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Citoyen de La République
Carl Sorince
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crédits : 864
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Info personnage
Race: Humain
Vocation: Guerrier assassin
Alignement: Neutre Mauvais
Rang: C
Carl Sorince
Race : Il n'est qu'un simple humain
Sexe : Mâle
Âge : La trentaine
Métier : Mercenaire
Taille & poids : 1m71 / 55 kilos
Alignement : Neutre Mauvais
Faction : République
Rang : C
Religion : Lui-même
Avatar : Midjourney by Dey (et non pas Midjourdey by ney, ce qui ne voudrait foncièrement rien dire)
Pouvoirs et objets
A compter dans les pouvoirs : Prise du rôle recherché "Citoyen de Shoumeï"
Pouvoirs :
Classe : Assassin
Brouilleur magique P2
Arme spéciale
Super-vitesse P3
Agilité et précision augmenté
Invisibilité
Vue augmentée P1
Invocation d’objet
Gains d'events :
* +2 utilisation P2 et +1 utilisation P3
* Echolocalisation : Capacité à générer une onde sur une distance de 20 mètres autour de son utilisateur, lui permettant de repérer toutes formes de vie dans le rayon d’action. Utilisable deux fois par RP officiel. (PAs, event, etc ...) L’écholocalisation ne peut être bloqué QUE par des métaux et matériaux anti-magie (adamantine, barre noire du roi, …). Elle marche autant sous l’eau que sur la terre ferme.
Possessions :
Le juge :
L’arbalète de Carl n’a rien d’une arme classique. C’est un monstre au bois d’arbre marin et aux parties d’aciers faites de mithril. Une abomination dotée d’un mécanisme de pompe complexe, permettant de retendre la corde sans user de la classique manivelle inhérente, en général, à ce type d’armes. En-dessous de sa gueule de cauchemar -capable de cracher pas moins de sept carreaux en arc de cercle d’une seule pression de gachette- se trouve une baïonnette en acier blanc, au tranchant comme à la pointe entretenus avec une obsession ne pouvant signifier que la folie la plus pure.
Son manque de précision la rend malheureusement peu utile à plus de 19 pas (quinze mètres), ce qui en fait -paradoxalement- une arme plus conçue pour le corps à corps et la courte portée que pour la distance.
Ses carreaux sont tous en arbre marin.
Miséricorde :
La dague de Carl est une aiguille aussi fine qu’aiguisée. Elle est conçue pour passer entre les chaînons d’une cotte de maille et l’a déjà fait à d’innombrables reprises. Son acier bleu est terne et ne reflète aucune lumière. C’est une arme conçue pour tuer dans l’ombre.
Les remplacées :
Lorsque son arbalète ne suffit plus, Carl utilisera éventuellement ses deux hachettes de combat. Sans être de faibles factures, elles restent du matériel bon marché et facilement remplaçable, d’où leur nom.
Description physique et mentale
L’humain est trop souvent oublié, dans un monde où l’orc côtoie l’elfe et où l’elfe craint la morsure du vampire ou la soif de sang du loup-garou. En Sekaï, il n’est pas rare de considérer l’homme comme une ressource négligeable, puisque sa principale qualité est son adaptabilité et son nombre.
L’individu, au sein de cette race-ci, devient donc difficile à séparer de la masse, et seuls les êtres aux plus remarquables physiques peuvent espérer briller de manière innée, parmi tous les autres.
Carl ne fait pas partie de ces rares élus. Il ne dispose, à première vue, de rien de remarquable. Des vêtements aux couleurs ternes, de faible facture, une masse broussailleuse de cheveux noirs et mi-longs masquant un visage pâle, grisâtre et aussi cerné que des milliers d’autres travailleurs. Une silhouette voûtée, de taille moyenne, à la musculature trop sèche pour être remarquable et aux membres longs. En le croisant au détour d’une ruelle, personne ne prendrait la peine de même analyser son visage, son attitude, son expression.
Et c’est précisément là que réside le piège.
Puisque tout ceci n’est qu’un camouflage. Les herbes hautes au sein desquelles se dissimulent ce prédateur des temps modernes. Un assassin travaille mieux lorsqu’il n’attire pas l’attention, et Carl le sait…Quand bien même son camouflage n’est indubitablement pas parfait, puisque ses traits trahissent, d’une certaine manière, fort bien ses habitudes.
Certes, de prime abord, rien ne transparaît, si ce n’est l’amusement sinistre d’un homme à l’aspect tout aussi sinistre mais non moins banal. Des tas de gens sont lugubres, dans les rues, de nos jours, ce n’est pas un crime. Cependant, en découvrant qu’au-dessus de la pointe de son menton imberbe, ses fines lèvres grisâtres s’étirent en un long sourire incompréhensible, les plus scrutateurs pourraient alors chercher à voir plus et comprendre -peut-être- d’où pourrait bien venir ce rictus si profondément ancré qu’il semble presque indissociable de son visage. Les investigations de l’observateur continueraient leur ascension pour grimper jusqu’à ses hautes et saillantes pommettes, qui soulignent la maigreur de sa face et le creux de ses joues. L’escalade terminée, il en viendrait alors à inspecter un regard plissé par l’amusement, au sein duquel deux perles de jade semblent baigner dans un océan de venin.
Car l’un des plus flagrants indices de la vraie nature de cet homme banal et sinistre se trouve là. Dissimulé derrière ses paupières. Scrutant le monde avec toute la froideur d’un reptile, d’un monstre. Ses yeux verts sont un portail sur ses véritables intentions. Ils ne mentent pas, sauf lorsqu’il le souhaite, et c’est très rarement le cas. La folie qu’ils contiennent est contagieuse, quand bien même celui qui en est la source semble y être immunisé.
