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    Vanay Vyldrithe
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  • Ven 12 Avr - 13:05
    - Au nom du Courage, de la Justice et de la Liberté…

    Assise sur une caisse à l’extérieur de l’auberge. Mes pensées continuent de tourner et retourner dans tous les sens le discours qui a eu lieu la veille sur la place des Héros. Mon regard rivé sur un ciel indécis entre beau temps et pluie, je ne peux non plus m’empêcher de me dire que les petites gens ont subie cela à cause de quelques grosses têtes et leurs magouilles.

    Les rues encore humides de l’inondation, certaines bouchées par des gravas et des bâtiments écroulé... On se croirait sortie de guerre alors qu’il ne s’agit que d’une bataille au vue du discours de la veille.

    - Vany ! T’as pas bientôt finit de rêvasser ? J’t’ai pas emmené pour que tu t’dors la pilule !

    - J’arrive Molly !

    Je ne peux m’empêcher de sourire quand j’entends la voix de cette naine. Elle avait un aplomb à quasi toutes épreuves et, heureusement, très communicatif !

    Je me redresse, pose quelques instants mon regard sur l’auberge. Nous avons eu beaucoup de chance dans ce bordel. Le bâtiment avait résisté. Il s’était dégarnie de quelques tuiles ici et là et s’est vue, la cave et l’étage principal, couvert d’eau. Mais franchement, quand on voit certain de nos voisins, on s’en était bien sortie.

    Une partie de la journée s’est écoulé occupé entre nettoyage et trie. Notre réserve de nourriture avait pris l’eau et, hormis quelques denrée, une bonne partie avait dû être jeté. Fort heureusement, l’alcool avait survécu. Étant ce qui se vend le mieux et, avec l’ambiance actuelle de la ville, je ne doute pas que la clientèle reviendra rapidement.

    Le plus gros reste encore à faire.

    - … Et je peux savoir pourquoi on est que toutes les deux ?

    Devant moi, une armoire massive en chêne. Le genre de monstre qui ne se laisse pas déplacer par les bras de la lilliputienne que je suis et encore moins par une Naine qui n’est plus de première jeunesse.

    - Roh ! T’en fais un cirque ! J’suis sûre que c’est rien pour Toi et tout ceux de ton espèce !

    - Molly ! C’est comme si je te disais que tous les nains sont forgeron ! Ça va mal finir cette histoire ! Tu t’en rends compte ?

    Je m’offusque et croise les bras la mine boudeuse. Après toutes ces années, elle arrive encore à me sortir ce genre de connerie.

    - Arrête d’en faire tout un Flan ! Maintenant magne toi ! On n’a pas toute la journée !

    Molly s’était mise à pousser le monstre, bien évidemment, il n’avait pas avancé d’un centimètre. Et dire qu’elle veut le descendre jusqu’à la cuisine. Je me mets à pousser avec elle et, même là, on n’avance pas vite. Molly et ses idées de folie, c’est Molly qui ne changera pas d’avis... on a tout de même réussi à le faire bouger du bout du couloir, sa place initiale, à l’opposer de celui-ci.
    Le plus stupide dans cette histoire ? la présence menaçante, entre nous et la cuisine, d’un merveilleux et beau escalier. Je le hais quand j’ai trop bu, mais alors là… C’est bien plus que de la haine que je lui porte.

    Me voilà dans la pire situation. Cette Naine a bien de la chance que je la porte dans mon cœur. Ce meuble, et ce n’est surprise pour personne, pèse une tonne et je suis en dessous en train de le retenir pour qu’il ne s’abatte pas sur moi. Qu’il ne m’utilise pas comme d’un matelas pour amortir sa chute dans les escaliers.

    - Molly ! Je te jure, sur tout ce que j’ai ! Je viendrais hanter toute ta famille jusque à la fin des temps si je finis écrasé !

    - ARRÊTE DE GINDRE ET RETIENS LE !

    - C’EST BIEN CE QUE J’ESSAIE DE FAIRE !

    Je n’ai pas de force. Qu’est-ce que je fous là encore ? Pourquoi je la suis dans ses idées aussi stupides ? Et même en étant pleinement consciente de la situation dans la quelle je vais finir ?

    Je n’ai plus de force et le meuble glisse dangereusement sur moi.

    - PUTAIN ! MOLLY JE TE HAIS !

    J’hurle un flot continue de jurons sans fin. Les uns plus salle que les autres sans pouvoir retenir plus ce foutu meuble.


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    Kieran Ryven
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  • Dim 14 Avr - 19:45
    Liberty ne s'est pas construite en un jour, elle ne se reconstruira pas en un jour non plus.

    Difficile pour un limier du Razkaal d'être là pour les citoyens de la ville, et faire en sorte que la boutique tourne malgré le carnage environnant, deux semaines sur trois se passent en prison ou en traque. La ville est devenue une espèce de chiottes où on a grossièrement ouvert le syphon. Marcher dans les décombres, éviter les maladies dues à l'humidité, les rats qui sont sortis des égouts dans lesquels j'ai failli claquer, bref, la République a une sacrée tâche à essuyer avant de frimer de nouveau de sa splendeur.

    Liberté, enfermée dans la crasse. Les dommages sont étendus, avec des débris jonchant les rues, des bâtiments endommagés, des traces de combat visibles sur les remparts et les portes de la ville. Les habitants sont en train de nettoyer les débris et de réparer les dommages, tandis que des volontaires distribuent de la nourriture et des soins aux sinistrés.

    C'est durant la semaine de ma permission, que je sors enfin d'un chez moi pas trop dégueulasse pour aller donner un coup de main à nos chers habitants de la nation bleue. Transporter des charges, clouer la charpente, déplacer les décombres, libérer les routes, les journées se ressemblent toutes. J'ai préféré éviter d'avoir mon uniforme du Razkaal. Une simple chemise à manches courtes en lin, des braies noires, et des bottes à mi-tibias, et je passe du Dragon du Razkaal au Drakyn taciturne qui sourit discrètement. Même si la besogne est pénible, il est bon de voir autant de monde se souder, même si c'est malheureusement une crise générale qui pousse les personnes qui se crêpaient le chignon bien avant les évènements.

    Compliqué, d'ailleurs de mettre en mot ce qu'il s'est passé. Je ne suis pas certain que les gens me croiront si je dis m'être battu contre un Lanconda, des centaines de Géomis, une sorcière surpuissante, des hippocampes mutants qui volent, des goules, et bien sûr un Titan. A vrai dire, je ne le crois pas moi-même. Et le pire, c'est se dire que ce n'est pas fini. Je ne peux pas croire que l'Assemblée ait totalement disparu. Chargeant une dernière charrette de nouvelles poutres pour le toit d'une maison, un homme me laisse quelques pièces que je compte bien dépenser dans une auberge ou une taverne.

    Facilement repérable, droit devant, il a l'air de tenir avec ses quatre murs et il y a des voix qui en sortent. Actuellement, c'est un luxe.

    Baissant la tête pour passer le battant, j'hausse un sourcil sur les voix hurlées dans l'escalier, bien loin des tablées. Une voix familière va en sortir. Une voix qui n'a pas été portée à mes esgourdes depuis une éternité, ou, je me fourvoie. Tout ce qu'il y a piger, c'est qu'une Molly a l'air bien certaine d'une manœuvre et une autre bien moins convaincue. M'approchant doucement vers le lieux des échanges, mes traits s'adoucissent à la vue d'une Drakyn. Hormis mère, je n'en côtoie pas beaucoup pour ainsi dire, personne.

    Mais mes yeux vont trahir ma surprise lorsque je la détaille de plus près. Frappé par sa présence, ma bouche me double en faisant porter ma voix.

    « Vany ? ... »

    Comme elle préfère qu'on l'appelle. un corps, longiligne et aux écailles délicates, avait quelque chose de captivant, une sorte de douceur dans sa peau couleur pêche qui m'a accroché le regard. Une chevelure longue et flottante, rouge comme une tempête de flammes. Elle a grandi, murie, une femme. Bon, plutôt en galère au regard d'un meuble bien pénible. Je monte rapidement les marches et plaque mes mains contre le meuble en encadrant ses épaules, tout en restant derrière elle. Compliqué de respecter l'espace vital de l'autre, mais c'est ça ou voir une ancienne connaissance et amie écrasée par une armoire antipathique.  

    « Allez, ensemble. Un, deux, trois. »  

    Le meuble décolle des marches, et je lui laisse le soin de me guider avec la voix de l'autre côté. Je ne vois rien d'ailleurs, peut-être que la personne est soit trop petite, soit invisible. Notre colis arrivant enfin à destination, je m'époussète la chemise.

    « Le Reike est un peu loin, non ? »

    La surplombant de toute ma masse, mes mains enlacent chaleureusement les épaules et d'un contact aussi rapide que délicat, la naissance de mes cornes lèchent affectueusement les siennes. C'est le salut familial du Clan Drakyn Ryven. Je m'y soustrait évidemment d'un pas en arrière, les poings sur les hanches.

    « Je n'ai pas vu ta frimousse depuis l'université. »

    Elle n'avait pas fini ses études, elle est ensuite partie, puis, plus rien. Mon premier regret c'est de ne pas avoir été assez soutenant avec elle, en la motivant de rester, ou bien à l'aider si les choses étaient compliquées. Mais les Astres ont des desseins pour chacun d'entre nous. Reste à savoir pourquoi l'Existence nous met sur la route. Décalant ma tête vers les escaliers, c'est une naine qui descend, saluée d'une légère inclinaison du buste.

