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  • Mer 7 Juin - 14:26
    L’elfe prend un instant pour méditer sur la question de Violence : elle mérite une réponse claire et développée. Ce n’est pas une simple interrogation pour passer le temps et en un sens, elle peut être déterminante pour la suite de leur relation.

    « Mon but ? En un sens, il est le plus simple : fonder une famille, me caser et perpétuer les traditions familiales. Mais c’est un peu loin et en un sens, un vœu pieux puisqu’il passe après le reste. Mon véritable objectif, celui auquel je travaille, serait de repousser les limites de la médecine et de comprendre le pourquoi du comment. Bien sûr, on arrive à faire repousser les membres, il y a des potions d’immortalité, mais tout cela est une compréhension superficielle. J’aimerais pouvoir annuler la mort, plus que l’empêcher. Comprendre chaque mécanisme du corps, chaque hormone, chaque influence extérieure. Une vie entière passée en quête de… L’illumination scientifique ? »

    Un but sous-entend un ennemi souvent. Son oncle lui disait souvent qu’on peut définir un homme par ses ennemis et en un sens, il a raison. Mais comment expliquer à Violence que si Nineveh en avait l’occasion, elle serait prête à commettre un déicide.

    « Ce qui est désagréable, c’est l’arbitraire des dieux. Les divins qui viennent, tentent d’annexer le continent, vaporisent l’empire elfe et Shoumei. On en parle assez peu, mais j’ai toujours détesté cela. Je n’aime pas subir en général, je préfère agir. L’exploration du corps humain et de la biologie est une quête sans limite, une boucle vertueuse. J’aimerais dire que je n’ai que la recherche en objectif, mais la réalité est qu’à force de frustrations, d’injures, d’humiliations, puis d’agressions de la part des dieux, mais aussi de nombreuses preuves de leur caprice et leur immaturité… J’en suis venue à la conclusion logique que si je peux défaire leurs plans, j’en suis ravie. Si je suis une femme patiente et compréhensive, il y a des choses que je ne tolère pas. Donner et reprendre la vie pour des futilités ne fait pas partie des choses que j’accepte. »

    Autant être honnête jusqu’au bout.

    « Et qui sait ? C’est toujours sympa de rendre la politesse aux dieux. En attendant que quelqu’un les fasse définitivement tomber de leur piédestal. Mais tout cela est lointain et se torturer l’esprit sur des sujets lointain n’a jamais fait avancer les choses. » Ajoute la médecin en arrivant dans une grande salle.

    Un hall ?
    C’est l’ambiance que cela évoque, voire même une salle du conseil, avec des gradins en pierre, organisés en hémicycle façon sénat. Un endroit où chacun est libre de s’exprimer et surtout, de débattre. Mais aussi de mourir ? En voyant la coloration brune de la pierre au centre, l’elfe se demande s’il n’y aurait pas eu un meurtre ici. En tout cas, les lieux ne ressemblent à rien de ce qu’elle connait déjà en termes d’architecture.
    Tout est organisé en arche, avec de grandes colonnes de marbre pour tenir l’ensemble. Dans la pierre, devant certains sièges, on peut encore lire de vieilles inscriptions gravées dedans. Des noms ? En tout cas, Nineveh n’arrive pas à déchiffrer les mots. Ce qui ne l’empêche pas de détailler ce qu’elle lit à Violence.

    « Tu vois ces lettres solitaires, abrégées d’un point ? Ce doit être le signe d’un nom : pour gagner de la place, les vieilles civilisations qui gravaient tout dans la pierre abrégeaient constamment les mots les plus utilisés. J’imagine que celle que nous avons sous les yeux doit veut dire quelque chose du type Marcus Maximus, préfet des route ? Je crois que c’est bien le préfet des routes. Qu’importe ce que cela veuille dire. »

    Elle se rapproche d’une entrée plus grande. Comme si… Comme s’il y avait un trésor dedans. Ce qui serait logique : quel autre endroit pour cacher un trésor qu’un parlement ou un temple ?
    Mais, décrire la porte qui lui barre la route est un autre défi. Quelque chose que Violence saurait sans doute mieux décrire que l’elfe, n’est-ce pas ?

    « Je crois que tu reconnaîtras par instinct cette porte, non ? » Demande Nineveh au démon.
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  • Mer 7 Juin - 16:49
    Dans un couloir humide et froid, une auréole de lumière se balade en léchant les murs anciens et recouverts de fonges moisies. La lampe que tient Nineveh est la seule chose qui leur permet de voir claire ici-bas et pourtant, l’ambiance lugubre qui règne dans le dédal à des lieues sous terre ne semble pas perturber le moral des deux êtres qui avancent toujours et encore. La médecin réponds sur un ton si calme qu’elle donne l’impression de discuter avec la boulangère le samedi matin en allant chercher la baguette, et le Démon écoute avec une patience rare, il entends ses propos, et quelque part en lui il commence à remarquer certains points. Des concepts qui lui avaient déjà été introduits auparavant, mais qui ne lui avaient jusque là jamais provoqué plus qu’une simple opinion. En entendant la mission que la guérisseuse et savante s’était attribué, Violence est confuse:

    ”Annuler… la Mort?”

    Cet objectif lui est étrange, elle-même n’est pas sure de sa raison d’exister, l’incarnation de la guerre n’en est jamais vraiment venue à se demander pourquoi elle était là, mais elle s’était souvent demandé ce qu’elle allait faire maintenant qu’elle existait. Nineveh ne perds pas de temps et enchaîne pour tacler les Titans, ces créatures que Violence a pu voir pendant les batailles entre le Reike et Shoumeï pendant l’affrontement il y a quelques années.

    ”Les Titans ne sont pas…” bien? Violence se surprends à réfléchir au qualificatif qu’elle emploierait. ”...naturels. Je me nourris de la cruauté, et la plupart des mortels me voient comme un mal à éradiquer, pourtant je suis né d’eux, j’existe parce qu’ils m’ont fait. Je fais partie de Sekaï. Tout comme la Mort, et le Chaos. Les Titans ne veulent pas d’un équilibre entre Vie et Mort, ils ne désirent pas non plus un extrême où seul l’un des deux prévaut, ils souhaitent juste le Néant. Ce n’est pas naturel.”

    Ils arrivent ensemble dans une grande salle vide, dans laquelle des gradins semblent indiquer un but qui s’apparente au spectacle, à la réunion ou à la cérémonie. Un autel brunit au centre de la salle fait pencher la balance dans une direction plus que dans une autre.

    ”Tu sais, tu t’évertue à soigner et à tromper la mort. Je veux te poser une question mortelle. Si tu pouvais atteindre ce but, est-ce que tu le ferai? Le Rêve m’a dit que qu’importe ma haine, qu’importe ma violence, la vie reviendrait toujours, qu’il n’est pas possible de l’éradiquer. Si la Vie est aussi puissante et résiliente, pourquoi te donnes-tu autant de mal à la faire triompher? J’ai plutôt l’impression que dans l’équilibre de Sekaï c’est la Mort qui a besoin d’aide.”

    La médecin l’écoute et fait une parenthèse pour décrire les inscriptions gravées sur le côté de l’autel au centre de la salle, puis une fois son explication faite, elle dirige l’attention du Démon vers la porte de l’autre côté de la pièce avant de lui répondre. Tout en l’écoutant, Violence manifeste à nouveau Praelia, la hauteur du plafond dans l’hémicycle lui permet d’évoluer plus librement ici, et la créature démoniaque s’approche de la porte en question. La pierre qui la forme est étrange, elle comporte de nombreuses nervures minérales qui parcourent le tout pour dessiner un motif pareil à des vaisseaux sanguins. Comme si la roche était vivante. Au fond des gravures, des résidus noirâtres sont déposés un peu partout, à peine visible dans la pénombre qui règne en ces lieux, Violence se penche vers la porte et effleure du bout des doigts de Praelia la surface de l’entrée.

    ”Si un jour je pourrais faire triompher le Chaos sur Sekaï, est-ce que je le ferai? Est-ce que je devrai le faire? La cruauté est elle aussi une chose fragile… Dans les guerres que j’ai vu, la raison des affrontements est toujours d’éradiquer son adversaire, ce n’est jamais le combat même qui attise les mortels mais la perspective d’annihiler ce qu’il y a en face. De mettre un terme à ce qui les menace. Or sans cela il n’y aurait pas de conflit.”

    L’engeance se retourne vers Nineveh, curieuse d’avoir son avis sur l’opinion, elle qui possède un savoir que le Démon respecte.

    ”Le Rêve m’a aussi demandé ce que je comptais être pour les Hommes, je ne lui ai pas répondu, que penses-tu que j’aurai dû lui dire?”

    Au dessus de la porte, des symboles anciens gravés dans une langue oubliée indiquaient la nature de la salle dans laquelle ils se trouvaient actuellement, “Lieu de savoir” ou “Lieu d’étude”, l’autel servait sans doute aux démonstrations pendant que les élèves ou apprentis devaient prendre des notes assis sur les gradins, ce qu’il y avait de l’autre côté de la porte était présenté comme un lieu de réserve. La langue Divina est assez floue à l’écrit pour Violence, ce sont les vieux souvenirs qui la constituent qui lui permettent de parler cette langue, mais pour la lire en revanche, c’est une autre paire de manche et la Multitude a quarante bras. Praelia pousse légèrement la porte, mais celle ci ne cède pas. Avant de forcer son entrée, elle attends toujours la réponse de la médecin.
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  • Mer 7 Juin - 18:16
    « Si je pouvais annuler la mort, le ferais-je ? Oui. » Tout simplement, parfois il ne faut pas réfléchir avant de répondre.

