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    Impératrice-dragon du Reike
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    Ayshara Ryssen
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    https://www.rp-cendres.com/t202-l-imperatrice-dragon#612
  • Lun 14 Oct - 10:33

    - Regarde-moi ça ! Ces draps sont encore aussi immaculés qu'un matin de printemps. On pourrait croire qu’ils dorment chacun de leur côté.
    - Tu m’étonnes. Après un mariage pareil, je suis presque certaine qu’ils n’ont même pas partagé une vraie nuit ensemble.
    - Elle, une princesse Draknys, livrée comme une marchandise. Lui, un barbare devenu roi... C’est clair que ça ne doit pas être l’amour fou.
    - Oui. Une union arrangée pour que le royaume retrouve la paix... Tout le monde le sait. M'enfin, je pensais qu'ils auraient... Bref, tu comprends. Surtout avec tout ce qu’on raconte sur Tensai Ryssen. On l’imaginait plus... fougueux.
    - Je ne sais pas... Il paraît qu’il est redoutable sur le champ de bataille, mais avec elle... Je ne suis pas sûre. Elle doit être si perdue...
    - 'Faudra bien qu’ils finissent par le consommer, ce mariage. C’est ainsi que l’on consolide ce type d'alliance, non ?


    Et c'était tristement vrai. Cela faisait une petite semaine à présent. Sept jours depuis que son frère l'avait vendue, depuis qu'elle était devenue la reine d'un homme qu'elle ne connaissait qu'à travers des récits de guerre teintés d'effroi et de gloire – parfois de mépris. Tensai. Le chef des barbares. Son époux. Ils avaient juré devant les Astres, pour le meilleur... et pour le pire.
    Malgré tous les chambardements qui lui arrivaient, Ayshara refusait de verser la moindre larme. Fidèle à son éducation, elle garda la mâchoire serrée et le menton haut pendant toutes les cérémonies. En revanche, un mutisme inusité s'empara d'elle – non pas sans rappeler l'enfance de Vaenys. Ceux qui l'avaient connue antérieurement, le bout de femme sympathique, consciencieuse, appréciant discuter des heures avec les domestiques, reconnaissaient à peine cette silhouette gracieuse qui se déplaçait désormais au sein des corridors du palais. Une épaisse carapace s'était forgée autour de ce corps d'apparence si frêle. Une protection qu'elle jugeait nécessaire afin de survivre dans ce nouveau quotidien qui ne lui appartenait plus vraiment. L'épouse du Conquérant ignorait où se situait le seuil entre son devoir de souveraine et l'infime part d'elle-même qui souhaitait toujours croire à l'indépendance. Elle se limitait à des échanges froids, polis, esquivant habilement les conversations inutiles ou celles pouvant éveiller certains de ses vils démons internes. Dire qu'il y a à peine un mois de cela, elle s'amusait encore à jouer à la dinette en toute innocence, loin de se douter que sa vie évoluerait de façon aussi fastidieuse.

    Peut-être... Peut-être qu'il y avait juste trop d'émotions à gérer simultanément. La perte subite de ses chers parents, la trahison de son frère, le mariage avec un austère inconnu, et surtout - oui surtout ça - un vaste royaume à panser en tant que souveraine fraichement couronnée. Quasi tout restait à apprendre. Au diable les années de scolarisation qui ne lui avaient appris qu'à maîtriser les lois et protocoles déjà en place. À l'heure actuelle, rien ne fonctionnait normalement. La vosdraak était chez elle sans réellement l'être. Enfin, il s'agissait de son impression du moment, n'envisageant guère la possibilité que la situation change. En mieux.

    Et donc, plutôt que de se plaindre et de passer pour une faible, elle préférait se taire, garder ses distances. Le temps de se recentrer, a minima.

    Ils ne se parlaient presque pas, ne partageaient rien, si ce n'est un lit. Mais pourtant, à chaque fois que ses prunelles croisaient celles de son mari, son cœur se mettait à battre plus vite. Un sentiment diffus qui la troublait. Puis la nuit, lorsque Ayshara sentait la présence de Tensai à côté, une chaleur étrange la prenait. Elle ne voulait pas de cette attirance. La repousser de toutes ses forces, il fallait. Comment pouvait-elle ressentir une telle ambiguïté pour un homme – un tueur qui symbolisait la déchéance de sa lignée ancestrale ? Elle se détestait de ne pas pouvoir l'ignorer.