    « Madame. »

    Mes yeux fixent de nouveau ma consœur de race avec une curiosité et une intrigue entières. Pourquoi elle a radiné en république, pourquoi elle est à Liberty et bordel qu'est-ce qu'elle fiche dans une auberge avec une naine, la joue collée contre une armoire. Elle était également là durant l'attaque de l'Assemblée ?

    Ah, sacrée vie.
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  • Mar 16 Avr - 19:03
    Le passé ne s’efface pas et mes souvenirs sont un amalgame d’émotions très souvent désagréable. Des sensations auxquelles je n’arrive toujours pas à m’y faire malgré toute l’eau qui s’est écoulée sous ce pont qu’est mon existence. C’est d’autant plus vrai quand celui-ci s’immiscent à nouveau dans cette nouvelle réalité que je me suis créée. Une voix familière gagne mes oreilles, je n’ai pas le temps de la situer que des bras, particulièrement bien bâtie, se plaquent contre ce maudit meuble. L’espace s’est réduit, la présence du nouveau venu aussi proche me crispe. Si, jusqu’à présent, je faisais partie des grandes tailles de cette ville, me voilà ramené à ma réalité de petite Drakyn qui a disparu entre la masse de muscle dans mon dos et cette armoire devant moi.

    Molly et ses idées de génies, Molly que j’ai suivie et, comme souvent, me voilà dans une situation qui me rend vulnérable.

    Sous le compte à rebours du géant, nous voilà soulagé d’un poids et, guidé par la voix de la naine, nous finissant par déposer cette foutu armoire dans la cuisine. Ma voix est coincée au fond de mes poumons et mon visage est tendu. Pendant que j’époussette ma robe et remet en place ma chevelure, une première question tombe me ramenant encore plus clairement à mon passé au sein de Reike. Question à laquelle je fais un semblant de réponse plus proche d’une onomatopée que d’un véritable mot.

    Je suis soudain surprise par l’élan de tendresse qui s’élance sur moi. Secouant ma tête pour récupérer un peu de contenance et chasser de mon esprit ce passé bien trop encombrant.

    - Kie...ran ?

    Je cligne plusieurs fois des mirettes, la mine dubitative, je le dévisage de haut en bas. Cette peau à la teinte si particulière, un corps que les années militaires ont travaillé à rendre puissant. Je ne cache pas un certain plaisir à observer avant de plonger mon regard ambre dans ses pupilles bleues glaces.

    Un sourire prend place sur mon visage et, tout en imitant sa position, je lui réponds avec enthousiasme.

    - Kieran ! Ça fait… 8, 9… non, 10 ans ?

    Coupé par la naine, qui s’avance les bras croisés et un grand sourire sur son visage.

    - Bah ! Si j’ m’attendais à en voir un deuxième d’écailleux ! En tout cas, on vous doit une !

    Avait-elle sortie avec son naturel bourru.

    - Et semble même que vous vous connaissiez !

    - Kieran, je te présente Molly ! Gardienne du Mouton Frisé.

    - Enchanté Jeune homme !

    Sans plus de présentation, j’abandonne la naine et attrape le bras du grand bleu pour le tirer dans la salle principale du bâtiment. Profitant que celle-ci soit vide de client, je l’invite à s’asseoir à une table et je me pose en face de lui. Mes yeux survole à nouveau le Drakyn.

    Je creuse dans mes souvenirs, Quelques moments remontent et ils semblent venir de si loin dans ma mémoire. Je sens un sourire tendre se dessiner sur mon visage et de nombreuses questions se bousculent dans ma tête. Par laquelle commencer ? En presque dix années il y a tellement de choses à dire. Est-il toujours le même que me dépeignent mes souvenirs ? Je me lance enfin.

    - ça me fait véritablement plaisir de te voir après autant d’année. Qu’est-ce que tu deviens ? J’imagine que tu as continué l’armée ?

    Je marque une légère pause pour ne pas l’assommer de question même si elles sont nombreuses et veulent toutes sortir en même temps.

    - J’imagine que ça n’a pas dû être de tout repos. Tu es en vacance par ici ?

    Je ne m’attendais pas à que le monde soit aussi petit.

    L’espace d’un instant, une question beaucoup plus sombre survola mon esprit apportant avec lui une crainte. Si je le croise lui… Est-ce que la bête risque de réapparaître aussi ? Un frisson me parcours et j’agite ma main devant mon visage pour chasser cette pensée.

    Le temps n’est pas à la crainte, mais aux retrouvailles.


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    Kieran Ryven
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  • Sam 20 Avr - 14:11
    Soit je passe pour un débile, soit je retombe dans ma jeunesse.

    Mes années à l'université, c'était quand Draknys était au pouvoir, que sa fille n'était qu'une toute petite princesse, et que l'empereur actuel était encore un barbare au chômage. Isolde n'était pas encore à l'université, bien trop jeune également, mais je l'entraînais lorsqu'elle était encore à son service militaire. Ineg était encore vivante à Kaizoku et tout se portait pour le mieux dans les parages. A ce moment-là, je ne désirais plus vraiment être un soldat idiot du  Reike, bon qu'à trucider des personnes pour l'Empire, et étaler ses territoires comme un gentil toutou de garde.  

    Je me suis rendu compte au fil de ces voyages que la vie est importante, que le conflit est futil, et le chaos une maladie à éradiquer.

    J'avais choisi le combat, et Vany aussi. Et dans notre promotion, on savait très bien qu'il ne fallait pas jouer avec les Drakyn. Elle est arrivée dans notre classe, le regard tourmenté par quelque chose. Un sourire d'ange étirant ses écailles de la plus solaire des manières. Aujourd'hui en tant que Limier et tortionnaire du Razkaal, je sais que j'aurais pu détecter des expressions que je n'ai pas su repérer à l'époque. Mais il y avait quelque chose au fond de moi qui ne collait pas. Quand mes parents ont su que j'étudiais avec une de nos semblables, ils m'ont rapidement poussés vers elle sans savoir ce qu'elle pouvait potentiellement traverser. Je n'ai jamais avancé le pas et avec le temps, je l'ai plus considéré comme une sœur d'arme qu'autre chose.

    Bon vivant, spontanée, pétillante, chaleureuse, douce, mais étrangement durcie par des évènements et à la fois vulnérables par ces derniers. La dernière semaine avant de pouvoir rentrer à la maison, je la voyais, pétrifiée, angoissée, sortant des sanitaires après des bruits gutturaux et de longs vomissements. J'ai imaginé qu'elle avait des parents très très durs. Les clans Drakyns ne sont pas tout le temps tendres avec leur progéniture, mon père entre dans cette case. Alors, je m'approchais, souvent, pour lui demander avec toute la bienveillance du monde comment elle allait, dès son retour.

    Un magnifique sourire, un "ça va" avec une étrange résonance, et prête pour reprendre les armes.

    Nos cornes se sont entrechoquées à plusieurs reprises dans différents combats d'entraînements. Heureusement pour moi, j'ai pris du poids, des forces, et une taille qui a fait disparaître sa silhouette dans une ombre que j'ai construite, intimidante pour mes ennemis. Elle était partie pour être une guerrière hors norme, j'en suis certain. Vany faisait partie des futurs soldats dont il fallait se méfier. Quand elle bougeait, on aurait dit qu'elle...

    Dansait.  

    Mais, elle est partie sans aucune raison apparente. Aujourd'hui, Vanay Vyldrithe est une histoire mystérieuse au mille interprétations, au mille démons,  et comme si le Destin voulait me laisser une chance d'éclaircir tout ceci, me voilà devant elle. Un rictus me trahit.

    « Y'a bien une belle décennie qui nous a séparé, oui. »

    Une naine avec un tempérament bien dur qui la rend honneur apparaît enfin, saluant ses remerciements pas une légère inclinaison du buste.

    « Si vous avez un verre pour moi, je prends. Et, oui on se connaît.
    - Kieran, je te présente Molly ! Gardienne du Mouton Frisé.
    - Enchanté Jeune homme !
    - De même, Molly. Votre établissement a tenu bon de ce que je vois et l'intérieur est ravissant. »

    Je me laisse tirer dans une direction avec une certaine surprise et retrouve les tablées du Mouton Frisé, encore vides. J'ai des appréhensions. Nos retrouvailles avec Isolde Malkyn m'ont mis une belle gifle sur le temps qui est passé. Que les gens et les choses changent. Des choix sont faits et nous modifient en conséquence.

    « Toujours un plaisir de retrouver un visage familier. Je... Ouais. J'ai continué l'armée. »

    Je pose un blanc, et tire une moue mélancolique.

    « Jusqu'à ce qu'on perde la guerre, Vany. Je ne suis pas en vacances ici, je vis en République. Draknys a perdu, alors il fallait partir. Soit je finissais mort, prisonnier, ou pire. »

    Je finis par poser les coudes sur la table, les mains jointes sous mon menton, le regard parti dans des souvenirs bien trop obscurs.

    « C'est ici que tu vis également, je suppose ? Depuis combien de temps ? J'en ai demandé après toi lorsque j'étais encore au Reike, mais rien qui pouvait me dire où tu étais. J'étais inquiet, j'ai dû faire un deuil. »

    Puis mes prunelles reviennent dans le présent, avisant et scrutant cette auberge qui a l'air pas si mal. En tout cas qui a l'air d'offrir une sérénité que je n'ai jamais trouvé chez elle durant nos études. Quelque chose de précieux, qui est un luxe pour beaucoup.
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  • Sam 20 Avr - 21:11
    Le monde est si petit et ses problèmes si grands. Un battement d’aile, si lointain qu’il soit, nous impactera d’une manière ou d’une autre... à un moment ou un autre.