    Les médecins, en particulier ceux du calibre de Nineveh, entretiennent un rapport particulier à la mort et au patient. La vie peut devenir souffrance et la mort soulagement. C’est par la capacité des médecins à faire bloc et pour les plus expérimentés d’entre eux, à créer les exceptions qui confirment les règles les plus immuables, que les docteurs sont devenus une profession si prestigieuse. Chaque porteur du caducée jure sur le serment et ensuite, chacun en fait ce qu’il veut, mais chacun garde à l’esprit la nature même du texte qu’ils ont juré d’honorer, sinon de devenir parjure.

    « La vie, comme la mort, sont des états biologiques. Des frontières que nous connaissons très bien, mais qui sont extraordinairement difficiles à briser. Le triomphe de la vie, ne tient qu’à l’effort acharné des hommes et des femmes de bien. La mort n’a besoin que de leur inaction, l’entropie inéluctable fera le reste : personne n’échappe au temps qui passe, si ce n’est une poignée d’élus qui réussissent à retarder perpétuellement leur échéance finale. Nous sommes à deux étapes différentes d’un même cycle : tu tues les gens, je les maintiens en vie. »

    Quant au chaos, c’est une bonne question : même si cela reste un sujet vague.

    « Faut-il encore définir ce qu’est le chaos. Est-ce que, comme certaines mouvances radicales qui hantent les conseils municipaux de la République, il faut voter non à toutes les mesures car elles n’ont pas été prises dans la plus stricte égalité ? Jusqu’où faut-il aller au nom du chaos ? La langue elle-même n’est-elle pas un ordre imposé aux bruits des animaux ? Une logorrhée arrangée de façon dictatoriale pour permettre la compréhension aux autres, l’ordre linguistique sur le désordre des cris gutturaux. Les conflits naissent pour des raisons très différentes et la violence n’est qu’une expression de ces intérêts contradictoires. La cruauté et le conflit sont des notions proches, mais pas identiques. Si c’est le combat qui intéresse, pourquoi faire la guerre quand on peut se battre en duel ? »

    L’elfe soupçonne quelque chose à propos de Violence.

    « As-tu déjà craint pour ta vie ? Pas au sens le plus biologique du terme, lorsque ton organisme s’emballe, que tu cours ou au contraire, que tu te bats de toutes tes forces pour te frayer un chemin jusqu’à la sécurité. Non, je parle de ta vie, au sens large : tes amis, tes biens, tes valeurs, lorsqu’il n’est pas question de se protéger-soi, mais de sauvegarder le monde qu’on s’est construit. Mais avant, pour répondre à la question du rêve… »

    Nineveh s’éclaircit la gorge en regardant l’environnement, l’ensemble lui évoque une sorte de… De corps humain, comme si la pierre respirait, était un muscle qui enveloppait des canaux d’énergie pour quelque chose de plus grand.

    « Que tu t’en cognes. » Répond de manière très abrupte l’elfe, avant de secouer la tête : ce n’est pas exactement une grande démonstration de pédagogie. « Excuse-moi. C’était gratuit. Ce que je veux dire par là, est qu’il y aura autant d’image de toi, que de gens qui te connaissent. Je ne compte plus le nombre de médecins qui se sont effrayés de ma dextérité à effectuer des césariennes ou des broyages de calculs vésicaux, tant ce sont des opérations interdites. L’image de la paisible Nineveh qui n’enfreint jamais les règles se heurte à une réalité qu’il ne maîtrise pas, qu’ils n’ont pas encore apprivoisé. Au contraire, de l’autre côté du spectre, mon oncle hausse toujours un sourcil en me voyant jouer avec un chaton et m’émerveiller de le voir se rouler par terre. Il y aura toujours des collisions entre les attentes qu’ont les hommes envers toi, et tes projets. J’ai deux sœurs qui sont devenues forgeronnes, au grand dam de mes parents. La collision d’attentes a été très violente ce jour-là. »

    La médecin fait quelque pas vers la grande porte qui s’apprête à être forcée par Violence. Elle pose une main sur la pierre et en injectant du mana dans le mécanisme, avec une bonne dose de télékinésie, elle répond au démon.

    « Lorsque tu te bâts pour ta vie, pour ton mode de vie, alors, absolument rien ne devient tabou. Mourir est finalement une abdication de responsabilités, on trouve des légions d’hommes et de femmes qui acceptent joyeusement de mourir pour leur pays, pour leur famille, pour leurs amis. Mais des hommes qui acceptent de souffrir en silence pendant des jours, des semaines, des mois, à marcher en campagne, à camper dans le froid et la pluie, à se battre dans la boue et à boire de l’eau croupie, ils sont peu nombreux. L’anéantissement ne rime plus alors à tuer, juste à détruire l’idée même qu’on se fait du monde. »

    La porte commence à bouger, que ça soit par les assauts de Violence où le crochetage de Nineveh. Elle s’ouvre finalement.

    « C’est peut-être ça pour que Melorn a survécu à la guerre, là où Shoumei s’est éteint. Parce que pour nous, elfes, les titans n’ont jamais rien été d’autres que des intrus dans notre destinée manifeste. Nous sommes cendres et nous retournerons aux cendres, mais en attendant, nous aïeux nous ont légué une étincelle mourante et nous descendants hériteront d’un volcan en pleine fureur. »

    L’elfe s’enfonce dans l’obscurité avec sa lanterne. Là où les veines de pierres se précipitent.

    « Et toi, Violence ? L’anéantissement de l’ennemi, ou l’anéantissement de son monde ? »
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  • Sam 10 Juin - 11:34
    Les doigts de métal posé contre la porte, Praelia attends que Nineveh lui réponde, et lorsque la médecin lui expose enfin ses convictions, le Démon est confus, ce que lui dit l’elfe soulève bien plus de questions dans les pensées archaïques et primitives de Violence qu’elles n’apportent de réponses.

    ”Pourtant je n’ai que rarement vu de mortels se résigner à la mort, l’accepter comme une finalité convenante. J’ai bien plus souvent vu les cas les plus désespérés se raccrocher à leurs instincts de survie malgré les situations les plus vaines et les plus irrationnelles, préférant tenter des solutions illusoires pour retarder ne serait-ce qu’un peu une échéance fataliste quitte à sublimer la souffrance de leur trépas. Peut-être que la mort n’a besoin que de l’inaction des hommes de bien, mais la vie galvanise ceux qu’elle embrasse.”

    La savante enchaîne ensuite sur un point que l’Incarnation de la Guerre n’avait jamais pondéré, son intérêt envers le conflit et la cruauté, et la différence clé entre ces concepts.

    ”Je ne suis pas sûre de…”

    Plus Nineveh s’engage dans son monologue, plus elle peine à la suivre et à comprendre tout ce qu’elle lui dit. Conflit et cruauté sont distincts, mais les deux sont violents non? Les deux génèrent des sortes différentes de brutalité que le Démon consomme, mais… si c’est le combat qui intéresse, mhm… La guerre, la guerre pour elle est une évidence, mais il est vrai que pour les mortels c’est une aberration irrationnelle. La Sphère coupe ses perceptions visuelles l’espace d’un cours moment, ne se concentrant que sur son audition pour réduire les stimulus et se concentrer un peu plus sur le discours de sa compagnonne. Elle lui pose une question très directe, elle lui demande si elle a déjà eu peur de perdre, au même sens que les mortels à la longévité éphémère, le fruit de son Oeuvre. Comment pourrait-elle perdre quoi que ce soit? Elle n’a ni ami, ni bien propre, ni quoi que ce soit qu’elle défende, la violence est un concept mémétique auto-suffisant car sa seule destruction réside en soit en un acte de brutalisation qui ravive sont existence. Les mortels n’oublieront jamais la cruauté parce qu’elle se perpétue elle-même dans les coeurs et les âmes, tant qu’il y aura un homme en vie, il se rappellera de toute violence qu’il aura subit. Quant à autre chose, comme par exemple sa “famille” et ses soeurs, elle n’a que faire de leur survie, leur existence l’intrigue certes et elle trouve toujours grand intérêt à les rencontrer et à échanger, mais elle n’a jamais souhaité les protéger ni n’a t-elle éprouvé quoi que ce soit envers par exemple sa soeur à l’intérieur de Lorindol lorsqu’elle l’a blessé.

    ”No-”

    La soigneuse ne s’arrête pas et continue sur le sujet amené par Rêve. Elle devait s’en cogner? Mais dans ce cas pourquoi sa soeur lui avait-elle posé cette question même si la réponse importait peu? Était-ce là une forme de test? Ou s’était-elle simplement trompée? La mage se rapproche de la porte gravée et applique ses mains contre la pierre pour l’infuser de sa magie et agir sur le mécanisme de fermeture, la roche tremble mais tient bon. Le bruit interne des systèmes de verrouillage font enfin réagir le Démon qui, dépourvu de vision, n’avait même pas remarqué l’approche lente de la soigneuse vers elle. Réactivant ses perceptions sensorielles, Praelia se penche et applique ses bras dans l’interstice que Nineveh est parvenue à créer en bas de la porte, soulevant péniblement la lourde barricade minérale avec l’aide combinée de sa force et de la télékinésie de la médecin. Une fois la porte ouverte, l’elfe passe devant et après avoir loué son espèce, elle pose une ultime colle à la Lame Famélique.

    ”Je… ne sais pas.”