Puisque Carl n’est pas fou. Du moins, pas dans le sens couramment admis. La folie désigne bien souvent l’égarement de l’esprit. Un trouble mental si fort que celui qui en est victime se perd dans le dédale de ses propres pensées. Le chef des Sanglots n’est pas ainsi. Son esprit est profondément ancré dans le réel. Il aime simplement vivre en dehors des règles de la morale et tire une véritable satisfaction à l’idée de les briser, une par une. Rien, aucun traumatisme, aucune révélation, ne semble être à l’origine de cette obsession. Elle est naturelle. Incapable de tendresse ou simplement d’affection. Un fils de fermier devenu mercenaire parce que la violence l’attirait et non parce que la faim lui tordait les entrailles. La disparition de son pays n’a rien causé en lui, si ce n’est son catapultage au rang de chef de bande. Après avoir soigneusement sélectionné les plus instables et cruels de ses hommes, Carl s’est dirigé en république pour vendre leurs talents aux plus offrants et c’est ce qu’ils font depuis.
Chaque instant de sa vie n’a toujours été que consacré au perfectionnement méticuleux de sa perfidie et de ses capacités létales. Cette obsession reste depuis lors sa seule raison de vivre car, tenons-le pour dit, son âme reste aussi froide que la mort face à tout ce qui motive, en général, les êtres faits de chair et de sang. L’or est un moyen, pas une fin. L’art, si le serpent le trouve admirable, ne le motive en rien, pas plus qu’il ne le transporte. La culture, la sienne, qui se base sur un mélange de véritable connaissance et de faux-semblant, n’est qu’un outil de manipulation des masses. Les affaires de coeur et le sexe? Des divertissements certes agréables mais ne pouvant guère satisfaire ce que son esprit retors cherche à chaque instant, quand bien même l’identité de cet objectif-rêve semble encore lui échapper.
Pour autant, malgré sa nature cruelle, égocentrée et particulièrement instable, Carl n’est pas un solitaire aux tendances ermites. Misanthrope, le serpent l’est évidemment mais, en groupe. Réduit, de préférence, et centré sur lui-même, puisqu’il se nourrit de la vénération des autres comme une sangsue se gave d’hémoglobine pour vivre. Sacrifier un ou deux des membres de son groupe, par nécessité, ne le gênerait aucunement mais gare à celui ou celle qui osera mettre en danger l’entièreté du lot. Ce tueur au sang-froid veille farouchement sur ses ouailles autoproclamées et l'inventivité dont il fait preuve pour punir les fauteurs de trouble n’a d’égal que son inhumanité.
Ainsi, Carl Sorince, dernier fils d’une famille jadis sans histoire et désormais oubliée de tous, n’est pas un esprit complexe et sans failles. Ce n'est qu'un psyché obsessionnel, construit, façonné sur une absence de morale et de retenue le rendant sans limite lorsqu’il s’agit de causer la peine et la mort.
Mais qui est condamné à la destruction éternelle de l’autre, des autres, pour espérer continuer à exister.
Histoire ou test-rp
La lune était splendide, cette nuit-là. Ses éclats d'argents illuminaient leur chemin en passant au travers des maigres branches du sous-bois s'étendant autour d'eux, facilitant la traversée tout comme le repérage. La nature leur hurlait dans les oreilles, littéralement. Grillons, hiboux, chauves-souris et autres bêtes nocturnes plongeaient les intrus couche-tard dans une bucolique cacophonie plus que bienvenue aux oreilles des vétérans de la garde, qui préféraient cent fois une telle clameur à une nuit trop silencieuse et donc suspecte.
Ils étaient douze, sans compter le cocher assis à l'avant de la charrette-cellule. Douze gardes, dont quatre cavaliers. Il fallait bien ça pour assurer un transfert de prisonniers en bonne et due forme.
Nils se tenait à l'avant. A vingt et un an, il faisait partie des plus jeunes de son unité. Tous les autres étaient des vieux de la vieille, excepté leur nouvel officier.
Jeune, il l'était bel et bien, mais certainement pas inexpérimenté. De sa garnison, il était le meilleur hallebardier. De sa troupe, indubitablement le plus rapide. On attendait pas d'un porteur de hallebarde une telle vivacité. C'était ce qui rendait son style si déroutant et ce qui lui avait également permis d'entrer dans une troupe de vétéran sans instantanément être qualifié de blanc-bec, les "Rayonnants" de la treizième, comme ils s'appelaient, l'avaient intégrés parmi eux sans le moindre doute, alors que tout le monde -Sauf lui- avait pu participer activement à la prise de Kaizoku. C'était sa petite fierté personnelle. L'anecdote qui faisait sourire ses parents.
"-Qu'est-ce qui vous met de si bonne humeur, Vivelame?" L'admonesta une voix féminine, encadrée par le staccato caractéristique de sabots de cheval heurtant la terre sèche du sentier.
Le sourire de Nils s'agrandit alors qu'il tournait la tête en direction de sa supérieure pour lui répondre:
"-Rien Mam'zelle. Je trouvais que la vue était belle."
En privé, elle ne résistait que rarement à ce sourire, mais en présence des autres, son cœur était fait d'une glace aussi coupante qu'impénétrable.
"-Hé bien si vous tenez à garder vos yeux, vous devriez songer à vous concentrer." Grinça la Lieutenant, avant de rejoindre les autres cavaliers sans lui accorder un regard de plus. L'action avait été effectuée de manière si pressée qu'on aurait presque pu croire qu'elle le méprisait comme n'importe quel autre troufion. Presque.
Nils ricana et Bohort, son ailier, lui administra un coup de coude dans les côtes.
"-Ne mets pas son honneur en jeu en la défiant ainsi devant les autres, fils. Elle t'a accepté dans sa couche mais elle est toujours ta supérieure.
-Ça me va." Fanfaronna le surnommé Vivelame, en attrapant un brin d'herbe haute pour le coincer entre ses dents. "Je n'ai pas d'autres ambitions."
Bohort réajusta sa cervelière et plissa ses petits yeux noirs pour voir par-dessus sa torche.
"-Concentres-toi. Elle a raison. Et ne me mens pas. Tu n'es qu'ambition et talent, sale fils de pute."