    Au fur et à mesure de ses réponses, mon sourire s’efface et mon regard s’enfuit sur les rayures de la table en bois. Un visage entre amertume et tristesse prend doucement place. J’ai connu tant de bruit dans cette bâtisse qu’est le mouton frisé et, pourtant, ce silence arrive à paraître encore plus assourdissant. Vient ses propres questions posé, tel un interrogatoire, face à une personne qui aurait pris la fuite. C’est probablement le cas, non ?  Posant mes coudes sur la table, mes doigts s’enlacent et mes lèvres vont se poser dessus l’espace d’un instant encore trop long à mon goût avant que je ne réponde.

    - Je… Comment dire…

    Venant dans notre direction, les pas de la Naine se font entendre. Je tourne mon visage dans sa direction arborant un sourire comme je sais si bien le faire… Comme j’ai eu tant de fois à le faire.

    Dans une main elle tenait deux choppes et dans l’autre un petit plateau de quelques charcuteries qui devaient nous rester.

    - Vany, tu oublies la politesse ! Quelle image tu donnes de cet établissement !

    J’imite un petit rire tendit qu’elle dépose sur la table son chargement et pose sur moi son regard tendre.

    - Qu’est-ce que je ferais sans toi Molly.

    - On se demande bien ! Bon, je vais devoir vous laisser les deux tourtereaux ! Il faut que je rende visite à nos fournisseurs ! Vany, je te laisse fermer derrière moi !

    Je fais mine de ne pas avoir entendu sa petite blague et me redresse, lentement, pour suivre la naine qui s’était déjà mise en route.

    - Soyez sage !

    Et la voilà disparue après un dernier salut de la main.

    Je ferme doucement la porte, la verrouillant à clé. Je me retourne m’adossant contre et mes pupilles se posent sur le sol pendant que mon masque s’envole et qu’un long soupir sort de mes poumons.

    - Oui, je vis aussi ici… Depuis quasiment mon départ.

    Je relève ma tête et quelques mèches se rebelle en se plaçant sur mon visage cachant ainsi une partie de celui-ci.

    - Depuis à peu prês le même temps qui sépare notre dernière rencontre de celle-ci.

    Je m’avance, doucement, reprenant ma place à cette table en bois. Tirant doucement une des choppes à moi et glissant l’autre vers le Drakyn. Je repose ma tête sur une main et de l’autre je joue avec le liquide doré.

    - Et je te mentirais en disant que la Vany de l’époque ou la guerre a eu lieu s’est inquiétée. C’est même tout le contraire. J’ai même espéré que Reike disparaisse… Avec tout ce que cela implique.

    Mes prunelles plongent dans la chope avant que je n’en boive une petite gorgé.

    - Je te demanderai de simplement comprendre que j’étais rongée par la colère, la haine et tout ce en quoi la peur peut se transformer pour tromper. Tu peux me traiter de tous les noms, se serait légitime. Mais c’est ainsi et, si aujourd’hui mon état d’esprit est différent et que je me pose beaucoup de questions, à l’époque j’aurais donné cher pour pouvoir repartir de zéro. Comme si rien n’avait eu lieu. Comme une nouvelle partie de Carte.

    Je marque une pause. Mon regard essayant de capter le sien tout en essayant de lire une réaction. S’il décide d’en venir aux mains, j’encaisserai. Après tout, il en aurait bien le droit.

    - Sache en tout cas que je suis désolée… Et que je n’ose imaginer toutes les pertes qu’il y a eu. Ni même la douleur que tu as du ressentir.

    Je reprends une gorgée, plus longue cette fois. Quoi qu’il décide, je comprendrais.


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  • Lun 22 Avr - 20:12
    Quand on vit dans un monde qui s'est bâtit sur des ruines, du sang, et des os brisés, il faut mettre de côté que les rencontres ou les retrouvailles se fassent dans de bonnes conditions. Le monde est sombre et en Cendres. Et mon pragmatisme aura encore raison de moi. Vany, petit soleil avec des cornes, se ternit et perd de sa lumière au fur et à mesure de mon petit récit. Comme si j'avais étranglé ses espoirs, et je m'en veux pour ça. Mais c'est malheureusement la vérité âcre de notre monde et de nos vies. Je laisse le silence s'étirer, interrompu par l'arrivée de la tenancière qui vient donner un peu de chaleur dans son climat qui perd inexorablement en température.

    L’ambiance poque du derche.  

    Deux chopines et un plateau de victuailles sont censés me donner l'eau à la bouche et un gargouillis dans le ventre proche du grondement d'un orage. Hélas, il en sera rien. Seulement l'empathie d'une femme bien atteinte par mon discours, et moi réalisant que malgré le chemin parcouru, très peu de lumières sont parvenus à éclairer ma vie. J'observe ce rire, ce faux rire qui ne marchera plus jamais avec moi. J'ai vu tellement de gens mentir en torturant des prisonniers, ou de criminels que j'ai traqué pendant des lunes entières. Aujourd'hui Vanay est un livre ouvert que je lis, navré pour elle.

    Seule, la petite boutade de Molly viendra modifier d'une fraction seconde mon visage impassible, impartial, froid comme une porte de prison. On croirait entendre ma propre mère, mais sa bonne humeur aura le mérite d'être contagieuse.

    « Merci, il fait soif et faim. » Que je remercie d'une légère inclinaison de la tête.

    Alors qu'elle décanille de son établissement, Vany ira à sa suite pour fermer le battant à clé. Nous voilà face à nous même. Avec nos regrets, nos souffrances, nos souvenirs, et tout ce ramassis de merde qui viendront nous ronger pour le reste de notre vie. Et les Drakyn vivent longtemps, à se demander si c'est réellement un privilège, d'essuyer des siècles de conneries. Le museau bien fermé et les esgourdes ouvertes pour avoir le fin mot de l'histoire, c'est finalement avec toute l'impuissance du monde que je vois Vany descendre six pieds sous terre dans les méandres infernales de sa mémoire.  

    Républicaine depuis presque une décennie. Elle a évité la guerre, et s'est trouvé un boulot au Mouton Frisé. J'hausse un sourcil, me demandant pourquoi elle a dû en arriver là. Je n'avais pas le sentiment qu'elle vivait réellement un cauchemar au Reike. La suivant des yeux lorsqu'elle retrouve sa place, ma main s'ouvre pour engloutir le verre, l'autre dextre viendra chercher un morceau de charcuterie pour la broyer entre mes mâchoires, mes canines effilant la viande comme du beurre et mes papilles savourant la bouffe. Mais mes oreilles passent un tout autre moment.

    Sa colère est allée jusqu'à la volonté d'éradication totale de son pays natal. Ma tête tangue sur le côté, mes prunelles s'ouvrant légèrement de surprise, arrêtant même de manger. Je n'ai jamais cru que cette Drakyn soit un jour une personne pouvant nuire à qui que ce soit. Et si elle a fait le choix de venir ici, c'est qu'inconsciemment, elle n'a jamais voulu non plus que des gens meurent par sa colère.

    Elle a fait un choix, d'un lourd prix, mais qui l'a conduit ici.

    Imitant mon vis-à-vis, je commence à lever le coude pour boire une longue gorgée, qui me récompense de mes efforts mobilisés dehors pour quelques pièces. Réfléchissant à tout ça, et tenter de comprendre au mieux. J'en veux à mon visage de marbre que j'ai conditionné à la Forteresse, exacerbé par ma pudeur. Seul un petit rictus ira fendre légèrement mes lèvres.

    « Je ne vais, ni t'insulter, ni te foutre une dérouillée. » Que je commence avec une certaine douceur dans la voix.

    J'approche mon verre contre le sien, comme la promesse d'une conversation qui se veut la plus conviviale possible.

    « Les gens qui sont en colère, et qui souffrent, arrivent toujours à un carrefour moral. S'en aller, ou tout détruire. Tu as choisi de partir, et c'est tout à ton honneur. »

    Mes mâchoires se serrent.

    « J'ai effectivement perdu ma maison, mes terres, mes amis, mon père, et la possibilité de vivre dans une nation qui m'a vu grandir. Je suis désolé que cet endroit n'est que le souvenir impitoyable de tes tourments. Pour en arriver là, ça devait être... Horrible. »

    Surtout pour en arriver à se tirer en République. Moi, c'était la guerre et ma propre survie. Qu'en est-il d'elle ? Pour conclure cette situation, il faut simplement relever que nous sommes deux Drakyns abîmés contraints de quitter leur foyer. L'une parce qu'elle s'est trouvé abimée par lui, l'autre parce qu'on lui a tout simplement tout pris.

    « J'espère que ma venue n'a rien remué en toi. Est-ce que tu veux donc bien boire avec un ancien Reikois ? »

    Je finis par tendre ma main dans sa direction, attendant une réponse. La promesse silencieuse qu'à partir d'aujourd'hui, elle n'est plus seule. Mais, est-ce qu'elle serait prête de retrouver le Dragon du Razkaal, impitoyable Limier et punisseur de criminels ?

    Hm, une chose à la fois.
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    Vanay Vyldrithe
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  • Mer 24 Avr - 23:00
    C’est étrange, c’est dans ce genre de moment que je réalise à quel point un vécu peut s’imprégner dans nos os, dans notre chaire et dans notre façon d’être. Il s’est passé près d’une décennie entre ce passé et ma vie en Liberty... Pourtant, j’aurais préféré qu’il me passe à tabac. Comme si cette compréhension de sa part cachait une épée de Damoclès qui s’abattra quand je m’y attendrais le moins. Ça résonne et ça sonne faux, pourtant je sais que la faute revient à ma peur qui tourne dans ma tête dans une valse désordonnée d’idée qui n’ont pas de sens. Comme un réflexe, je viens frotter mon cou effaçant un lointain fantôme.