    Ce soir-là, la reine se préparait à aller "accueillir" son époux. Un mot au goût fort amer sur ses lèvres, parce qu'elle savait exactement d’où il revenait : une mission de "pacification" au sein des ruelles d’Ikusa. Le drakyn avait probablement fait taire de manière définitive une bande d'irréductibles reikois pure souche, des gens farouchement loyaux aux Draknys. Les braises de la guerre n'étaient pas complètement éteintes... La stabilité de la nation tenait à un fil. Depuis la chute de Reih et d'Aaliya, la capitale vivait à la cadence des rumeurs, des complots ainsi que des violences. À plusieurs coins de rue, les deux camps se chamaillaient, afin de tenter d'imposer leur vision. Un joyeux bordel, quoi. En réalité, la sœur de Vaenys n'avait aucune maudite idée de ce qui sortirait de sa bouche ou de ce qu'elle ferait face à lui. C'était toujours pareil – une partie d’elle ne demandait qu'à exploser d'une colère sourde. Elle n’aimait pas jouer les potiches, à devoir sourire et accepter docilement le mâle alpha rentrant au bercail, comme si tout allait bien, comme si tout le Reike n’était pas sur le point de s'effondrer, comme si des brutes sanguinaires ne venaient pas juste d’écarter 5000 ans d'histoire d'un putain de revers de main.

    Heureusement, Ayshara s'appuyait sur un petit cercle d'amis fiables pour traverser cette période difficile. Zéphyr, Afosios, Herendil, Noctalys et plusieurs autres formaient son noyau de soutien, lui offrant réconfort quand elle en manquait... Mais était-ce suffisant ?

    En arrivant près de l'entrée du palais, le rythme cardiaque de la belle blonde s'accéléra. Des voix lui parvenaient, des ordres lancés, des chevaux qui frappaient leurs sabots. La grande porte s'ouvrait, et elle savait qu’il était là, à quelques mètres. Tensai le Conquérant. Ses améthystes balayèrent la cour, trouvant son visage parmi les rustres en armure qui l'accompagnaient. Il en jetait vraiment dans ces instants-là, avec la terre du combat qui le recouvrait çà et là. Il dégageait quelque chose de brute, d'animal. Difficile de ne pas être impressionnée face à ce guerrier colossal – portant les stigmates des boucheries qu'il orchestrait.

    Empereur-dragon du Reike
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    Tensai Ryssen
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  • Mar 5 Nov - 21:55
    - Majesté…

    Melton Kalsworth avait enfin eu le courage de s’approcher de ce géant qui le dominait de toute sa hauteur. Membre de la haute société reikoise, on lui avait donné le dur rôle de « paranymphe » ou de chaperon, afin que le mariage soit entièrement consommé entre les nouveaux monarques. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que cela était… sacrément compromis ? Certes, Tensai avait bien posé ses yeux sur Ayshara, lui avait-t-on soufflé. Les servantes du palais étaient catégoriques sur ce point ; puis, lors de la cérémonie religieuse qui les avait unis, il avait bien dû considérer sa nouvelle épouse. Mais pour le reste, le barbare n’avait strictement rien d’un prince charmant. D’abord, il était impassible et ne laissait rien montrer de ses sentiments. On aurait dit une forteresse, un mur, que même l’ancienne princesse ne savait percer. Ensuite, l’homme n’avait aucune manière. Il était brutal, n’avait aucun tact, aucune douceur dans ses propos. Il ne cherchait visiblement même pas à accorder la moindre attention à sa dulcinée, puisque – de ce qu’il avait entendu – le guerrier se levait dès l’aube pour retrouver ses guerriers, et pour ensuite consolider sa propre autorité. Ses journées consistaient à étouffer les éléments rebelles qui s’élevaient ici et là dans la capitale et ailleurs, à se montrer présent dans le joyau d’Ikusa, en appliquant les sanctions lui-même. D’une main de fer, il ne tolérerait pas le moindre écart, même s’il devait encore répandre le sang de ses propres sujets. La tête des anciens souverains étaient d’ailleurs collées à des piques pour rappeler à tous que les choses avaient changé et même l’armée était une fourmilière qui n’arrivait pas à complètement s’apaiser. Le Drakyn avait naturellement remplacé les hauts-officiers par des soldats dont il connaissait la valeur et l’allégeance, mais cela ne voulait pas dire pour autant que la ville était calme, que l’ordre régnait, que son règne était incontestable. Au contraire, et c’était bien pour cette raison que le monarque était tant sorti du palais ces derniers temps. D’une part, il avait déjà visité plusieurs casernes de la métropole pour voir l’état des troupes, il avait aussi visité les zones qui devaient être reconstruites, voire réparées, depuis qu’il avait lancé son offensive sur Ikusa. D’autre part, être assis sur un trône, être plus encore un roi administratif, paisible et peu belliqueux ne correspondait pas à sa personnalité. Tensai voulait davantage être une tête couronnée proche de ses frères d’armes, tout comme l’homme-dragon avait pour ambition de repousser les frontières du Reike, en menant le pays loin de son immobilisme crasse qu’il avait tant décrié. Ce n’était pas qu’Ikusa qui avait besoin d’être purgé : Kyouji et Taisen devaient également continuer à se réformer, sans oublier les multiples clans qui parsemaient le sol du désert.