Ils rirent aussi silencieusement que possible. Une intersection marqué par un sapin solitaire s'offrit à eux et le convoi parti vers l'ouest, en direction de Justice. Le sous-bois se fit plus épais, pour finalement se transformer en forêt. Les flammes des torches devinrent plus qu'une simple commodité. Et on ordonna le silence total dans les rangs.
Bohort n'avait qu'à moitié tort. Bien sûr, Nils avait dû talent, certes, l'ambition ne lui était pas inconnu. Mais Susie, la Lieutenant, et lui, ça n'avait rien à voir. L'amour, le vrai, celui des livres, des poèmes et des chants, c'était bien tout ce qui motivait leur relation. Leur chemin était lié, dès lors qu'ils avaient intégré la troupe le même jour, elle en tant que remplaçante de l'ancien Lieutenant, lui en tant que simple troufion. Ils étaient tombés amoureux, en secret. Et seuls leurs plus proches amis avaient su comprendre, avec le temps, la nature de leur lien. Jamais il ne lui serait venu à l'idée d'en profiter, d'une quelconque manière. Ce type d'union était trop rare pour être gâché par l'ambition.
Ces belles pensées, aussi nobles qu'idéalistes, furent malheureusement interrompues par les funestes considérations de Garrik, un des archers de la troupe, qui vint les rejoindre pour murmurer:
"-Si il y a un endroit où on se fait prendre en embuscade, c'est à l'ancienne tour de garde.
-Donc au prochain tournant, quoi." Souligna Bohort en souriant de toutes ses dents restantes.
"-Ouai." Renchérit l'archer. "Une position surélevée. Des buissons au bord de la route.
-On a pris cet itinéraire à la con des dizaine de fois, pourquoi on se ferait attaquer maintenant, par les couilles de Kazgoth?"
Nils haussa les épaules après avoir pris soin de jeter un coup d'œil à l'arrière, pour vérifier que les cavaliers ne les entendait pas. Les accès de colère de Bohort avaient tendance à porter loin.
"-Parce que cette fois, y'a Hegfeind le chef des écorcheurs à l'arrière de notre chariotte.
-Et trois autres pauvres tarés. Et alors ?"
Sentant venir la réprimande, Vivelame adressa au gueulard peu impressionnable un geste de la main signifiant, dans leurs codes "baisse d'un ton ou on va se faire saquer". Bohort acquiesça et reprit, plus calmement.
"-C'est rien qu'un chef de brigand. C'est pas notre premier.
-Il a des liens avec la pègre. Et ses gars sont tous des malades. Vous avez vu ce qu'ils ont fait aux derniers gardes qui leur sont tombés dessus ?
-Laisse moi deviner, ils les ont écorché?" Ne put s'empêcher d'ironiser Nils.
"-Oh allez vous faire. Et ne vous plaignez pas si on se fait écorcher à la prochaine pancarte." L'archer abandonna pour retourner au centre de la formation. Le duo récalcitrant échangea un regard amusé, puis leurs yeux s'assombrirent.
Au loin, la forme sombre et imposante du bosquet épineux marquant le croisement de l'ancienne tour de garde se faisait de plus en plus nette.
Le bois domestiqué, déformé, tordu et clouté de la tour avait depuis longtemps été vaincu par la retorse nature. Un jeune chêne avait poussé au travers des planches, perçant le sol, brisant l'échelle puis le plafond du perchoir pour dominer les restes du poste de guet et rappeler à tous la toute puissance de la nature face aux âmes mortelles. On appelait ce chêne "le dernier garde", puisque ses branches étaient bien les seules désormais, à occuper la tour. A son Ouest, tout le long du sentier, se profilait une large colline pouvant aisément abriter derrière-elle une bande armée, ce que cette dernière avait d'ailleurs jadis fait,en condamnant ainsi le "guet de Tristepluie" à devenir "l'ancienne tour de garde" connu en ce jour.
A cela s'ajoutait le piton rocheux, à l'Est du sentier, les innombrables racines rendant le sol aussi traître qu'on pouvait s'y attendre et forçant n'importe quel convoi à ralentir pour éviter de perdre une roue ou un cheval.
Tous les éléments nécessaires pour une bonne embuscade.
Nils et Bohort avaient beau s'être moqués de la paranoïa de Garrik, aucun d'eux n'étaient dupes. Personne ne faisait confiance à ce coin-ci, à cause de son passé sinistre, de ses trop nombreux lieux de couverts et de sa proximité avec les terres du Reike. Leurs regards se firent sérieux. Leurs mains gantées serrèrent les poignées de leurs lames et un fin filet de sueur ne tarda pas à couvrir la peau pâle de leurs fronts, malgré la fraîcheur de la brise printanière.
Derrière eux, dix autres combattants aguerris adoptaient une même posture belliqueuse, parés à toute éventualité et c'est les muscles tendus, gorgés de sang, que le duo de tête franchit le bosquet d'épines.
Mais de piège, il n'y eut point. Les arbres ne se mirent pas à cracher flèches et carreaux. Nul sommet de colline ne commença à vomir menaces et provocations. Et bientôt, l'ancienne tour de guet fut dépassée par le convoi, puis réduite à l'état de lointaine et sombre silhouette, et ce aussi paisiblement qu'à l'accoutumée. Alors, comme à chaque fois, les gardes laissèrent échapper un soupir de soulagement.
"-Il m'a presque fait peur, cette fois." Menti Bohort. Et Nils éclata de rire, la faute aux nerfs et à cette nuit qui n'en finissait plus.
