole et venait d’ailleurs de jouer un joli coup. Presque trop beau pour un homme qui avait perdu le sens de la perspective en même temps que son œil borgne, ce qui témoignait d’un esprit résilient, méthodique et précis. Le coup n’avait pas seulement été adroit, il avait été calculé de sorte à faire coïncider l’angle et la force de frappe avec la disposition des billes sur la table, et il s’en était fallu de peu pour qu’il marque son premier point.
Autre signe d’un esprit vif, s’il en fallait encore : le voyageur s’était redressé et venait de poser la question qui s’imposait entre toutes : comment se faisait-il que son personnage, qui passait prétendument ses soirées à jouer au billard, se dise si mauvais à ce jeu qu’il n’était pas possible de perdre contre lui ?
- La raison de mes défaites précédentes ? répéta Bressac en levant sa pinte vide. Vous l’avez sous les yeux.
C’était donc à lui de jouer et de dérouler le script qu’il avait perfectionné au cours des derniers jours. D’abord, mettre l’adversaire en confiance. Pour cela, Bressac jouait toujours son premier coup de la même manière : en le manquant volontairement, de façon suffisamment subtile pour rassurer son adversaire et le conforter dans l’idée qu’il était maladroit au jeu. Si besoin, laisser l’adversaire marquer un point pour le pousser à demander une revanche après la fin de la partie, puis marquer coup sur coup les points manquants.
De son côté de la table, Bressac tapota deux fois le rebord en bois puis, semblant réfléchir, se déplaça autour de la table en observant la position des billes. Il s’arrêta finalement du côté opposé à Aearon puis se pencha sur la table, une main sur le tapis. Affectant une intense concentration, le trentenaire écarta les doigts, faisant coulisser la canne sur son pouce et son majeur tendu en visant la bille rouge. Il se pencha un peu plus en plissant les yeux, et décocha subitement le coup. La bille percuta aussitôt la jaune, et acheva sa course à l’extrémité gauche de la table, à peu près à équidistance des coins. La bille jaune, quant à elle, ricocha deux fois sur les bords de la table avant de s’arrêter non loin de la bille blanche, à l’opposé de la bille rouge.
- Vous voyez, vous ne risquez pas grand-chose, s'exclama Bressac en feignant une déception amusée. Nous sommes toujours à 0-0. A vous ! lança-t-il d’une tape amicale sur l’épaule de son adversaire.
Citoyen du monde
Altarus Aearon
Messages : 414
crédits : 1476
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Info personnage
Race: Humain-elfe
Vocation: Guerrier combattant
Alignement: Loyal neutre
Rang: C
Et ladite perte de vigilance était bien plus conséquente qu'on ne pourrait l'imaginer. Le demi-elfe éprouvait de plus en plus de mal à réfléchir et donc à analyser les paroles de l'humain qui était devenu de plus en plus suspicieux à ses yeux. Sa concentration, peinant, était de plus en plus défaillante. Raisonner devenait impossible. Presque passivement, comme plongé dans une brume qui atténuait le son des mots qui sortaient d'entre les lèvres de l'humain, Altarus ne sut que dire à tout ce qu'il écoutait. Il désirait approfondir les dires de son interlocuteur, décortiquer chacun des détails qu'il lui offrait, pousser sa volonté à repousser ce voile apathique qui poursuivait. Son esprit avait perdu que trop de terrain, se gelant petit à petit à toute tentative d'activité exigeant une énergie qui n'était plus accessible... Cette faiblesse... est-ce que l'humain l'avait captée, pour débiter autant dans sa verve, rajoutant du poids avec des questions profondes, de l'ordre philosophiques et coincer le borgne dans ses répliques pertinences ? C'était possible...
Son élan verbal avait brièvement cessé, quand il s'était saisi de la chope la plus proche de sa personne, pour boire d'une traite le reste de sa bière. La seconde était toujours en place, totalement dédaigné. Altarus n'avait aucune envie de la boire. Il préférait sur l'instant savourer le court silence qui s'instaurait entre lui et Jean, avant que la reprise de conversation se fasse plus intense, plus difficile. Par les Abysses ! Qu'est-ce qui lui arrivait ! Il frôlait de plus en plus l'abîme ténébreux et sans fond. Elle l'appelait, elle l'envoûtait. Il passa une main gantée sur son visage las de fatigue, l'attardant suffisamment pour cacher les crispations de ses lèvres pincées entre ses incisives ; qui ne sera qu'une vaine action. Qu'est-ce qu'il voulait dire ? Ah oui… Ses pensées lui échappaient de plus en plus. Cette perte de contrôle était écœurante.
''Vous ne savez pas ce qu'être heureux..... alors, vous ne l'avez pas compris... ou alors vous vous cherchez encore... C'est pour cela que vous vous réfugiez dans... vos passions. De ce besoin de vous accrocher à des choses que je trouve futile pour croire que vous êtes vivant, que vous aspirez à quelque chose. Ma vie... je la juge banale, peut-être parce que je n'ai pas besoin d'aspirer à plus pour que mon existence me... satisfasse... "
La pertinence de ses propos lui échappait totalement. Comment une bière pouvait-elle le fichtre dans un étal ? Rester éveillé en pleine tempête durant plusieurs jours était éreintant, mais la fatigue subie lui était connue, il la maîtrisait. Il la contrôlait. Celle qui l'écrasait était différente... quelque chose la provoquait. Son naufrage et ses doutes ? Non… ce n'était pas ça... autre chose... c'était autre chose. Mais quoi ?