    Une chape de silence tombe alors sur le duo qui progresse dans un couloir bien étrange pendant que l’engeance démoniaque réfléchit. Les murs deviennent exiguës, les parois comportent de temps à autre des symboles étranges gravés occasionnellement sur des briques, leur signification est obscure pour le Démon. Bientôt le sol émet un bruit légèrement spongieux sous leurs pas à cause d’une sorte de vase ou de mucus visqueux qui tapisse les pierres, l’air n’est que légèrement humide, et pourtant les cloisons et le bas du couloir semble fortement trempé dans cette substance qui paraît presque organique en nature. Praelia s’immobilise après quelques minutes silencieuses de marche au sein du tunnel, elle apprécie effectivement le combat en lui même, la soigneuse a raison là dessus, et pourtant…

    ”Au final, je pense que moi aussi, je ne dirai pas non à un monde sans Mort.”

    La mort est une finalité chez les mortels, mais ce n’est pas ce que le Démon désire, elle n’est que l’effet secondaire de son véritable objectif, la souffrance par la cruauté, le tourment infligé par un autre. C’est un but qu’elle recherche continuellement de manière indirecte mais qu’elle ne doit pas atteindre, car c’est paradoxalement la mort qui met un terme à la violence dans sa manière la plus pure. Au fond, si elle pouvait choisir, un monde sans mort ce serait une guerre éternelle, ce serait son paradis. Une annihilation totale ce serait une paix éternelle, son enfer sur Sekaï.

    ”L’ennemi. L’anéantissement de l’ennemi. Mais qui est l’ennemi? Tout le monde? Et je ne comprends pas de quoi tu parles avec…” Quels termes avait-elle employé déjà? ”...l’abdication des responsabilités. Je n’ai jamais craint de perdre quoi que ce soit, et pour moi mourir n’est qu’une phase du cycle, ma mort en elle même me perpétue, si je venais à être vaincue, je ne ferai que retourner d’où je viens, j’amasserai à nouveau vos éclats de violence et je reviendrai.”

    Ils se remettent en marche tout en discutant, et bientôt ce qui était une simple couche de liquide collant se transforme en une véritable inondation, ce mucus visqueux qui embourbe les vêtements de l’elfette et s’introduit à l’intérieur des grèves du Démon est à hauteur d’une trentaine de centimètres maintenant. Ils arrivent sur une salle rectangulaire au bout d’une minute de plus, et le spectacle qui s’offre à eux est bien étrange. Au plafond, un large tunnel semble venir de quelque part, c’est de là que quelques filets de ce suc mystérieux pendent avec hésitation pour s’écouler très lentement dans la salle. Il est impossible de distinguer le sol de la pièce tant le mucus prends une teinte jaunâtre prononcée, des restes squelettiques trempent à la surface du liquide, flottant doucement au grès du faible courant d’air qui circule en ces lieux. Un courant d’air? Praelia remonte la Sphère vers le tunnel avec curiosité, se demandant où il peut bien mener… À l’inverse, au milieu de la pièce, habilement désaxé par rapport au puit du plafond, une autre ouverture de gouffre se fait voir, descendant en flèche vers un néant obscure.

    ”Il semblerait qu’il y ait d’autres niveau à cette endroit.”

    Une autre porte, en bois brillant cette fois, laisse également suggérer une deuxième salle derrière la première. Le géant d’acier et de chair s’avance dans la pièce en créant des remous répugnants, la teneur de cette matière est similaire à une gelée organique en s’avançant vers le milieu, et une fois parvenue de l’autre côté, Praelia ouvre doucement la porte en bois.

    ”C’est un bureau, il n’y a rien que des livres et du papier.”

    Elle commence légèrement à sentir monter sa frustration et sa soif de brutalité commence à faire sentir sa présence, elle n’aime pas chercher. Elle s’attendait peut-être à rencontrer de la résistance en profanant ces lieux anciens mais l’absence de garde, de monstre ou de quoi que ce soit de belliqueux lui pèse. Alors qu’elle se retourne vers l’entrée par laquelle ils sont arrivés, elle remarque Nineveh, toujours plantée dans le cadre du couloir, qui inspecte suspicieusement le mucus qui trempe dans la salle. Praelia remarque une pierre servant de seuil au niveau de l’entrée, empêchant la gelée organique de se déverser dans le couloir. D’un seul coup, le géant cuirassé bascule légèrement. Son pieds s’enfonce dans la vase jaune en décomposition comme si… non ce n’est pas le sol qui s’est abaissé, c’est son pieds gauche qui s’est brisé. Le Démon ausculte de l’intérieur l’état de Praelia, à la base de la cheville, le corps de son ancienne hôte est entièrement rongé là où le mélange de chair et d’acier était plus riche dans le premier que le second.

    ”N’avance pas! Le liquide est fortement corrosif. Je peux nous remonter en utilisant la Multitude et Praelia, et je peux nous descendre en me servant de la téléportation, mais tu ne dois pas mettre les pieds là dedans. Où va-t’on?”
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  • Dim 11 Juin - 12:30
    « Mais, n’as-tu pas peur de perdre quelque chose ? Un ami, un allié, quelque chose ou quelqu’un dont l’absence serait source d’embarras, de tristesse, de déception ? »

    En écoutant la réponse (ou pas) de Violence, Nineveh observe le mucus par terre. Puis passe le doigt dessus et goutte. Une seconde plus tard elle recrache la sécrétion biologique : définitivement un produit de magie et non pas une création « normale ». S’il y a un être vivant qui peut produire de ce mucus en quantité industrielle. Il n’y a pas ce goût caractéristique du vivant.

    « C’est d’origine magique. Quelque chose me dit que nous ne sommes pas au bout de nos surprises. Et c’est un peu acide. » Heureusement qu’elle a des pouvoirs de magie curative, cela lui évitera de se rajouter une balafre : la cicatrisation se fera parfaitement et ses gencives seront comme neuves. Elle n’apprécie guère de se rajouter des marques sur le visage, elle en a déjà assez.

    En particulier lorsqu’il y a puits qui doit mener vers la surface puisqu’il y a un courant d’air et de l’autre côté, un autre tunnel qui s’enfonce encore plus profondément dans les entrailles de la terre. Difficile à croire, que sous Melorn, ce sont des créatures et des souterrains qui descendent toujours plus profondément. Comme si les elfes avaient voulu se prémunir de quelque chose, à moins que ce ne soit une autre civilisation qui ait voulue se prémunir des elfes. Que ça soit l’un ou l’autre, les deux réponses sont tout aussi terrifiantes.

    « On se téléporte en bas. On voit où ça nous mène. »

    Et un instant plus tard.
    Nineveh réapparaît plus profondément sous terre encore. Encore une fois, elle recrache une partie de son estomac, cette fois-ci de la bile. Elle s’essuie les lèvres d’un revers de manche et observe l’endroit autour d’elle : encore une salle. Mais cette fois-ci, on dirait un lieu de rassemblement. Grande zone circulaire, avec des gradins cette fois beaucoup plus haut, comme si le public devait être mis à l’écart de ceux qui discourent au centre de la pièce.
    Puis en voyant les nombreuses rayures et les traces au sol, Nineveh se rend compte que c’est peut-être pour une autre raison qu’il y a…
    Crissement.
    L’elfe se retourne en préparant son globe lumineux, une statue ? Non, une armure.
    Dos à un mur, il y a une armure qui la regarde.
    Une précaution laissée par les anciens propriétaires ?
    Grand harnois entièrement de plates, avec de la maille pour protéger les articulations, c’est un enchevêtrement de sangles en cuir, de plaques de blindage et de tissus brodés d’héraldique qui semble garder les lieux.
    Par les dieux, ce qui ressort le plus de cet horrible gardien reste encore le heaume : un visage, souriant d’un air sadique, a été forgé dessus. Sans compter le grand espadon à deux mains qui doit bien faire la taille de Nineveh.

    « C’est… Lugubre. » Annonce l’elfe avant de marcher un petit peu pour explorer la salle, mais c’est une drôle de surprise quand elle entend le grincement du métal.

    Le gardien la suit du regard.
    Fixée par le chevalier, elle fait deux pas en arrière et le souriant se rajuste aussitôt.

    « Si c’est juste ça… » Articule la médecin avant que le gardien ne tire son espadon et que la voix de Nineveh ne monte dans les aigus. « Violence ? »
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  • Mar 13 Juin - 15:58
    Violence passe sous silence la question de Nineveh, elle y réfléchit un peu mais elle ne pense pas qu’elle ait déjà croisé d’entité qui collerait à la description qu’en fait la médecin. Lorsque sa partenaire décide toutefois de continuer leur progression en descendant dans le puit, Praelia s’approche du gouffre, se penche par dessus et empoigne les bords des murets. Ensuite, elle se laisse basculer à l’intérieur et freine sa chute en faisant pression sur les parois verticales avec le dos, les jambes et les bras de la cuirasse. Descendant donc lentement de cette façon dans un vacarme résonnant à travers les souterrains, l’engeance glisse vers l’obscurité affamée qui la dévore avidement, la Sphère noire se fond dans les ténèbres, se mêlant à elle-même. Au bout de plus d’une dizaine de mètres de cette lente chute, les jambes de Praelia cessent de rencontrer un mur et la cuirasse déraille soudainement pour s’affaler contre un sol meuble. Violence ne voit rien, elle est incapable de discerner quoi que ce soit dans l’opaque voile des ombres, la Sphère utilise donc sa senseur magique pour vérifier que rien n’est présent dans les airs, et hormis quelques effluves cryptiques de mana sans doute naturelles, elle ne perçois rien qui l’interpelle. Elle canalise brièvement sa magie dans le corps de l’armure et revient devant Nineveh, dépose sa main sur son épaule et répétant la même manoeuvre en insufflant cette fois sa mana dans la petite elfe, elle les ramène à nouveau là où elle est descendue quelques instants plus tôt.