    En un mot, Tensai avait de grandes ambitions, n’avait pas une minute pour lui et ne semblait pas d’humeur à jouer les séducteurs.

    « L’a-t-il seulement été ? On dit qu’il n’aime que le sang, le combat, et le meurtre », remarqua amèrement le noble qui le suivait, et qui avait été superbement ignoré par le Drakyn, au demeurant. Prenant toutefois son courage à deux mains, il toussota à nouveau, encouragea son étalon à se mettre à hauteur du guerrier, puis reprit : « Majesté… Je suis navré d’insister, mais j’aimerais vous parler… »

    Melton n’était pas dupe, le barbare le supportait seulement parce qu’il faisait partie d’une famille puissante. Celle-ci était restée prudemment en retrait durant la Conquête. A présent que les lions s’étaient mangés entre eux, son domaine sortait de l’ombre et voyait dans les nouveaux monarques une occasion de se faire une place de choix. Mais outre cela, il y avait aussi urgence, car la noblesse était elle aussi au bord de l’implosion. Si le couple  asseyait son autorité, les aristocrates mèneraient une bataille pour se faire bien voir par les souverains. Et si le couple se disloquait… Une guerre se lancerait sans doute pour qu’il y ait un malheureux accident à l’un, puis à l’autre, afin qu’une nouvelle dynastie pût voir le jour. Certains avaient déjà pensé à cette hypothèse, Melton en était sûr, et il leur souhaitait bonne chance dans ce combat face à l’Oreille. En attendant, les siens, plus prudents, avaient décidé de miser sur Ayshara et son époux. Dès que le mariage serait consommé, l’avenir pourrait être vu sous de meilleurs auspices.

    Mais il fallait qu’il le consomme et avec la brute qu’il accompagnait, c’était loin d’être gagné, bon sang.

    C’était la matriarche Kalsworth qui s’était dit, à juste titre, que le souverain aurait peut-être besoin de conseils pour approcher son épouse, et qui avait donc incité le nobliau à se mettre en avant de la scène. L’ordre sous-jacent était naturellement de se faire bien voir. Mais autant dire que le Reikois avait eu l’impression plus d’une fois d’être une mouche importune que Tensai allait écraser sans ménagement, et ce, sans crier gare.