    Quelle ironie, en tant normal j’aurais lâché prise, abandonné mon corps dans les bras de la nuit, jouant l’amnésie le temps d’une insomnie.

    Un nouveau regard posé sur lui et je me rends compte que nous sommes deux cabossés par la vie. Les blessures sont différentes mais l’impact est le même. Deux Drakyns qui ont perdu leurs accroches et, dans les deux cas, pour leur survie ont dû fuir. Malgré tout, il arrive à se mettre de côté et s’inquiéter pour ma petite vie. Je me sens soudainement bien égoïste avec mon tourbillons d’émotions.

    Je croise mes bras sur la table et pose ma tête dessus. J’observe cette chope qu’il a avancé dans ma direction pour finir par poser mes pupilles sur lui. Sous ses airs de grande muraille il en a aussi gros sur la patate. Et, l’espace d’un instant, on ressemble à deux enfants qui essaient de récoler les morceaux maladroitement.

    « J'ai effectivement perdu ma maison, mes terres, mes amis, mon père, et la possibilité de vivre dans une nation qui m'a vu grandir. Je suis désolé que cet endroit n'est que le souvenir impitoyable de tes tourments. Pour en arriver là, ça devait être... Horrible. »

    - Je… Toutes mes condoléances Kieran…

    je gonfle légèrement mes joues comme une enfant, je me sens coupable de ne pas avoir su voir plutôt sa peine. Et le voilà encore à se mettre de côté pour penser à ce que j’ai vécu.

    Ô qu’ils sont beaux les enfants des Dragons... Des petits bouts rafistolé à la colle à bois qui défaillent, tombent et finissent par se lever. Et on recommence cette petite boucle jusqu’à qu’à la dernière goûte de colle.

    Comme quoi, la vie est quand même une grande blagueuse... Si on souhaite rester polie.

    Une main tendue comme celle qu’on offre à une personne qui s’est retrouvé à terre. J’hésite quelques secondes et finit par l’attraper. Je ne suis plus la petite Vanay… Il n’y a pas de raison que je me laisse guider par mes peurs. Et il n’est pas responsable de mon malheur.

    Je me redresse doucement de ma place et finit même par m’étirer faisant ainsi craquer quelques vertèbres.

    - Oui, je suis remuée, mais tu n’es pas responsable du bordel qui se trouve dans ma tête.

    J’attrape ma chope et pousse mon siège d’un pied pour l’approcher de l’armoire à glace qu’est mon compagnon pour reposer à nouveau mon fessier.

    - Tu as un grand cœur, tu sais ? Malgré ta propre peine tu es capable de te mettre de côté pour écouter les autres. Tous n’en sont pas capables.

    Je sirote un peu de ma boisson et ma tête va se poser contre son épaule. Un petit sourire compatissant se formant sur mon visage.

    - On est deux cornus bien loin de tout. Je ne sais pas encore quelle blague nous réserve la vie avec cette histoire. J’espère juste que ce sera agréable.

    De ma main libre j’attrape un morceau de charcuterie que je mâchouille doucement avant de reprendre.

    - Je vois aussi que tu en as beaucoup sur le cœur… Tu… Aimerais peut-être en parler ?

    C’est probablement dit de manière très maladroite. Mais j’avoue que c’est quelque chose qui m’est un peu étranger. J’ai l’impression d’avoir sorti ça comme on utilise un bélier pour défoncer une porte. Je continue de fixer ma boisson comme si elle m’apporterait des solutions. Il paraît que l’alcool aide à délier les langues.

    De toute façon, la situation en elle-même est étrange… Quel est le pourcentage de chance pour que cela ce produise ? Je me pose quand même la question… Et je m’attends surtout à une mauvaise blague des astres.


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    Kieran Ryven
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  • Sam 27 Avr - 18:45
    Retrouvailles chaleureuses à discussions laborieuses.

    On fait peine à voir. Deux tocards cabossés qui relâchent leurs tourments portés une éternité sur les épaules.

    Plus ça allait, plus j'avais le sentiment que ma venue n'était qu'une mauvaise nouvelle pour elle. Le souvenir macabre de démons qui l'a tourmentait. S'effondrant doucement sur elle-même, une main rassurante sur la nuque, puis totalement affaissée sur ses bras croisés, tirant une moue qui voulait dire beaucoup. Je restais inconsciemment droit et inébranlable, pourtant mon esprit est en ébullition. Perdue encore sur le champ de bataille, ayant encore le sable et du sang dans la bouche comme si c'était hier, et le corps de mon père empalé par plusieurs hallebardes sous mes yeux, le corps de Roman et Shael carbonisés par le projectile enflammé d'une catapulte.  

    La douleur du deuil, du chagrin et de la solitude. Pour autant, mon visage garde ce flegme ennuyant et glacial, mon dos n'est pas vouté, et mes bras sont nonchalants, les mains posées sur la table comme un pantin massif qu'on aurait oublié dans cette taverne.  

    « Je… Toutes mes condoléances Kieran…
    - Ça va aller, Vany. C'est passé. »

    Le regret d'éveiller tout ça à présent, je l'a laisse à son choix, savoir si elle voulait bien d'un Drakyn qui vient d'un passé qu'elle rejette. La main tendue dans sa direction, je sens sa poigne se resserrer autour de mes phalanges abîmées. Le contact muet de deux vieilles chaînes longtemps séparées. Je suis persuadé que si elle avait pu terminer ses années à l'université, nous aurions pu être féroces en première ligne. Mais, avec les si on peut mettre le Sekaï en bouteille. La suivant des yeux alors qu'elle s'étire de toute sa longueur, je constate que mon esprit n'est pas le seul à se retrouver dans un chaos constant.

    « Je ne suis peut-être pas responsable, mais je suis celui qui te le fait remonter en mémoire. »

    Je me tourne de trois quart dans sa direction, lorsqu'elle vient me rejoindre à mes côtés. J'ai le souvenir alors de nos repas dans le grand réfectoire de l'université. Je mangeais pour cinq hommes. Aujourd'hui nous sommes sans tous ces camarades et deux bières comme compagnie. J'hausse un sourcil sur l'élogieuse révélation dont elle me fait part. J'ai pas le sentiment d'avoir un grand cœur, ni d'être un homme bon avec tout le monde. J'ai toujours été curieux des autres, et ma posture a toujours été passive dans les conversations. Est-ce que ça fait de moi quelqu'un d'une grande bonté de vouloir laisser de la place aux autres pour qu'ils puissent s'exprimer ? Je fronce les sourcils, avant d'essayer d'adoucir mes traits.

    « Je n'ai jamais aimé les monologues. » Que je tente de plaisanter. « Plus sérieusement, je pars du principe qu'on doit apprendre des autres, même dans leurs erreurs, leurs peines, leurs haines et leurs souffrances. Finalement, c'est comme grandir un peu. »

    Imitant mon vis-à-vis en buvant une nouvelle gorgée, je lui offre naturellement et familièrement mon épaule dans un geste qui me surprend. Comme si rien n'avait bougé entre nous. Elle avait parfaitement résumé notre histoire ; nous sommes deux cornus canonisés dans une contrée qui n'est pas la leur. Je finis par taper son verre avec le mien.

    « Tu l'as dis. Pour l'instant, le destin est plutôt agréable, aujourd'hui. Et je le remercie pour ça. »

    Regardant sa main plonger dans la bouffe, je réfléchis à ce qu'elle vient de me dire. Faisant la rétrospective de ces derniers évènements. Je la fixe, tandis qu'elle regarde la boisson faire des vagues dans son récipient. Puis, mes yeux partent vers la fenêtre, comme si l'extérieur allait me donner une réponse. Qu'est-ce que je ressens ? Qu'est-ce que j'ai sur le cœur...

    « Il y a bien longtemps que mon cœur ne sert ni plus ni moins qu'à faire circuler le sang dans mon corps pour qu'il fonctionne. Tout est fermé depuis longtemps. »

    Depuis treize longues années. Je finis par sortir mon médaillon du Razkaal, sa chaîne anthracite et abîmée faisant un lourd bruit sur la table. Sa pierre bleutée et sinistre dégageant son aura malaisante habituelle. Simmond ne m'a jamais dit ce qu'elle renferme, mais je reste persuadé qu'elle incarne toute la corruption et l'horreur que cette forteresse crache en continue dans ces murs.

    « ...Parce que j'ai passé les quatre dernières années de ma vie à être un clébard avec des cornes qui traque et punit des criminels. Quand je ne fais pas ça, je surveille les cellules, et quand je ne fais pas ça, je passe un peu de temps avec ma mère qui a également survécu à la guerre. Tu la connais, elle est bien plus féroce que moi. Ou bien, je voyage. En allant au Reike, aux îles paradisiaques, par exemple. »

    Mes prunelles finissent par la fuir.

    « Je ne suis pas un bon gars. Je fais du mal, à beaucoup de gens. Je fais partie d'un groupe qui applique une justice qu’on qualifie de brutale, cruelle, et sinistre. »

    Mes paupières se ferment, résignées, avant de les ouvrir, déterminées.

    « Et, je n'ai absolument aucun regrets. Les voleurs, les violeurs, les criminels, saurons bientôt qui je suis. »

    Si la peur l'envahit, et qu'elle ne finisse par me regarder autrement, je comprendrais. Appliquer cette justice terrible et macabre peut paraître extrême, mais nous sommes dans un monde extrême, et cette violence, Vany comme moi l'avons essuyés, passivement, sans pouvoir faire quelque chose.