    La première action de la soigneuse est de dégobiller ses entrailles par terre. Sa deuxième action cependant, est d’éclairer les environs pour que les deux protagonistes puissent comprendre où ils en sont, et le Démon de la Guerre remarque immédiatement la configuration étrange de la salle ressemblant fortement à une arène intérieure. Elle en avait vu des fragments de souvenirs similaires dans l’esprit d’un ancien pugiliste qu’elle avait corrompu, un hybride à la force spectaculaire dont les moments passés ensemble nourrissent encore Violence de par leur intensité.


    Un grincement métallique se fait entendre dans la salle, Violence est surprise, d’ordinaire ce genre de bruit émane plutôt de Praelia que de l’environnement. Alors que le colosse d’acier et de chair s’oriente pour faire face à la source du bruit, le faisceau éclairant de la lampe tempête de Nineveh l’imite et révèle dans la mer d’encre une sorte d’armure géante. Le Démon ne bouge pas d’un poil pendant que la guérisseuse se retourne et explore un peu l’endroit, cette grande cuirasse fait écho à la nature de Praelia, cela voulait-il dire qu’ils sont sur le bon chemin? Qu’ils s’approchent d’une manière ou d’une autre du Compendium? Peut-être. Sa senseur magique ne ressent pas d’énergie démoniaque dans la silhouette de métal qui se dresse devant eux, pourtant maintenant qu’elle se concentre dessus, elle voit bien que de la magie circule autour et dans les plaques. Elle ne la quitte pas du regard, et elle la voit bouger, d’abord subrepticement lorsque la statue suit Nineveh de la tête dans ses déplacements, puis de manière clairement ostensible quand elle dégaine son arme. L’elfe appelle alors le Démon avec une voix fluette, sa peur transparaît clairement dans le timbre aigu qu’elle a soudainement prit, Violence s’en délecte. Une fois de plus la peur mène à l’anticipation de l’affrontement, elle magnifie les sensations, l’impact de la brutalité, elle sublime les souvenirs et transporte les âmes. Praelia écarte les doigts de sa main droite et le gantelet d’acier amalgamé se rompt pour laisser une ouverture, de cette brèche la Lame Famélique sort en se matérialisant lentement. Le Garde se met en branle, son espadon en main.

    Praelia possède l’avantage de l’allonge, du haut de ses trois mètres et quelques et grâce à la longueur de la Tizona, elle peut tenir à distance son adversaire avec facilité puisque celui ci ne mesure qu’un peu plus de deux mètres. Cependant au premier échange de coup, Violence ressent immédiatement la difficulté du combat: elle est creuse, mais le Garde ne l’est pas. Sa masse et sa puissance de frappe sont largement supérieures à celle de la Guerre Incarnée, sa vitesse ne semble pas affectée par le froid saisissant qui règne ici bas tandis que Praelia est un peu ralentie dans ses mouvements à cause de la raideur des parties organiques qui la compose, et comme sa technique n’est pas non plus digne des plus grands combattants, elle sait qu’elle va devoir ruser pour l’emporter. Heureusement pour elle, même si Praelia est plus lente à cause du froid, son adversaire ne paraît pas naturellement rapide non plus et elle conserve cet avantage.

    ”J’ai.”

    Elle n’a pas. L’espadon balaye l’engeance démoniaque qui bloque avec le plat de sa Lame mais la puissance de l’impact l’envoit droit contre les murs qui protègent les gradins de l’arène dans un fracas terrible. Un nuage de poussière se soulève. Le Garde avance vers Nineveh, arme au poing en la brandissant au dessus de lui. La Multitude dégage les pierres qui se sont affalées sur Violence et le Démon charge à pleine puissance sur le champion. Celui ci tourne lentement la tête vers l’abomination mais l’aperçoit tout juste lorsque les trois cent kilos de chair et de métal l’impactent de plein fouet, les envoyant tout les deux bouler plus loin dans des gerbes de poussières. Praelia cherche de sa main gauche une prise sur l’armure du Garde pour le plaquer au sol et pendant ce temps, la marée de bras et de mains de la Multitude s’acharne sur l’armure du champion. Les doigts s’éreintent frénétiquement sur les plaques, rompant les ongles et laissant des trainées de sang contre le métal. Les phalanges se brisent, parfois les lanières de cuir qui maintiennent l’armure en place cèdent sous les griffures incessantes et quelques morceaux de la protection sautent, laissant apercevoir à travers les couches de maille et de cuir des indices d’un corps nécrosé et réanimé. L’espadon s’interpose en travers des deux corps et d’une pression soudaine, repousse Violence vers l’arrière. La faisant tomber à la renverse tandis que le Garde se relève. Le Démon se redresse aussi et les deux combattants se font face l’un et l’autre. La senseur magique les voit clairement maintenant, les effluves de mana qu’elle pensait être naturelles sont générées par la salle elle-même et abreuvent le gardien de ces lieux.

    La pièce l’alimente en magie. Vois si tu peux y faire quelque chose, je te couvre.

    Dans un hurlement physique à glacer le sang, Violence se jette ensuite sur le champion pour continuer le combat.
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  • Sam 17 Juin - 20:08
    Le bruit, c’est le bruit assourdissant du métal contre le métal, des deux géants qui s’affrontent dans le chaos de deux armures qui s’entrechoquent, du fer qui rencontre le fer et des cris rageurs. En particulier quand les deux masses s’envoient de part et d’autres de la pièce comme si elles étaient de simples poupées de chiffon.
    Ça et la température qui se refroidit à vue d’œil. Nineveh renifle bruyamment avant de claquer des dents : les entrailles de la terre sont d’ordinaires si chaudes, mais aujourd’hui, c’est une température presque polaire qui semble engourdir son corps alors que le gardien et Violence s’affrontent sans merci aucune. Elle a un réflexe fébrile pour esquiver un débris dans sa direction.

    C’est le cri de Violence qui la tire de sa torpeur, comme quoi la pièce alimente le gardien en magie.

    « Je m’en occupe ! »

    Elle porte son regard sur les pierres, sur les veines qui parcourent la roche et semblent converger vers un unique point. Presque par instinct, elle pose une main sur le mur avant de suivre le cheminement de ce système, en quête d’un détail, d’une anomalie dans le sol ou dans la roche qui constitue cette immense arène.
    Derrière-elle, les bruitages sont plus qu’éloquents sur la violence du combat. Le métal qui se froisse, les épées qui se croisent, les corps qui s’affrontent. La médecin essaie d’en faire abstraction pour se concentrer sur le mécanisme sur la pièce, mais difficile lorsqu’il y a un champ de bataille en arrière-fond.

    Elle ne peut s’empêcher de tourner la tête lorsqu’elle entend un corps voler pour découvrir le gardien être projeté contre un mur, puis se relever sans problème.

    Nineveh retourne à la recherche d’un mécanisme avant de buter sur un filet de magie qui se glisse derrière une plaquette de céramique, incrustée dans le mur. Elle toque une fois, creux.
    Coude, céramique, tessons, orbe brûlante d’énergie.
    L’elfe hausse les épaules.
    La douleur n’est que la faiblesse qui quitte le corps après tout.
    Scie de Gigli, télékinésie, autour de l’œuf, découpe.
    Puis tout n’est que lumière pour quelques temps, avec une chaleur aussi brève qu’intense. Nineveh a la sensation de se retrouver baigner de flammes l’espace d’une seconde avant que tout cet enfer ne se dissipe.

    Au bout d’une dizaine de secondes, l’elfe finit enfin par voir de nouveau. Elle cligne quelques instants des yeux, la brûlure sur sa rétine s’estompe progressivement alors qu’elle récupère toute son acuité visuelle.
    Le gardien git au sol et Violence semble vainqueur de ce duel de titans.

    « Violence ? C’est toi ? Je vois pas grand-chose, si ce n’est qu’il y a un gros truc au sol. Je vois un peu floue, ça se résorbe mais ça va prendre du temps je crois. Violence ? »
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  • Dim 18 Juin - 14:49
    Lorsque Violence se rue sur le Gardien, l’impact des deux armures les unes contre les autres est terrible, sur la cuirasse du Démon de plus en plus de défauts font leur apparition sous forme de brèches déformées par les attaques et les coups reçus, laissant s’échapper quelques volutes d’essence démoniaque contenant des fragments de souvenirs. La fumée se dissipe dans l’air en émettant de grandes plaintes d’agonies, traces rémanente des hurlements de douleur que représentent les mémoires des damnés. Le métal s’entrechoque, le Gardien n’a aucune réaction que ce soit de douleur ou de surprise, il n’est pas conscient au même degré que les deux entités qu’il tente d’annihiler. Le corps de Violence s’entremêle dans une danse létale avec celui du protecteur des lieux, mais chaque coup que parvient à lui asséner la Lame Famélique est immédiatement réparé par les effluves de mana qui s’infiltrent dans les blessures pour réparer magiquement la chair putride sous la cotte de maille du Gardien. Envoyant le combattant se fracasser contre un des murs de l’arène, Violence en profite pour surveiller l’avance de Nineveh et voir si elle parvient à trouver quoi que ce soit, la médecin semble avoir repéré quelque chose, le Démon n’a plus qu’à temporiser à nouveau quelques secondes de plus.