"Comme vous le dites... vous êtes un homme... vous ne pourrez comprendre ce qui m'anime réellement. "fit-il dans un soupir éreinté.
Bon sang, pourquoi avait-il ça comme cela ? Il se tut et essaya de se secouer mentalement en observant son adversaire au billard. Avait-il titubé ? Non... il hallucinait... oui c'était cela. Sa tête inapte à la réflexion lui jouait désormais des tours. Et il ne releva même pas sa réplique sur son image de tantôt de chien fou, le regardant se mettre en position pour user de sa canne.
Jean se mettait en condition, trouvant sa place à hauteur de la table de billard. Chaque mouvement de ses doigts, de sa main positionnée sur le tapis, la seconde maniant l'outil fin et droit qui frappera la boule rouge... Le jeune homme maîtrisait son jeu. Pourtant, après avoir donné l'impulsion roulante à sa bille, il ne toucha pas la dernière cible... Quelque chose clochait…
Ses prétendues défaites à ce jeu... non, quelque chose ne passait pas... l'excuse de l'alcool ingéré… de sa débauche éthylique qu'il avait narrée précédemment. Non... cela ne coïncidait pas du tout avec la précision de ses gestes... de cette technique... non, son habilité et l'assurance…Il sursauta à la petite tape amicale qui toucha son épaule, le sortant de la torpeur qui l'emportait doucement, terminant d'achever de qui lui restait encore de conscience, avant de le faire sombrer dans les abysses.
Là, si Jean s'attendait à voir Altarus poursuivre la suite du jeu, il déchanterait vite. Le borgne avait posé sa canne, et sans prévenir, avait violemment saisi le col de la chemise de son adversaire. Les mains manquaient de vigueur.
"Par les abysses.... que m'avez vous... donné...! Vous cherchez à feinter... "
Il voulait déployer sa colère dans le ton de sa voix. Il avait souhaité secouer cet humain qui cherchait clairement à l'embobiner à ce jeu... Il... Sa vision se troubla, s'obscurcissant à chaque battement de son coeur. Il se sentit tomber. Lutter... il devait... Non, il ne pouvait plus.... L'obscurité l'emporta, dans une froide séduction qui coupa toute sensation extérieure. Le sédatif, bien qu'à moitié ingéré, avait gagné…
Son élan verbal avait brièvement cessé, quand il s'était saisi de la chope la plus proche de sa personne, pour boire d'une traite le reste de sa bière. La seconde était toujours en place, totalement dédaigné. Altarus n'avait aucune envie de la boire. Il préférait sur l'instant savourer le court silence qui s'instaurait entre lui et Jean, avant que la reprise de conversation se fasse plus intense, plus difficile. Par les Abysses ! Qu'est-ce qui lui arrivait ! Il frôlait de plus en plus l'abîme ténébreux et sans fond. Elle l'appelait, elle l'envoûtait. Il passa une main gantée sur son visage las de fatigue, l'attardant suffisamment pour cacher les crispations de ses lèvres pincées entre ses incisives ; qui ne sera qu'une vaine action. Qu'est-ce qu'il voulait dire ? Ah oui… Ses pensées lui échappaient de plus en plus. Cette perte de contrôle était écœurante.
''Vous ne savez pas ce qu'être heureux..... alors, vous ne l'avez pas compris... ou alors vous vous cherchez encore... C'est pour cela que vous vous réfugiez dans... vos passions. De ce besoin de vous accrocher à des choses que je trouve futile pour croire que vous êtes vivant, que vous aspirez à quelque chose. Ma vie... je la juge banale, peut-être parce que je n'ai pas besoin d'aspirer à plus pour que mon existence me... satisfasse... "
La pertinence de ses propos lui échappait totalement. Comment une bière pouvait-elle le fichtre dans un étal ? Rester éveillé en pleine tempête durant plusieurs jours était éreintant, mais la fatigue subie lui était connue, il la maîtrisait. Il la contrôlait. Celle qui l'écrasait était différente... quelque chose la provoquait. Son naufrage et ses doutes ? Non… ce n'était pas ça... autre chose... c'était autre chose. Mais quoi ?
"Comme vous le dites... vous êtes un homme... vous ne pourrez comprendre ce qui m'anime réellement. "fit-il dans un soupir éreinté.
Bon sang, pourquoi avait-il ça comme cela ? Il se tut et essaya de se secouer mentalement en observant son adversaire au billard. Avait-il titubé ? Non... il hallucinait... oui c'était cela. Sa tête inapte à la réflexion lui jouait désormais des tours. Et il ne releva même pas sa réplique sur son image de tantôt de chien fou, le regardant se mettre en position pour user de sa canne.