    Maintenant, c'est terminé. Il est temps pour toutes ces horreurs de payer la facture.
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  • Lun 29 Avr - 14:28
    Sirotant une énième gorgé, je me mets à repenser à mes quelques années à l’université qui, malgré l’ombre, étaient tout de même agréables. Nos compagnons étaient, pour la plupart, attachants et l’ambiance oscillait entre rivalité et camaraderie. Il fallait nous voir batailler avec nos épées factices à nous faire des bleues monstrueux. On y allait vraiment comme des demeurés… Et c’est sans compter les coups de poings et de pieds. Tout était bon pour jouer les caïds quand on nous laissait le champ libre durant les entraînements. À vouloir savoir qui de toute cette bande était le plus costaud. J’en aurais donné des coups de tête… j’avais même fini par croire que c’était limites instinctifs chez nous de se servir de nos cornes pour balancer des coups de boule dans la gueule des gens.

    Moi et mon petit gabarit réussir à mettre à terre des hommes plus musclés et me retrouver, derrière, étalé au sol par celui sur qui ma tête repose et qui me rappelait ma taille de mini Drakyns. Il est même arrivé que je lui morde violemment son appendice caudale pour me sortir de sa prise. La prise en question ? S’asseoir de tout son poids sur mon dos. Autant vous dire que cette histoire a fini en méchante bagarre entre nous deux et pendant quelques jours. C’est dommage, j’aurais apprécié finir ses études, ne serait-ce que pour cette franche camaraderie qu’il y régnait. C’était un peu ma dose de « douceur » avant de retourner chez l’autre ignoble.

    Je finis par ramener mes pensées sur mon compagnon d’infortune et lui accorder toutes mon attention. Pas un grand adepte des monologues qu’il me dit, j’avoue que c’était bien pratique à l’époque, ça m’évitais de devoir trouver une excuse pour toutes les marques ou réactions étranges que je pouvais avoir. Néanmoins, il me semblait un peu plus ouvert aux autres, voir même plus communicatif... Ma mémoire doit probablement me faire défaut. À force d’essayer d’oublier, on finit véritablement par perdre des morceaux de mémoire… Mais pas forcement ceux qu’on souhaiterait voir disparaître.

    Mes yeux sont encore plongés dans ma chope quand je le sens s’agiter et finir par déposer un objet sur la table. Objet qui, au bruit qu’il produit en atterrissant sur le bois, semble avoir un certain poids. Poids qui, à l’entendre, ne pèse pas uniquement sur le physique.

    Je me redresse lentement observant de plus prêt le collier qu’il dévoile à mon regard. Gardant mes oreilles attentives à son récit mon visage penche pour une expression plus neutre. J’approche doucement ma main du pendentif et, tel un pantin, je la fais s’avancer sur deux doigts comme si s’était une personne qui s’en approchait dans une valse imaginaire.

    Il y a quelque chose de mauvais qui s’en dégage, quelque chose de malsain et même malfaisant. Devrais-je être étonnée qu’un tel objet dégage de telles sensations ? Peut-être. Mais avec tout ce qu’on entend comme rumeur sur ce qui se trame entre les quatre murs de cette prison… C’est une chose à laquelle on peut s’y attendre. À force de rester dans un endroit poisseux, qui que ce soit ou quoi que ce soit fini par le devenir à son tour. Je n’en suis, malheureusement, pas épargné.

    Je continue de faire valser ma main autour du bijou avant de venir, doucement et délicatement, poser mon index sur cette pierre bleutée. J’ai l’impression de jouer avec un potentiel danger, comme un chat qui, consciemment ou non, s’amuserait à chahuter un animal plus redoutable que lui.

    Je finis par le prendre délicatement dans ma main et venir frotter mon pouce sur les symboles runiques qui y sont gravés. Toujours attentive à ce que me dit mon interlocuteur, je ne peux m’empêcher d’avoir un sourire en coin quand il me parle de son statut de « clébard avec des cornes ».

    Un si petit objet avec tant de poids. Un collier qui sert de laisse pour maintenir en place un chien qui aurait trop de mordant et qui a pour bute lui dire quand attaquer… Ou qui attaquer. Nous en avons tous une, qu’elle soit consciente ou non elle est bien là. C’est uniquement sa fonction qui change et le contexte dans lequel on l’obtient... ou qu’on nous l’impose.

    Je me demande qui est celui qui s’est dit, un jour, qu’il serait possible de maintenir en laisse des Dragons.

    Il a l’air si accablé et pourtant si déterminé dans ce qu’il fait. Il aurait été pain bénit si j’avais encore dix-sept ans et lui son âge actuel. Il m’aurait peut-être, probablement sorti de mon bourbier et j’aurais eu une autre vie… Mais avec des Si ici et des Si là on referait le monde. Serait-il pour autant meilleur ? On ne le saura jamais. Et de toutes façons il y aurait forcément quelqu’un de lésé à un moment dans l’histoire.

    Mes pupilles s’assombrissent pendant que je laisse glisser le collier entre mes doigts pour le retenir par la chaîne. Laissant tourner le pendentif sur lui-même à quelques millimètres de la table tout en continuant de le fixer, ma mémoire vacille entres les coups que j’ai pris et les sévices que j’ai subies.

    Il traque des criminels et il arrive encore à me dire que s’est « pas un bon gars »… Si lui s’en est pas un, alors l’autre, mon démon, c’est quoi ? Un ange ? Que la vie est amusante. Les bons se pensent mauvais et les mauvais sont pris pour les gentils. Monde de maboule.

    - Ils appliquent eux-même cette méthode… Alors, autant jouer avec leurs propres règles.

    Mon timbre de voix est froid à la limite du mauvais.

    Je repose doucement son collier sur la table et je viens faire apparaître dans ma main une petite lame, un joli petit couteau. Objet que je garde précieusement dans ma coiffeuse en temps normal.

    Une lame à pointe traînante ornementé de végétations gravé et dorées aux contours noirs. Un manche en bois et métal assemblés avec une rainure pour venir y placer l’index.

    lame:

    - Tu as ton collier et j’ai le mien… On peut faire beaucoup de choses avec une lame comme celle-ci.

    Je marque une pause, est-ce réellement une bonne chose d’en parler maintenant ? Quelle vision de moi vais-je donner ? Je soupire longuement et reprend du même ton froid.

    - Hormis trancher une jugulaire, découper un beau sourire et crever un œil, tu peux t’en servir pour… Comment dire… « sculpter » ? non… dessiner ou plutôt re-dessiner un corps.

    Je marque une autre pause en serrant le manche de ce petit couteau.

    - Il faut être suffisamment habile pour pouvoir couper comme une feuille de papier et dessiner comme si s’était un crayon. Surtout si tu veux que les marques cicatrisent rapidement et sans laisser de trace...  Dans l’idée de pouvoir recommencer.

    Et comme un réflexe, ma main vient agir méthodiquement et confirmer mes dires sur un mannequin imaginaire.

    - Sous les seins, les bras, le creux des hanches… l’aine. Et si tu gigotes un peu trop le manche vient s’abattre sur tes côtes.

    Je repose doucement la lame sur la table. La sensation du sang qui coule, invisible, sur mon corps m’arrache au passage un frisson de dégoût.

    - L’ironie dans cette histoire, c’est qu’aujourd’hui j’abandonne mes os aux mains d’autres pour qu’ils les aiment à ma place. Ces autres que j’ai chassés pour avoir quelques caresses le temps d’une insomnie.

    Je soupirs encore une fois, repoussant ma chope et ma voix redevient plus douce.

    - Toi tu es un chien à qui on a appris à mordre et moi je suis une chienne à qui on dit de faire la belle. À nous deux on est bien moche quand on creuse un peu. Mais j’aurais bien aimé, plus jeune, avoir croisé quelqu’un qui soit autant déterminer à dégommer du connard. Ça m’aurait été utile.

    Un sourire amer se forme sur mon visage.
    La vie est une grande blagueuse.


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  • Mer 1 Mai - 12:52
    Ce foutu médaillon était d'abord un cadeau. Une reconnaissance en ma qualité de Limier, de ma promotion pour pouvoir être autonome dans mon travail. Je l'avais vu comme tel, pendant longtemps. Aujourd'hui je le vois comme un rappel constant de ma condition. Que le travail ne sera jamais terminé, que des criminels doivent être encore jugés et punis, et les cellules bien gardées. Une main curieuse viendra s'en approcher, et je sais ce bijou suffisamment inoffensif pour qu'elle ne craigne rien. Si ce n'est que quand on le fixe un peu trop longtemps, quand on le touche, un peu trop, quand il n'y a que ça qui attire votre attention, il se peut qu'un sentiment malaisant et étrange vous envahisse. Le Razkaal est pourri, tellement pourri qu'il ne fait aucune distinction entre le bien et le mal et c'est bien pour ça qu'il est dangereux pour tous. Ce qui fait de sa prison un endroit terrible pour quiconque s'y trouve incarcéré.

    Je l'a laisse faire son chemin, laisser ses doigts explorer la relique comme une amère rencontre d'une partie de moi-même. Une partie que je ne peux pas refouler. S'il y a des jours où j'apprécie écouter le chant des oisillons, jouer à la balle avec des enfants ou bien rendre service à une personne âgée qui ne peut pas soulever son panier de fruits... Il y en a d'autres où je porte mon masque de Vouivre, drapé d'une cape et d'une capuche noire, alors que j'enfonce des clous dans la colonne vertébrale d'un prisonnier dont j'ai amputé les bras et les jambes, l'attachant à des chaînes organiques pour le maintenir en vie sans qu'il puisse dormir, le museau fermé par une armature en acier rouillée dont la serrure est sur le bouche. Les yeux arrachés pour que son corps ne soit qu'une prison de plus. Et le briser encore, petit bout par petit bout.