    En chargeant vers le Gardien, Violence vise cette fois à réduire sa mobilité, la lame irréelle du Démon se précipite vers les mollets exposés de la créature et tente de quérir son attention, mais c’est à la place autre chose qui vient les distraire. Un grand flash lumineux remplit la salle tandis qu’un fracas terrible retentit, comme si un millier de glas résonnaient en même temps dans la salle souterraine. Le Démon ne possède pas de système oculaire à proprement parlé, la Sphère se contente de capter magiquement la lumière à travers son incarnation “physique”, donc elle s’adapte presque instantanément aux changement de luminosité, malgré cette adaptabilité surnaturelle, elle ne voit rien quand il fait trop noir, et elle ne voit rien non plus quand la totalité de la pièce baigne dans une luminosité extrême. L’armure titanesque enclenche sa senseur magique mais c’est trop tard, elle n’associe pas immédiatement le mouvement du Gardien parcouru par la mana avec le coup qu’elle reçoit de plein fouet, l’espadon n’étant pas visible avec son pouvoir de perception. Violence roule au sol et Praelia se fait sectionner le bras gauche, le Démon est obligé de colmater la brèche béante avec la Multitude pour éviter de perdre trop de fragments d’âme et de devoir désincarner l’ex-porteuse. Si jamais son enveloppe charnelle subit trop de dommage le Démon sera même obligé de se plonger dans sa transe de souvenirs le temps de se reconstituer, mais ça signerait la mort de la soigneuse derrière.

    Elle ne doit pas mourir, pas maintenant.

    Lorsque la lumière revient à la normale, Praelia est couchée au sol, le Gardien déterre son épée du corps creux de l’armure démoniaque et se retourne vers Nineveh. Nineveh! NON! Violence tente de bouger mais elle n’y parvient pas avec suffisamment d’aisance pour l’arrêter, les morceaux organiques de l’alliage qui la constitue sont fins et plus susceptibles à la chaleur, en fondant ils ont déformé les imbrications des pièces de la cuirasse et paralysent presque Praelia. L’elfe semble complètement désorientée, sa voix est anormalement rauque et éreintée, son état est alarmant d’après le sang qui s’écoule sur son visage et alors qu’elle croit s’adresser à son compagnon elle se contente de regarder le Gardien approcher lentement d’elle sans réagir, elle les confonds. Merde. Violence canalise sa mana dans le corps amoché de Praelia et s’appuie sur la Lame Famélique pour se relever et préparer son coup, grâce à sa senseur elle peut voir que le lien entre la salle et son protecteur a été brisé, elle devrait pouvoir terminer l’affrontement rapidement. Alors que le Gardien brandit son espadon pour achever Nineveh, Violence se téléporte derrière la statue et encastre sa Lame dans la peau névrosée de son adversaire, passant entre les mailles brisées de sa cotte au niveau de l’articulation de l’épaule. Le Gardien tente de se retourner mais tombe à terre, emportant Praelia avec lui dans sa chute. Les deux roule à terre, la Multitude arrache le casque de l’entité qui dévoile un crâne squelettique et les multiples mains s’attaquent à l’os exposé, le désolidarisant du reste du corps. Le Gardien git désormais inerte sur le sol.

    Incapable de tenir debout correctement, l’armure démoniaque rampe à quatre pattes et rétracte la Lame Famélique pour bénéficier de deux mains libres, elle s’approche de la soigneuse qui subit déjà le contrecoups du barotraumatisme. Son oreille interne a l’air désorienté aussi, elle vacille puis s’effondre au sol avec un air de surprise, elle ne doit saisir que maintenant la gravité de sa situation. Alors que Violence la surplombe désormais, la Sphère inspecte la médecin de sa perception, normalement elle aurait juste jeté son hôte comme un jouet cassé, elle pourrait toujours le faire, elle pourrait repartir à Melorn, patienter pour reformer Praelia, elle pouvait toujours chercher celui qu’on appelle Eliëndir, elle s’était lancée à sa recherche après s’être séparée de Lorindol. Après tout pourquoi pas? Parce qu’elle savait qu’elle avait en face d’elle quelqu’un dont le savoir lui était utile, la capacité d’expérimenter sur la Corruption avec un hôte et non contre lui était une première pour Violence, et comprendre plus loin l’étendue de ses capacités lui était directement bénéfique.
    Pourtant, elle est un Démon, elle est immortelle, l’elfe au savoir pseudo-inestimable est donc remplaçable. Tôt ou tard, dans dix, cent, mille ans, elle retrouvera quelqu’un d’autre avec si ce n’est plus de connaissances. Elle pourrait laisser Nineveh ici.

    Elle pourrait.

    Est-ce qu’elle devrait?

    La Sphère est silencieuse au dessus de la guérisseuse en souffrance. Cocasse. Elle se remémore ce que l’elfe lui disait il y a encore quelques minutes. Elle qui lui expliquait justement la différence entre se battre pour protéger son mode de vie et se battre pour sa vie, elle est maintenant justement entrain de voir cette dernière menacer de s’échapper.

    Elle pourrait.

    La main gantelée de fer de Praelia se lève au dessus du visage de l’elfe, prête à collecter les fragments d’âmes de brutalité qu’elle vient d’expérimenter. Lorsque son corps passera de vie à trépas et que son âme quittera sa coquille vide pour laisser derrière ces échardes chaotiques.

    Mais, n’as-tu pas peur de perdre quelque chose ? Un ami, un allié, quelque chose ou quelqu’un dont l’absence serait source d’embarras, de tristesse, de déception ?

    La main se pose plutôt sur la poitrine de sa porteuse, au niveau du sternum à la base de son cou. Là, la corruption reprend son cours, en quelques secondes elle reprend ses droits sur le système lymphatique de Nineveh de force cette fois, les fragments qu’elle a accumulé dans leur expédition lui permettent un peu plus de liberté en plus du temps qui s’est écoulé. Le coeur bat toujours mais son rythme est archaïque, elle ne peut pas relever l’étendue des dégâts rien qu’avec les canaux du système immunitaire mais elle peut comprendre la situation critique dans laquelle se trouve sa manieuse.

    Un allié?

    Est-ce qu’elle est un allié de l’humanité? Peut-être? Peut-être bien. Le doute la prend, si c’est là son rôle, comment le saurait-elle? Praelia se penche pour être à quelques centimètres de Nineveh, et la Multitude entoure délicatement le corps frêle et mutilé de la médecin, les bras s’enroulent dans son dos et la soulève le plus doucement possible, les mains saisissent ses jambes, ses cuisses, ses bras, viennent progressivement soutenir sa tête et sa nuque tandis que la magie du Démon s’infuse dans leur corps. La seconde d’après, ils sont de retour dans le cabinet de Nineveh. Praelia ressort la Scie de Gigli maudite et l’enfouit à l’intérieur de la paume droite de la médecin. Sa voix physique résonne dans la salle d'opération sur un ton pragmatique mais bien plus calme qu'à son habitude:

    ”Évite de mourir.”
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  • Dim 18 Juin - 22:38
    « J’ai mal. »

    Arrive à articuler l’elfe en posant le pied dans ses appartements. Comme il y a fort longtemps, la date de la dernière échauffourée particulièrement sanglante, la médecin se traîne vers son cabinet. Elle embarque sa trousse de médecin et titube vers la salle d’eau alors que derrière, Violence récupère lui aussi du combat.
    Nineveh se laisse choir contre sa baignoire, elle observe le grand miroir de sa salle de bain d’un œil qui ne cesse de rougir, en un battement de cil, une larme de sang coule le long de sa joue et elle a un soupir agacé, anxieux. D’une main fébrile, elle ouvre la canalisation d’eau qui coule par chez elle afin de remplir sa baignoire. C’est de l’eau froide, mais ce sera toujours mieux que rien.

    « Violence, dans mon cabinet, grosse armoire, le paquet de sucre bleu antidouleur, les gommes à avaler vertes et le pot de miel. »

    D’une main leste, la médecin récupère une pince et un écarteur. Elle a mal à un bras, une douleur horrible à hauteur de l’œil et un sifflement dans les oreilles. Même si l’acouphène est assez peu prononcé, il reste bien présent.

    « Hein ? Tu disais Violence ? » Demande l’elfe en s’observant dans le miroir, incertaine du démon, a-t-il seulement parlé, où est-ce son imagination et l’acouphène qui lui font entendre des choses ?

    Elle se passe la tête sous un filet d’eau froide pour nettoyer la plaie sur son visage, puis hésite un instant avant de retirer sa chemise puis de s’installer directement dans la baignoire, encore à moitié habillée. Elle récupère une bouteille de gnôle, vérifie d’un bref coup de nez qu’elle est assez relevée pour faire l’affaire puis en vide le contenu sur ses blessures, en omettant soigneusement de se rincer l’œil au tord-boyau. Il ne s’agirait pas devenir borgne en plus d’être balafrée.

    « C’est plus agréable qu’un repas avec la belle famille. » Elle a un coup d’œil éclair vers Violence, dans une piètre tentative de faire la conversation avec son partenaire en exploration. « Mais ça, tu connaîtras pas avant un long moment. C’est toujours gênant les repas avec la belle famille, expliquer que oui, leur précieuse progéniture va finir sa vie avec toi, et que vous allez vous voir chaque année pendant toute une vie. » Maintenant : miroir, pince, fragments de verre et les brûlures.

    Tout en continuant de déblatérer sur sa vie et celle des autres, Nineveh reprend le traitement : l’œil, l’œil est la priorité numéro un. Elle concentre ce qui lui reste de pouvoirs pour retirer les éclats à proximité de son regard, puis les laisse tomber à même le sol. Elle désinfecte une dernière fois la plaie avant de la bander. Normalement, tout devrait être bon de ce côté.
    Il ne reste plus qu’à se faire les traces de brûlure sur son coude et les coupures qui vont avec.