Dans son hilarité, Vivelame ne discerna pas le long fil de fer tendu à hauteur de tête de cheval qui traversait le sentier pour disparaître derrière un arbre, au bord d'un petit ruisseau. Il passa en dessous, mais l'acier de sa hallebarde, dressée vers le ciel, l'accrocha, le sectionnant correctement dans un claquement de mauvaise augure. Le fil ainsi libéré se détendit brutalement, emportant dans sa fuite la moitié du visage de Bohort, qui s'écrasa au sol en tremblant tel un aliéné pour mourir en quelques instants. L'instant d'après, un carreau d'arbalète long comme le bras fondit sur la poitrine de Vivelame, le projetant à son tour cul par-dessus tête. Son visage dépourvu de cicatrices s'écrasa contre un silex saillant de la chaussée, qui creusa au travers de sa joue imberbe un long sillon rougeâtre en pulvérisant au passage quelques-une de ses dents.
Et la dernière chose que vit Nils avant que son corps ne lâche, fut l'élue de son cœur, jetée au bas de son cheval décapité, par une garce hilare armée d'un long couperet de fer blanc.
Pour Garrik, la situation était très simple : ils avaient perdu. De douze, ils étaient passés à dix, puis huit après la première volée de tirs d'arbalètes, et trois une fois que leurs ennemis s'étaient extirpés des ombres, tous de noirs vêtus, pour massacrer à tour de bras les gardes les plus proches. Planqué derrière la charrette, il avait entendu Soleska s'étouffer avec son propre sang, incapable de se décider à sortir de son abri pour décocher une flèche. En général, Garrik s'enorgueillait d'être quelqu'un de raisonnable. Ni lâche, ni imprudent, mais cette attaque-ci lui avait sapé le moral avec une telle force qu'il s'en retrouvait parfaitement paralysé. Qui étaient ces types? D'où venaient-ils ? Et combien pouvaient-ils être pour avoir décimé en si peu de temps une escouade de gardes ? Celui qu'il avait vu devait faire la taille de deux hommes. Son menton trop développé, trop large et avancé, lui donnait des airs d'orcs malformés et l'horrible lame rectangulaire qu'il portait ne faisait rien pour attendrir son apparence. Il l'avait vu frapper au cou Duncan, avant de fuir. La tête du vétéran s'était proprement décollée de ses épaules en emportant avec elle quelques chaînons de son gorgerin de maille. Ce type de coup n’était pas censé se solder ainsi. Il fallait une force de bœuf pour trancher un cou et sa protection. Mais ce n’était pas cette démonstration de puissance brute, ou même l’efficacité de l’embuscade, qui le terrifiait avec tant d’efficacité, non.
Ce prix revenait au rire, provenant de l’intérieur de la charrette-cachot. Des éclats d'hilarité, aux airs de toussotements sinistres, paraissant presqu'involontaires. Même à travers le bois des planches, Garrik pouvait percevoir à quel point ça sonnait faux. Ça n'était pas le témoignage d'une quelconque joie, ce rire-là.
Mais le feulement d'un prédateur affamé.
"-Je vois tes pieds mon ami !" S'exclama quelqu'un, de l'autre côté de son abri. L'archer prit alors conscience qu'aucun son de lutte n'avait survécu aux dernières minutes et qu'il était probablement le dernier garde encore debout, désormais. Un titre qu'il devait à sa couardise, et non à ses compétences martiales.
La honte s'empara de lui et ses petits yeux noirs se posèrent sur le bois de son arc.
"-Tu devrais te montrer à nous avant qu'Alexey ne te loge un carreau dans le cul." Continua une autre voix, plus grave, d’un ton moqueur.
Mort de honte, Garrik prit conscience qu’il n’avait pas même encoché une flèche. Que l’idée de se débattre ne lui était pas vraiment venue à l’esprit. Comme un bleu face à sa première épée, le garde s’était défilé. Et maintenant, la mort attendait seulement une preuve de courage pour fondre sur lui. La honte -l’archer le savait- le poursuivrait jusqu’à la fin de sa vie, désormais. Qu’importe la suite. Qu’importe l’issue.
Alors, quitte à jouer la carte du lâche, autant le faire jusqu’au bout. Pour au moins voir le jour se lever.
“-Je sors.
-Très bon choix !” La voix de l’homme qui lui répondait semblait…Curieusement enjouée. Son ton était rieur, sans pour autant paraître moqueur. Comme un gosse. Difficile de croire qu’une voix aussi claire pouvait appartenir à quelqu’un ayant participé au massacre d’une cohorte de garde.
Et pourtant.
“-Ne me tuez pas s’il vous plaît.” Se surprit-il à dire en quittant son couvert.
“-C’est promis.” Lui répondit un gosse blondinet, le pied posé sur un torse privé de trois de ses membres.
Il n’y avait aucun mot, aucune parole, aucune triste chanson pour décrire un tel désastre. Les rayonnants de la treizième, ses amis, ses frères d’armes, avaient été massacrés. Il n’y avait pas trace du moindre corps ennemi, sur le sentier terreux. Seulement les cadavres d’hommes et de femmes bons et loyaux, ayant tenté de remplir leurs fonctions jusqu’au bout. Les chevaux des cavaliers n’avaient pas échappé au carnage, même chose pour ceux tirant la charrette.
Seule trace de vie parmi ses anciens camarades : La lieutenant Susie, son visage si fier, si rayonnant, désormais couvert d’ecchimoses et de coupures dûs à son désarçonnement, écrasé contre le sol par une femme au sourire et au regard glaçant. Son humiliatrice maintenait la lame de son fendoir posée sur sa nuque offerte, ne laissant que peu de doute quant à ses agissements, si jamais Garrik osait effectuer un mouvement de travers.
Un sanglot naquit dans sa gorge. Mais il se força à le ravaler.
“-Tu vois? Tu es encore en vie.” Enchaîna le gamin enjoué.
“Gamin” était peut-être un grand mot. Ce gars-là ne devait pas avoir moins de trente ou quarante ans, mais c’était ainsi que les rayonnants avaient toujours nommé les types imberbes du menton. Un blondinet glabre, aux cheveux longs, relâchés tels ceux d’une femme, ça ne pouvait être qu’un gamin. Qu’importe son âge.
“-Garrik sale pourriture de lâ...” Pesta Susie avant de se mettre à hurler de douleur.