    J'ai ce sang sur les mains. Je vais vivre et mourir avec.

    Vany est partie dans une écoute silencieuse, poursuivant son voyage dans le cœur du médaillon. Avant de lâcher un sourire sur ma condition. J'avais déjà compris que nous étions dans le même bateau, mais pas à ce point. La relique chute avant d'être retenu par la chaîne, où je vais l'observer comme un animal observant sa laisse alors que le disque en métal tourne sur lui-même. Une voix, plus froide, va remplir la pièce. Une voix qui viendra créer une résonance dans ma poitrine, ponctuée par un long soupir par le nez. Une voix, qui me rappelle la mienne lorsque je suis arrivé en république.

    Remplit de colère, d'amertume et de désirs très mauvais.  

    « Se servir des armes de l'oppresseur pour protéger les opprimés. Punir ceux qui engendrent le chaos. Se saisir des ténèbres pour les étrangler avec. Grandir dans l'obscurité, pour ne pas être tué par elle. »

    Les limiers ont la réputation d'être des hommes antipathiques capables du pire. Ils font à peu près ce qu'ils veulent dans le Razkaal du moment que les criminels capturés finissent en cellule.

    « Je suis donc d'accord avec toi. » Que je termine, d'un ton neutre.

    Pour poursuivre sur cette lancée, voilà qu'une lame vient s'inviter à la fête. Une lame, bien discrète et qui est pourtant ornementée comme un couteau d'apparat. Je fronce les sourcils, maintenant c'était à mon tour de me taire. A mon tour, d'observer l'objet qui résume une vie. Je crois voir un moment d'hésitation avant qu'elle ne se lance. Comme pour donner du poids à ma bienveillance, ma main vient se poser sur son épaule, une étreinte discrète avant de la reposer sur la table.

    D'abord, la fiche technique de cette arme, qui se termine par une étrange conclusion. Une conclusion qui me rappelle certains outils de torture que j'utilise dans le Razkaal. J'hausse un sourcil, intrigué. Parlant comme un travail macabre sur le corps humain, le tout avec une étrange poésie. Dessiner sur le corps en lui faisant mal, mais suffisamment délicat pour permettre une rapide convalescence afin de recommencer.

    Finalement, ça m'a l'air pire.

    Sa main armée de la lame, dansant dans le vide, faisant des spirales sur un corps imaginaire qui se matérialise facilement dans mon esprit. Au début, je pensais qu'elle en était la principale créatrice... Jusqu'à ce que je comprenne qu'elle en a été victime. Que ce corps aux arabesques sanglants et aux côtes ecchymosées est le sien. Mes mâchoires se serrent au même moment où ça a l'air d'être le truc de trop pour Vany. Le couteau arrive sur la table, à côté du Médaillon du Razkaal. Deux objets, deux identités, deux démons, deux passés douloureux. Et pourtant, ils vont nous coller à la peau jusqu'à la fin de notre vie.

    Elle ajoutera que son corps reste aux profits des autres, et regardant la taverne, je comprends rapidement de quoi il est question. Aucune réaction se lit sur mon visage, mais un soupir me trahit sur son résumé, en tout point parfait. Deux clébards enfermés dans leur tâche. Nourrissant une volonté propre mais qui en découle d'une macabre facture. La vision qu'un homme ou une femme l'abîme commence à faire monter un sentiment de colère que je parviens en une fraction de seconde à canaliser. Mais ma voix, elle est rocailleuse comme le grondement bestial d'un guerrier Reikois longtemps endormi.

    « Je n'ai pas été là, quand tu en avais le plus besoin. Je ne peux pas dire grand chose, à part que je suis désolé. Tu n'es plus toute seule, Vany. »

    Je fini par saisir le couteau, dans ma grande main, j'ai le sentiment de tenir une grande aiguille. Entre les phalanges, je fais des moulinets, de plus en plus vite, et entend rapidement le sifflement de la lame fendre l'air, un son strident et vénéneux, comme un serpent qu'on laisse dans la couche d'un homme endormi pour mieux le tuer. Subitement enfermé dans mon poing, je plante le couteau sur le bois de la table.

    « On est peut-être des clébards, mais ils ne sont pas battu et enfermés dans une cage. Ils peuvent mordre, aujourd'hui. »

    Ma main finit par se blottir délicatement entre ses omoplates.

    « Compte sur moi, s'il y a quoi que ce soit. Si tes démons reviennent, on dégommera donc du connard. Dix, cent, ou mille. Peu importe. »

    Je finis par prendre mon verre, le levant doucement à notre hauteur.

    « A nos prochaines morsures. Sanglantes, cruelles, et sans pitié. »

    Que je susurre doucement entre la menace et la promesse silencieuse que je me suis faite depuis que je suis en République : faire le ménage.
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    Vanay Vyldrithe
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  • Sam 4 Mai - 21:08
    Je suis contente de voir que nous sommes sur la même longueur d’onde. D’une certaine manière, ça me rassure. C’est terrible d’en arriver à se dire qu’on est rassuré par l’idée qu’il y a des gens qui sont prêts à user des mêmes outils, des mêmes idées pour punir des criminels. Que c’est même un mal nécessaire. Je suis même la première qui ne supporterai pas d’offrir une mort douce à celui qui me hante. D’ailleurs, est-il toujours en vie ? Même après la guerre qui a fait rage ? S’il a survécu, j’espère sincèrement qu’il agonise lentement dans un coin. Que le sable de ce foutu désert le ronge petit à petit comme il sait si bien le faire avec la roche.

    Mes yeux d’ambre se posent à nouveau sur lui. Son visage n’exprime rien, c’est limite frustrant. Même si certains détails s’échappent, comme des soupires, j’avoue que j’ai toujours préféré quand un visage me donnait les informations sur ce qui se passe dans la tête de la personne avec qui je discute. Ça permet de savoir à quoi s’en tenir… Et s’il faut en venir aux poings ou non.

    - Tu ne pouvais pas le savoir, j’ai fait en sorte de le cacher du mieux que je pouvais pour m’éviter les contres coups… Et il est difficile pour les autres d’imaginer que ce soit possible. Surtout avec l’espèce de moral à deux sous qu’on nous rabâche dans les oreilles très tôt…Mais j’étais heureuse d’avoir une certaine forme de « douceur » avec toi et les autres… De repos même.

    Il finit par se saisir de mon arme la faisant virevolter dans l’air toujours plus vite. Si bien qu’elle finit par chanter comme un serpent prêt à mordre. Pourtant, dans ses mains de géant, elle a l’air si petite et insignifiante qu’elle pourrait presque disparaître comme par enchantement. Je ne doute pas un seul instant qu’il sait s’en servir et j’imagine qu’il doit être redoutable en face à face. À dire vrai, il a toujours fait en sorte de donner le meilleur de lui-même et j’imagine que depuis autant d’année il n’a fait que s’améliorer.

    Il termine en venant planter la lame dans le bois de notre table. Instinctivement, j’entends Molly râler ne sachant plus comment s’y prendre pour rattraper les nombreuses rayures faites par les clients. Elle l’aurait probablement sermonné muni d’une poêle comme outils de représailles.

    Un petit sourire discret se dessine pendant que mon regard se porte sur l’intérieur de l’auberge.

    Sept tables accompagnées de trois ou quatre chaises dispatchées non loin du comptoir. Hormis les murs et l’escalier à notre opposé, qui mène aux chambres, tout est en bois. La cuisine reste modeste et la réserve, en tant normal, est plutôt bien garnie. L’ambiance y est chaleureuse tant qu’il n’y a pas deux cornu qui ressassent des mauvais souvenirs et idées.

    1er Etage Auberge (ébauche):

    - Tu as probablement raison, nous ne sommes plus muselés. Souhaitons que ça ne change pas.

    Ma main glisse récupérer mon couteaux tendis qu’une des siennes vient se poser dans mon dos, chaleureuse et protectrice je l’approuve d’un sourire tendre.

    - « Je nE sUis pas Un bON GArs »

    Que j’imite très grossièrement pouffant doucement de rire avant d’attraper mon verre de ma main libre et de la lever à ses propres résolutions.

    - Et tu oses encore me dire ça ! Grand Tokage que tu fais !

    Je sirote ma boisson, du moins ce qu’il en reste, et mes yeux vont à nouveau se poser sur le pendentif solitaire posé sur la table. Plus je le fixe et plus j’ai une idée stupide qui pointe le bout de son nez. Idée stupide, mais une idée quand même que j’ai bien envie de mettre en marche.

    Il serait franchement dommage de se quitter sur d’aussi sombre parole, non ? Et j’ai une revanche du fond des âges à prendre sur lui. La question qui se pose et de savoir comment procéder. Ce n’est certainement pas une simple tape sur l’épaule ou un verre qui déverse son liquide « malencontreusement » sur lui qui va le déconcentrer et surtout pas avec l’expérience qu’il a acquise. Surtout quand il s’agit de subtiliser un objet avec cette valeur sentimentale.

    Il y a un truc qui peut potentiellement fonctionner. Un truc qui peut le laisser perplexe suffisamment longtemps pour me laisser une ouverture ou agir discrètement et rapidement.

    Je l’observe du coin de l’œil, calculant l’espace dont je vais avoir besoin. Je me redresse doucement, m’étirant de tout mon long avant de repousser la table pour pouvoir me placer devant mon camarade. Les bras croisés sous ma poitrine pour la mettre un peu plus en valeur, je penche le haut de mon corps pour mettre mon visage au niveau du sien. Usant d’une pointe de magie pour accentuer mes charmes histoire de le déstabiliser un peu plus et surtout de capter son attention. Même si cette magie ne fonctionnera probablement pas je mets toutes les chances de mon côté.