Jean se mettait en condition, trouvant sa place à hauteur de la table de billard. Chaque mouvement de ses doigts, de sa main positionnée sur le tapis, la seconde maniant l'outil fin et droit qui frappera la boule rouge... Le jeune homme maîtrisait son jeu. Pourtant, après avoir donné l'impulsion roulante à sa bille, il ne toucha pas la dernière cible... Quelque chose clochait…
Ses prétendues défaites à ce jeu... non, quelque chose ne passait pas... l'excuse de l'alcool ingéré… de sa débauche éthylique qu'il avait narrée précédemment. Non... cela ne coïncidait pas du tout avec la précision de ses gestes... de cette technique... non, son habilité et l'assurance…Il sursauta à la petite tape amicale qui toucha son épaule, le sortant de la torpeur qui l'emportait doucement, terminant d'achever de qui lui restait encore de conscience, avant de le faire sombrer dans les abysses.
Là, si Jean s'attendait à voir Altarus poursuivre la suite du jeu, il déchanterait vite. Le borgne avait posé sa canne, et sans prévenir, avait violemment saisi le col de la chemise de son adversaire. Les mains manquaient de vigueur.
"Par les abysses.... que m'avez vous... donné...! Vous cherchez à feinter... "
Il voulait déployer sa colère dans le ton de sa voix. Il avait souhaité secouer cet humain qui cherchait clairement à l'embobiner à ce jeu... Il... Sa vision se troubla, s'obscurcissant à chaque battement de son coeur. Il se sentit tomber. Lutter... il devait... Non, il ne pouvait plus.... L'obscurité l'emporta, dans une froide séduction qui coupa toute sensation extérieure. Le sédatif, bien qu'à moitié ingéré, avait gagné…
Invité
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Dans sa vie professionnelle, Bressac avait toujours suivi des règles de conduite simples qu’il aimait à résumer ainsi : « Ne pas tuer, ne pas blesser, ne pas brutaliser, mais convaincre ». Son éthique personnelle ne mentionnait ni l’usage du poison ni celui des drogues pour une raison simple, c’était qu’en utiliser ne lui était même pas venu à l’esprit. Il s’était toujours tiré d’affaire par la parole, et c’était généralement par elle qu’il parvenait à tout. Utiliser de tels stratagèmes relevait à ses yeux d’une solution désespérée et parfaitement dénuée d’élégance. Mais maintenant qu’il se trouvait devant le fait accompli, il déchantait amèrement. D’une part parce que cela venait compromettre la belle escroquerie qu’il avait si minutieusement préparée, mais encore parce qu’il était lui-même victime, il le réalisait, de cet empoisonnement. Ce gredin de tavernier avait donc voulu le doubler ! Ou bien s’agissait-il d’une erreur de manœuvre ? Le résultat était dans tous les cas le même, puisqu’il se trouvait désormais, tout comme son ami négociant, dans une situation fort singulière.
- Qu’avez-vous fait ? murmura-t-il en fusillant le tavernier du regard, éprouvant lui-même toutes les difficultés du monde à lutter contre la somnolence qui s’emparait de lui.
Accroupi pour prendre le pouls du voyageur, Bressac constata qu’il était encore en vie. Les vertiges qui s’élançaient dans son crâne devenaient impérieux et la fatigue s’emparait de ses forces. La bouche pâteuse et les paupières lourdes, il ne parvenait à réfléchir à grand peine.
- Que quelqu’un appelle un médecin ! rugit Bressac à la cantonade.
Inutile de dire que personne ne semblait avide de s’exécuter. Trois grands gaillards s’étaient détachés de l’attroupement, visiblement des complices du tavernier, dont le gredin qui récoltait précédemment les paris. Ceux qui étaient venus avec des femmes avaient quitté l’endroit promptement et les autres s’étaient reculés pour assister à la scène d’un peu plus loin.
- Faites les poches de ce malheureux, grogna le tavernier au front luisant. Et tant que vous y êtes, Bressac, vous aurez l’amabilité d’ajouter votre bourse et la montre.
Conscient de la situation, le trentenaire réalisait qu’il était perdu s’il s’exécutait. Mais que pouvait-il, seul et somnolent, contre ces gros bras à l’air aussi stupide que brutal ? Il ne pouvait s’enfuir dans son état car la drogue avait changé ses jambes en coton au point qu’elles ne soutenaient encore son propre poids que par miracle. D’autre part, le voyageur était toujours inconscient sur le sol et il n’avait pas l’intention de le laisser aux mains de ces marauds. Le moment était donc venu de faire œuvre de persuasion et de prendre le taureau par les cornes. Dissimulant son chancèlement, Bressac se redressa de toute sa stature et toisa le petit attroupement qui s’était formé. D’un pas en avant, il dévisagea les gredins un par un.
- Messieurs, vous commettez une grossière erreur, s’exclama-t-il en bouillant d’une colère non dissimulée. En me nuisant à moi ou à cet homme, vous contrariez des gens que vous et moi ne désirons pas fâcher. Cet argent n’est pas le mien et vous savez comme moi à qui il appartient. Je suis un homme raisonnable aussi je vous donnerai une chance d’oublier ce malentendu et de quitter cette taverne en possession de votre tête.
En parfaite improvisation, Bressac énonçait instinctivement les inventions qui lui traversaient l’esprit, saupoudrant çà et là ses mensonges d’un soupçon de vérité pour leur donner l’aspect de la vraisemblance. Tout son bluff reposait sur deux arguments très simples, très théâtraux, mais hautement percutants : la menace de la pègre et la furieuse témérité d’un homme prêt à en découdre seul contre tous. Ce n’était pas très subtil, certes, mais les hommes en face de lui ne l’étaient pas non-plus. Et si Bressac avait appris une chose de ses expériences passées, c’était qu’on ne persuade jamais sans s’adapter à son auditoire.