    Elle gobe les médicaments rapportés par Violence et commence à se tartiner de miel les brûlures, de sorte à griller toute humeur qui voudrait s’y mettre. Sa magie fera le reste, mais en attendant, elle doit s’envelopper de bandages humides pour éviter de se consumer de douleur. Une tâche bien difficile quand il faut se panser d’un seul bras.

    « Violence ? Tu pourrais m’aider s’il te plaît ? Pour les pansements. J’y arrive pas, je commence à voir trouble. »
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  • Lun 19 Juin - 0:41


    Lorsqu’elle dépose Nineveh dans ses appartements, Violence l’observe avec attention, le Démon connaît la mort, elle ne se contente pas seulement de la côtoyer mais elle la nourrit activement, elle fait partie d’elle. Dans les mouvements de sa porteuse, elle peut voir la mort s’immiscer lentement, manifester sa venue au fur et à mesure de ses actions ramollies. Elle s’affale dans sa salle d’eau et demande à Praelia d’aller chercher quelques fournitures spécifiques et sans attendre, le Démon s’exécute, elle déferle dans le cabinet et récupère le miel, ce qui ressemble au mieux à la description que l’elfe a fait des gommes vertes et du sucre bleu.

    En revenant dans la salle, la médecin s’est mise à tremper dans la baignoire en se nettoyant, l’eau file vers la bonde d’évacuation en emportant des filets rouges visqueux et le liquide se teinte d’ocre en s’écoulant du visage de la soigneuse. Son attitude est paradoxale, elle continue de parler pour raconter ses anecdotes typiques de son comportement en temps normal, sauf que son corps est désormais mécaniquement déficient tandis que les blessures lui infligent leur contrecoups. Le Démon a déjà vu ce genre de réaction dans des situations de choc physique particulièrement secouant, le sujet devient irrationnel et sa capacité à assimiler la gravité d’une situation et à définir des degrés de priorité dégringole. Difficile de dire dans le cas de la savante si elle perds la raison ou si c’est simplement son état mental normal, la Lame Famélique sait très bien à force de l’avoir fréquenté la semaine passée et d’avoir lu ses souvenirs et son esprit que ça pourrait bien tout bonnement être sa façon de faire… ou un moyen de tromper sa propre détresse. Praelia dépose les diverses fournitures sur les bords de la baignoire et contemple la blessée s’occuper de son oeil, une fois que la guérisseuse mal en point en a terminé, celle-ci se retourne vers son compagnon d’infortune et lui demande un coup de main, plutôt quarante fois qu’une.

    Praelia s’accroupit pour abaisser la Multitude à hauteur de la femme, la Sphère qui trône au milieu surveille la foule de bras, prête à réagir au moindre écart d’une des mains qui se montrerait un peu trop rebelle. Lentement, doucement, Violence aide aux soins en sécurisant les tulles et les linges humides sur le corps de la médecin, ajustant les bandages pour recouvrir la peau le plus possible et permettre d’endiguer la progression des brûlures. Une fois que le gros du travail est fait, le Démon regarde fixement la savante souffrir en racontant sa vie, silencieuse, elle se contente de lui tenir compagnie dans son agonie. Ce n’est qu’au moment où son souffle se met à siffler pendant ses respirations que l’engeance démoniaque se met en alerte, immédiatement après avoir conclu sa phrase, la médecin se prend d’une quinte de toux et crache un molard de salive mêlée à une quantité inquiétante d’hémoglobine. Violence se rappelle de l’aperçu qu’elle a pu voir pendant qu’elle rétablissait temporairement la Corruption tout à l’heure. Faisant réapparaître le corps de l’épée pour vouloir user de sa magie sur l’elfette, elle hésite un instant.

    Ce coup ci il ne s’agit plus d’un vulgaire exercice pour faire joujou avec ses sucs gastriques, la soigneuse avait déjà montré ses réticences à céder son corps au Démon pendant leurs petites expérimentations. Alors si la médecin refuse la connexion et risque d’y passer à cause de ça, Violence prendra son corps de gré ou de force. Après tout, elle a déjà passé suffisamment de temps avec elle pour au moins pouvoir intervenir sur ses poumons, reste à savoir si le lien entre la melornoise et le Démon sera suffisant pour qu’elle accède à ses tripes sans son accord potentiel. Cette pensée est singulière dans l’esprit de l’Incarnation de la Guerre, elle est un glaive, elle est la sentence mais pas le bourreau, elle est l’outil mais pas la main qui l’abat. C’est étrange que maintenant elle soit plus que ça, tout à l’heure elle a utilisé ses capacités pour être une armure pour la première fois, maintenant elle fait activement des efforts pour sauver quelqu’un plutôt que la condamner. Si Violence ne se demande pas pourquoi elle le fait, si ce n’est juste parce qu’elle en a envie, elle se demande par contre ce que cela signifie. Elle est ce qu’elle est n’est-ce pas? L’essence même de son être est différente de celle des mortels, elle n’est que pure violence, elle n’est que la mort, le chaos, la destruction amené sur Sekaï et concentré en une manifestation tangible. Pourtant la voilà, à genou dans une salle de bain avec une victime entrain de lui prodiguer des soins. C’est ce qu’elle fait, donc c’est ce qu’elle est. Est-ce que c’est ça aussi? La cruauté? À cette pensée, un des bras de la Multitude s’agite un peu trop et dirige sa main vers les cheveux de la médecin sans que Praelia n’en ait formulé explicitement le désir, la Sphère le repère et l’armure attrape de son bras principal le poignet retors avant qu’il ne puisse faire quoi que ce soit, le brise dans sa poigne de géant et arrache ensuite le bras pour le jeter par terre.  L’annihilation de l’ennemi? Ou du monde? Si elle choisissait l’ennemi, ça revenait à dire qu’elle faisait une distinction, il doit y avoir un ennemi parmis les mortels, sinon le monde entier était sa cible, et ça ne pouvait être le cas. La nature de l’ennemi pouvait-elle être fluctuante? Pouvait-elle changer de camp en cours de route? Peut-être bien. Si c’était vrai, alors elle décidait que là, tout de suite maintenant, Nineveh n’était pas l’ennemie.

    ”J’ai la réponse à ta question de tout à l’heure, je n’ai pas d’ami, je n’ai pas d’allié, mais si tu meurs maintenant Nineveh de Basiléïa, je serai déçue de ta faiblesse.”

    Forçant la main à la médecin, Violence transforme l’Épée Famélique en une dague de petite taille et enfonce sa fine lame dans l’épaule de Nineveh. Immédiatement, la Corruption s’instigue, profite des anti-douleurs à effet rapide pour fusionner le métal et la chair et s’assurer qu’elle ne se fasse pas retirer par une simple télékinésie. Ensuite, elle profite de son point d’implémentation plus élevé dans le corps pour s’enliser dans les poumons de la survivante et chercher à pénétrer les lobes pulmonaires. Lorsqu’elle les atteints, les dégâts sont sans appels.

    ”Le barotraumatisme dans ton système respiratoire est important, il est possible qu’ils s’effondrent au bout de quelques temps, des alvéoles sont rompues et un des lobes gauches n’est plus fonctionnel. Dis moi comment je répare ça.”
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  • Mer 21 Juin - 23:10
    « D’accord le démon. » Toussote Nineveh en ayant un crachat vermeil, « on en reparle quand tu auras des poumons et tout un système cardiovasculaire. Fait gaffe à l’artère avant de… » Violence enfonce la pointe de la dague dans son épaule, rien n’est touché aux dernières nouvelles.

    Pour être tout à fait honnête, l’elfe se sent partir, entre le cocktail d’antidouleurs, les remèdes et la sensation désagréable de partager son corps avec une entité littéralement autre, mais en un sens, rien qui ne sort de l’ordinaire pour cette dernière anomalie. Après tout, ce n’est pas la première fois que la médecin partage son corps avec le démon de la violence, de la cruauté et des combats. Elle ferme les yeux et essaie de se concentrer sur le moment présent, ses poumons qui commencent à se remplir de sang.
    Elle tousse une nouvelle fois, dans le vague espoir de cracher tout le rouge qui s’accumule, mais c’est peine perdue.

    « Tu coupes l’arrivée de sang au niveau des alvéoles endommagée. La priorité est d’empêcher le poumon de se remplir de mon sang sinon je vais me noyer dedans. » Elle a une grimace en sentant Violence se mettre au travail, c’est désagréable. « Tu résorbes absolument tout ce que tu peux. C’est comme pour un bateau : avant d’écoper, il faut combler les fuites. Vérifie qu’il n’y a pas de sang qui est en train de se glisser entre les poumons et la plèvre. » Sinon, ça va être une mauvaise soirée, même si normalement, elle l’aurait senti depuis longtemps si le barotrauma était si grave. « Je me ferais tousser pour évacuer tout ça. Soit ça, soit un pansement à valve de poitrine dans le pire des cas. » Si elle devait commencer à se percer des trous dans le corps pour faire sortir le sang et les refermer par la suite.

    Nineveh se soulève hors de la baignoire pour s’allonger sur le côté à même le sol, dans le carrelage de sa salle de bain. Jamais elle n’a été aussi heureuse de sentir une odeur de vinaigre.
    En attendant que Violence ne résorbe les traumas, elle utilise son esprit pour ramener à elle un pot de colle blanche et un morceau de tissu. Absolument primitif, mais s’il faut en venir aux pires extrémités pour rester vivante, la médecin est parée à défaut d’être prête.