    – Votre Majesté… Un grognement lui répondit et le pauvre hère avala tant bien que mal sa salive. Avez-vous pu parler un peu avec la reine… ?
    Le regard que lui jeta le barbare lui confirma ses doutes.
    Il le voyait vraiment comme une mouche qui l’emmerdait à du cent à l’heure.
    - Comme vous le savez, je suis là pour vous aider et…
    - Tu n’es pas une aide, tu es une gêne.
    La réponse sèche claque, et Melton sent ses couleurs disparaître, avant qu’il ne se reprenne.
    - … Et pour votre intérêt et celui du Royaume – on peut l’admettre, il est, sinon fou, au moins courageux – plus vite vous aurez une bonne relation, et mieux ce ser…
    Le dénommé Melton s’interrompt quand il voit un rictus ironique déchirer le visage de son souverain. Pour peu, on croirait qu’il rit, sauf que… ce n’est forcément de bonne augure.
    - J’ai tué ses parents.
    - C’est vrai mais…
    - J’ai chassé son frère.
    - Vous avez raison mais…
    - Je n’aurais eu aucun scrupule à tuer ses serviteurs. Qu’il s’agisse de son renard ou de son demi-hibou.
    - Vous avez encore raison, m...
    - Et j'ai massacré la garde royale il y a à peine une semaine.
    Cette fois, Tensai s’arrête brusquement, et le cortège qui le suit avec lui. Son sourire sarcastique a disparu pour ne laisser place qu’à des prunelles orageuses.
    - Et toi, tu me dis sept jours plus tard « d’avoir de bonnes relations avec elle » ?
    - Je ne me fais pas d’illusions, messire, répond précipitamment son interlocuteur, et un grognement plus mauvais lui répond. Mais comme vous le savez, les souverains ont le devoir divin de procréer et… – un baragouinage en shierak-quiya  lui répond encore une fois, toujours plus sombre, toujours plus inquiétant – et avant d’en arriver là, dit-il d’un rythme de plus en plus rapide, vous pourriez peut-être lui offrir des cadeaux ?
    Sa proposition semble au moins intriguer Tensai – signe qu’il n’y a pas du tout pensé – et cela a au moins le mérite de lui faire lâcher la manche de sa claymore, qu’il caressait comme s’il avait envie de la sortir (on se demande pour qui).
    - Des cadeaux ? Quels cadeaux ?
    - Eh bien, vous savez. Ce qui plait aux femmes.
    Le silence lui répond.
    - … Vous savez ce qu’aiment les femmes, Majesté ?
    Du coin de l’œil, Tensai échange un œil avec un membre de son clan et c’est ce dernier qui répond.
    - Les femmes de notre clan aiment se battre.
    - Et se façonner de nouvelles armes.
    - Et prouver qu’elles valent autant que les hommes.
    Les deux bougres s’échangent un regard entendu pendant que Melton est… un peu désabusé. Juste un peu. Rien de dramatique. Il s’en remettra.
    - Et je suppose qu’elles aiment aussi les bijoux… ?
    Un silence pensif.
    - … Les beaux tissus en soie… ?
    Silence toujours persistant.
    - … Les parfums ?
    Le silence est maintenant désespérant et Tensai a une légère moue.
    - C’est ce qu’aime Ayshara ?
    Au moins, il dit son nom. C’est toujours ça de pris.
    - Eh bien, je n’ai pas l’outrecuidance de connaître la princes… votre épouse, Monseigneur. Mais je suis sûre que cela lui plairait.
    Manifestement, Tensai n’est pas très convaincu. Alors Melton change de tactique.
    - Mais ce qui lui plairait encore plus, c’est que vous lui offriez un cadeau que vous aurez vous-mêmes choisi.
    Angoissé, le noble observe son nouveau souverain qui semble abîmé dans ses pensées. Il se passe un moment encore, avant que le monarque ne dise brusquement :
    - J’y réfléchirai.
    L’instant d’après, il envoie son cheval au galop et sa troupe accélère naturellement la cadence pour suivre le roi du Reike. Surpris, Melton reste là, et il lance une œillade presque craintive au Ryssen qui est resté à ses côtés. Puis, la curiosité étant ce qu’elle est, il ose finalement demander :
    - Qu’est-ce que le roi baragouinait en shierak-quiya, quand je parlais de leur devoir de procréer ?
    Son interlocuteur hausse les épaules de manières nonchalante avant de répondre.
    - Qu’il en avait rien à carrer.
    Puis, éclatant de rire en voyant la figure déconfite du chaperon, le guerrier reprend sa course pour rejoindre le futur Tueur des Titans.

    ***

    Quand la troupe de Tensai arrive au palais, l’après-midi est bien entamée, la soirée est même déjà amorcée, et nul doute que les serviteurs du palais se trémoussent déjà pour savoir quand il leur faudra livrer le repas au couple royal. Mais le monarque est indifférent à la préoccupation des domestiques. C’est trop tôt pour qu’il les prenne en considération, et il a encore des préoccupations trop égocentriques pour considérer tout ce que son rôle de souverain implique. Il est un barbare plus qu’un roi, en cette étape de sa vie, qui prend ce qu’il veut, quand il veut, et en faisant peu fi des familles qu’il détruit. Agent du chaos et de la destruction, le colosse d’alors peine également à imaginer l’idée de concevoir une famille, de construire quelque chose de durable avec une inconnue qui n’a vécu que dans les murs de ce château. Oui, l’homme l’a tout de suite considérée jolie – sans nul doute est-ce la plus belle femmes qu’il ait vu de sa vie – et oui, l’idée ne lui a pas déplu de la toucher, de poser sa main si grande sur son visage si fin, pour sécher les larmes, pour l’amener contre lui, pour la serrer dans ses bras.

    Mais c’est une femme fragile, songe-t-il.
    C’est une poupée, un outil autrefois au main de Vaenys, croit-il encore.
    Le géant ignore même si elle saurait tenir tête aux femmes de son clan et parti pris oblige, il imagine sans mal les guerrières marcher sur le tempérament de la magicienne.