“-Oh oui, donne-moi une raison.” Ronronna la peste au-dessus d’elle.
Alors, une voix grave, étouffée, et semblant venir de partout et nulle part à la fois se fit entendre. A sa simple écoute, Garrik sentit chaque parcelles de son corps se raidir.
“-Pas de clés sur les corps. Il va falloir faire sauter la serrure. Éventuellement la cage.”
Le dernier garde debout ne put s'empêcher de balayer les environs du regard, à la recherche de l’origine de ce commentaire. Parmi la troupe de tueurs dominant les restes de ceux qui furent ses compagnons, l’un d’eux, agenouillé au-dessus du cadavre exsangue de Bohort, portait un masque doré aux formes d’un crâne humain, terriblement allongé. Garrik avait déjà vu cela. Mais où?
“-Pas besoin d’explosion. Il y a… C’est une serrure à mécanisme…Il faut un code.”
L’homme au masque se mit à rire. Le gosse aussi. Il tira son sabre du cadavre à ses pieds puis s’approcha de l’archer, accompagné par le colosse qui avait décroché la tête de Duncan.
“-Et tu connais le code, mon ami?” Les mains gantées du gamin se posèrent sur ses épaules dans un claquement sourd qui le fit sursauter. Il acquiesça, en tentant d’échapper à l’éclat de ses yeux bleus, qui empestaient la moquerie.
“-Si vous me promettez de me relâcher…” Un coup d'œil par-dessus l’épaule du moqueur lui rappela que Susie vivait toujours. “Et elle aussi. Vivants et entiers. Alors je vous l’ouvre.
-Promis juré.”
Ce salopard promettait beaucoup trop. Mais quel choix lui restait-il?
“-Donner le code à des troufions. Ils se ramollissent, chez les reg’s.” Commenta l’ombre au masque en s’approchant à son tour. Les yeux de Garrik se plissèrent. La confusion, la peur et sa propre curiosité naturelle s’entremêlèrent à cet instant et, ainsi, sans que l’archer ne s’en rende compte, la question quitta ses lèvres dans un susurrement.
“-Quoi?”
Le garde toussa puis répéta, plus fort :
“-C’est un masque mortuaire de Shoumeï?
-Oui.” Répondit l’ombre.
"-Aurions-nous à faire à l'un de nos compatriotes?" Questionna à son tour le moqueur, en prenant soin de laisser sa main droite sur l'épaule de son prisonnier.
Quelque chose d'aussi terrible que l'espoir traversa soudainement le corps de Garrik. Ils n'étaient pas des membres des Écorcheurs. Les Écorcheurs étaient des bandits Reikois. Pas des Shoumeiens. Ce n'était pas grand chose. Mais au moins, rien ne le condamnait à finir écorché et pendu à un arbre.
"-J'y ai grandi, oui.
-Tu m'en diras tant." Trancha le monstre à la mâchoire protubérante, à droite du gosse. Il y avait du sang qui dégoulinait de son menton. Et ce sang ne lui appartenait pas."Et si t'ouvrais la serrure maintenant ?"
Garrik opina du chef, soudainement revitalisé. Il se détourna des deux tueurs pour rejoindre le flanc gauche de la charrette, ouvrir sa porte de bois et pénétrer à l'intérieur, la tête baissée. Le gosse le suivit.
Il faisait noir à l'intérieur. Très noir. Et la lanterne du plafond avait dû tomber à la mort des chevaux. Impossible de l'allumer. Pourtant, à l'instant où le blond dans son dos claqua des doigts, une sphère de lumière naquit des ombres pour les repousser faiblement. Garrik cligna des yeux, le temps de s'habituer à cette nouvelle luminosité, puis effectua deux nouveaux pas pour s'approcher de la cage au sein de la charrette. Une cellule, de taille vaguement humaine. Aussi longue que large. Deux hommes, pas plus, pouvaient tenir à l'intérieur sans trop se gêner, pour peu qu’ils ne bougeaient pas dans la même direction. Et ils en avaient mis quatre. Le confort n'était pas une option, lorsque jugement et travaux forcés s'avéraient être votre seul avenir possible. En approchant, il marcha sur les restes de la lanterne. Le verre brisé crissa sous son soleret mais Garrik l'ignora. Ses mains tremblantes effleurèrent la serrure, rendue huileuse par la graisse de baleine qui avait dû se répandre un peu partout lors de l'éclatement de la seule source d'éclairage possible des lieux, et l'archer se bénit lui-même d'avoir bien pensé à l'éteindre, à sa dernière pause, sans quoi un incendie aurait tout à fait pu se déclarer ici-bas et brûler chacun des prisonniers.
Ce qui l'aurait rendu, lui, parfaitement et totalement sans intérêt pour ses malfaiteurs.
Ses doigts firent coulisser un par un chacun des robustes mécanismes de la serrure à code. Puis l'odeur le frappa enfin.
Ce n'était…pas du tout l'odeur de l'huile de baleine. Non. C'était bien plus…bien plus humain.
Il s'interrompit, le temps de contempler ses mains.
"-Tout va bien?" Lui demanda le gosse, derrière-lui. L'endroit était bien sûr trop étroit pour que deux hommes puissent se tenir côte-a-côte.
"-O…oui." Bégaya Garrik en fixant ses doigts couverts de sang. La serrure en était imbibée. Un sang noir. Visqueux.
"-Vous…vous pouvez amener la lumière vers moi?" Sa voix se cassa plusieurs fois avant qu'il n'eut terminé sa phrase. Mais la sphère vint, innocemment. Rebondissant négligemment contre le plafond de bois. Jusqu’à lui. Jusqu’à eux.
Parce que quelqu’un se tenait debout, dans la cage, juste devant lui. Et souriait de toutes ses dents.