    « Pour le lobe gauche, essaie de stabiliser du mieux que tu peux : tu bloques l’arrivée de sang en démultipliant les plaquettes, t’augmentes la quantité de macrophages pour faire le ménage. Les alvéoles, les lobes, tout ça se répare, mais il faut impérativement drainer le sang d’une manière ou d’une autre et empêcher les poumons de s’engorger. Je peux gérer les infections, mais pas la cicatrisation, il faut que tu t’en charges. Le reste se fera sur le temps long. »

    Nouvelle quinte de toux, beaucoup plus violente cette fois, Nineveh se roule en boule en espérant que ça passe. Au bout d’un certain temps, elle crache une sorte de caillot rouge dégoutant.
    Pourtant, en voyant cette petite météorite qui provient de ses poumons, dans une crise d’obsession typique des savants fous, elle s’empare de la pépite écarlate pour l’admirer d’un regard un peu vitreux.

    « Magnifique boulot Violence. » Souffle la docteur. « Si ça ne te dérange pas, je vais ramper jusqu’à ma chambre, j’ai besoin d’un thé. » Articule Nineveh en prenant appui sur le mobilier pour se traîner jusqu’à ses appartements.

    Mais à ce rythme-là, elle y sera encore demain.

    « T’es un frangin Violence. Et je dis ça en ayant deux sœurs forgeronnes. »
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  • Ven 23 Juin - 17:42


    Voyage au centre de Nineveh. Praelia cesse à nouveau d’exister tandis que Violence s’infiltre de force dans la poitrine de l’elfe, subjuguant les organes respiratoires à son emprise. À l’intérieur c’est un chaos absolu, le lobe inférieur du poumon gauche ne fonctionne presque plus et ne communique plus avec les capillaires, l’échange d’oxygène est nul. Le reste marche toujours correctement, mais de nombreuses alvéoles sont endommagées et parfois écrasées au bout des bronchioles.

    Le Démon écoute patiemment les instructions de la médecin pour procéder à l’opération, premièrement couper l’arrivée de sang. Elle s’accapare les capillaires qui acheminement le sang appauvrit aux poumons et modifie leur structure pour les faire terminer en cul de sac, normalement ça aurait été plus dangereux avec une grosse veine mais dans le cas des petits acheminements, c’était à la fois la solution la plus simple et la plus rapide. À mesure que le Démon s’empare du réseau sanguin avoisinant le système respiratoire de Nineveh, les veines et les artères de sa poitrine se teintent de noir et deviennent bien visible à travers sa peau, faisant apparaître la Corruption de manière cette fois très visuelle depuis l’extérieur.
    Ensuite, écoper.
    La Lame Famélique continue son labeur, mais la tâche est plus complexe que prévue, elle ne possède pas de contrôle sur le sang à proprement parlé, elle ne peut que moduler celui ci au travers des canaux sanguins, il va lui falloir trouver une solution alternative dans ce cas. Réfléchis Violence… écoper? Faire apparaître la Multitude à l’intérieur du poumon serait extrêmement dangereux, outre le risque de faire étouffer Nineveh, les doigts causeraient sans doute plus de dégâts sur les alvéoles et c’était bien la dernière chose qu’ils leur fallait. Comment faire? Réfléchis, réfléchis réfléchis… le Démon entrevoit soudain une solution fonctionnelle, les capillaires! La capillarité, elle pouvait s’en servir pour écoper le sang en le faisant remonter. Altérant donc la nature de certaines bronchioles à l’intérieur des poumons, le Démon coule énormément de mana dans l’opération pour exécuter correctement ce qu’elle entreprends, entre le temps et la précision nécessaires pour une telle action, elle navigue désormais dans un terrain inédit. Les tentacules immatérielles se glissent dans les cellules de cartilages et de muscles mous, modifiant la nature même des cellules pour les faire évoluer localement. Elle transforme le cartilage en une texture fibreuse et poreuse, un entrelacement d’une myriade de fibres qui forment désormais le tunnel de la bronchiole. Immédiatement après elle augmente sa longueur pour la faire tremper dans le sang qui envahit le poumon, et le résultat escompté fonctionne à merveille. Le carmin mal placé est absorbé par capillarité dans la bronchiole et le Démon peut maintenant concentrer le sang de force et le faire coaguler proprement. Il restitue ensuite à l’organe sa forme et sa matière d’origine pour éviter de provoquer un essoufflement de l’elfe dans laquelle il repousse actuellement ses limites.

    Durant tout le processus, sa concentration est telle qu’elle ne réponds pas à Nineveh, elle se focalise presque entièrement sur ses manipulations. La soigneuse bouge, le sang gigote un peu dans le lobe inférieur du poumon gauche, c’est vrai qu’elle doit aussi s’en occuper mais pas avant d’avoir résorbé le plus possible le reste. Elle fouille également entre les poumons et les cavités pleurales et ne trouve aucune trace d'hémorragie interne, rassurant. Rassurant? Ce sentiment de soulagement qu’elle ressent aurait pu passer inaperçu tant Violence est concentrée sur ses exécutions, mais en éprouvant cette sensation pour la première fois, le Démon se sent bizarre, ce n’est pas dans sa nature de penser ainsi, perturbée elle cesse d’agir l’espace de quelques secondes, et c’est Nineveh en sortant de la baignoire pour s’affaler par terre qui la ramène à la réalité. L’engeance reprends son travail, légèrement confus par sa propre psychée. Il est l’heure de s’attaquer au gros du problème. Le lobe dysfonctionnel.

    Une fois de plus, Violence bloque l’afflux sanguin, mais lorsque son hôte lui demande de démultiplier plaquettes et macrophages, c’est un obstacle de taille. Comment elle faisait ça? Elle pouvait… elle pouvait les concentrer à ce niveau là mais est-ce qu’appauvrir le reste du corps au profit de la zone blessée serait une bonne idée? L’autre option ce serait d’en fabriquer, mais ces microcellules sont bien trop complexes pour que Violence puisse songer à en créer à partir de rien, altérer un tissus inerte passe encore, mais des cellules actives… Le Démon réfléchis, puisant maintenant dans l’esprit même de Nineveh pour essayer de trouver une solution. La moelle osseuse! Les filaments d’influence démonique se ruent sur le sternum non loin de la trachée et infiltrent l’os à la recherche de la moelle salvatrice. Bingo, le Démon accélère la mitose des cellules souches et produit une flopée de nouvelles plaquettes et de globules blancs. L’inconvénient, c’est le coût en énergie, si Violence est capable d’influer comme ça sur le métabolisme de son hôte, le corps va derrière avoir sa propre réponse d’auto-préservation et de recouvrement, le contre-coups promet d’être grandement énergivore. Bonne convalescence après ça pense-t’elle. Pour enfin drainer le lobe blessé, ce coup ci jouer avec des bronchioles ne suffira pas, au grand maux les grands remèdes alors. Altérant d’un côté la matière organique, de l’autre creusant un trou au fond du poumon après avoir sectionné les nerfs locaux pour éviter une trop grande douleur et récoltant le sang qui descend par gravité, Violence finit par évacuer l’humeur des poumons, coagulant le tout en un caillot grossier qu’elle envoit par contractions à la trachée d’où la médecin pourra l’en faire ressortir. Une fois acheminé, la dernière étape s'enclenche, le Démon rétablit sa forme originel au système sanguin et respiratoire et se met à surveiller assidument le fonctionnement du tout ainsi que la teneur en oxygène de l’hémoglobine qui circule de nouveau.

    La gêne provoquée par l’amalgame est terrible, le corps de l’elfe est secoué par une crise de toux compulsive qui la parcours brusquement, après quelques efforts et beaucoup d’énergie, elle parvient à se débarrasser du morceau de sang séché. Son hôte la congratule faiblement, tentant de se relever ensuite pour sortir de sa salle de bain. Ses mouvements sont lents, vagues et sans conviction. Violence n’a pas besoin d’observer les pensées de la blessée pour savoir ce qu’elle cherche à faire, si elle ne l’avait pas dit à haute voix, c’est son corps même qui lui aurait trahis ses besoins.

    Laisse toi faire.

    Utilisant cette fois sa métamorphose pour faire pousser les bras de la Multitude sur le dos, les flancs et les jambes de Nineveh pour lui donner l’apparence d’un scolopendre glorifié, les multiples mains soulèvent le corps frêle de la médecin et l’emportent en grouillant sur le sol vers son lit à l’étage. Là, elle dépose son hôte à moitié consciente sur ses draps tandis que la fatigue l’envahit, le contre-coups des combats, des blessures et de l’opération commençant à prendre son dû sur l’esprit même de Nine. Avant que celle ci ne sombre totalement dans son sommeil, Violence effectue une dernière lecture de l’esprit pour pouvoir répondre à la dernière instruction dont elle lui a fait part.

    Comment on fait du thé?

    Alors que la dague Famélique fait disparaître la Multitude, enregistre la méthode de fabrication d’un thé et rétracte son influence pour ne laisser qu’une petite plaie à l’endroit de la pénétration, une dernière phrase inaudible passe les lèvres de la médecin. Elle est sa soeur? La Praelia qui se reforme lentement et doucement à côté du lit est silencieuse, pensive. Lorsqu’elle disparaît pour se matérialiser dans la cuisine de l’elfe, la Sphère vibrionne contemplativement:

    ”Tu es la plus étrange de mes soeurs Nineveh de Basileïa.”