    - Il serait peut-être temps de payer l’addition, non ?

    Plongeons mon regard dans le sien, ma voix est vibrante et mon sourire taquin.

    - j’ai une revanche à prendre sur toi.

    Pendant ce laps de temps, ma queue se faufile silencieusement sur la table pour récupérer délicatement le pendentif en argent. Une fois l'objectif accompli, je me redresse et me sauve vers le comptoir pour sécuriser le bijou autour de mon cou.

    - Trois règles ! Premièrement, on évite de défoncer le bâtiment ! Il a survécu à la tempête ce n’est pas pour qu’on le détruise pour une bagarre.

    Gardant à l’œil le Drakyn dépossédé de son bien, je fais en sorte de tenir mes distances suffisamment pour continuer d’énoncer mes règles.

    - Deuxièmement, pas le visage ! J’y tiens ! Sinon, je n'hésiterais pas à cogner dans les bijoux de famille ! Et pour finir, on ne monte pas à l’étage ! Un lieu de bordel suffit amplement, pas besoin de l’étaler !

    Je finis par disparaître à la fin de mon discours, devenant invisible au regard de mon adversaire en lâchant un petit rire.


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    Kieran Ryven
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  • Mar 7 Mai - 20:54
    Sauver des gens. En tout cas aider mon prochain, rétablir une justice qui tient la route.

    C'était un peu le projet. Et il faut admettre que c'est très ingrat contre ceux qui prônent ces ambitions.

    Parce que, rien ne sera complètement nettoyé. Il y aura toujours quelqu'un à qui ça sera trop tard pour lui. Un feu trop tard à éteindre, des enfants trop loin pour les récupérer, des prisonniers enfermés à tort, des esclaves qui n'ont rien demandé, des femmes souillées dans l'ombre, forcées dans une sinistre discrétion.  Il y aura toujours des lâches, des criminels et des destructeurs. Il y a un deuil à faire d'un côté, accepter que ça va toujours exister. Mais, revoir l'objectif en disant que le but c'est d'en voir le moins possible. Pensée humble, et que tout le monde comprendra.

    Jusqu'à ce que ça tombe sur une personne qu'on estime, et toutes ces belles pensées se transforment en un énorme tas d'excréments, faits de remords et de frustration. Je ne peux que me rassurer d'être le souvenir d'un repos salvateur, même si la majorité du temps on se mettait sur la tronche pour le bon plaisir de l'armée Reikoise.

    « Hm, j'ai été heureux également. » Que je rétorque, amère envers moi-même.  

    Les personnes foncièrement gentilles ont toujours un sentier bien plus compliqué à fouler que n'importe qui. Ça ne fait pas de nous de gens crédules, naïfs ou bien dénués de sens et de réalité. Non, ça fait simplement de nous des gens avec un peu... D'espoir. Croire que les choses peuvent s'arranger, que c'est possible d'y arriver. La lueur du soleil qui traverse les fenêtres de cette auberge après la catastrophe Titanesque arrivée à Liberty, voilà pourquoi on se bat. Voilà pourquoi on mord, voilà pourquoi on tue.

    Voilà pourquoi on vit.

    Je finis par rendre le rictus à cette Drakyn flamboyante, bougeant la tête par la négative lorsqu'elle se décide de prendre sa plus grosse voix pour m'imiter. Puis, en haussant un sourcil face à la comparaison que j'ai mangé une bonne paire de reprises. Je dois être le seul Drakyn bleuté dans tout le Sekaï depuis la mort de mon père. Des fois je me demande pourquoi est-ce que mon hybridation draconnique est aussi prononcée que certains. Héritage Ryven ?

    « Pitié, dis moi que je ne suis pas aussi ridicule. » Que je finis doucement par rire.

    La conversation avait l'air de s'arrêter là, mais quelques secondes de silence suivit d'une donzelle qui s'étire une nouvelle fois pour se dresser devant moi a l'air de dire le contraire. Je plisse les yeux. Le ton change, le climat aussi et rapidement je vois un buste rebondi comprimé sous des bras croisés, et bien déterminé à me dire quelque chose. Mon regard me trahit, puis, mes esgourdes. A ce moment-là, pas grand-chose à l'air d'être très important, si ce n'est ces mots qui vient donner son lot de charme, autant que de mystères. Elles ont quoi les femmes à faire toujours entre les lignes ? Ma réflexion se stoppera quand je viendrais me noyer dans ses iris ambrés, deux forges d'une intensité envoûtante, la magie va se casser aussitôt dans le cliquetis d'un métal attrapée par une queue trop habile pendant que je passe pour un gros lézard débile.

    Finalement, un putain de Tokage.

    Elle file comme une anguille toute heureuse de son méfait, et moi je soupire contre moi-même. Me redressant de toute ma masse, je devine sans le moindre problème les prochains évènements. On me connaît comme un Drakyn qui déteste les problèmes, les conflits, les frictions, et les mésententes. Si on peut trouver une passerelle pacifique pour partager un bon repas ou un verre ensemble, je serai le premier à la franchir. Mais, une bagarre, entre deux bon Ex-Reikois consentants... Rah, je suis vraiment trop faible. Tandis qu'elle énumère les règles, j'avance, m'échauffant les épaules dans une cacophonie de craquements qui remonte jusqu'à ma nuque, puis le dos, et enfin les doigts, blottis vigoureusement dans le creux de mes mains.

    Marchant doucement dans sa direction, sans concrètement la poursuivre,  y'avait un vrai plaisir de la voir dans cet état. Taquine, provocatrice, amusée de la situation et de son vol parfaitement bien réalisé. Ça serait bien le genre de Nora, elles s'entendraient bien. Sans lui courir après, mes pas lourds vibrent sur le plancher comme l'avertissement menaçant qu'elle vient de signer pour... D' énormes problèmes. En respectant ses règles, naturellement. On est des Drakyns, pas des bêtes. Même si des gens font toujours difficilement la nuance.

    Je contemple le Médaillon autour de son cou, bizarrement, il avait l'air moins horrible sur elle. Mes mâchoires se serrent et ma voix devient grondante, mais toujours amusée.

    « Je vais te faire mal, Vany. »

    Et voilà qu'elle disparaît. Un nouveau sourire me trahit. Franc, et nostalgique.  

    « Rah, toujours dans le feutré, hein. Tu te rappelles, dans l'arène, on avait le sable du désert qui te trahissait. Il faisait très chaud. Tu as de la chance, on est sur le plancher, aujourd'hui. Mais... »

    Je finis par me planter au milieu de la pièce, relevant la tête, en prenant de très longues inspirations.

    « ...Le cuir de tes bottes. Ton souffle chaud qui sent l'odeur de boisson, tout juste descendu dans le gosier. La poussière du meuble sous tes griffes, les fragrances florales de tes cheveux. Le parfum naturel de ta peau et de tes écailles. Le métal abîmé de ma chaîne qui habille ton buste. Je te suggère de faire attention, il fait un cliquetis régulier rappelant les fers aux poignets d'un prisonnier. »

    Je finis par fléchir doucement les jambes, ma queue frôle le sol en quête de la moindre vibration louche qui viendrait dans mon angle mort. Les épaules de trois quart, une garde hermétique aux points vitaux, les poings sous le menton, mes cornes en avant, j'adopte une posture de contreur tandis que mon nez arrive à repérer le sentier olfactif de mon adversaire d'aujourd'hui. Comme un chemin invisible se matérialisant de plus en plus sous mes yeux.  

    « Tu es aussi discrète qu'une Dragonne dans un magasin de porcelaine. »

    Allez, on danse. Je te laisse le premier pas, en souvenir du bon vieux temps.

    Sinon, je traquerais.
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  • Mar 14 Mai - 0:35
    Voir son regard de glace se perdre, tantôt sur mon buste, tantôt dans mes pupilles et lui faire baisser sa garde me fait qu’apprécier davantage ce petit larcin amical. J’aurais, probablement, dû en profiter un peu plus, qui sait quel goût peuvent avoir ses lèvres.

    Mes yeux roulent alors qu’un sourire en coin se dessine sur mon visage, il y aura d’autre occasion pour ce genre de bêtise.

    Je suis ce chat qui va chercher des ennuis vers plus grand et féroce. Matou qui finira probablement par houspiller son adversaire pour une fierté se sera vue remettre en place.

    Des bosses, des bleues et de la bonne nostalgie, je n’en demande pas plus.

    - Me faire mal… ? Ça pourrait me plaire, qui sait ?

    Que je lance avant de rire de bon cœur et me laisser bercer dans les souvenirs qui sont rappelés à ma mémoire par ce grand Dadais à corne.

    Le sable chaud, la chaleur étouffante et un soleil qui vous brûle la peau. Quand on n’a pas l’habitude ça devient vite atroce. Encore plus quand vous vous retrouvez sous une armure en plein soleil de midi. On en aura vu qui se sont évanouis durant les entraînements et mené à l’infirmerie à cause d’un coup de chaud. Le désert du Reike est sans pitié et les Reikois le sont tout autant.

    À l’époque, le sable trahissait ma présence, gâchant l’effet de surprise que j’aurais pu avoir sur mes adversaires. C’était une vrai frustration pour moi. Avec ma taille, j’ai toujours fait en sorte d’éviter les face-à-face qui n’était, franchement, pas mon fort. Ce n’est clairement pas aujourd’hui que ça va changer. Encore moins face à une masse aussi imposante de muscle. S’il m’attrape, je serais comme un lapin dans la gueule d’un loup, je ne pourrais plus bouger et le jeu sera terminé.