Garrik hurla comme une fillette en découvrant cette nouvelle présence, ce qui était parfaitement stupide. Évidemment que quelqu’un d’autre se trouvait ici, dans la cage. C’était le but. Seulement, ce quelqu’un-ci se tenait debout au milieu de trois cadavres aux gorges tranchées. Ses mains étaient couvertes de sang. De même que sa tunique ou son pantalon de prisonnier. Le tissu infesté de puce, ainsi trempé, se collait à son corps trop sec, lui donnant ainsi des airs d’épouvantails que sa posture immobile ne faisait qu’accentuer.
Mais Garrik n’avait pas hurlé comme une fillette à cause de ça. C’était ses yeux.
Ces deux billes vertes, exorbitées par l’hilarité que lui causaient la peur et la mort au sein desquels il baignait. Rien d’humain ne résidait là-dedans. On pouvait tant lire dans un regard. Complaisance. Pitié. Clémence. Folie. Rage. Crainte. Mais là. Rien.
A part de l’amusement. A part le froid d’une volonté reptilienne, incompréhensible. Inhumaine. Contre-nature.
“-Salut patron.” Dit le gosse.
Et l’épouvantail lui répondit en riant.
Garrik sut à cet instant que sa vie se terminerait ce soir. Le gamin dans son dos était un homme. Mais la créature face à lui appartenait à un autre monde. Ce rire, celui-là même que ses sens avaient eu le malheur de percevoir au travers des planches, l’archer comprenait maintenant pourquoi il l’avait trouvé si…Faux. Il semblait douloureux. Des spasmes, pourtant parfaitement contrôlés, s’étendant sur la durée et causant d’innombrables toussotements et secousses. Quel amusement pouvait-on donc ressentir en infligeant ça à son propre corps? L’épouvantail se tordait en tous sens, manifestement incapable de s’arrêter, et d’innombrables gouttes de sang ne cessaient de tomber de la tête décapitée que sa main droite tenait par les cheveux.
“-Ouvre la porte.” Ordonna le gamin. Garrik s’exécuta, satisfait de pouvoir se concentrer sur autre chose que ce spectacle incroyablement morbide. L’archer n’avait aucune idée de qui était ce prisonnier. Un jean-foutre de plus, avait-il pensé en le jetant avec les autres dans la cage à bétail, incapable d’oublier la terreur causée par la présence du patron des Écorcheurs parmi les détenus. Mais maintenant que sa tête se balançait au rythme des éclats de rire de son meurtrier, Hegfeind, le Père des Écorcheurs, paraissait soudainement bien moins terrifiant.
Contrairement à l’épouvantail.
La porte s'ouvrit enfin, dans un long grincement accompagné du chuintement humide de la gorge ouverte du cadavre le plus proche de la sortie.
Le détenu ne sortit pas de suite. D'abord il s'efforça de reprendre suffisamment le contrôle de son corps pour cesser de rire. Et puis, sans un mot, il attendit que Garrik s'écarte de son chemin.
Lorsque l'archer comprit la requête intrinsèque, ce dernier se jeta presque sur le côté avec un empressement né de la crainte. L'épouvantail le remercia d'un hochement de tête et s'extirpa de la cage pour le dépasser, sans cesser de braquer son terrible regard sur son libérateur. Dans son autre main, celle qui ne tenait pas la tête décapitée d'Hegfeind, un éclat, ou son reflet, semblait danser entre ses doigts.
Un bris de verre. Sans doute un morceau de la lanterne.
C'était avec ça qu'il les avait tous tués.
Les tueurs accueillirent le retour de leur supposé chef avec autant d'exclamation et d'excitation infantile que possible. Le malaise s'empara presque de nouveau de Garrik, lorsqu'un individu au visage à moitié brûlé vint serrer dans ses bras la créature couverte de sang, comme un frère, ou lorsque la furie -après avoir confié la surveillance de Susie à l'ombre au masque- se jeta littéralement sur lui, l'enserrant de ses mains comme de ses jambes, pour pleurer de soulagement, sa tête blonde posée contre l'épaule du fraichement libéré.
Le gosse ne pris pas la peine de descendre de la charrette. A la place, il grimpa sur son toit et lâcha un "tu devrais te réjouir aussi, il est de bonne humeur" avant de s'asseoir en laissant pendre une de ses jambes dans le vide.
"-Patron." Gronda le monstre à la mâchoire proéminente, les bras chargés d'un don aussi lourd que coûteux.
Une arbalète. Quelque chose de nouveau. Que jamais Garrik, dans sa carrière respectable de tireur d'élite, n'avait vu auparavant. Un monstre rouge et doré, à la gueule rendue encore plus belliqueuse par une longue, très longue baïonnette.
La furie -en prenant la tête avec elle- se détacha du dernier arrivant qui put se détourner et s'emparer de son cadeau avec empressement. Ca n'était peut-être qu'une vue de l'esprit, mais il sembla alors à Garrik que l'épouvantail témoignait plus d'affection à l'arme qu'à chacun de ses comparses.
"-Vous m'aviez tant manqué." Susurra finalement l'ancien prisonnier.
A l'entente de sa voix. De ses mots. L'archer sursauta comme une pucelle. L'illusion était tombée. L'épouvantail n'était, au final, qu'un homme. Sa voix n'avait rien de terrifiante. Elle était…agaçante. Nasillarde. Traînante. Celles de l'ombre au masque ou du géant représentaient à la perfection le rugissement des monstres des contes pour enfant. La sienne…
La sienne n'était rien de plus que la voix d'un homme.
"-Sortez le corps de l'écorcheur. Nous l'emmènerons avec nous. Pas de traces de sa mort si nous ne voulons pas éveiller la curiosité des limiers. Prenez trois cadavres encore entiers et mutilez-les. Qu'il ne leur reste pas un soupçon de peau. Déposez les lambeaux sur le toit de la charrette. Qu'ils nourrissent les corbeaux et les pies." Tandis qu'il énumérait ses macabres instructions, celui-qui-n'était-qu'un-homme caressait le bois de son arbalète, faisait courir ses doigts squelettiques le long des gravures dorées… Tout en le fixant, lui.
