Ariane est une petite humaine athlétique, agile et rapide. Elle se déplace facilement dans les foules, passant inaperçue aux yeux de tous... Elle n'est qu'une âme parmi tant d'autres, qui semble trop frêle pour représenter une menace pour qui que ce soit. C'est un atout pour laisser traîner ses oreilles et récolter des informations partout où l'on l'envoie. Vêtue comme un garçon et en raison de ses traits encore juvéniles, elle se fait souvent passer pour un adolescent. Elle devient alors un simple messager, l'apprenti d'un artisan, un mousse, ...  Elle se fond dans la masse, comme si elle n'était faite que de vent. Délicate, ses doigts sont fins tout comme ses poignets, ses côtes sont apparentes et sa poitrine est petite. Elle la bande au quotidien, désormais par habitude et non plus seulement pour se faire passer pour un jeune homme. Elle présente des signes de malnutrition et des signes d'alcoolisme dont elle essaie de se défaire, mais finit toujours par retomber dans l'addiction. Ses yeux gris sont marqués par les cernes de nuits agitées et trop courtes.
Sa peau jonchée de nouveaux bleus chaque jour et des cicatrices d'un passé aux mains d'un père violent, a pris le soleil en mer et a fait ressortir ses taches de rousseur. Ses longs cheveux châtains sans cesse tressés, ont les pointes abimées par le sel. Ses paumes sont calleuses à force qu'elle s'accroche et tire sur les cordes des mâts. Et pourtant, jamais elle ne se plaint de sa vie en mer, car elle lui permet de fuir et d'oublier les atrocités qu'elle a vécu à terre. Ariane semble vide, car son regard mélancolique est éteint. Parfois on peut y voir brièvement passer des émotions qu'elle tait et qui la font pleurer seule dans le noir, avant de s'endormir.

Puisqu'elle communique seulement le strict minimum, on lui prête un caractère calme. Pourtant, une tempête fait constamment rage en elle. Elle aimerait pouvoir sortir de son propre corps, hurler jusqu'à en perdre haleine, mais à quoi bon ? Elle se sent prisonnière de chaînes invisibles qui la retiennent en Enfer et ce n'est que lorsqu'elle revêt son apparence d'oiseau, qu'elle a enfin, momentanément, l'impression de quitter sa cage. Rien ne la fait se sentir plus vivante que lorsqu'elle vole haut dans le ciel. Elle virevolte et laisse son esprit voguer, ses soucis disparaître le temps d'une danse aérienne. Lorsque ses pensées intrusives reviennent la hanter, elle se dit qu'il s'agit peut-être de la dernière. Car Ariane mène une vie pleine de dangers lorsqu'elle est loin des côtes. Là où la nature se déchaîne jusqu'à faire devenir fous les marins les plus braves et où plus rien ne fait office de loi. Là où les pirates n'ont aucun scrupule à prendre des vies...
Si elle prétend aussi bien n'avoir peur de la mort, elle la terrifie pourtant à chaque fois que ses lames égorgent ou transpercent ses ennemis. Car elle sait au fond d'elle-même que le même sort l'attend un jour. La commissure de ses ongles, qu'elle gratte à sang, n'est que l'un des témoignages de ses angoisses.
Sans cette tristesse infinie, Ariane serait une guerrière. Elle serait courageuse et renoncerait à la colère qui l'empoisonne et qui lui donne l'impression de suffoquer. Elle serait enfin libre de prendre ses propres décisions sans plus dépendre des personnes qui cherchent à lui couper les ailes.

Ariane ne se rappelle de rien avant ses cinq ou six ans. Jamais elle ne se rappellera du visage de sa mère qui a fui et qui ne l'a pas emmenée avec elle. Elle l'a abandonnée à son propre sort, entre les mains d'un homme alcoolique et violent.
Malgré la précarité dans laquelle ils vivaient, le père d'Ariane avait toujours le sou pour la boisson, jamais pour nourrir suffisamment sa fille qui jamais ne grandirait pleinement. Gamine des rues, elle commença à faire ce que tous autres enfants dans une pareille situation auraient fait. Elle fit la manche et lorsqu'elle n'avait pas assez de sous pour acheter ne serait-ce qu'une miche de pain, volait à l'arrachée. Chaque soir, son père la battait, puisque sa femme l'avait quitté. La "catin" qu'il l'appelait. Lorsque l'on a jamais connu autre chose, cette misérable vie devient notre normalité...
Durant ses plus jeunes années, l'école était le seul moyen pour Ariane de fuir son quotidien à rester à regarder son père dormir ou se cogner à chaque coin de meubles dans le taudis qui leurs servait de foyer. La plupart du temps, l'ivrogne ne la remarquait même pas. Il se préoccupait d'elle seulement lorsqu'il était triste et en colère. Parfois, dans ses rares moments de lucidité, il se mettait à pleurer et à s'excuser en promettant qu'il changerait et qu'il ne lèverait plus jamais la main sur elle. Pas une seule fois il ne tint ses promesses... C'est dans cet environnement toxique qu'Ariane dut apprendre à survivre par ses propre moyens.

Privée de l'amour de ses parents et d'une véritable enfance synonyme d'insouciance, Ariane dut grandir plus vite que la majorité des jeunes de son âge. À quatorze ans seulement, elle faisait déjà preuve de beaucoup de maturité, mais aussi et surtout d'énormément de cynisme. Elle était effrontée et trop farouche pour en avoir quelque chose à faire des normes sociales. Elle avait commencé à taper dans les bouteilles de son père qui avait trop détruit sa santé pour être apte à s'en rendre compte. "La mauvaise graine n'engendre que de la mauvaise graine." répétaient les bonnes femmes du quartier. Elle était devenue une fille à la mauvaise réputation, d'autant plus qu'elle passait le plus clair de son temps avec des garçons, à balancer poings et guiboles avant de rentrer chez elle avec au minimum un coquard.
Si une chose n'a jamais changé depuis, c'est qu'elle n'est pas plus loquace qu'à cette période de sa vie. Ariane n'a jamais eu personne à qui se confier, à qui demander conseils, alors elle a toujours tout gardé pour elle. Elle n'a jamais pu faire confiance à personne, alors elle a toujours été méfiante envers tout le monde et s'est renfermée dans sa solitude.

À la mort de son père, elle se rendit compte que plus rien ne la rattachait à sa ville natale, mis à part un lourd bagage fait d'erreurs et de traumatismes. Alors... Alors elle monta sur le premier navire du port qui levait l'ancre en se faisant passer pour un garçon. Elle avait dix-sept ans et se raccrochait à l'espoir qu'elle appartenait à quelque chose d'autre, ailleurs. On l'utilisa trop de fois afin d'accomplir de basses besognes et la dernière lueur dans ses yeux finit par s'éteindre. Le sang de nombreux inconnus sur les mains, elle continua à fuir, de navire en navire, d'équipage en équipage, mais son passé la rattrapa toujours malgré toutes ses tentatives. Le schéma se répéta jusqu'à ce qu'elle n'ait plus le courage de partir.
Aujourd'hui, Ariane n'est plus que l'oiseau apprivoisé d'un capitaine qui n'a nulle intention de lui rendre un jour sa liberté.

Piraterie : Bien qu'elle n'apprécie pas qu'on la mette dans une case, elle se retrouve indéniablement dans celle des bandits des mers.