A ces mots, le petit groupe qui restait encore dans la taverne s’était rétréci un peu plus. De nombreux badauds avaient promptement quitté l’endroit à l’allusion de la pègre. D’autres au contraire, ivres ou hésitants, observaient la suite des évènements. Achevant sa menace d’un ultime pas en avant, Bressac pointa le bar derrière les trois hommes et les dévisagea d’un air farouche.
- Reculez ! Attendez derrière le bar pendant que nous quittons cet endroit.
Dehors, la pluie avait commencé à tomber, s’abattant brutalement sur le toit et les vitres dans la nuit. Un éclair zébra le ciel, projetant une lueur sauvage sur le visage de Bressac.
- Et si vous estimez votre bien-être, acheva-t-il sans sourciller, vous ne nous suivrez pas.
Les trois gredins, qui ne savaient plus où se mettre, avaient reculé et guettaient maintenant la réaction du tavernier. Bressac avait-il su se montrer suffisamment persuasif ? Il l’espérait du moins, car il était proche de se vomir dessus.
- Qu’avez-vous fait ? murmura-t-il en fusillant le tavernier du regard, éprouvant lui-même toutes les difficultés du monde à lutter contre la somnolence qui s’emparait de lui.
Accroupi pour prendre le pouls du voyageur, Bressac constata qu’il était encore en vie. Les vertiges qui s’élançaient dans son crâne devenaient impérieux et la fatigue s’emparait de ses forces. La bouche pâteuse et les paupières lourdes, il ne parvenait à réfléchir à grand peine.
- Que quelqu’un appelle un médecin ! rugit Bressac à la cantonade.
Inutile de dire que personne ne semblait avide de s’exécuter. Trois grands gaillards s’étaient détachés de l’attroupement, visiblement des complices du tavernier, dont le gredin qui récoltait précédemment les paris. Ceux qui étaient venus avec des femmes avaient quitté l’endroit promptement et les autres s’étaient reculés pour assister à la scène d’un peu plus loin.
- Faites les poches de ce malheureux, grogna le tavernier au front luisant. Et tant que vous y êtes, Bressac, vous aurez l’amabilité d’ajouter votre bourse et la montre.
Conscient de la situation, le trentenaire réalisait qu’il était perdu s’il s’exécutait. Mais que pouvait-il, seul et somnolent, contre ces gros bras à l’air aussi stupide que brutal ? Il ne pouvait s’enfuir dans son état car la drogue avait changé ses jambes en coton au point qu’elles ne soutenaient encore son propre poids que par miracle. D’autre part, le voyageur était toujours inconscient sur le sol et il n’avait pas l’intention de le laisser aux mains de ces marauds. Le moment était donc venu de faire œuvre de persuasion et de prendre le taureau par les cornes. Dissimulant son chancèlement, Bressac se redressa de toute sa stature et toisa le petit attroupement qui s’était formé. D’un pas en avant, il dévisagea les gredins un par un.
- Messieurs, vous commettez une grossière erreur, s’exclama-t-il en bouillant d’une colère non dissimulée. En me nuisant à moi ou à cet homme, vous contrariez des gens que vous et moi ne désirons pas fâcher. Cet argent n’est pas le mien et vous savez comme moi à qui il appartient. Je suis un homme raisonnable aussi je vous donnerai une chance d’oublier ce malentendu et de quitter cette taverne en possession de votre tête.
En parfaite improvisation, Bressac énonçait instinctivement les inventions qui lui traversaient l’esprit, saupoudrant çà et là ses mensonges d’un soupçon de vérité pour leur donner l’aspect de la vraisemblance. Tout son bluff reposait sur deux arguments très simples, très théâtraux, mais hautement percutants : la menace de la pègre et la furieuse témérité d’un homme prêt à en découdre seul contre tous. Ce n’était pas très subtil, certes, mais les hommes en face de lui ne l’étaient pas non-plus. Et si Bressac avait appris une chose de ses expériences passées, c’était qu’on ne persuade jamais sans s’adapter à son auditoire.
A ces mots, le petit groupe qui restait encore dans la taverne s’était rétréci un peu plus. De nombreux badauds avaient promptement quitté l’endroit à l’allusion de la pègre. D’autres au contraire, ivres ou hésitants, observaient la suite des évènements. Achevant sa menace d’un ultime pas en avant, Bressac pointa le bar derrière les trois hommes et les dévisagea d’un air farouche.
- Reculez ! Attendez derrière le bar pendant que nous quittons cet endroit.
Dehors, la pluie avait commencé à tomber, s’abattant brutalement sur le toit et les vitres dans la nuit. Un éclair zébra le ciel, projetant une lueur sauvage sur le visage de Bressac.
- Et si vous estimez votre bien-être, acheva-t-il sans sourciller, vous ne nous suivrez pas.
Les trois gredins, qui ne savaient plus où se mettre, avaient reculé et guettaient maintenant la réaction du tavernier. Bressac avait-il su se montrer suffisamment persuasif ? Il l’espérait du moins, car il était proche de se vomir dessus.