Garrik avait peur. Plus que lors de l'attaque. Même plus qu'à l'intérieur du chariot.
Parce qu'à chaque instant, ses yeux de vétéran découvraient des défauts à cet homme. Ce n'était pas un combattant. Ça n'aurait pas dû en être un. Son visage pâle, émacié, encadré de cheveux noirs, mi-longs et rendus graisseux par un sang ayant recouvert tout le bas de sa face… c'était celui d'un fragile barde ou d'un scribouillard, devenu éventuellement fou à cause de la malnutrition ou de la dureté de la vie. Son corps trop sec possédait des muscles longs, assez développés pour un danseur mais bien trop peu pour un tueur. Il était voûté et pas bien grand. Ses yeux le privaient à eux seuls de toute beauté. Personne ne pouvait décemment apprécier se plonger dans de tels puits à folie. Ses traits, certes jeunes, semblaient tirés, fatigués. Ca n'était pas quelqu'un d'intimidant ou de charismatique…ou plutôt, ça n'aurait pas dû.
Pourtant ils l'écoutaient tous religieusement. Et jamais auparavant Garrik n'avait eu autant peur de quelqu'un.
"-C'est quoi ton nom, coco?" Lui adressa finalement l'épouvantail en allant s'asseoir sur le bord d'une marche de la charrette, à ses côtés.
Autour, monstres et tueurs se mettaient au travail. L'un d'eux vint attacher Susie à la tête du véhicule, au milieu des cadavres des chevaux. Les poings liés mais de nouveau libre de pouvoir tourner la tête sans craindre la décapitation, elle tendit l'oreille tout en cherchant un moyen de se libérer.
"-Garrik monseigneur." Répondit le concerné en baissant les yeux vers son interlocuteur.
Un ricanement fut sa première réponse.
"-Je suis né dans une ferme. Ne me sors pas du seigneur.
-Pardon.
-Vous êtes toujours si désespérément prompt à reconnaître vos erreurs dans ce genre de moments. A croire que la capture vous fait découvrir l'art de l'introspection." Garrik ne sut trop quoi répondre. Peut-être que cela ne nécessitait aucune réponse.
"-Dis-moi Garrik, je veux que tu sois honnête. Tu peux faire ça pour moi? Je veux dire, être parfaitement et totalement honnête.
-Je peux."
Il pouvait. Au point où il en était. Il pouvait bien faire ce que ce taré voulait. Ses yeux n'arrivaient plus à se détacher des dents de son vis-à-vis. A chaque sourire -et ses sourires étaient nombreux- on pouvait les entrevoir.
Et elles étaient toutes pointues. Toutes taillées en pointes. Ça avait dû lui faire un mal de chien.
"-Si j'étais à ta place et toi à la mienne. Tu me laisserais vivre?"
L'archer s'y était attendu, évidemment.
"-Non." Répondit-il, sans même chercher à mentir. "Bien sûr que non."
Le tueur hocha la tête, ses lèvres tordues dans un sourire sardonique dévoilant une fois de plus ses dents acérées.
"-Bien sûr coco. On ne peut pas dire que tu es un amateur des prises de risque, de ce que j'ai compris." L'injure semblait évidente… Mais que pouvait faire le captif, à part encaisser? "Je ne vais pas te tuer. Vois-tu, je pense plutôt me servir de toi."
La crosse de l'arbalète fut plantée dans le sol et son propriétaire inspecta sa gueule hérissée de pointes avec la méticulosité d'un chirurgien. "Nous sommes mercenaires. Et quelqu'un de très riche voulait la tête de ce pauvre abruti d'écorcheur. Alors nous voilà."
Dix mille questions fleurissaient dans la tête du survivant : Pourquoi se faire enfermer avec la cible ? Comment comptaient-ils échapper aux limiers ? Qui étaient-ils ? Mais la seule chose qui lui vint, stupidement, s'avéra être…
"-Comment avez-vous appris à tuer, comme ça?"
La question provoqua un gloussement qui se répandit parmi les assassins et les fous comme une traînée de poudre…ou une maladie.
Le chef d'entre-eux y répondit sur le ton de la conversation, en soufflant sur une mèche graisseuse de cheveux noirs emmêlés.
"-Nous sommes tous devenus de très bon tueurs, lorsque la lumière a quitté Shoumeï. C’était soit ça, soit mourir aussi."
Court silence. Déroutant. Ce type parlait avec l'éloquence de celui qui avait l'habitude qu'on l'écoute. Il n'insufflait aucune autorité excessive dans ses paroles, ni la moindre agressivité. Ses mots sortaient, fluides, rendus trainants par sa diction, et il sonnait comme un serpent dans un corps humain. Le danger émanant de lui ne le quittait pas. Jamais.
"-Mon problème est là, mon ami Garrik. Il nous arrive aussi de travailler pour ton camp, évidemment. Parfois la loi paie mieux que le crime. Et pour qu'elle continue à nous payer au lieu de nous traquer, j'ai besoin d'assurer à cette petite bande une véritable discrétion.
-Les mages enquêteurs verront ce qu'il s'est passé ici."
Un ricanement discret souleva la frêle carcasse de son interlocuteur.
"-Non. Ils ne le verront pas. Les seuls qui ont vu, c'est toi et…la demoiselle qui nous écoute en tentant de défaire ses liens, à l'avant."
Ainsi, l'échéance de sa mort se rapprochait, inexorablement.
"-Tu n'es pas obligé de mourir, Garrik." Lui confia le serpent au corps d'homme, en plongeant son regard de jade tout au fond de l'âme de son prisonnier.
Garrik sursauta, comme frappé par la foudre. Dès lors qu'il l'avait vu, qu'il l'avait entendu rire, l'archer s'était cru condamné à la mort. Interdit d'espoir.
Et maintenant, l'éventualité d'une porte de sortie s'offrait à lui.