    Après moultes péripéties, quelques énervements de frustration et une tasse cassée, le Démon rouvre la porte de la chambre avec un petit gobelet de thé fumant dans la main surdimensionnée de Praelia pour n’entendre qu’un ronflement sourd. Violence se contente donc de déposer le verre sur le chevet, et en reprenant tout aussi doucement sa forme originelle de tizona, elle se calle contre une armoire avant de se plonger elle même dans une transe régénérative. Avec tout ça, elle en avait finalement oublié les dégâts qu’elle avait elle-même encaissé dans son combat contre le Gardien.
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  • Lun 26 Juin - 19:47

    Nineveh dort.
    Combien de temps ?
    Elle ne saurait le dire. Elle alterne entre périodes de demi-conscience, somnolence et profond sommeil. En rouvrant les yeux après un long moment à flotter dans un entre trois dès plus désagréable, l’elfe toussote le sang séché de ses poumons, ou ce qu’il en reste. Elle a bavé sur son oreiller, du sang et surtout de la salive. Du bout des doigts, elle se tâte en quête d’un autre saignement, mais ne trouve que des vestiges de la bagarre : du vermeil caillé à hauteur de ses oreilles, un mal de ventre lié à la faim et surtout, une sérieuse sensation de fébrilité.
    En voyant le tassé de thé froide, elle a l’impression de sentir une vague odeur de sucre et se jette dessus.
    Ouais, c’est moche.
    Quand on arrive à sentir le sucre naturellement présent dans l’eau, c’est qu’on est sur la réserve.

    « Dieux… » Commence Nineveh avant de faire la grimace, une douleur sourde dans la poitrine, l’impression que ses poumons ont été passées à la rôtissoire, ce qui n’est pas si éloigné de la réalité quand on voit ce qui lui est arrivé. Dans un réflexe hérité de l’armée qui ressurgit dans les heures les plus sombres, mais aussi et surtout parce que la médecin ne souhaite pas se traîner dans les couloirs froids de sa maison pour cracher aux toilettes, elle crache dans sa tasse. Un gros caillot noir qui doit traîner au fin fond de ses poumons ou de ses bronches depuis ce fameux combat. « Dégoûtant. » Ce qui ne l’empêche pas de le toucher du bout de l’index : un peu dense, trop même, il y a du sang là-dedans, pas seulement des glaires.

    Eh, c’est mieux que de vérifier si un patient est diabétique.
    L’elfe a une grimace : en espérant que ça ne soit qu’un résidu des combats.
    Nineveh est alertée par une forme anormale à la périphérie de sa vision, près d’une armoire, avant d’avoir un sursaut puis un soupir de soulagement : Violence. Elle soupire en se laissant retomber contre l’oreiller.
    C’était une longue, longue descente.
    Entre les serpents zombies et le souriant, il y avait de quoi mourir plusieurs fois et c’est grâce à Violence qu’elle est en vie. Ne serait-ce que grâce aux soins prodigués. Des remerciements s’imposent.

    Bon, quand il faut y aller, il faut y aller.
    L’elfe se redresse et s’assoit sur le bord de son lit : elle est toujours dans ses vieilles fringues trempées, ce qui explique cette sensation poisseuse. Sans compter la transpiration d’une nuit passée sous les couvertures, peut-être plus.
    Vertige, envie de vomir, fébrilité, léger mal de tête, trop de temps passé allonger et voilà le résultat.

    L’elfe cherche dans le tiroir de sa table de nuit : d’ordinaire, elle garde toujours quelque chose à grignoter. Tant pis si c’est un vieux carré de chocolat ou une patte de fruit qui traîne dans sa feuille de banane depuis des lustres, mais elle a besoin d’avaler quelque chose. Elle jette son dévolu sur de vieilles friandises à la pâte d’amande. Maintenant ?
    Gorge sèche, bouche pâteuse.

    « Violence, t’es vivant ? » Demande Nineveh. Elle se lève difficilement, « je vais me chercher de l’eau, tu veux un truc ? »
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  • Mar 27 Juin - 18:10
    Un orc à la musculature fine et dessinée est tapis dans une flaque de boue, son corps est plongé à moitié dans la gadoue, le reste dissimulé par des morceaux de végétation que lui et ses frères d’armes ont cueillis et assemblés en bosquets factices. Ils attendent patiemment l’arrivée prochaine de leur cible sur le sentier qui sinue à travers la forêt, déjà ils entendent leurs pas au loin se rapprocher. Les narines de l’orc soufflent lentement, expirant l’air le plus doucement possible tandis qu’il raidit chaque muscle de son corps pour éviter de trahir sa présence et d’être prêt à l’assaut. Le convoi passe, il est au milieu des brigands embusqués. Tout s’enchaîne alors à une vitesse effroyable, la mort ne se répand pas comme une trainée de poudre, elle est la déflagration même. Les attaquants hurlent en se relevant, ils se jettent sur les miliciens d’un seul coup. Les cris fusent, les insultes aussi. Les premières attaques tombent. Les orcs ont un avantage massif sur les faibles humains en transit. Du milieu du convoi, une cage en fer s’ouvre violemment et un béhémoth en surgit, le combat s’inverse, les pillards détournent leur attention sur l’immense bête. Le monstre se rue sur le premier à porté et l’échancre comme un vulgaire morceau de bois. Les hurlements se font pl-

    Violence est tirée de son souvenir par la prononciation de son nom. L’Épée Famélique rétablit sa perception et voit Nineveh éveillée, assise sur le bord de son lit, une légère grimace au visage. Elle la questionne pour savoir si elle est vivante, en guise de réponse, le Démon fait apparaître trois paires de bras sur le plat de la lame et se pousse du mur et de l’armoire pour atterrir sur la Multitude, au sol, comme un phasme. Elle lui signifie ensuite qu’elle va aller chercher de l’eau et prend la peine de demander si Violence désir quoi que ce soit, après quelques secondes de réflexion, le Démon lui rétorque:

    ”Oui, un rat crevé pour l’électrocuter, et un grand chapeau de nécromancien.”

    Ça lui arrivait rarement de faire de l’humour, et c’était souvent dans un cadre jaune, au détriment de son hôte. Là, elle se moque de Nineveh, mais le Démon sait qu’il y a quelque chose de plus dans ce trait qu’elle n’arrive pas vraiment à cerner. Marchant aux côtés de la convalescente en direction de la cuisine, l’épée observe attentivement ses mouvements.

    ”Tu vas survivre.” Ce n’était dit ni avec soulagement, ni avec espoir, c’était un simple constat. ”Tu devrai te reposer non? Les mortels n’ont-ils pas tendance à être plus fragile?”
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  • Jeu 29 Juin - 20:38
    « Le grand chapeau de nécromancien, j’ai un chapeau pointu qui recouvre le visage. Je vais te chercher la capirote noire dans ma garde-robe . » Commence Nineveh avant de sortir de sa penderie le fameux masque chapeau d’une longue tout à fait respectable. « Tu auras la plus grosse pointe, pour rendre les démons jaloux. » Dit-elle en lui montrant le chapeau. « Pour le rat, tu connais déjà ma salle aux mille formols. »

    L’elfe sait très bien que le démon fait du sarcasme, mais elle ne peut s’empêcher de le prendre au pied de la lettre et rentrer dans son jeu. Néanmoins, la conversation prend une tournure plus sérieuse lorsque Violence constate, à défaut d’un meilleur terme, la fin retardée de Nineveh. Étrange que ce soit le démon qui se préoccupe de la médecin et pas l’inverse, mais l’univers a ses secrets que la raison mortelle ignore.

    « Je vais survivre, oui. Et oui, je devrais me reposer. Mais j’ai faim et je ne compte pas grignoter du jambon comme une sauvage, alors je vais me faire des œufs au lard, avec du pain, du fromage, un grand verre de jus de fruit pressé et un peu de salade pour la fraicheur, et des tomates, et des oignons revenus dans la poêle aussi. » Mais ce repas lui semble un peu léger pour une convalescente, elle a besoin de nourriture en masse pour se régénérer et cela risque d’être un brin fébrile. « Il faudrait que je fasse une sauce aussi. Mais bref, j’ai faim et j’ai besoin d’énergie pour me reconstruire. »

    Ce qui lui fait penser que Violence aussi a besoin de s’alimenter pour survivre. Même si au contraire de Nineveh, c’est de souvenirs et d’émotions dont il repait afin de perpétuer son existence. Puisque l’elfe est sur le point de petit-déjeuner, il serait de bon goût que le démon ait sa part un peu en avance, puisque de toute manière, il ne va pas profiter des œufs et du lard. Alors, la médecin se cache les yeux d’une main, a un sourire et pose l’autre sur le bras de Violence.

    « Bouffe gratuite. »

    Et elle pense.
    Après les thérapies par électrochocs, ce sont d’autres souvenirs de chaos, de conflit et de cruauté qui viennent à l’esprit de la médecin. Cette expérience interdite qui s’est transformée en chasse à l’homme, quand un collègue de son oncle a tenté d’élaborer un sérum pour devenir plus fort. L’odeur de sang qui imprégnait la pièce, les cris de douleur puis de délire du savant fou devenu un monstre. Le coup de scie à os dans le flanc, puis la poursuite dans la forêt. Son oncle Zayanderud qui siffle son ancien camarade comme un appelle un chien, les traces de sang dans la forêt. Puis les coups de masse pour avorter une bonne fois pour toute cette expérience tragique, cette erreur de parcours qu’on va vite enterrer dans la forêt. Le long nettoyage des fringues et des instruments, tout le sang séché à frotter avec de l’aspirine pour le faire partir.

    « Faut que tu manges toi aussi. »

    Et une fois qu’elle est à table, Nineveh aborde le vif du sujet.

    « Alors, tu as pu trouver ce que tu cherchais dans ce souterrain ? » Demande la médecin avant de mordre dans son lard.

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