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Altarus Aearon
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Vocation: Guerrier combattant
Alignement: Loyal neutre
Rang: C
Le tavernier ne savait plus quoi en penser. Au début, avec son idée saugrenue de rajouter du somnifère de son crû dans la bière du voyageur, il avait cru bien faire pour s'assurer une belle remise sur le gain de Bressac. Après avoir vu que l'inconnu n'avait bu qu'à moitié sa chope, redoutant que son complice de l'instant ne perde réellement, il avait rajouté une seconde dose, en apportant les deux chopes de tantôt. Qu'elle n'avait pas été sa mine déconfite en voyant le jeune menteur boire la mauvaise boisson. Alors, il n'avait pas trouvé mieux, en effet, de le doubler, pour augmenter les gains. Sauf que voilà… Jean Bressac se dévoilait, pour lui. Savoir que cet argent, dont une petite part lui revenait d'ordinaire, appartenait à la Pègre n'était pas sans avoir provoqué une blancheur livide à son visage suant.
''Les gars, faites rien... Très bien, toi et le vieux, dégagez ! Que je ne vous revois plus ici. Bressac, remets ne serait-ce qu'un orteil ici et je t'étriperai de mes mains, tu saisis ? "
Son regard s'était durci.
''Allez, casse-toi ! "dit-il, en espérant reprendre un semblant d'autorité, tout en espérant non sans frémir que la Pègre évoquée ne viendra pas demander des comptes.
Le trou noir… vide de sensations, de réflexion... On n'est rien. On n'est plus rien. Aucune pensée, aucune émotion n'est présente dans ce vide d'obscurité totale. Pourtant, quelque chose finit par vibrer, comme voulant quitter cet environnement sordide... la conscience, c'est son nom, cherche à refaire surface, de reprendre contact avec... la réalité ?
Lentement, Altarus revenait à lui, dans une lenteur irréelle. Son esprit peinait encore à se remettre en route, émergeant d'un sommeil profond sans rêve. Sa paupière finit par s'ouvrir, avant de se refermer aussitôt, la lumière des lieux, bien que légère, agressait son œil. Après quelques secondes, il la rouvrit, prenant contact avec un réel flou et indistinct. Tout était encore imprécis. Il essaya de bouger. Une sensation de pesanteur l'enserre, comme si son corps était empreint d'une étrange mollesse. Chaque membre semble rétif, répondant avec peine à ses tentatives de mouvement. Inspirant longuement, il jugea bon de ne pas se précipiter et de patienter.
Soudain, il se mit à frissonner. Son corps, reprenant petit à petit le contrôle, lui fit comprendre qu'il avait froid. Ses vêtements étaient humides. D'où il avait été trempé ? En cherchant des souvenirs relatifs à son état actuel, sa tête lui tourna. Il grimaça et stoppa toute tentative. Quelque chose souffla un air chaud contre sa joue, avant de le pousser avec douceur. Et ce à plusieurs reprises. Le demi-elfe tourna légèrement la tête avant de voir une chose énorme dans son champ de vision flou. Il sursauta avant d'entendre un léger hennissement d'interrogation. Un cheval ? Il cligna plusieurs fois de la paupière, avant de réussir à discerner la forme de la tête équine. Un équin, à la robe alezane, les oreilles dressées dans sa direction, reniflait encore sa joue et son cou. Par les abysses, il se trouvait où là... dans une écurie ?
Très lentement, il leva une main pour toucher le museau reniflant de l'animal curieux.
''Doucement, mon beau...."souffla-t-il, avant de tenter de se redresser. Ses muscles avaient du mal à obtempérer à sa volonté. Après avoir réussi à s'agenouiller, il se cala contre le mur en bois du box où il se trouvait. Comment s'était-il retrouvé là... Le cheval frotta sa tête contre sa poitrine, comme pour chasser une démangeaison. Cette impulsion permit avec chance à Altarus de se remettre debout. Les jambes pantelantes, se retenant comme il put, il crut être pris de nausées. Inspirant profondément, il réussit à faire passer le malaise.
Il demeurait à moitié debout, patientant que les effets du somnifère s'estompent suffisamment. Son esprit retrouva un peu ses capacités, et là, il commença à mieux approfondir ses interrogations. Il se rappela vaguement la taverne dans laquelle il s'était arrêté pour manger quelque chose.... un homme qui lui offrait le repas.... bon sang... c'était flou encore. Il porta une main à son visage, comme pour faire barrage à l'agression du monde extérieur... ce bougre. Ah oui, Jean Bressac... Et la partie de billard... après cette sensation d'épuisement écœurante qui l'avait fait chuter... Et maintenant, il était ici, dans cette écurie.
Son attention encore chancelante se porta sur un poney qui avait réussi à sortir de son box, reniflant un corps étalé sur le dos, les bras en croix. Altarus n'en revenait. Jean Bressac, ce tricheur, cet..... il était là. Le poney le reniflait, avant de porter ses lèvres épaisses et poilues en direction des lèvres humaines de l'endormi. Elles devaient être encore imprégnées de bière, car le petit équin se mit à les lécher…Et.... mais, est ce que l'humain était en train d'essayer de l'embrasser ? Au moins il était en vie.. Altars pourra exiger des comptes. Mais pas avant d'avoir retrouver tous ses moyens... un instant, en songeant à cette petite crapule, il porta sa main à ses effets... sa bourse, son épée, sa dague... il soupira. Tout était là. Bon... plus qu'à attendre d'être en pleine possession de ses moyens et... de faire causer l'autre amouraché du poney là !