    Voilà que ma discrétion est mise à mal, le museau en l’air, il me piste à l’aide de son flair. M’énumérant tous les parfums que je dégage, il va même jusqu'à reconnaître l'odeur de mes écailles. Je me renfrogne, boudeuse comme une princesse capricieuse et le ton de ma voix suit cette humeur.

    - C’est de la triche ça ! Je m’insurge mÔsieur « j’ai le regard baladeur » ! Ceci est inadmissible !

    C’est la poêle qui se fout du chaudron, mais me voilà moins discrète que je l’espérais. J’ai célébré ma victoire trop tôt et je me retrouve rattraper par ma bêtise. Le sable à l’époque et aujourd’hui c’est son flaire qui joue contre moi.

    - Son flaire qui joue contre moi…

    Un petit murmure s’échappe du bout de mes lèvres. Une petite pensée fugace, pour moi-même avant qu’un grand sourire, plein de malice, vienne s’étirer sur mon visage.

    Doucement et délicatement, je viens défaire l’attache de mon bustier, libérant par la même occasion ma poitrine, le laissant négligemment abandonné sur un banc, tendis que je serpente, invisible, non loin de mon complice de jeu, le pendentif cliquetant autour de mon cou.

    J’ai la ferme intention de le mener en bateau et de retourner son stratagème contre lui.

    Je poursuis mon chemin, zigzagant ici et là, m’approchant parfois au plus près, à la limite de pouvoir le frôler du bout ma queue reptilienne.

    Je finis par monter sur le comptoirs, le collier trahissant ma position, je laisse glisser ma robe verte émeraude avant de redescendre rapidement m’éloignant le plus discrètement que je puisse malgré ce foutu cliquetis.

    Le jeu de piste ne fait que commencer.


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  • Mar 14 Mai - 20:06

    La bagarre.

    Poids lourds contre poids plume.

    J'avais bien vu, qu'elle était dans la jubilation. Une petite partie de moi est heureux pour elle. Si la vie qu'elle a passée avant d'arriver en République était si merdique qu'elle le prétend, je veux être le souvenir qui lui permettra de regarder derrière elle sans avoir un rictus de dégoût et amer. Brillante, usant et abusant de ses charmes, et ses boutades n'ont pas fini de s'enchaîner.

    « Te plaire ? Eh bien, on verra ça. » Que je finis par gronder, taquin.

    Gardant un faciès toujours amusé, elle commence à piger que disparaître ne va pas suffire pour essayer de me déstabiliser. Des criminels ayant cette capacité pour tenter de m'échapper lorsque je leurs cours après, pendant des heures, des jours, des semaines, n'ont pour le moment jamais réussi à se contenter de ce pouvoir, sans finir dans une cage. Sa voix prend un ton adorable, je pourrais presque l'imaginer gonfler les joues, le nez retroussé et le regard aussi dur qu'un enfant frustré. J'aurais pu me contenter de garder une moue moqueuse, mais elle sera rapidement court-circuitée par sa remarque. Mes yeux ont un peu trop glissés, elle le sait, je le sais, nous le savons, et pourtant, ça me gêne.  

    « Parce que mettre le balcon en avant et disparaître sous mon pif c'est mieux, madame ? »

    Je crois l'entendre murmurer et puis... Rideau. Plus rien. Un silence plus sérieux s'étire dans la pièce, mes narines tentant de garder un repère quel qu'il soit. Pour le moment tout va bien. Elle est... Par là. Non. Vers le banc ? Non. Oui, voilà, vers le comptoir. Non. Je suis paumé. Je fais bouger ma grosse carcasse en poussant sur mes jambes râblées vers l'avant, plongeant par-dessus une table et amorçant ma chute d'une roulade pour rejoindre un banc. D'un rapide mouvement rotatif, ma queue dorsale fouette le vent autour de moi.  

    Un bustier trône sur la surface boisée, encore chaud.

    « Bien joué. » Que je susurre, admiratif.

    Disséminer ses vêtements pour brouiller les pistes, bah voyons. Marchant en pas latéral, le dos au mur, le bras gauche en parade, je longe le pan et constate que juste en face, une robe verte émanant les mêmes fragrances pend contre le comptoir. Une image de Vany en sous-vêtements voire complètement nue me traverse l'esprit et m’arrache un frisson. Image rapidement balayée d'un mouvement de la main pour rester concentré. J'arrive à niveau après une nouvelle roulade, attrapant la robe encore chaude entre les doigts. Marcher jusqu'aux fenêtres pour me débarrasser des vêtements serait trop risqué, elle pourrait m'attaquer de dos sans le moindre problème, et j'ai encore souvenir de sa morsure sur mon appendice caudale en tête malgré les années.

    « Pas trop froid, Vany ? »  

    Des fois qu'elle réponde pour trahir sa position, mais je pense que je peux aller me gratter. Je finis par fermer les yeux, me concentrant uniquement sur les bruits, les esgourdes ouvertes comme des portes battantes au vent. Le cliquetis qui sera finalement mon meilleur ami dans ce jeu de piste brillamment mis à l'œuvre par une Drakyn toujours aussi joueuse, et, étonnamment bien au fait de ses attributs. Je pourrais très bien essayer d'attraper une bouteille en verre, la fracturer et éparpiller les morceaux un peu partout, et l'attraper aux premiers pas suspects.

    Mais c'est violer une des règles qu'elle a énuméré. Pas de cordes ou de ficelles pour la piéger sur son itinéraire dans la pièce, pas possible de lui balancer mon godet dans la tronche, sans foutre de la boisson partout dans l'auberge et prendre une tannée de la tenancière... Très bien, pas le choix. Mon talon frappe le sol dans une petite secousse, j'entrechoque mes deux poings et attend patiemment au milieu de la pièce.

    « Allez, viens voir papa. Tu connais mon dicton Vany : Courage, ou Dégage. »

    Trois mots qui m'ont suivi dans toute ma carrière de soldat, et encore aujourd'hui en tant que limier. Bombant le torse d'une grande inspiration :



    Le coup de tonnerre bestial d'un prédateur qui va s'acharner sur sa proie.
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  • Dim 19 Mai - 0:10
    Les hommes sont tous les mêmes. Il suffit de mettre en valeur les « coussins d’amour » et leurs regards s’y plongent instantanément, comme si leurs yeux étaient soudainement alourdis de plusieurs kilos. Même si, sur ce point, il a raison. Je ne vaux pas mieux en les collant sous leur nez... mais, franchement, qu’est-ce que c’est drôle !

    Avec une telle carrure, je suis impressionnée de le voir agir avec autant d’agilité et de rapidité. Et si j’avais traîné trop longtemps vers mon bustier, le fouet qu’est sa queue m’aurait fauchée. Je ne suis jamais trop loin de sa position, et ça va probablement jouer contre moi, surtout avec ce cliquetis infernal que produit ce collier. Je pourrais m’en débarrasser en le jetant dans une des chopes pour être tranquille, mais je n’ai pas très envie de l’abîmer et encore moins de m’attirer ses foudres.

    Marchant comme un crabe, le dos au mur et en position de défense, il finit par remarquer ma robe, et à en juger par sa réaction, une pensée fugace lui a traversé l'esprit. Je voulais en profiter pour l'attaquer dans le dos pendant qu'il l'examinait, mais mon corps frissonne de froid et le collier qui tinte me force à revoir mon idée.

    Son vieux « pas trop froid ?» tombe à pic pour le coup. Je suis frigorifiée et je ne serais pas étonnée de finir enrhumée. J’ai encore d’autres frissons qui font tinter le collier, brisant ma stratégie. J’aurais eu mieux fait de lui sa chemise, ça aurait été moins compliqué et j’aurais eu plus chaud. Cela dit, je n’en suis pas moins fière de voir que j’arrive à le faire tourner en bourrique. Même si je me retrouve pas moins bête avec ce pendentif qui m’empêche, d’une certaine manière, d’attaquer trop brusquement.

    Son pied vient frapper le sol, me faisant faire un bond en arrière par réflexe et révélant par la même occasion ma position, comme si ce collier était un sonar. Un « Courage ou Dégage » m’arrachant un rire au passage avant qu’il ne se mette à mugir.

    Foutu pour foutu, je décide de revenir dans la lumière. Me voilà en face à lui toute distance gardée, mes poings posés sur les flancs, tirant une moue faussement boudeuse. Évidemment, je ne suis plus très habillée et, hormis ma paire de bottes et mon sous-vêtement, je suis à poil. Est-ce que je suis gênée ? Non, au contraire, ça m’amuse même beaucoup. Je suis même obligée de contenir un sourire moqueur.

    - Rappelle-moi, la prochaine fois, de piquer quelque chose qui fasse moins de bruit ! Un vrai bordel ! Et je ne te parle même pas de l’état de mes pauvres oreilles !

    J’avance un premier pas, puis un second, et je m’élance sur lui, traversant la distance qui nous sépare en courant. Mon pied droit vient percuter sa jambe gauche au niveau du genou. Je me sens soudainement très bête. Qu'est-ce qui me fait croire qu'avec un coup comme ça je vais pouvoir le faire tomber ? Plongeant mon regard dans le sien, j'ai le sourire gêné de celui qui regrette déjà.

    Je vais tellement regretter mes conneries.

    Pour le moment, j’adopte une position défensive, mes bras prêts à parer les coups… ou à les encaisser.


    Fight so dirty, but you love so sweet
    Talk so pretty, but your heart got teeth
    Late night devil, put your hands on me
    And never, never, never ever let go
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