    Plus encore, le barbare sait qu’il a détruit sa vie. Il sait encore qu’il est l’assassin de ses parents, en plus d’être un régicide ; il sait qu’il a renversé l’ordre pour imposer ses lois, sa loi, celle de la force – et à ce stade, il n’en veut pas d’autres. Il sait, comme il l’a rappelé à Melton plus tôt, qu’il a chassé son frère, qu’il l’a isolée de tout, qu’il a remplacé sa garde royale, qu’il a failli même s’en prendre à ses hybrides.

    Alors comment même la Vosdraak pourrait l’aimer ?

    C’est bien pour qu’elle ne supporte pas sa présence qu’il l’avait évitée. Peut-être pour lui montrer un geste minime de délicatesse. Mais Tensai l’a bien compris avec cette sangsue : on veut qu’ils consument leur mariage. Et on veut, on attend que le couple royal se rapproche l’un de l’autre. C’est une plaie… Mais peut-être pourra-t-il faire un effort.

    Alors que la cour grouille de cavaliers, de chevaux, et de domestiques qui accourent pour accueillir leur nouveau roi, l’homme-dragon grogne un ordre à une domestique :

    - Qu’on m’amène mon épouse !

    Son ton est suffisamment fort pour que tous l’entendent. Melton lui-même devrait en être heureux, sauf qu’il a un regard étonnamment pâle, comme s’il n’était pas ravi par… quelque chose.

    Mais la domestique n’ose rien contester. Pas face à ce colosse qui pourrait lui arracher la tête d’un claquement de doigt. Alors elle se détourne, court vers l’entrée pendant que son cœur bat à tout rompre. Elle ne pense même pas que le roi pourrait avoir la décence de convoquer son épouse une fois lavé, et une fois qu’il est à l’intérieur du palais. Elle est trop paniquée pour le critiquer – or, il y aurait de quoi faire – et elle est tellement concentrée sur sa course qu’elle est à deux doigts de rentrer dans Ayshara. En fait, elle est tellement rapide qu’elle n’arrive pas à interrompre son élan, mais heureusement, elle n’est pas suffisamment vivace pour les renverser toutes les deux. Quand la pauvre se rend enfin compte de qui elle a heurté, ses yeux s’élargissent et elle bégaie :

    - Ma-Ma-Ma-Majesté ! Pardon !

    Déjà la domestique esquisse un pas pour s’incliner aussi profondément qu’elle le peut. Bientôt, néanmoins, elle se redresse et désigne du doigt la direction de Tensai.

    - Il veut-il veut vous voir ma dame… Un ton plus bas, d’une voix tremblante. Je ne sais pas pourquoi…

    « Faites attention », soufflent ses yeux, mais elle ne le dit pas tout haut. Au contraire, elle s’efface pour laisser sa maîtresse s’avancer, et quand Tensai la verra s’avancer, une mine pour une fois satisfaite s’affichera sur son regard.

    - Approchez, ma reine.

    Si son ton est le même que d’habitude – une voix directe qui n’a pas l’habitude d’être désobéie – son tempérament montre cependant qu’il n’est pas de mauvaise humeur. Il ne pense même pas que le sang qui m’accule une part de son armure pourrait lui être désagréable.

    - On m’a signalé qu’il serait de bon goût que je vous fasse quelques cadeaux, pour vous montrer mon… Comment l’autre avait dit, déjà ? Ah, oui. Mais plutôt que vous prendre des choses inutiles, aka les bijoux, les parfums, les soieries, tout ce genre de choses-là, j’ai voulu vous offrir quelque chose de personnel. Tout autour d’eux, le reste du cortège observe, guette la moindre réactions d’Ayshara ainsi que celle de Tensai. Qu’on les amène ! ordonne-t-il.

    Deux serviteurs amènent alors  trois servantes enchainées – trois esclaves, reconnaîtra la Vosdraak – mais la belle n’aura pas le temps de dire un mot que Tensai poursuivra.

    - Je les ai achetées au marché d’esclaves aujourd’hui même, dit-il d’un ton un peu fier. Je me suis dit qu’être entourée de nouveaux serviteurs pourraient vous faire du bien, puisqu’au palais tout le monde autour de vous a l’air morne.

    Tensai désigne les trois femmes du regard.

    - Elles vous aideront… pour ce que vous voulez, finit-il par déclarer. Leur sort m’importe peu tant que cela vous plait.

    Et enfin, voilà qu’il se tait, attendant une réaction d’Ayshara.

    Le pire, dans tout ça ? C’est qu’il est plutôt content de lui, ce cher Tensai.
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