''Les gars, faites rien... Très bien, toi et le vieux, dégagez ! Que je ne vous revois plus ici. Bressac, remets ne serait-ce qu'un orteil ici et je t'étriperai de mes mains, tu saisis ? "
Son regard s'était durci.
''Allez, casse-toi ! "dit-il, en espérant reprendre un semblant d'autorité, tout en espérant non sans frémir que la Pègre évoquée ne viendra pas demander des comptes.
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Le trou noir… vide de sensations, de réflexion... On n'est rien. On n'est plus rien. Aucune pensée, aucune émotion n'est présente dans ce vide d'obscurité totale. Pourtant, quelque chose finit par vibrer, comme voulant quitter cet environnement sordide... la conscience, c'est son nom, cherche à refaire surface, de reprendre contact avec... la réalité ?
Lentement, Altarus revenait à lui, dans une lenteur irréelle. Son esprit peinait encore à se remettre en route, émergeant d'un sommeil profond sans rêve. Sa paupière finit par s'ouvrir, avant de se refermer aussitôt, la lumière des lieux, bien que légère, agressait son œil. Après quelques secondes, il la rouvrit, prenant contact avec un réel flou et indistinct. Tout était encore imprécis. Il essaya de bouger. Une sensation de pesanteur l'enserre, comme si son corps était empreint d'une étrange mollesse. Chaque membre semble rétif, répondant avec peine à ses tentatives de mouvement. Inspirant longuement, il jugea bon de ne pas se précipiter et de patienter.
Soudain, il se mit à frissonner. Son corps, reprenant petit à petit le contrôle, lui fit comprendre qu'il avait froid. Ses vêtements étaient humides. D'où il avait été trempé ? En cherchant des souvenirs relatifs à son état actuel, sa tête lui tourna. Il grimaça et stoppa toute tentative. Quelque chose souffla un air chaud contre sa joue, avant de le pousser avec douceur. Et ce à plusieurs reprises. Le demi-elfe tourna légèrement la tête avant de voir une chose énorme dans son champ de vision flou. Il sursauta avant d'entendre un léger hennissement d'interrogation. Un cheval ? Il cligna plusieurs fois de la paupière, avant de réussir à discerner la forme de la tête équine. Un équin, à la robe alezane, les oreilles dressées dans sa direction, reniflait encore sa joue et son cou. Par les abysses, il se trouvait où là... dans une écurie ?
Très lentement, il leva une main pour toucher le museau reniflant de l'animal curieux.
''Doucement, mon beau...."souffla-t-il, avant de tenter de se redresser. Ses muscles avaient du mal à obtempérer à sa volonté. Après avoir réussi à s'agenouiller, il se cala contre le mur en bois du box où il se trouvait. Comment s'était-il retrouvé là... Le cheval frotta sa tête contre sa poitrine, comme pour chasser une démangeaison. Cette impulsion permit avec chance à Altarus de se remettre debout. Les jambes pantelantes, se retenant comme il put, il crut être pris de nausées. Inspirant profondément, il réussit à faire passer le malaise.
Il demeurait à moitié debout, patientant que les effets du somnifère s'estompent suffisamment. Son esprit retrouva un peu ses capacités, et là, il commença à mieux approfondir ses interrogations. Il se rappela vaguement la taverne dans laquelle il s'était arrêté pour manger quelque chose.... un homme qui lui offrait le repas.... bon sang... c'était flou encore. Il porta une main à son visage, comme pour faire barrage à l'agression du monde extérieur... ce bougre. Ah oui, Jean Bressac... Et la partie de billard... après cette sensation d'épuisement écœurante qui l'avait fait chuter... Et maintenant, il était ici, dans cette écurie.
Son attention encore chancelante se porta sur un poney qui avait réussi à sortir de son box, reniflant un corps étalé sur le dos, les bras en croix. Altarus n'en revenait. Jean Bressac, ce tricheur, cet..... il était là. Le poney le reniflait, avant de porter ses lèvres épaisses et poilues en direction des lèvres humaines de l'endormi. Elles devaient être encore imprégnées de bière, car le petit équin se mit à les lécher…Et.... mais, est ce que l'humain était en train d'essayer de l'embrasser ? Au moins il était en vie.. Altars pourra exiger des comptes. Mais pas avant d'avoir retrouver tous ses moyens... un instant, en songeant à cette petite crapule, il porta sa main à ses effets... sa bourse, son épée, sa dague... il soupira. Tout était là. Bon... plus qu'à attendre d'être en pleine possession de ses moyens et... de faire causer l'autre amouraché du poney là !
Invité
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- Allez !
Les longues barres de bois manœuvraient péniblement dans l’épaisseur de l’océan, jaillissant par intermittence de sa surface pour projeter de vastes trombes d’eau dans leur sillage.
- Allez !
Par rangées de quatre ou cinq, les hommes en sueur se couchaient en tirant sur les rames, dans une cadence rythmée par les cris et les postillons du garde-chiourme. Le front luisant et le dos dégoulinant par l’effort, Bressac ignorait la douleur qui meurtrissait ses épaules et son torse. Depuis combien de temps était-il enfermé dans cette galère infernale ? L’odeur des corps moites imprégnait la vogue où la sudation se mêlait aux effluves du sel, de l’huile et du souffre. Sur le pont, la frénésie s’était emparée de l’équipage que l’on entendait piétiner en tous sens, obéissant à des ordres confus et contradictoires.