"-Tu peux dire que ce sont les écorcheurs qui sont venus ici. Qui ont tué tes amis et qui t'ont blessé à la hanche avant de te laisser pour mort, dans les fourrés. Pour récupérer leur ami. C'est presque le cas, en réalité, ils comptaient le faire. Mais mes gars ont massacré ce qui restait de leur campement avant de venir ici. Personne ne discutera ta version des faits si tu ne bredouilles pas. Tu n'es pas bègue, hein coco?
-Non."
Le serpent hocha sa tête triangulaire et lâcha son arbalète pour dégainer une dague à la lame fine et bleutée.
"-Je te poignarderai avec ça. Je sais viser et je connais le corps humain. Pas d'organes vitaux, rien de grave. Tu devras éviter l'infection. Mentir sur la mort de tes amis et ta propre lâcheté et sortir en héros de tout ça. Tu penses cela faisable ?
-Je le pense, oui."
Les yeux verts se plissèrent pour se faire scrutateur. Il sembla à Garrik qu'on lui infligeait une inspection complète de l'âme et de ses intentions. Et ce que le serpent découvrit…
Ne sembla pas pleinement le satisfaire.
"-Je commence à croire que tu es trop honnête pour un lâche."
Une décharge se fit dans sa nuque. Une décharge de pure terreur. Le tueur se leva d'un bond en claquant dans ses mains, sans se départir de son sourire, et il l'attrapa par les épaules pour l'amener avec lui vers l'avant de la charrette.
"-Alexey." Appela-t-il.
L'ombre au masque glissa dans leur direction, abandonnant la pelée d'un corps ensanglanté.
"-Je pense que pour m'assurer de ton indéfectible loyauté, il nous faut un moyen de sceller le contrat mon ami. De le signer, en quelque sorte."
Il y avait un sabre dentelé dans les mains de l'ombre. L'une de ces armes conçues pour infliger la souffrance, plus que pour tuer. Les yeux de Garrik s'embuèrent de larmes.
"-Tu seras un peu comme l'un des nôtres, comme ça.
-Il est de Shoumeï aussi, en plus." Ironisa le porteur de masque.
La nouvelle sembla ravir le chef mercenaire. Son visage grisâtre s'éclaircit franchement l'espace d'un instant, tandis qu'ils arrivaient face à l'autre prisonnière, attachée au bord du véhicule accidenté.
"-Sans blague ? De quel coin ?
-Sancta.
-Je vivais près des pins argentés, moi. Un beau coin, avant. J'allais souvent m'y promener avec mon père. J'ai toujours adoré les forêts."
Garrik ne savait trop quoi répondre à ça, non plus.
"-Tues-la si tu veux vivre." Continua le serpent, sur le même ton de badinage. On lui plaça le sabre dans les mains, sans qu'un seul des tueurs ne sembla s'inquiéter du fait qu'il soit armé.
Derrière, la furie aux cheveux blonds s'était arrêtée pour contempler la scène. Et le sourire qu'elle affichait n'avait rien d'humain.
"-Et fais durer le plaisir." Termina son bourreau, en lui tapotant amicalement l'épaule.
***
On découvrit Garrik au matin. Il errait seul aux abords de Justice, les yeux hagards, couvert de sang mais sain et sauf. Une plaie saignait certes abondamment au niveau de sa hanche mais, par chance, aucun organe vital n'avait été touché. Après trois jours de soin, un limier du Razkaal vint l'interroger au sujet des ruines du convoi et des restes des rayonnants de la treizième, retrouvés là où on les avait tué, car quelque chose semblait avoir masqué la scène du crime aux yeux des mages spécialisés dans le domaine. Le récit qu'il livra, bouleversant par sa tristesse, expliqua comment les survivants des écorcheurs avaient attaqué le convoi avec la sauvagerie qui leur était propre pour sauver leur commandant et l'emporter dans les bois. L'état des cadavres retrouvés correspondant à la méthode de punition de ces bandits-ci, personne ne remit en doute sa version, quand bien même on le déclara perturbé et inapte au service de manière indéfinie. On le remercia. L'enquête continua deux semaines puis, en l'absence de nouvelles preuves, les limiers en charge la classifièrent comme résolue.
Pendant ce temps, dans les bas-fonds de la République, Carl Sorince et ses Sanglots obtinrent - en récompense de la livraison de la tête du chef des Écorcheurs - une somme assez conséquente pour enfin se payer un repaire correct, dans la campagne du pays. Un pied à terre, pour cette récente bande de malfrat issu des ténèbres de Shoumeï la déchue. Ils célébrèrent cette nouvelle victoire dans l'indifférence totale d'un pays trop corrompu et en proie aux guerres intestines pour s'intéresser aux petits gains d'une compagnie de mercenaire naissante de plus.
Et chaque nuit - jusqu'à son suicide, huit mois plus tard - Garrik rêva d'un épouvantail aux yeux de serpent. Suant et hurlant dans son sommeil. Terrorisant sa femme, comme ses enfants. En proie à une culpabilité impossible à livrer.
Car jamais il ne parvint à se débarrasser de l'odeur de sang de cette nuit-là.
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Race: Hybride (Femme/Corbeau)
Vocation: Mage Noire
Alignement: Neutre Mauvais
Rang: D
Ma foi, c'était long, mais j'en suis venu à bout !
Quelle histoire. Tout le long, je n'arrêtais pas de me demander, mais c'est qui Garrick ? Pourquoi on s'intéresse à Nils et Bohort ? Puis, finalement, arrive la résolution.
Une masterclass. Ca donne tout son sens au texte. On comprend ton personnage à travers sa totale absence et ça, j'adore !
C'est donc avec un grand plaisir que te voici Validé
Quelle histoire. Tout le long, je n'arrêtais pas de me demander, mais c'est qui Garrick ? Pourquoi on s'intéresse à Nils et Bohort ? Puis, finalement, arrive la résolution.
Une masterclass. Ca donne tout son sens au texte. On comprend ton personnage à travers sa totale absence et ça, j'adore !
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