- Allez !
Une nouvelle vague se brisa sur la coque du navire qui bravait le courroux de l’océan, renversant les hommes dont les rames se brisèrent sous la violence de l’impact.
- Accrochez-vous ! entendit-on hurler plus haut tandis qu’une gerbe d’eau se déversait dans la cale.
Un nouvel impact projeta Bressac contre la paroi. Cette fois, il se trouva subitement aux côtés du capitaine qui hurlait ses ordres sur le pont. Le ciel s’était déchaîné au-dessus du navire malmené par les flots, baignant l’équipage de ses trombes qui ruisselaient sur leur visage jusque dans leur barbe. La mer se soulevait de rage sous la houle, mais le capitaine ne bronchait pas et semblait fermement résolu à les mener à leur perte. Arcbouté sur sa jambe de bois, il se tenait aux cordages d’une main, brandissant de l’autre son sabre qu’il agitait dans la tempête.
- Œil pour œil ! dent pour dent ! hurla-t-il enfin tandis que l’océan se cabrait sous la coque du navire qui plongea bientôt de tout son poids dans le creux des vagues.
Le ciel s’était obscurci au point que l’on ne discernait plus que les lanternes du Téméraire qui glissait dans la tourmente. Faibles lucioles dans l’orage, leur halo se reflétait à peine sur la surface opaque de l’océan qu’on devinait seulement à deux bras du bastingage. Au milieu de cet enfer, le navire traversait la démence et le vent, tracté par une immense forme blanche dont la peau luisante colorait les eaux noires de l’océan par la blessure du harpon qui était fiché dans son flanc. Cette baleine faisait bien à elle seule la taille de six ou sept hommes mis bout à bout, mais la fureur du capitaine n’entendait plus ni mesure ni raison. Sourd aux hurlements du vent, il n’en était que plus déterminé à emporter avec lui ce monstre dans la mort.
Les éclaboussures et les trombes ruisselaient sur le visage de Bressac qui l’imprégnaient jusqu’à l’os et l’inondaient du goût du sel et de l’écume qu’il sentait jusque dans sa bouche. Le capitaine écumait lui aussi, mais d’une rage venue tout droit du fond des enfers.
- Déferlez les voiles ! entendit-on hurler dans la tourmente. Accrochez-vous !
Un mur d’eau et de sel s’éleva du plongeon du colosse comme un géant qui s’étirait loin au-dessus de leur tête. Chacun s’était fait coi, observant le trépas qui les couvrait de son ombre écumeuse. Agrippé au mât le plus proche, Bressac regardait tout autour et ne voyait plus que des hommes saisis par la terreur. En proie à la panique les marins se cramponnaient ou s’attachaient aux mâts en toute hâte, les plus lucides pleuraient, et les autres s’étaient mis à prier.
« Abandonnez le navire ! » hurla-t-on dans la confusion générale, tandis que la lame de fond s’abattait sur le vaisseau en brisant les mâts et les planches, délavant le pont et emportant dans sa fureur aveugle les hommes qui disparurent d’un coup, avalés par la mer. Fouetté par la vague comme par un bloc de béton, Bressac ne laissa après lui que le noir, les cris, et le sinistre hurlement de la baleine qui s’évanouit dans les profondeurs de l’océan.
Dans l’obscurité et la mollesse de l’inconscience, Bressac percevait le clapotis de l’eau qui gouttait sur son visage. Incapable d’ouvrir les yeux, il sentit que les gouttelettes s’étaient faites gluantes, odorantes et léchouillantes. Il rouvrit soudain les yeux en retrouvant une profonde inspiration comme s’il avait suffoqué depuis tout ce temps et roula de terreur sur la paille de l’écurie, encore à demi-inconscient.
Tentant maladroitement de protéger son visage de ses bras il reprit difficilement ses esprits, encore plongé dans l’abîme du cauchemar. La taverne, le tavernier… la drogue, la pègre… il se revoyait tituber dans la nuit en portant son camarade de boisson inconscient le bras par-dessus son épaule. Il avait trouvé cette écurie. Vaincu, il s’était effondré inconscient dans la paille. Et ensuite ?
Se massant le crâne à travers sa tignasse désordonnée, Bressac réalisa soudain l’intense chaleur qui l’entourait. Une singulière odeur de feu lui brûlait les narines. Autour de lui, une lanterne s’était renversée, probablement heurtée dans son sommeil, et l’huile qui s’était déversée avait propagé ses flammes à la paille qui s’embrasait tout autour.
A la faveur des flammes, il discerna difficilement une silhouette qui se tenait coite dans l’ombre, un œil farouche luisant à la lumière dansante des flammes.
- Aearon… ? toussa Bressac, qui peinait encore à retrouver la pleine possession de ses moyens.
Les longues barres de bois manœuvraient péniblement dans l’épaisseur de l’océan, jaillissant par intermittence de sa surface pour projeter de vastes trombes d’eau dans leur sillage.
- Allez !
Par rangées de quatre ou cinq, les hommes en sueur se couchaient en tirant sur les rames, dans une cadence rythmée par les cris et les postillons du garde-chiourme. Le front luisant et le dos dégoulinant par l’effort, Bressac ignorait la douleur qui meurtrissait ses épaules et son torse. Depuis combien de temps était-il enfermé dans cette galère infernale ? L’odeur des corps moites imprégnait la vogue où la sudation se mêlait aux effluves du sel, de l’huile et du souffre. Sur le pont, la frénésie s’était emparée de l’équipage que l’on entendait piétiner en tous sens, obéissant à des ordres confus et contradictoires.
- Allez !
Une nouvelle vague se brisa sur la coque du navire qui bravait le courroux de l’océan, renversant les hommes dont les rames se brisèrent sous la violence de l’impact.
- Accrochez-vous ! entendit-on hurler plus haut tandis qu’une gerbe d’eau se déversait dans la cale.
Un nouvel impact projeta Bressac contre la paroi. Cette fois, il se trouva subitement aux côtés du capitaine qui hurlait ses ordres sur le pont. Le ciel s’était déchaîné au-dessus du navire malmené par les flots, baignant l’équipage de ses trombes qui ruisselaient sur leur visage jusque dans leur barbe. La mer se soulevait de rage sous la houle, mais le capitaine ne bronchait pas et semblait fermement résolu à les mener à leur perte. Arcbouté sur sa jambe de bois, il se tenait aux cordages d’une main, brandissant de l’autre son sabre qu’il agitait dans la tempête.
- Œil pour œil ! dent pour dent ! hurla-t-il enfin tandis que l’océan se cabrait sous la coque du navire qui plongea bientôt de tout son poids dans le creux des vagues.
Le ciel s’était obscurci au point que l’on ne discernait plus que les lanternes du Téméraire qui glissait dans la tourmente. Faibles lucioles dans l’orage, leur halo se reflétait à peine sur la surface opaque de l’océan qu’on devinait seulement à deux bras du bastingage. Au milieu de cet enfer, le navire traversait la démence et le vent, tracté par une immense forme blanche dont la peau luisante colorait les eaux noires de l’océan par la blessure du harpon qui était fiché dans son flanc. Cette baleine faisait bien à elle seule la taille de six ou sept hommes mis bout à bout, mais la fureur du capitaine n’entendait plus ni mesure ni raison. Sourd aux hurlements du vent, il n’en était que plus déterminé à emporter avec lui ce monstre dans la mort.
Les éclaboussures et les trombes ruisselaient sur le visage de Bressac qui l’imprégnaient jusqu’à l’os et l’inondaient du goût du sel et de l’écume qu’il sentait jusque dans sa bouche. Le capitaine écumait lui aussi, mais d’une rage venue tout droit du fond des enfers.
- Déferlez les voiles ! entendit-on hurler dans la tourmente. Accrochez-vous !
Un mur d’eau et de sel s’éleva du plongeon du colosse comme un géant qui s’étirait loin au-dessus de leur tête. Chacun s’était fait coi, observant le trépas qui les couvrait de son ombre écumeuse. Agrippé au mât le plus proche, Bressac regardait tout autour et ne voyait plus que des hommes saisis par la terreur. En proie à la panique les marins se cramponnaient ou s’attachaient aux mâts en toute hâte, les plus lucides pleuraient, et les autres s’étaient mis à prier.
« Abandonnez le navire ! » hurla-t-on dans la confusion générale, tandis que la lame de fond s’abattait sur le vaisseau en brisant les mâts et les planches, délavant le pont et emportant dans sa fureur aveugle les hommes qui disparurent d’un coup, avalés par la mer. Fouetté par la vague comme par un bloc de béton, Bressac ne laissa après lui que le noir, les cris, et le sinistre hurlement de la baleine qui s’évanouit dans les profondeurs de l’océan.
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Dans l’obscurité et la mollesse de l’inconscience, Bressac percevait le clapotis de l’eau qui gouttait sur son visage. Incapable d’ouvrir les yeux, il sentit que les gouttelettes s’étaient faites gluantes, odorantes et léchouillantes. Il rouvrit soudain les yeux en retrouvant une profonde inspiration comme s’il avait suffoqué depuis tout ce temps et roula de terreur sur la paille de l’écurie, encore à demi-inconscient.
Tentant maladroitement de protéger son visage de ses bras il reprit difficilement ses esprits, encore plongé dans l’abîme du cauchemar. La taverne, le tavernier… la drogue, la pègre… il se revoyait tituber dans la nuit en portant son camarade de boisson inconscient le bras par-dessus son épaule. Il avait trouvé cette écurie. Vaincu, il s’était effondré inconscient dans la paille. Et ensuite ?
Se massant le crâne à travers sa tignasse désordonnée, Bressac réalisa soudain l’intense chaleur qui l’entourait. Une singulière odeur de feu lui brûlait les narines. Autour de lui, une lanterne s’était renversée, probablement heurtée dans son sommeil, et l’huile qui s’était déversée avait propagé ses flammes à la paille qui s’embrasait tout autour.
A la faveur des flammes, il discerna difficilement une silhouette qui se tenait coite dans l’ombre, un œil farouche luisant à la lumière dansante des flammes.
- Aearon… ? toussa Bressac, qui peinait encore à retrouver la pleine possession de ses moyens.
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